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Question et méthode de recherche En quête de l’influence supposée

8.2 La préhistoire : de quoi parlons-nous ?

Parce qu’il concerne les fondements épistémologiques, scientifiques, sociaux et scolaires de la préhistoire, ce sous-chapitre est d’avantage conceptuel que méthodologique : c’est pour cela qu’il constitue un encadré spécial à l’intérieur de la méthode. Mais il était important de le réaliser ici pour complexifier le terrain d’investigation, parce que nous verrons que ce qu’est la préhistoire pour la science, la société et l’école, renvoie au rapport au savoir circulant dans chacun de ces niveaux de transposition didactique (Maury & Caillot, 2003). Au chapitre 8.3, nous comprendrons que ce qui aura été dit dans cet encadré colorera nettement la question de recherche, le terrain de récolte de données et notre focale d’analyse selon les savoirs formulés et les schémas de formulation de ces savoirs.

Deux réflexions théoriques majeures nous ont amenée à cet encadré. D’une part, les travaux didactiques et épistémologiques pour l’enseignement de la théorie de l’évolution à l’école montrent une tension entre darwinisme et créationnisme (Coquidé & Tirard, 2008 ; Fortin, 2009a, 2009b ; Orange, 2008a, 2008b) tout à fait intéressante pour notre recherche : cette tension entre savoir scientifique et croyance allait-elle être déterminante dans le rapport au savoir des enseignants primaires ? Quelles variations observerait-on ensuite dans les pratiques d’enseignement du sujet ou de l’objet préhistoire, suivant la manière déjà orientée dont on choisit de qualifier le contenu considéré ? D’autre part, nous voulions assumer les inquiétudes de Chevallard (2003) pour qui « le rapport aux savoirs devenait fondamentalement extrinsèque, parfois habilement occasionnaliste, voire cyniquement opportuniste, sans que jamais l’on s’interroge sur les raisons d’être propres, intrinsèques, fondatrices de tel ou tel savoir » (p. 20). Ce sous-chapitre est donc une sorte de détour conceptuel au sein-même d’une partie méthodologique qu’il doit pourtant contribuer à nourrir. Il fait ainsi état de la construction épistémologique, scientifique, sociale et scolaire de la préhistoire, afin de mieux établir la problématique du rapport que les enseignants (nous comprise) peuvent entretenir avec nos origines.

Il est intéressant de noter d’emblée que la préhistoire s’écrit le plus souvent avec une minuscule, alors que les autres périodes de l’histoire s’écrivent plus systématiquement avec une majuscule (Le Trésor de La langue Française, s.d. ; Perles, Stordeur, Rigaud, & Tixier, 2008). Cette différence pourrait paraître anodine, mais elle signe peut-être le caractère justement plus incertain, plus évanescent et moins stabilisé de cette thématique, tant au niveau scientifique que social ou scolaire. Est-ce parce qu’elle est par essence sans écrit, donc moins directement attestée que ce que l’on sait de l’Antiquité, du Moyen Age ou de la Renaissance ? Ou parce qu’elle concerne des périodes trop lointaines ? À noter que dans les différents plans d’études en vigueur à Genève, depuis 2007 en tout cas, la « Préhistoire » s’écrit avec une majuscule au même titre que l’Antiquité ou le Moyen Age (Département de l’instruction publique, 2007 ; Plan d’études romand, 2010-2016).

Au sein de la société occidentale, pour le sens commun, la préhistoire est la période qui précède l’histoire, mais elle relève de conceptions diverses selon les domaines. Dans certaines visions, elle commence il y a 4,5 milliards d’années, avec la naissance de la Terre, voire même de l’Univers avec le Big Bang. Dans d’autres, elle commencerait avec l’apparition de la vie, il y a quelques 3,5 milliards d’années, ou encore avec les premiers hominidés (Picq, 2005). Quand commence-t-elle, qu’étudie-t-elle exactement ? D’où vient sa propre histoire ? La question n’est pas aisée, tant l’ère préhistorique fait partie à la fois des énigmes scientifiques tenaces et de la culture générale, est source de croyances et d’idéologies, et est passablement travestie dans les médias. Il n’existe pas un savoir préhistorique unique et une science unifiée capables d’expliquer cette période. Sa naissance et son statut sont objets de

controverses. Ils annoncent d’emblée sa place plus tard hésitante dans l’enseignement, en tant que discipline académique et scolaire.

Selon Semonsut (2009, s.d.a) et De Carlos (2015) les savoirs et les représentations sur la préhistoire sont le résultat de trois « logiques » de transposition : (1) une logique

« scientifique », propre à des approches anthropologiques, géologiques, paléontologiques, archéologiques, paléoanthropologiques, philosophiques, théologiques, génétiques, biologiques, zoologiques ou encore éthologiques (Perles et al. 2008 ; Picq, 1999/2002/2005) ; comme en histoire, l’interprétation des faits bruts par la diversité des regards fait qu’il n’existe pas un seul savoir savant (Audigier et al., 1994) ; (2) une logique « fictionnelle », celle des médias et des arts ; (3) une logique « didactique », celle des concepteurs de curricula et des manuels (phase 1) et des enseignants (phase 2), elle-même empreinte des deux premières logiques (Chevallard, 1985 ; Perrenoud, 1986, 1998a ; Verret, 1975 ; Vincent, 2015a). Ces différentes logiques de transposition transforment la « réalité » de la préhistoire et les savoirs savants qui lui sont relatifs pour les adapter aux publics concernés. Ces transformations dépendent non seulement du contexte historique, social et politique dans lequel s’inscrivent les acteurs qui les opèrent, mais aussi de leur habitus, donc de leur rapport personnel à la préhistoire et aux savoirs qu’elle regroupe.

Au niveau de la conception des programmes, Caillot (1996) explique que la place de certains types de savoirs scolaires dépend de deux aspects : premièrement, du rapport au monde et au savoir des chercheurs rattachés aux disciplines scientifiques de référence (il n’est pas le même pour des physiciens ou des chimistes, par exemple) ; deuxièmement, de la valeur et de l’utilité de ces disciplines dans l’économie et la société. On pourrait poser le problème en ces termes pour la préhistoire : quel rapport au monde et au savoir dominent, chez les scientifiques se préoccupant de cette thématique ? Au-delà des enseignants primaires, quel est le rapport à la préhistoire du reste de la société ? Nous avons vu que lorsque les enseignants primaires se réfèrent aux savoirs savants, le souci de ne pas dire le faux se substitue souvent à la possibilité d’interpréter les faits historiques dans leur complexité (Audigier et al., 1994). Si la préhistoire est une discipline en débat, le sens donné aux savoirs par les enseignants, donc leur rapport aux savoirs sur la préhistoire, aura un impact sur leur manière de transposer ces savoirs. Allieu (1995) souligne d’ailleurs le manque de recherches à ce sujet, en histoire particulièrement. De Carlos (2015) étudie cependant les représentations sociales sur la préhistoire d’élèves du primaire en France : il montre entre autres un saut épistémologique entre le savoir scientifique sur la préhistoire et ceux qui circulent dans les manuels scolaires, ces derniers étant plus influencés par les représentations issues des médias que par les savoirs savants. Au bout de cette chaîne, les élèves se construisent donc des représentations parfois éloignées des concepts centraux de la préhistoire (comme l’évolution ou la chronologie des grandes ères par exemple).

Quels savoirs, quelles croyances, quelles idéologies ont circulé ou circulent dans la pensée scientifique, sociale, politique ou pédagogique, en particulier en Suisse et/ou à Genève, à propos de la préhistoire ? Quelle place les théories créationnistes et/ou darwiniennes occupent-elles dans les milieux scientifiques et scolaires ? Comment ces controverses sont-elles présentes chez les professeurs du primaire ou du secondaire devant aborder la préhistoire, avec l’obligation ou non d’enseigner la théorie darwinienne de l’évolution ? Avant de nous lancer dans l’observation des pratiques, nous devons prendre le temps de voir, en trois temps, quel est le statut de la préhistoire pour respectivement la science, la société et l’école dans notre contexte d’étude.

8.2.1 La préhistoire pour la science, ou la lutte entre savoir et croyance

Actuellement, la préhistoire, comme l’histoire, est à la fois une science et la période que celle-ci étudie. Mais, comme nous venons de le voir, à la différence peut-être de l’histoire, l’épistémologie de cette discipline est structurée par d’autres épistémologies, comme celle de la géologie ou encore de la biologie, dont les savoirs savants provenant des théories évolutionnistes sont par exemple constitutifs. D’une manière générale, on peut dire que l’étude de la préhistoire se nourrit actuellement d’approches variées et en même temps très spécialisées. Tant les chercheurs inscrits en sciences de la nature (biologistes, botanistes, paléobiologistes, géologues, etc.) que ceux issus des sciences humaines et sociales (archéologues, anthropologues, paléoanthroplogues, historiens, préhistoriens, etc.) s’occupent de la préhistoire. Cette situation à la fois riche et complexe a une histoire qui a commencé aux environs du 17ème siècle, du moins en Europe, déjà au croisement des sciences de la nature et des sciences de l’humain.

Comprendre le monde façonné par la main de Dieu, tels sont les buts poursuivis par les savants du 16ème et 17ème siècle (Picq, 2005). Les ressemblances troublantes entre les premières études de chimpanzés et l’homme sont attribuées à la volonté divine. Elles stigmatisent les chimpanzés considérés comme des Homo troglodytes (homme des cavernes), plus brutes qu’Homo sapiens, sage et civilisé. Au milieu du 18ème siècle, le scientifique Buffon publie son Histoire naturelle en 1749, ensemble de descriptions des espèces connues de l’époque, plaçant toujours le singe loin de l’homme. Ses travaux annoncent néanmoins des transitions importantes dans notre vision du monde, passant de l’idée d’une nature immuable à celle de sa transformation continue. Émergent par là-même de nouveaux courants de pensée : le transformisme qui estime que les espèces se transforment et se perfectionnent avec le temps ; le catastrophisme pour qui les strates géologiques indiquent que la faune et la flore se renouvellent entièrement après des périodes de catastrophes majeures, mais qu’elles restent fixes dans les intervalles. Des disciplines scientifiques naissent également, comme la paléontologie (étude des fossiles), l’anthropologie et la géologie (Picq, op.cit.). L’essor de cette dernière – avec les collectes de minéraux, les explorations de mines et les découvertes des traces de vie pétrifiées – sera particulièrement fort. Il substituera le Temps à Dieu comme grand ouvrier de la création. Les premières confrontations avec les théories bibliques de la Création commencent à ce moment.

Vers la fin du 18ème siècle, au cœur de la déstabilisation de l’ordre divin par des idées et des systèmes politiques guidés par la liberté et les progrès de l’humanité, les controverses entre les idées transformistes de Jean-Baptiste Lamarck et catastrophistes de Cuvier donnent vie à des nouvelles approches scientifiques des espèces et de leur évolution. En 1859, la parution de l’Origine des espèces du biologiste Charles Darwin (1809-1882) pose la question des mécanismes de transformation des espèces et développe le principe de la sélection naturelle, selon lequel ce sont les espèces les plus aptes qui survivent. Les principes développés dans cet ouvrage sont dénués de toute idée théologique ou philosophique : (1) à chaque nouvelle génération d’une espèce, il naît trop d’individus par rapport aux ressources disponibles dans l’environnement ; (2) se développe ainsi une compétition entre les individus pour l’accès à ces ressources, seuls ceux qui possèdent les caractères les plus avantageux pouvant faire face aux difficultés d’adaptation et survivre ; (3) si les caractères avantageux sont héréditaires, alors ils se transmettent d’une génération à l’autre (Picq, 2005, p. 35). Pour Darwin, et contrairement aux interprétations abusives de sa thèse, la sélection naturelle n’est pas une théorie justifiant la domination de l’homme sur d’autres espèces ou sur son prochain (Picq, op.cit. ; Tort, 2008). Le « darwinisme social » développé par Spencer (1820-1903) est au contraire une aberration scientifique, qui a fortement structuré l’idéologie victorienne de concurrence sociale entre les individus, selon le principe d’une élimination des moins aptes

(Tort, op.cit.). Lamarck gardera l’idée d’une généalogie des espèces évoluant de manière parallèle, alors que Darwin proposera un concept généalogique en arbre, les espèces ayant donc des ancêtres communs.

Plusieurs auteurs s’intéressant à la place passée ou actuelle de la théorie de l’évolution dans la pensée scientifique, religieuse, sociale et pédagogique, montrent qu’elle est à la fois acquise et devenue un paradigme de pensée dans certains milieux scientifiques et pédagogiques. Mais elle reste encore controversée par d’autres thèses, soit scientifiques, soit scientifico-spirituelles ou clairement religieuses (De Carlos, 2015 ; Orange 2008a ; Tort, 2008 ; Wolf &

Delaye, 2015). Ces dernières utilisent la théorie de Darwin pour répondre aux questions portant sur l’origine de l’humanité, en la réinterprétant à leur avantage et en la transformant, tout en s’opposant à une pensée strictement positiviste et scientifique. Créationnisme, fixisme, finalisme, théologie naturelle, providentialisme, Intelligent Design : toutes ces doctrines ont pour socle commun l’idée que la création de l’homme ne s’est pas faite toute seule, mais selon un Grand Architecte divin qui avait un plan pour le développement de l’humanité. En d’autres termes, bien qu’elles se défendent en admettant l’idée d’une évolution (via le modèle du plan), elles s’opposent clairement à la découverte de Darwin pour qui l’évolution des espèces est non prévue, sans ordre et sans architecte, petit ou grand.

De son côté, la science de la préhistoire prend déjà naissance au milieu du 18ème siècle en France, par les premières études d’outils retrouvés à côté d’ossements d’animaux disparus et celles des dessins pariétaux (Picq, 2005). La nature et le prestige de cette science sont dépendants des savants qui l’ont développée, tous s’inspirant des théories d’autres spécialiste (géologues, biologistes). De Jacques Boucher de Perthes (1788-1868) à Yves Coppens actuellement, en passant par Henri Breuil (1877-1961), Denis Peyrony (1869-1954) ou encore Jean Clottes aujourd’hui, les préhistoriens sont issus de disciplines diverses mais scientifiquement portées vers la question des origines. Certains, comme Boucher de Perthes ou Clottes, sont devenus préhistoriens alors qu’ils viennent d’autres approches. Le préhistorien des débuts est ainsi particulièrement isolé, tant par son origine professionnelle que par ses méthodes, plutôt artisanales et collectionneuses d’objets, par passion pour un passé sans vestiges prestigieux, donc apparemment peu séduisant (Semonsut, s.d.b).

En 1849 et 1864, Boucher de Perthes présente à l’Académie des sciences de Paris son ouvrage Les antiquités celtiques et antédiluviennes qui est à chaque fois refusé. Son travail est essentiellement fondé sur des découvertes effectuées dans les terrasses de la Somme (France) sur des outils en silex, retrouvés aux côtés de restes de mammouths et de rhinocéros (Picq, op.cit). En 1859, des savants anglais (géologues, stratigraphes, archéologues et paléontologues) authentifient ses fouilles. En 1865, John Lubbock consacre le terme de

« préhistoire », avec son ouvrage Pre-Hostoric Times, dans lequel il définit ce que Boucher de Perthes nommait « l’antédiluvien » comme « l’âge de la pierre taillée » ou

« paléolithique », et ce qu’il nommait « le celtique » comme « l’âge de la pierre polie » ou

« néolithique » (op.cit.).

Ainsi, en tant que science, la préhistoire s’intéresse clairement à l’évolution de l’homme et non aux origines de la Terre ou de la vie, bien qu’elle en utilise certaines approches. Pour étudier les restes préhistoriques, les scientifiques travaillent à des niveaux différents : aux biologistes et aux généticiens, la compréhension de l’évolution de l’homme et de ses liens avec nos ancêtres ; aux anthropologues et aux paléoanthropologues, l’étude des ossements, de la faune et de la flore contemporaine des hominidés pour reconstituer leur arbre généalogique ; aux préhistoriens enfin, l’étude de la culture et des modes de vie de l’homme préhistorique par l’examen des outils et des représentations artistiques associés à une activité

Pour notre travail, et notamment parce que le document pédagogique officiel genevois de l’époque de notre récolte de données (2009-2010) considère la préhistoire comme la période allant du Big-Bang à l’invention de l’écriture (Préhistoire, 1998/2001), nous considérerons la paléontologie et la paléoanthropologie comme les sciences et les disciplines fédératrices de la préhistoire. Aussi nommerons-nous les savoirs ciblés dans nos données : savoirs paléontologiques et/ou paléoanthropologiques. En effet, la paléontologie désigne « l’étude des êtres qui ont vécu à la surface du globe terrestre avant les temps actuels […] et comprend la paléontologie animale ou paléozoologie [...] et la paléontologie végétale » (Piveteau & De Weber, 2008, p. 136). Par extension et par analogie, la paléontologie humaine (ou paléoanthropologie) étudie l’origine de l’ère humaine. « Elle a d’abord porté son effort sur la recherche de l’ascendance animale de l’homme. Mais en se limitant à cette seule perspective, on ne saisit qu’un aspect du phénomène humain. Désormais, c’est la totalité de celui-ci que l’on veut connaître, et sa caractéristique la plus évidente est l’intelligence » (ibid., p. 143).

Pour conclure, la science préhistorique s’occupe actuellement d’étudier l’homme avant l’apparition de l’écriture. En tant que période historique, soit elle commence à l’apparition des premiers hominidés, il y a environ 7 millions d’années, soit elle débute avec l’apparition des premiers représentants retrouvés de l’espèce Homo et des premiers outils, il y a environ 2,5 millions d’années (Hominidés.com, s.d. ; Picq, 2005). Cela ne préjuge pas du fait qu’à l’école, comme dans la société, la préhistoire peut renvoyer à un imaginaire remontant aux premiers âges de la vie, voire de la matière inanimée.

8.2.2 La préhistoire pour la société, ou l’imaginaire des origines

Toute notre représentation de la préhistoire n’est qu’une reconstruction de la réalité (Semonsut, 2013). L’interprétation des vestiges, par la recherche scientifique puis par la restitution de ses résultats, la transforme déjà. Suivront ensuite les transpositions fictionnelles (celles des médias) ou encore didactiques (celles de l’école), qui donneront à la préhistoire et aux savoirs qui lui sont relatifs une forme particulière pour le public, mais qui ne sont pas la préhistoire.

La transposition fictionnelle commence avec celle de la science à la société. Dans ce cadre, et pour compléter notre démarche principale d’observation des pratiques d’enseignement de la préhistoire, nous avons demandé à des scientifiques genevois comment, où, pour qui et pour quelles raisons ils restituaient des savoirs paléoanthroplogiques à la société (Vincent, 2011).

Deux chercheurs-médiateurs au Museum d’histoire naturelle de Genève, l’un archéozoologue (spécialiste des relations passées entre l’homme et l’animal, procédant par analyse des restes fauniques retrouvés en contexte archéologique), l’autre chercheuse en génétique des populations et spécialiste de la communication scientifique, ont entre autres été interrogés.

Tous deux pratiquaient la communication muséographique sur la préhistoire, à destination du grand public et des écoles. L’analyse de leurs propos a permis d’identifier cinq de leurs principales motivations, renvoyant au rapport qu’ils entretenaient avec la thématique, mais aussi et surtout avec les savoirs paléoanthropologiques : (1) il est important de restituer les résultats produits par la science pour déplacer les représentations du public ; (2) il est important de restituer les processus scientifiques de production de savoirs scientifiques ; (3) il est important de populariser la science ; (4) il est important d’inverser le mouvement et d’inciter la science à s’intéresser au public ; (5) plus prosaïquement, il est important de partager les savoirs et de sortir de l’élitisme scientifique (ibid.).

Ce détour par les enjeux de la médiation scientifique nous a appris que les raisons de restituer des savoirs à la société n’étaient peut-être finalement pas si éloignées de celles que pourrait

éprouver un enseignant lors de l’enseignement de la préhistoire en classe. Elles se situaient en effet au cœur de deux grandes tensions entre : (1) utiliser la science pour expliquer les origines du monde et faire prendre conscience des limites de ce pouvoir scientifique ; (2) intéresser le public à la science et intéresser la science au public. Pour un enseignant, on peut imaginer des tensions similaires, sans doute liées à la tension déjà évoquée entre formalisation et finalisation du savoir : (1) entre valoriser le savoir et montrer ses limites ; (2) entre intéresser les élèves à son enseignement et s’intéresser lui-même à leurs motivations et leurs représentations (De Carlos, 2015).

Pour Semonsut (2009), en parallèle de la médiation culturelle, les représentations actuelles de la préhistoire au sein d’une société dépendent des types de médias qui la véhiculent, eux-mêmes dépendant du contexte scientifique, social, politique et culturel dans lequel ils évoluent. Parlant du contexte français, l’auteur montre comment la manière dont des vecteurs comme la littérature, la bande dessinée ou encore le cinéma montrent la préhistoire depuis les

Pour Semonsut (2009), en parallèle de la médiation culturelle, les représentations actuelles de la préhistoire au sein d’une société dépendent des types de médias qui la véhiculent, eux-mêmes dépendant du contexte scientifique, social, politique et culturel dans lequel ils évoluent. Parlant du contexte français, l’auteur montre comment la manière dont des vecteurs comme la littérature, la bande dessinée ou encore le cinéma montrent la préhistoire depuis les