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En Europe, la question de la réussite ou de l’échec scolaire et, partant, des inégalités d’apprentissage à l’école, occupe les sciences de l’éducation depuis plusieurs décennies (Crahay, 2003 ; Isambert-Jamati, 1992 ; Hutmacher, 1992). Avec la massification de l’enseignement dès la fin du 19ème siècle, et surtout avec la démocratisation des études après la Seconde Guerre mondiale, les notions d’échec et de réussite scolaire sont devenues respectivement un souci et un idéal dans les systèmes éducatifs (Hutmacher, 1992).

Cette évolution des conceptions de l’individu scolarisé, donc des représentations de ce que doit apprendre et devenir un être humain, est le fruit de processus fort complexes (Durkheim, 1938 ; Crahay, 2000). Sans pouvoir retracer ici les détails de cette évolution, retenons que l’école moderne s’enracine dans des conceptions philosophiques et religieuses qui se sont enchaînées historiquement, mais dont le mouvement général obéit à l’idée d’un accès au savoir progressivement ouvert à un maximum d’individus. Dans cette optique, faire

pu produire de la réussite scolaire que son envers : des difficultés et des échecs de moins en moins tolérés, mais aussi de plus en plus tenaces aux endroits où une intolérance de façade cache des pratiques plutôt fatalistes en réalité (Baudelot & Establet, 2009 ; Dubet, Duru-Bellat & Vérétout, 2010).

Ce paradoxe peut s’expliquer de deux manières. D’une part, l’histoire des idées pédagogiques montre comment les finalités éducatives sont passées de l’apprenant-objet qu’il fallait former sur le modèle de l’élite (religieuse et/ou aristocratique), à celle de l’élève-sujet qui, par le savoir, s’émancipe et accède à la pensée critique. D’autre part, l’école contemporaine est aujourd’hui sommée de préparer tous les individus humains à devenir des sujets, c’est-à-dire

« à construire l’unité de leur vie à travers des changements professionnels et économiques, à défendre leur liberté contre la répression, le conformisme et les propagandes, à reconnaître aux autres comme à eux-mêmes le droit d’être un sujet, un acteur de sa propre expérience » (Touraine, 1995, p. 143). À un tel niveau d’ambition, les États ne peuvent plus se contenter de reproduire (ni même de grossir) des élites triées sur le volet : les savoirs et les compétences en littératie sont devenus la condition d’une vie digne et d’un exercice autonome de la citoyenneté.

Pour former les gens dans ce dessein, leur croyance en la « fiction de l’égalité des chances » (Dubet, 2004, p. 36) est donc nécessaire. Cette adhésion à l’idéal normatif postulant que tout individu a le droit de devenir un sujet, donc d’acquérir des savoirs lui permettant de prendre sa vie en main correctement, constitue en réalité un principe ambigu : d’un côté, l’école doit lutter pour l’égalité des chances de devenir un sujet, mais en même temps, cette lutte fait de l’inégalité des mérites son moteur principal. Tout cela pèse bien sûr sur les pratiques pédagogiques.

Ainsi, l’école contemporaine est construite sur le principe latent que les sujets préfèrent au fond l’inégalité, parce que la compétition entre les élèves ne se réduit pas (ou plus) à des problèmes de résultats, mais qu’elle implique carrément des possibilités variables de se réaliser en tant que sujet. La fiction de l’égalité des chances est nécessaire pour que le jeu soit jugé équitable, même si elle peut produire en arrière-fond des rapports subjectivement conflictuels ou traumatiques à l’école et au savoir (Berdot & Blanchard-Laville, 1996 ; Charlot, Bautier & Rochex, 1992). En réalité, l’école contemporaine « n’est plus cet îlot de justice formelle au sein d’une société inégalitaire ; elle engendre ses propres inégalités et ses propres exclusions » (Dubet, 1994, p. 171). Faisons donc d’abord un court détour historique et conceptuel par les préoccupations de l’école, pour montrer ensuite que ce qu’elle transmet n’a (plus) rien d’évident et peut toujours entretenir des inégalités.

1.1.1 Vers un peuple « sujet de lui-même »

Durant l’Antiquité, l’individu en formation – masculin et noble de préférence – est vu comme un être qu’il s’agit d’armer extérieurement et précisément de connaissances et d’habitudes comme outils d’action pour jouer le rôle social qui lui a été assigné. À ce titre, chaque connaissance et habitude est particulière et indépendante, à tel point qu’elle peut être enseignée de manière isolée par un maître spécialisé.

L’avènement du christianisme entraîne une modification radicale de l’éducation et de la socialisation des individus jusqu’au 18ème siècle, dans la mesure où l’enjeu est d’atteindre, puis de former l’état profond de l’être sans s’en tenir à un « ornement » de l’esprit au moyen d’idées et d’habitudes. L’enseignement chrétien consiste donc essentiellement à construire chez les individus « une disposition générale de l’esprit et de la volonté qui lui fasse voir les

choses en général sous un jour déterminé, [...] une attitude de l’âme, un certain habitus de notre être moral » (Durkheim cité par Crahay, 2000, pp. 13-14). Cette conception s’accommodant bien d’une conception aristocratique de la société, elle est réservée à une minorité, mais la tendance s’inverse avec les idées de la Réforme, qui veut donner à tous l’accès à la lecture de la Bible, dans l’idée d’un rapport direct entre l’homme et Dieu.

Dès le 18ème siècle, les idées des Lumières sont décisives du point de vue de l’éducation pour tous : elles forment le projet plus ambitieux d’atteindre l’égalité de l’accès au savoir.

Poursuivant un dessein démocratique, la conception centrale de cette époque est que l’autonomie et le libre-arbitre ne peuvent naître et s’épanouir qu’en s’écartant de l’enseignement religieux. La pensée humaine, les sociétés qu’elle fonde, le monde en général, deviennent intelligibles et perfectibles par l’usage de la raison. L’école s’institutionnalise et se démocratise pour « rendre la raison savante populaire » (Crahay, 2000, p. 16). Elle tente de combiner le projet chrétien personnaliste (former les gens dans la totalité de leur personne) et celui des Lumières (hominiser et éduquer la personne en rupture avec les croyances religieuses, mais aussi familiales et culturelles, pour qu’elle approche le monde et la vie de façon rationnelle). C’est la naissance de l’école de la modernité, où l’enjeu est de devenir un sujet critique et réflexif vis-à-vis de soi et du monde, et non le simple objet d’une socialisation justifiée par la tradition (Touraine, 1995).

Depuis cette première rupture philosophique entre religion et raison (Touraine &

Khosrokhavar, 2000), la volonté scolaire et sociale de former les individus à « faire œuvre d’eux-mêmes » (Pestalozzi, cité par Soëtard, 1994, p. 4) s’est développée au cours des siècles pour prendre diverses formes, toujours en tension entre des intérêts individuels et sociaux difficiles à concilier. Veiller sur soi et vivre avec les autres peuvent sembler deux injonctions symétriques, mais elles justifient toutes les deux l’accès de chaque sujet à des connaissances étendues et à des compétences permettant d’en faire usage en situation.

À la fois cause et conséquence de ce mouvement de fond, l’école a vu les savoirs qu’elle doit enseigner évoluer au cours du temps, pour se concentrer aujourd’hui sur la formation du sujet au cœur d’une société mondialisée, éclatée et interconnectée, en équilibre plus ou moins stable entre des visées individuelles et collectives. Dans ce contexte incertain, où les valeurs, les croyances, mais aussi les savoirs et les pratiques humaines se diversifient à l’extrême et perdent de leur unicité et de leur vérité, où tout se discute et doit se discuter pour exister (Habermas, 1991), l’entreprise paradoxale de socialisation des subjectivités assignée à l’école ne peut que se complexifier. À Genève, la loi sur l’instruction publique illustre localement ce paradoxe.

L’enseignement public a pour but, dans le respect de la personnalité de chacun : a) de donner à chaque élève le moyen d’acquérir les meilleurs connaissances dans la perspective de ses activités futures et de chercher à susciter chez lui le désir permanent d’apprendre et de se former ; b) d’aider chaque élève à développer de manière équilibrée sa personnalité, sa créativité, ainsi que ses aptitudes intellectuelles, manuelles, physiques et artistiques [...] ; d) de préparer chacun à participer à la vie sociale, culturelle, civique, politique et économique du pays, en affermissant le sens des responsabilités, la faculté de discernement et l’indépendance de jugement ; e) de rendre chaque élève progressivement conscient de son appartenance au monde qui l’entoure, en éveillant en lui le respect d’autrui, l’esprit de solidarité et de coopération [...] » (Objectifs de l’école publique, article 4, 1977).

Tous les savoirs sont peut-être a priori libérateurs pour une entreprise laïque et humaniste telle que l’école d’aujourd’hui, mais cela ne les empêche pas d’être potentiellement

discernement et leur indépendance de jugement par exemple, comment faire en sorte que ces facultés n’entrent pas en conflit avec la conscience d’appartenir à une culture commune et le souci de respecter l’indépendance de jugement d’autrui ? Et si les enseignés doivent devenir maîtres d’eux-mêmes et donc de plus en plus experts, où et comment se situent désormais le rôle et l’expertise de l’enseignant ? Se vivre soi-même avec les autres serait devenu la tension constitutive de l’école contemporaine : ce projet a certes le soutien d’une partie de la population, mais la recherche et l’expérience des enseignants montrent qu’il peut mettre les élèves des classes populaires (moins enclins à la revendication de soi et à la libre expression) en porte-à-faux.

1.1.2 Entre libération et normalisation

Le temps de l’optimisme est donc passé. L’école est certes toujours conçue comme une institution capable d’instruire à large échelle, mais sa double fonction de libération et de normalisation est trop évidente désormais pour inciter les acteurs, quels qu’ils soient, à la naïveté. Pour Durkheim (1922/1995), dès la première moitié du 20ème siècle, l’éducation produit et même reproduit la société en transmettant d’abord des normes et des valeurs par vocation inquestionnées.

L’éducation est l’action exercée par les générations adultes sur celles qui ne sont pas encore mûres pour la vie sociale. Elle a pour objet de susciter et de développer chez l’enfant un certain nombre d’états physiques, intellectuels et moraux que réclament de lui, et la société politique dans son ensemble, et le milieu spécial auquel il est particulièrement destiné. [] Il résulte de la définition qui précède que l’éducation consiste en une socialisation méthodique de la jeune génération (Durkheim, cité par Filloux, 1993, p. 3).

Au niveau de ce que les élèves doivent apprendre dans cette optique, l’école cherche à se distancier de la socialisation primaire pratiquée dans le cadre familial pour imposer une socialisation secondaire, plus universelle, donc contestant les croyances au moyen de savoirs opposables et attestables collectivement (Berger & Luckman, 1966/2006).

Dans ce contexte, et pour dépasser la socialisation primaire, l’école devrait enseigner à la fois des savoirs que Durkheim nomme « éducationnels », visant à former l’individu par rapport aux normes et valeurs sociales, et des savoirs « d’instruction », dans la mesure où elle doit amener la personne à acquérir des savoirs sur le monde. Le sociologue montre dans quelle mesure ces savoirs sont le reflet de la structure, mais aussi des principes philosophiques et culturels d’une société donnée à une époque donnée (son idéologie dominante). Par exemple, le but de l’école de la première moitié du 20ème siècle – qui préfigure d’ailleurs celui de l’école d’aujourd’hui – est de former des « rationalistes d’un genre nouveau » (Durkheim, cité par Filloux, op.cit., p. 10), qui feront face à la complexité de l’homme et du monde.

Ainsi, l’école de cette époque combine-t-elle moins en réalité les deux types de savoirs qu’elle n’est le lieu de la subjectivation contre la socialisation primaire.

Notre but doit être de faire de chacun de nos élèves non un savant intégral, mais une raison complète… Aujourd’hui, nous devons rester des cartésiens en ce sens qu’il nous faut former des

« rationalistes », c’est-à-dire des hommes qui tiennent à voir clair dans leurs idées, mais des rationalistes d’un genre nouveau, qui sachent que les choses soit humaines, soit physiques, sont d’une complexité irréductible, et qui pourtant sachent regarder en face et sans défaillance cette complexité (Durkheim, cité par Filloux, 1993, p. 10).

Plus tard au 20ème siècle, dans la suite des réflexions sur ce que produit et reproduit l’école, mais en adoptant un regard sociologique nouveau, Bourdieu et Passeron (1964/1985), puis Bourdieu et Boltanski (2008), dénoncent la domination de la pensée scholastique et montrent comment elle favorise ses héritiers de manière partiellement cachée. Bourdieu analyse la rupture entre l’école et les classes populaires en la mettant sur le compte d’une séparation hermétique entre le rapport savant et le rapport ordinaire au monde.

Le savant qui ne sait ce qui le définit en tant que savant, c’est-à-dire “le point de vue scolastique”

s’expose à mettre dans la tête des agents sa propre vision scolastique ; à imputer à son objet ce qui appartient à la manière de l’appréhender, au mode de connaissance. [] On pourrait dire, en s’appuyant sur Vygotski, que la skholè est ce qui permet de passer de la maîtrise primaire du langage à une maîtrise secondaire ; d’accéder au méta-discours sur la pratique du discours. Le paralogisme scolastique, scholastic fallacy, consiste à mettre du méta-discours au principe du discours, du méta-pratique au principe des pratiques » (Bourdieu, 1994, p. 219).

Dans le registre scolaire autant qu’académique (les deux étant liés au niveau de la transposition du savoir savant en savoir scolaire), on pourrait dire que les enseignants sont comme les savants : ils distillent un « point de vue scolastique », c’est-à-dire celui de l’école.

Ce point de vue est la plupart du temps, soit hérité, soit constitué dans des formations académiques et pédagogiques participant à la construction et à la répétition d’une culture scolaire plus ou moins élitiste. Les études de Bourdieu et Passeron (op.cit.), et dans une large mesure les analyses critiques du système scolaire, veulent dénoncer les mécanismes qui peuvent contribuer à la reproduction des inégalités scolaires et sociales, plutôt que proposer de nouvelles visées pour l’école.

En ce qui concerne l’école contemporaine, Crahay (2000) s’appuie sur les recherches de Dubet et Martuccelli (1996) pour se situer également dans un projet critique et réformateur. Il cible trois fonctions de l’institution scolaire, où la formation du sujet est devenue centrale : (1) la fonction éducative, qui doit amener l’individu vers une autre vie ; (2) la fonction socialisatrice, qui vise à produire des individus adaptés à leur société par l’intégration de ses normes, habitudes, valeurs et connaissances ; (3) la fonction distributive, qui répartit des savoirs et des pratiques ayant une valeur sur le marché du travail et dans la hiérarchie des positions sociales. L’auteur souligne la mutation actuelle de cette troisième fonction, où les enjeux éducatifs d’autrefois ont été remplacés par d’autres, marqués par un souci de rentabilité professionnelle et économique.

Dubet et Martucelli (1996) signalent de leur côté que c’est la nature même du mécanisme sélectif qui a changé dans le contexte de massification de l’enseignement au sein des sociétés modernes. Auparavant, l’attribution des places s’opérait en amont de l’entrée à l’école (par la position sociale à la naissance). Elle se réalise désormais en son sein, par l’intermédiaire d’une compétition centrée sur les performances.

Cette transformation ne signifie évidemment pas que la naissance ne « détermine » plus la carrière scolaire, mais que cette détermination passe maintenant par le biais des performances scolaires elles-mêmes. [] Cette compétition entraîne un mode de sélection par l’échec scolaire : on ne choisit plus que les formations que l’on peut choisir en fonction des performances réalisées et, surtout, on quitte moins le système en fonction de la qualification visée qu’en fonction du niveau d’incompétence atteint. Le durcissement de la compétition, qui est, après tout, le propre des sociétés démocratiques, n’est pas associé dans ce cas à une égalisation croissante des chances (pp.

40-41).

Perrenoud (1984) montre quant à lui combien et comment le jugement d’excellence que porte

qualités. Il montre que cette appréciation d’excellence est de plus en plus dominante dans l’ensemble de la société.

Tout groupe social engendre des normes d’excellence []. C’est à qui surpassera les autres, s’affirmera, dans un cercle restreint ou dans une vaste communauté, comme le meilleur, le plus intelligent, le plus cultivé [...]. Selon le degré auquel ils se rapprochent de l’excellence, les praticiens occupent une position plus ou moins enviable dans une hiérarchie d’excellence. Cette dernière s’établit informellement dès qu’une comparaison intuitive met en lumière d’inégales distances à la norme (p. 12).

Avant que les enseignants et l’école ne classent les élèves, ces derniers se comparent et se mesurent déjà entre eux à propos de leur maîtrise d’une même tâche, parce que cette comparaison est aussi valable dans tous les domaines de la société (professionnel, sportif, artistique, jusqu’aux activités les plus triviales de l’existence : élever un enfant, faire la cuisine, etc.). Dans le cadre d’une société régie par une logique méritocratique et compétitive, les enseignants « sont inéluctablement amenés à privilégier les questions discriminatives et à créer pour chaque épreuve une échelle – souvent artificielle – de valeurs qui, idéalement, débouchera sur une distribution gaussienne des notes » (Crahay, 2003, p. 121). Analysant la pratique du redoublement scolaire par comparaison internationale, l’auteur souligne le rôle de l’enseignant, de ses représentations et de ses pratiques d’évaluation dans la production de l’échec scolaire.

En s’appuyant notamment sur les travaux de Van Haecht (1985, 2006), Crahay met en lumière un paradoxe idéologique de l’école d’aujourd’hui. Alors que la démocratisation des études et la lutte contre les inégalités pourraient se réclamer, à la base, d’une « idéologie de la rédemption » (tous les élèves méritent d’être sauvés ; leurs résultats aux évaluations ne sont ni mauvais, ni bons ; l’intelligence se construit et ne peut s’évaluer une fois pour toute), la logique méritocratique et compétitive invoque plutôt, et selon Van Haecht, une « idéologie de la prédestination » : d’origine religieuse, l’idée prévaut qu’il y aurait, comme pour les croyants, des élèves « élus » dont l’intelligence serait due à leurs propriétés intrinsèques, innées et non modifiables.

1.1.3 Inégalités, modernité, complexité

« L’école du Sujet » (Touraine, 1995, p. 143) souhaitée par les sociétés d’aujourd’hui se veut donc émancipatrice dans ses visées officielles, dans les savoirs qu’elle prétend transmettre et dans les discours qui justifient son action. Mais par ce biais, elle entretient des processus plus ou moins complexes et inégalitaires d’accès à ces savoirs, autant au niveau macrosociologique (celui des systèmes scolaires basés sciemment ou non sur des normes d’excellence, par exemple) qu’au niveau microsociologique des pratiques enseignantes et du rapport des élèves à l’école et au savoir.

En écho aux propos de Morin (1977), Perrenoud (1996a) affirme que la complexité est à la base de la réalité humaine et de ses systèmes organisés, telle l’école d’aujourd’hui. Au cœur de leur pratique professionnelle, les enseignants doivent affronter – souvent dans l’urgence et l’incertitude – des contradictions et des dilemmes de fond, comme par exemple : (1) le tiraillement entre l’unité culturelle à laquelle l’école aspire et la diversité des modes de pensées et de pratiques ; (2) la tension entre des valeurs individualistes (où le culte de soi et du bonheur individuel sont primordiaux) et la préservation des traditions et des valeurs

auxquelles socialiser les jeunes générations ; (3) l’opposition entre la dépendance au maître et la prise d’autonomie dans une relation pédagogique fondamentalement asymétrique.

Ce ne sont là que quelques antagonismes contribuant à construire une réalité scolaire où les dilemmes pédagogiques et didactiques, mais aussi moraux, philosophiques ou éthiques, se posent de manière de plus en plus éprouvante aux acteurs de l’école contemporaine.

Il n’est plus possible de croire, la main sur le cœur, que « plus d’école », c’est nécessairement plus de compétence et de sagesse pour tous. Le doute est désormais au centre du débat et les mesures précises de l’efficacité des systèmes éducatifs ne suffiront pas à le neutraliser, car les modèles dont la scolarisation est solidaire sont en crise : modèles de développement économique, de

Il n’est plus possible de croire, la main sur le cœur, que « plus d’école », c’est nécessairement plus de compétence et de sagesse pour tous. Le doute est désormais au centre du débat et les mesures précises de l’efficacité des systèmes éducatifs ne suffiront pas à le neutraliser, car les modèles dont la scolarisation est solidaire sont en crise : modèles de développement économique, de