• Aucun résultat trouvé

La référence aux objets antiques constitue indéniablement une des caractéristiques des romans de BOSCO, Jean BAUDRIALLARD évoque « Les objets singuliers, baroques,

folkloriques, exotiques, anciens. Ils semblent contredire aux exigences de calcul fonctionnel pour répondre à un vœu d’un autre ordre : témoignage, souvenir, nostalgie, évasion »350. Bien évidemment, le personnage décrit des pièces dont il n’est pas propriétaire, les considérant sous un angle extérieur et il donne l’impression que le fait de se retrouver dans un lieu émaillé d’antiquités ne l’incommode guère.

Dans une perspective comparable à Hyacinthe, nous pouvons lire une description fort évocatrice : « Cette réserve, si sensible au milieu des ténèbres, d’une

vieille maison, dure et secrète »351. Ainsi, le personnage précise : « Partout, dans ces

vieilles allées »352. Ou encore : « C’était une vieille, une très vieille figure d’homme »353.

349

Henri BOSCO, Malicroix, Op.cit., p. 253.

350Jean BAUDRILLARD, Le Système des objets, Gallimard, Tel, France, 1991, p. 103. 351Henri BOSCO, Hyacinthe, Op.cit., p. 45.

352Ibid., p. 58. 353

Quand le personnage principal de Malicroix décrit pour la première fois la maison où vivait son grand-oncle, le recours au lexique du décor antique demeure fréquent. Des séquences truffées de mots se rapportant à notre thème abonde dans le texte. Ainsi, le narrateur nous décrit un espace ancien où évolue son personnage354.

Le personnage d’Un Rameau de la nuit remarque que « Sur une table en marbre,

un vieux marbre veiné de bleu, qu’avaient adouci des années d’usure. Au plafond pendait une lampe à pétrole, en cuivre, avec sa coupole en porcelaine, entre quatre guirlandes de papier peint »355. A la faveur de cette description, le personnage visite une chambre dans un hôtel et, en la décrivant, il met en relief ses atours rustiques en employant des épithètes propres au lexique antique : « Vieux », « Des années d’usure », « Lampe à pétrole en cuivre» et « Papier peint ». A ce niveau, sans avoir recours à une lecture connotative, la citation est explicite et réhabilite la valeur antique que cette chambre recèle.

Dans le même roman, il importe de souligner une citation qui ne décrit pas un décor rustique mais évoque les aspects « Vieux » dans une simple communication, le personnage déclare : « Ce sont de vieilles habitudes que je n’aime pas contrarier […]. Il sentait le

papier sec, la poussière d’encre, la colle vieillie »356. Dans ce roman, les descriptions ne manquent pas notamment : « Etant vieille et polie par un très long usage, elle donne,

quand on s’accoude à son plateau, une sensation de bois plein qui inspire la paix et la confiance »357. Ou encore : « Le choc des roues sur le pavé […]. L’étendue liquide, nacrée,

souffrait à peine quelques rides »358.

Dans certaines descriptions, le narrateur n’emploie pas le mot « Vieux » ni son champ lexical, mais se contente de l’exprimer en recourant à la disposition des meubles, il

354

Séquences déjà citées lors du premier chapitre.

355Henri BOSCO, Un Rameau de la nuit, Op.cit., p. 27. 356Ibid., p. 44.

357Ibid., p. 45. 358

confie : « Des rideaux de velours, assortis au grenat du canapé »359. A ce niveau, nous sommes confronté à un assortiment qui renvoie de facto au style ancien. A ce titre, la séquence descriptive suivante en est l’illustration : « De beaux meubles anciens, […] des

perruques magistrales. Il y avait aussi des coffres archaïques […]. Tenture qui cachait une porte »360.

Le décor, rappelons-le, que l’auteur dépeint dans L’Enfant et la rivière ne s’accommode guère de la seule description d’une vieille maison, ni même d’un décor rustique, mais des effets personnels que sa tante dissimulait dans des valises. Cette découverte l’émerveille. Dans cette perspective, l’approche du champ lexical361 nous a permis de mettre en évidence une description qui emploie inévitablement des lexies fortement connotées par une thématique qui réhabilite les coutumes anciennes. Ces descriptions sous-entendent une mémoire, ainsi, ces lexies comportent en elles toute une histoire symbolique, un passé qui surgit avec ses souvenirs, Jean BAUDRILLARD explique : « L’objet ancien, c’est toujours, au sens fort du mot, un "portrait de

famille". C’est sous la forme concrète d’un objet, l’immémorialisation d’un être précédent, processus qui équivaut dans l’ordre imaginaire à une élision du temps »362. A quel impératif correspond l’emploi de cette récurrence ? Cela sous-entend-il que ses romans sont conventionnels ? Au contraire, la coutume de l’écriture de la modernité se réclame de l’emploi des objets antiques dans les descriptions. BAUDRILLARD avance qu’ « On peut

être tenté d’y voir une survivance de l’ordre traditionnel et symbolique. Mais ces objets, tous différents qu’ils sont, font partie eux aussi de la modernité, et prennent là leur double sens »363. Pour achever cette analyse, en agençant les séquences étudiées dans le premier et

359

Henri BOSCO, Un Rameau de la nuit, Op.cit., p. 153.

360Ibid., pp. 152-153.

361Nous avons démontré ce point lors du premier chapitre. 362Jean BAUDRILLARD, Le Système des objets, Op.cit., p. 106. 363

dans ce chapitre, nous concluons que ce discours truffé d’antiquités montre bien dans quelle catégorie nous pouvons classer les romans bosquiens. A cet effet, BOSCO a su développer un style moderne dans un cadre rustique.

Conclusion

Dans ce présent chapitre, nous avons évoqué et traité les différentes situations itératives exploitées dans nos six romans. Cette analyse s’est assignée pour objectif de décrypter la filiation des personnages. Nous avons pu établir que le personnage de BOSCO évolue dans une circularité romanesque. Les caractères des figurants ainsi que leur parenté se déploient dans tout notre corpus. Les retombées de ces multiples situations étudiées contribueront à l’analyse de notre objet de recherche, soit l’identité qui sera explorée dans la seconde partie de notre travail de recherche. Ainsi, ces récurrences, loin d’être insignifiantes, dévoileront divers aspects dissimulés de l’identité du personnage principal.

Ce chapitre nous a permis de découvrir la filiation. Ainsi, chaque famille a recours, dans une période donnée de sa vie, à l’évocation de l’héritage ancestral lequel unit, comme il peut désunir certaines familles. Néanmoins, l’héritier élu bénéficie non seulement de l’objet ayant appartenu autrefois au défunt, mais aussi d’un souvenir précieux de ce dernier qui accompagnera l’héritier éternellement. C’est précisément ce que nous développerons dans le quatrième chapitre.

QUATRIEME CHAPITRE