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3-2 La symbolique des couleurs

9- Le personnage féminin

Comme nous l’avons démontré précédemment, le protagoniste est solitaire. Néanmoins, il arrive qu’il soit en contact avec d’autres personnages féminins. Cet aspect nous semble important compte tenu de la spécificité de leur profil. Dans une interview parue dans Les Cahiers de Bosco, interrogé sur la place qu’occupe la femme dans son œuvre, BOSCO répond sans ambages : « La femme a une importance considérable, aussi

importante que celle de l’homme, quelques fois plus du reste »140. De ce fait, le rôle du personnage féminin dans l’œuvre de BOSCO est parfois même plus important ou plus imposant que celui de son pendant masculin. De la tante Philomène aux différentes apparitions féminines que nous aurons l’occasion d’évoquer, le personnage féminin jouit d’une présence singulière.

Le protagoniste est constamment confronté à des situations dramatiques quand il est en contact avec la gente féminine. En effet, dans notre corpus, il rencontre une femme mais la relation ne dure pas : soit cette relation est complexe ou alors complètement impossible à l’image d’Un Rameau de la nuit, dans lequel le protagoniste prend la place de son défunt oncle pour séduire la femme de ce dernier. Ce qui amène le personnage principal à s’interroger finalement sur l’authenticité des sentiments de celle-ci envers lui, s’il s’agit plutôt d’une simple projection dans l’image de son oncle :

« N’est-ce pas que c’est moi que vous aimez ? Elle demeura un moment immobile, puis souleva la tête. Je sentis ses bras me quitter ; son épaule fondit, ses hanches disparurent, et tout à coup je me retrouvai seul. Je tendis la main pour la ressaisir. Je ne rencontrai que le vide. Je l’appelai. Je le fis à voix basse, à cause de Mus. Rien ne me répondit. Je n’osai bouger. Mon genou toucha cependant la dalle contre laquelle je l’avais trouvée ; et soudain je compris. Je savais maintenant où j’étais. Une lucidité subite suppléait aux lumières voilées d’une nuit si étroitement close »141.

140 Les Cahiers de l’amitié Henri Bosco n°16, Université de Nice bibliothèque de l’Université Section-

Lettres, couverture de cul-de-lampe réalisé par Liliane Marco, 1978, p. 46.

141

Cette interrogation décrit l’amour impossible entre le protagoniste et le personnage féminin. En effet, dans ce roman, le personnage principal se retrouve dans la maison de son défunt oncle, et sa fiancée d’autrefois retrouvant à travers lui son ancien amour. Elle qui voyait dans ses yeux, les yeux de son oncle, et le soupirant croyait aveuglément qu’elle avait des sentiments pour lui. Cette découverte anéantit le protagoniste ahuri en réalisant que sa dulcinée est restée éperdument attachée à son oncle perdu.

Melchior, le protagoniste du roman Les Balesta, perd son amour, cette perte survient dans des conditions mystérieuses. Il vivait une relation parfaite et secrète avec elle quand une autre femme qui voulait se marier avec lui tenta de briser cette union. En la dénonçant, ses parents quittent le village et le personnage principal sombre dans une profonde mélancolie. Se retrouvant sans cet amour, il ne peut plus supporter cette situation contraignante.

Le narrateur témoigne que « La journée du lendemain fut si mauvaise que

Melchior, fiévreux, dut garder la chambre. […] Méjemirande142 visita Melchior, qui allait fort mal. Il lui prit le pouls. Le pouls lui parut exécrable »143. Face à cette nouvelle, le protagoniste n’a plus de force. Fébrile, il se retrouve immobilisé dans son lit en pleine dépression. Cet état l’exhorte à se fiancer avec une autre femme qui semble être diabolique. La sœur du personnage principal, en la voyant, l’a décrite :

« Ameline en effet, présente là par tout son corps qui était grand, précis, tangible, abolissait comme toujours cette présence par ce vide incompréhensible des yeux qui, au pire du drame, la transportait ailleurs. Ils ne laissaient sur terre que sa vaine forme, insensible aux menaces. C’était la deuxième fois qu’elle rencontrait Ameline, et aussi la deuxième fois qu’elle constatait ce néant limpide au fond de ces yeux. Plus tard, elle confiera à Méjemirande qu’Ameline, à ce moment-là, avait l’air d’une somnambule remontée par hasard de l’autre monde »144.

142Méjemirande est le meilleur ami du personnage principal Melchior, dans Les Balesta. 143Henri BOSCO, Les Balesta, Op.cit., pp. 102-104.

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Cette description nous donne des détails sur la personnalité d’Ameline. Ses yeux inspirent la méfiance et il semble même que son âme vienne de l’au-delà. En outre, même les menaces n’ont aucun impact sur elle, et Melchior était condamné à rester avec elle contre son gré. Autrement dit, ce protagoniste n’a point de chance avec les femmes et vers la fin de l’histoire il se retrouve seul.

En somme, nous avons l’exemple de Malicroix dans lequel une femme rentre en scène dans le but, du moins ce qu’en pense le personnage principal, de le soigner, de s’occuper de lui et le faire évader de l’île, notamment quand il mentionne : « Le beau

visage ne m’offre qu’un masque. Mais la main est légère à mon front, à ma face. Calme, de la pointe des doigts, elle effleure ma tempe, et descend en prenant la fièvre de ma face »145. Le personnage principal commence à l’apprécier, pour se rendre compte vers la fin qu’elle n’était pas sincère, que c’était juste de la manipulation. Comme le dit, à ce propos, le notaire : « La fille aussi a bien servi, ajouta-t-il, en levant sur oncle Rat son œil fauve. Il

manquait une fille à cette histoire. Le bon serviteur y était mais sans fille on n’arrive à rien »146.

Par contre, la fonction attribuée à la sœur du personnage consiste à le protéger. Une femme qui est toujours au petit soin de son petit frère, elle le défend et s’inquiète pour lui, parfois même, le lecteur a l’impression qu’elle est sa mère de substitution. Nous consacrerons à ce personnage atypique une partie dans le deuxième chapitre de cette partie.

Ainsi l’apparition de la femme dans l’écriture bosquienne s’opère sur le mode pathétique. Cette femme agrémente et bouleverse la vie du protagoniste et repart en lui laissant ses traces.

145Henri BOSCO, Malicroix, Op.cit., p. 243. 146

Conclusion

En guise de conclusion à ce chapitre, il est judicieux de poser qu’Henri BOSCO s’est attaché à décrire l’identité de chaque objet, chaque lieu, chaque personnage, tout en mettant en valeur sa filiation. L’auteur s’attache aux vraies valeurs de la vie, en l’occurrence la sacralité des liens familiaux. Dans ce chapitre, nous nous sommes attardé sur les relations qu’entretient le personnage avec sa famille. Les descriptions manifestes illustrent l’importance de cette relation. Dans certains romans, notamment Malicroix, Un

Rameau de la nuit ou encore Hyacinthe, le protagoniste est seul mais s’invente des

personnages et des présences.

Dans d’autres romans, à l’image de Sabinus et Les Balesta, l’auteur met en scène des personnages qui semblent être inspirés de l’imaginaire du romancier. Dans cette perspective, pour vaincre sa solitude, dans quelle mesure ce phénomène de recréation chez les personnages rappelle-t-il le roman familial ? Tel est l’objet du chapitre suivant au cours duquel la thèse de FREUD relative au roman familial pourrait s’appliquer sur notre corpus.

DEUXIEME CHAPITRE