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Dans notre corpus, le protagoniste n’est pas inerte. Il bouge, fugue et change de lieu. Cependant, nous ne pouvons pas considérer les romans de BOSCO comme des romans d’aventure ou des romans de voyage, pour la simple raison que le personnage principal ne part pas en voyage, à l’image du roman de Jules VERNE : Michel Strogoff251 que Michel RAIMOND considère comme « Voué, par nature, aux époques où l’aventure

est encore possible. Aller de Paris aux confins de la Sibérie orientale. C’est le thème d’un beau roman de Jules Verne »252. Ainsi selon BAKHTINE, dans le roman de voyage,

« Le héros est dépourvu de traits particuliers, et ce n’est pas sur sa personne que se concentre l’intérêt, mais sur les déplacements qu’il effectue dans l’espace : de ville en ville, de port en port, il explore la diversité géographique d’un monde d’ailleurs immobile, dépourvu de tout avenir »253.

Ainsi Michel RAIMOND partage le même postulat, puisque dans le roman d’aventure, « Il ne s’agit pas d’expliquer au lecteur le monde qu’il connaît, mais de lui

présenter des régions inconnues et lointaines »254. Comme nous l’avons expliqué dans

249Parents de Justine.

250Henri BOSCO, Les Balesta, Op.cit., p. 112. 251

Jules Verne, Michel Strogoff, Pierre-Jules Hetzel, Coll. Bibliothèque d’éducation et de récréation, France 1876, 512 p.

252Michel RAIMOND, Le Roman, Op.cit., p. 39. 253Ibid., p. 40.

254

cette partie, nous ne saurions classer notre corpus dans cette catégorie de romans dits de voyage, en l’absence du critère discriminatoire relatif à ce genre.

L’Enfant et la rivière met en scène un petit garçon dont les fugues sont fréquentes,

en quête de découverte et d’aventure, en dépit des mises en garde paternelles quant à la tentation d’approcher la rivière défendue ; mais le garçon déclarait : « La peur me soufflait

dans le dos, mais j’avais un désir violent de la connaître »255. L’enfant est attiré par la

rivière en permanence, il confie : « Il n’en fallait pas plus pour me faire rêver de la rivière,

nuit et jour »256. Par la suite, l’enfant finit par fuguer en allant à la découverte de l’île de

l’aventure et nous révèle ses frayeurs : « Je m’éloignais du bord. Le froid de la peur me

glaçait. Car l’eau, d’abord paisible, entrait dans le courant à mesure que j’avançais, et je voyais, sur moi, venir l’immense nappe de la rivière avec rapidité »257.

Le personnage d’Hyacinthe est un homme qui vit la plupart du temps seul. Un jour, il décide d’aller vers l’étang pour y découvrir les lieux, ainsi qu’il le raconte : « Je

parcourus ainsi tout le plateau de Saint-Gabriel, depuis la route d’Orgeval, à l’est, jusqu’aux étangs. Pendant les trois mois de l’automne, j’explorai ce vaste quadrilatère désert qui a bien quatre kilomètres de côté »258. A l’image du petit garçon de L’Enfant et la rivière, il s’aventure dans un endroit hostile et demeure féru de découverte comme le

mentionne son prédécesseur. Le protagoniste d’Hyacinthe déclare : « Rien ne m’y attirait

qui pût me décider à faire allégrement quatre ou cinq lieues, animé par le seul désir de la découverte »259.

Les deux intrigues ont en commun des personnages en déshérence qui se font aider par un inconnu, comme en témoigne désespérément le personnage dans Hyacinthe : « Le

255

Henri BOSCO, L’Enfant et la rivière, Op.cit., p. 15.

256Ibid.

257Ibid., pp. 38-39.

258Henri BOSCO, Hyacinthe, Op.cit., p. 25. 259

dos appuyé à un tronc d’arbre, je réfléchis. Si l’eau remontait, que ferais-je ? Appeler ? Personne ne venait aux étangs et le bois où je m’étais perdu se trouvait loin du rivage »260.Et d’ajouter :

« La barque s’avançait vers mon refuge. Elle aborda […]. Le vieillard descendit, se pencha, et me regarda un moment […]. Au bout d’un moment il se mit à genoux, me prit dans ses bras et me souleva avec assez de facilité […]. Quand je m’éveillai, je me trouvais à l’abri de la digue, dans l’herbe. Il faisait nuit et il soufflait un peu de vent ; un vent court, chaud. Rien qu’à l’odeur je reconnus que j’étais sur le plateau »261.

Par ailleurs, dans L’Enfant et la rivière, le narrateur enchaîne : « Je m’assis sur une

racine, et essayai de réfléchir. Hélas ! Mes réflexions n’allaient pas loin. Toutes me disaient : ″Pascalet, tu es perdu″ »262

. Au bout de son périple et arrivé sur l’île, il ne sait où

se diriger et fait la rencontre d’un petit garçon nommé Gatzo qui le sauve d’une mort certaine. C’est en ces termes que cette menace est décrite :

« L’île, peu à peu, s’enfonça dans les ténèbres. "–Où allons-nous ?" Demandai-je timidement. Gatzo ne me répondit pas. A peine pouvais-je le voir. Mais son souffle, à ses ahans, je devinais qu’il pesait de toutes ses forces sur la rame. Car la rivière était puissante et ne se laissait pas naviguer sans effort […]. Nous naviguâmes une bonne partie de la nuit »263.

Un Rameau de la nuit est le théâtre des mésaventures d’un personnage également

solitaire ayant la même prédilection pour l’aventure. A ce propos, il déclare : « Voyager à

pied m’a toujours ravi »264. Plus loin, nous pouvons lire : « Pour aller justement où

personne ne va jamais et qui est quelquefois lieu caché de merveilles »265. Le protagoniste

ne répugne pas à vivre de nouvelles escapades, et ce, bien que son âge soit avancé, le narrateur déclare :

260Henri BOSCO, Hyacinthe, Op.cit., p. 67. 261

Ibid., pp. 71-73.

262Henri BOSCO, L’Enfant et la rivière, Op.cit., p. 40. 263Ibid., pp. 52-55.

264Henri BOSCO, Un Rameau de la nuit, Op.cit., p. 11. 265

« Et je pars !...J’ai pourtant passé la jeunesse, certes ! Mais il m’arrive encore de boucler le sac, de lacer mes gros brodequins à clous, d’empoigner mon bâton, une vieille canne sonore à la pointe de fer très émoussée, et d’aller renifler, sur les chemins, l’odeur du vent »266.

Le personnage principal, dans une séquence du roman, se voit confronté à un homme sur un bateau qui menace de l’assassiner. Ce dernier prend la fuite après avoir assommé Meyrel267. Le bateau commence à sombrer et le protagoniste peine à s’extirper en s’inquiétant :

« Je voulus reculer et je glissai maladroitement. L’eau rejaillit et je perdis pied. Un remous ramena vers moi un objet lourd. Je le saisis : le lit funèbre. D’horreur ma chair se hérissa. Des pas résonnaient sur ma tête et je voulus crier, mais l’eau m’emplit la bouche et je m’évanouis »268.

Le personnage se retrouve dans une maison qu’il ne connaît guère, entouré de gens entreprenants dont il ignore l’identité. En outre, l’engouement pour l’aventure, la découverte et l’évasion constituent un point commun entre les œuvres étudiées. Par ailleurs, outre cette analogie, un autre aspect relatif au caractère du personnage caractérise

Hyacinthe et Un Rameau de la nuit, à savoir le délire.