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Dans notre corpus, un espace récurrent constitue le lieu de prédilection où le personnage évolue ; il s’agit incontestablement de la rivière et de l’étang qui sont la référence spatiale dans les romans de BOSCO. Dans Hyacinthe : « Les étangs étaient

vastes. Du côté de La Geneste, un large parapet contenait la puissance des eaux »305. Le

personnage part pour une balade près d’une rivière et il est envoûté par la nature qui l’entoure et s’extasie : « J’avais, de ce qui m’entourait, des eaux, des arbres, non pas une

vision banale, mais une étrange conscience où se composaient les sensations qui pouvaient cependant m’atteindre et quelques souvenirs à demi éveillés »306.

L’Enfant et la rivière expose de prime abord dans le titre du roman le vocable

« Rivière ». A cet égard, il est évident que l’action converge autour de cet espace. Au moment où l’enfant s’apprête à organiser sa fugue, il déclare : « Je profitai de son sommeil

pour bourrer de provisions un petit sac : figues, noix, quignon de pain. Une heure après, j’étais au bord de la rivière »307. Par ailleurs, le personnage principal est admiratif en

contemplant ces eaux éclatantes et s’exclame : « Quelle splendeur ! L’onde était devenue

limpide et le bleu d’un ciel vif, lavé, où le vent poussait en riant deux petits nuages, se reflétait sur ces eaux claires qui d’un grand mouvement fuyaient vers un horizon de collines »308.

Nous retrouvons également dans Malicroix une atmosphère spatiale comparable, c’est d’ailleurs ainsi qu’il la décrit : « Debout à la pointe de l’île, sur cette proue où se

305Henri BOSCO, Hyacinthe, Op.cit., p. 25. 306Ibid., p. 38.

307Henri BOSCO, L’Enfant et la rivière, Op.cit., p. 35. 308

fendaient les eaux sauvages, je n’avais devant moi que leur immensité, et le pays entier n’étant qu’une eau en marche »309. Dans le même sillage, le narrateur décrit Balandran d’une façon singulière. Ainsi le personnage s’attarde sur la rivière, l’eau, et tout ce qui s’y rapporte :

« De lui s’exhalait une odeur d’eau, de boue fraîche et de plante mouillée, comme s’il fût sorti de l’eau du fleuve. Cette odeur semblait annoncer non point la présence d’un homme, mais d’un être encore attaché au limon originel. Et cependant l’homme était là, chargé de toutes ses présences, attentif à mes yeux, à mes pieds, à mes mains, à ma stature, avec impassibilité, mais l’œil brillant »310.

Le personnage, entouré d’eau, semble être bouleversé, inquiet de la fragilité du sol, d’où son appréhension :

« J’étais dans les régions basses, entouré partout par les eaux ; et leur présence me semblait sensible sous le sol de cette île plate, simple banc de limon tenu par la végétation, mais que les vapeurs et la pluie imbibaient et rendaient presque flexible. La matière argileuse fléchissait à tous les pas et je savais que les racines des grands saules buvaient au fil même du fleuve, au-dessus de ce sol pourri d’humidité »311.

Dans cet extrait, nous relevons l’obsession du personnage. L’image de l’eau submerge ses idées, ses pensées, si bien qu’il se voit envahi et la terre va être noyée et va disparaître dans le fleuve. Ainsi, même les racines du fleuve « Buvaient » de cette source d’eau. Au risque qu’un jour tout allait être aspiré par l’eau, et enfin la lexie « Pourri d’humidité » révèle l’état de l’île selon l’imagination du personnage. Ce n’est plus un sol humide, mais un sol « Pourri d’humidité », d’où l’intensité de sa hantise, de son angoisse face à ce fleuve qui l’entoure.

Dans Un Rameau de la nuit, un discours similaire nous interpelle : « Cette mer

invisible se taisait. Car, sauf le murmure de la pluie sur les tuiles des entrepôts, nul bruit

309Henri BOSCO, Malicroix, Op.cit., p. 46. 310Ibid., p. 33.

311

ne troublait le silence de ce quartier du port »312. Dans cette optique, il témoigne de son admiration pour la nature, pour la rivière et s’écrie : « C’est si bon d’être seul ! Tout seul,

sur un plateau, dans une gorge, au bord d’une rivière »313. Mieux encore : « Mais j’allai

plus loin, attiré par les eaux, comme toujours. Les eaux parlent à mon âme ; j’entends les eaux limpides des fontaines qu’on peut boire au creux de la main pour se rafraîchir »314.

Les Balesta met en scène le personnage principal Melchior qui avait coutume de

retrouver sa bien-aimée près d’une fontaine. C’est dire la présence dans ce roman de cet élément commun avec la rivière, en l’occurrence l’eau de la fontaine, que le narrateur évoque en ces termes : « Melchior et Elodie échangèrent les mots qui enchaînent à jamais

les cœurs, d’autres rendez-vous clandestins, à la fontaine, se succédèrent »315. Les

retrouvailles se sont tellement répétées dans ce lieu « Que Melchior, plus tard, fit graver

dans la pierre de la fontaine, pour commémorer ses amours, cinq vers, qui n’ont de valeur que de plainte »316.

Sabinus s’inscrit dans la même perspective étant donné que le protagoniste, à

l’instar du roman précédent, rejoignait une femme dans un lieu précis. D’ailleurs, ce personnage « Rencontra de nouveau Ameline à la source »317.

La rivière est par conséquent omniprésente et polymorphe dans les romans de BOSCO. Cette omniprésence ne tendrait-elle pas d’ailleurs à devenir un attribut intrinsèque du caractère propre au personnage ? Nous nous attellerons à vérifier la pertinence de cette assertion au cours de la partie suivante.

312Henri BOSCO, Un Rameau de la nuit, Op.cit., p. 76. 313

Ibid., p. 12.

314Ibid., p. 262.

315Henri BOSCO, Les Balesta, Op.cit., p. 84. 316Ibid., p. 83.

317

Outre les divers ressorts de la rivière que nous avons précédemment mis en évidence, il nous incombe d’examiner un autre aspect dont les résurgences sont significatives, à savoir le lieu de culte.