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La symbolique des objets domestiques chez BOSCO

Introduction

La symbolique est omniprésente. En effet, celle-ci se manifeste dans toutes les descriptions, qu’il s’agisse de l’évocation d’un feu de cheminée, de l’intérieur d’une maison, ou encore celle d’un fleuve ou d’une rivière, etc. Ainsi, dans cette représentation, une correspondance analogique caractérise en l’occurrence les objets, la nourriture, les bruits et le vent, puisque « Bosco rend les éléments vivants, leur donne du ″ spirituel″, les

juxtapose à l’humain : ce sont des êtres à part entière »557.

Dans cette perspective, l’évocation des objets renvoie à une information précise dont le personnage s’emploie à comprendre la signification. Notre étude s’assigne pour objet d’encadrer l’identité des personnages bosquiens. Pour ce faire, nous allons avoir recours notamment à la symbolique558 de ces objets décrits et personnifiés. Nous aborderons à cet égard le lieu et sa relation avec l’identité.

BOSCO excelle dans l’art d’animer chaque objet décrit, révélant l’identité des objets domestiques que l’écriture transfigure à l’envi. Il a cette capacité de raconter l’histoire d’une rivière, d’un simple bruit, sans pour autant basculer vers le genre fantastique, ainsi que l’atteste George CESBRON :

« [Bosco] n’est-il plus seulement un écrivain, un poète mais un créateur, qui sous sa plume forge et façonne des rapports aux choses, inhabituels, singuliers et productifs. Le lecteur tout comme le héros devient un initié. A tous deux de déchiffrer les symboles et de franchir les étapes »559.

557

George CESBRON, Recherches sur l’imaginaire, cahier XIV, quinze essais de lecture anthropologique

du chant du monde de Jean Giono et de Malicroix d’Henri Bosco, Op.cit., p. 102.

558Si nous nous référons au Dictionnaire des symboles, le symbole est « beaucoup plus qu’un simple signe :

il apporte au-delà de la signification, il relève de l’interprétation et celle-ci d’une certaine prédisposition. Il est chargé d’affectivité et de dynamisme ». Cette définition nous amène à analyser les mots en profondeur et

en dégager l’énergie que ce concept recèle.

559George CESBRON, Recherches sur l’imaginaire, cahier XIV, quinze essais de lecture anthropologique du

La question qui se pose consiste à s’interroger sur la corrélation existant entre la symbolique et l’identité : quel serait l’intérêt pour nous d’entreprendre cette analyse ? D’un côté, l’identité en tant que processus en maturation, s’élabore au gré de l’écriture et « Cela

signifie qu'elle n'est pas donnée une fois pour toute; elle est plutôt construite »560. En effet,

l’identité d’un personnage ne serait pas innée, mais se construit à mesure que le temps s’écoule, suivant l’environnement familial et les objets domestiques qui l’ornent, mais également les amis, le milieu social, la religion, etc. D’ailleurs, les propos de Michel CASTRA l’attestent :

« Les identités collectives trouvent leur origine dans les formes identitaires communautaires où les sentiments d’appartenance sont particulièrement forts (culture, nation, ethnies…) et les formes identitaires sociétaires qui renvoient à des collectifs plus éphémères, à des liens sociaux provisoires (famille, groupe de pairs, travail, religion…). L’individu appartient ainsi de manière simultanée ou successive, à des groupes sociaux qui lui fournissent des ressources d’identification multiples »561.

Pouvant être définie comme un concept mutant et changeant au gré des nouvelles rencontres au cours d’une vie : « Cette identité se modifie donc en fonction des différentes

expériences rencontrées par les individus »562. Par ailleurs, cette symbolique est une signification à interpréter qui semble a priori prosaïque, mais révèle a posteriori d’autres vérités sous-jacentes. Le rapport qu’il convient d’établir entre l’identité et la symbolique émane du caractère obsédant de cette dernière. Loin d’être fortuite, la symbolique intervient pour dévoiler un détail qui, sans le potentiel intrinsèque, pourrait demeurer dénué de signification. Par conséquent, la symbolique nous révèle des éléments occultés par le langage conventionnel. Nous en déduisons que la symbolique, en évoquant des éléments sur un personnage en relation avec les objets domestiques environnants, révèle des indices sur son identité.

560Louis-Jacques DORAIS, La Construction de l’identité, Département d'Anthropologie Université Laval,

disponible à l’adresse suivante : https://www.erudit.org/livre/CEFAN/2004-1/000660co.pdf, p. 2.

561Michel CASTRA, Identité, https://sociologie.revues.org/1593. 562

A cet égard,

« Lorsque Fredrick Barth publie son ouvrage Ethnic Groups and Boundaries , où il montre que les identités sont créées et maintenues par le jeu des interactions entre les groupes ; lui-même s’inspire d’une théorie développée par la sociologie, l’interactionnisme symbolique.[…] l’interactionnisme symbolique apparaît comme une théorie visant à expliquer comment se constituent les catégories de la vie sociale au cours des activités d’ensembles complexes de groupes ou d’individus en coopération ou en opposition »563.

Dans ce chapitre, nous examinerons des passages de notre corpus en vue d’examiner la symbolique de la nourriture qui s’apparente à l’imaginaire domestique.

1- La nourriture et sa symbolique

La nourriture, élément essentiel de la vie, est également représentée et décrite dans la littérature. Dans certaines œuvres, la place qu’occupe cette dernière est importante. Dans

Les Nourritures terrestres d’André GIDE, l’auteur s’extasie devant la nourriture et traduit

ses émotions :

« Nourritures !

Je m’attends à vous, nourritures ! Ma faim ne se posera pas à mi-route ; Elle ne se taira que satisfaite ;

Des morales n’en sauraient venir à bout ;

Et de privations je n’ai jamais pu nourrir que mon âme. Satisfactions ! Je vous cherche.

Vous êtes belles comme les aurores d’été »564.

L’attachement de cet auteur à la nourriture est patent, bien qu’un poème dédié à des aliments ne soit pas fréquent en littérature. A l’instar de cette œuvre littéraire, la nourriture est un motif qui fait partie de l’imaginaire de BOSCO. Dans notre corpus, sa symbolique est réfractaire au sens commun qu’une lecture dénotative serait tentée de lui attribuer.

Malicroix l’illustre au travers du repas qui devient un rituel immuable propice aux

retrouvailles même les plus improbables. Ainsi, il apparaît que la nourriture reste ancrée

563 Baudry ROBINSON, Jean-Philippe JUCHS, Définir l'identité, Hypothèses 1/2007 (10), p. 155-167 ,

disponible à l’adresse suivante : URL : www.cairn.info/revue-hypotheses-2007-1-page-155.htm.

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