• Aucun résultat trouvé

3-2 La symbolique des couleurs

5- La description de la lampe

Dans l’espace domestique, il existe plusieurs objets décrits. Ces objets, de prime abord, semblent être superficiels, faisant partie d’un décor, mais le narrateur leur attribue une importance. Dans cette optique, quel est le message que l’auteur aimerait faire passer à travers la valorisation d’un objet banal ? En effet, ces objets propres à l’univers domestique ont autant d’importance qu’un personnage.

Dans les deux romans de BOSCO : Hyacinthe et Les Balesta, nous assistons à une caractéristique singulière, celle de la place qu’occupe un objet usuel qui est une lampe dans la trame narrative. Dans Hyacinthe, nous relevons l’importance que donne le personnage

98Michel RAIMOND, Le Roman, Op.cit., p. 199. 99

principal à sa lampe et à celle du voisin : celle-ci le suit, lui donne des informations et le hante, ainsi que l’illustre la séquence descriptive suivante :

« C’est alors que la lampe prit tout à coup une importance inattendue. Non pas que son éclat fût devenu plus vif au sein de ces ténèbres précoces […], mais la lumière qu’elle répandait semblait plus familière […]. J’y voyais la lampe : c’est elle qui me retenait […]. Je voyais la lampe. Elle vivait […]. Seule la lampe me hantait […], dès lors ce n’était plus, pour moi, simplement une lampe rustique, mais un état d’âme modeste »100.

La lampe est désormais un objet qui a de la valeur, souvent présente, contribuant au déroulement de l’histoire. Dans cette séquence, sa description est surprenante, un simple objet fait office d’un symbole familier. A présent, la lampe fait partie du patrimoine. Elle est au centre de son attention par sa présence et par sa lueur. Cette présence qui nourrit sa réflexion, rend cette source de lumière plus vivante que jamais. En effet, « Elle vivait »101 et pas seulement, dès lors, elle possède une âme et elle le « Hantait ».

En outre, ledit objet fournit des éléments nouveaux au récit. Nous retrouvons cette fonction dans Les Balesta. A travers la description de l’univers domestique, la lampe acquiert une valeur autre que sa vocation décorative et fonctionnelle, à savoir une source de lumière. Mieux encore, elle se substitue au personnage porteur d’informations car à travers elle, le narrateur peut faire irruption dans la vie de ses voisins sans heurter pour autant leur vie privée.

Dans un long passage, le personnage s’engage dans la description de la lueur de la lampe de chaque demeure affirmant qu’il y existe une source lumineuse spécifique pour chaque luminaire. Dans cette séquence, il convient de relever l’emploi de l’adverbe « Mélancoliquement », qui suggère que cet objet domestique est en osmose avec les membres de la famille de cette demeure. D’ailleurs, le narrateur déclare :

100Henri BOSCO, Hyacinthe, Op.cit., pp. 16-88. 101

« Les lampes çà et là commencent mélancoliquement à s’allumer. Il est bon d’assister à ces humbles naissances de lumières. Toutes sont faibles et économisent, chiches de leur suif, chiches de leur huile, mais chacune, si peu soit-il, éclaire une vie différente, et ainsi varie de couleur, d’éclat, de sentiment, d’une fenêtre à l’autre [...]. Il me semble ainsi que, la nuit, on discerne le secret des âmes à la clarté de leurs modestes luminaires »102.

Ensuite, le personnage entame une introspection respective de ses voisins à partir de ce que la lampe donne à voir par l’entremise de sa lumière. Dans un autre passage, on mentionne la lampe tout en la personnifiant car « Très loin de cette place obscure, où

cependant sa lampe, aux nouveaux arrivants, avait donné l’unique signe d’une vigilance »103 . Nous pouvons évoquer davantage de passages où cette source de lumière figure tel un personnage jouant un rôle important dans le déroulement de l’histoire. Citons à ce propos Marta CARAION qui conforte notre postulat :

« On peut donc d'une part constater une surabondance d'objets dans la fiction du XIXe siècle, disposés en ensembles cohérents et tissant des réseaux de significations en intercommunication ; et, d'autre part, enregistrer un reste, une série d'objets que la fonction référentielle et le mandat de caractérisation des personnages plus haut définis ne suffisent pas pour comprendre et interpréter. Dans nombre de récits du XIXe siècle, l'objet subit une mutation fonctionnelle et, après avoir abandonné sa charge utilitaire, outrepasse aussi sa mission littéraire telle que semble la lui prescrire le récit réaliste traditionnel »104.

En somme, BOSCO dans ses descriptions, s’emploie à donner de la valeur à une lampe qui est présentée du début jusqu’à la fin du roman et sa fonctionnalité dépasse son rôle premier. Dans cette optique, Gaston BACHELARD souligne qu’

« Henri Bosco redonne à la lampe sa dignité d’autrefois. De cette lampe fidèle à notre être solitaire, […] de jour, on croyait qu’elle était seulement quelque chose, une utilité. Mais que le jour faiblisse et, qu’errant dans une maison solitaire, envahie par cette pénombre qui permet seulement de circuler en tâtonnant le long des murs, alors la lampe qu’on cherche, qu’on ne trouve plus, puis que l’on découvre où l’on avait oublié qu’elle fût, cette lampe atteinte et saisie, même avant qu’on l’ait allumée, vous rassure et vous offre une présence douce. Elle vous apaise, elle pense à vous »105.

102

Henri BOSCO, Les Balesta, Op.cit., pp. 159-160.

103Ibid., p. 173.

104Marta CARAION, Objets en littérature au XIXe siècle, Images Re-vues[En ligne], 4 | 2007, document 1,

mis en ligne le 01 janvier 2007, consulté le 24 mars 2015. URL : http://imagesrevues.revues.org/116, p. 5.

105

Ce propos met en exergue l’enjeu que nous avons essayé de démontrer au cours de ce chapitre. Donc, Henri BOSCO assigne une valeur à un simple objet domestique qui habituellement est sans intérêt.

Comme nous l’avons mentionné, la symbolique est fortement présente dans la description. Outre les différentes études symboliques que nous avons entreprises plus haut, il en existe d’autres, notamment la source d’eau qui est omniprésente ainsi que celle de la maison que nous aborderons avec plus de détails dans le troisième et le quatrième chapitre de la deuxième partie en raison de leurs enjeux identitaires.

La symbolique est signifiante dans l’œuvre sélectionnée. C’est dans cette optique que nous allons y consacrer deux chapitres dans la deuxième partie. Ce procédé d’écriture s’inscrivant dans une perspective identitaire, il serait donc plus adéquat d’évoquer la relation entre la symbolique et l’identité dans la partie qui est consacrée à cette dernière. Hormis la dimension symbolique, il existe un autre aspect, celui de la description des lieux.