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PREMIER CHAPITRE L’univers domestique

2- La description chez BOSCO

Henri BOSCO s’attarde sur la description des lieux, des chambres, où se manifeste le personnage, immergeant ainsi le lecteur dans cette atmosphère empreinte d’intimité familiale. En effet, chaque objet évoqué, chaque odeur, chaque ressenti du personnage nous apporte des informations précieuses à la compréhension de l’histoire et l’imaginaire de l’auteur. Dans cette perspective, « La spatialisation du récit découle de l’érosion de

l’expérience personnelle qui a émancipé la narration du fil du récit »30.

La découverte de cette maison par le personnage intervient à la faveur d’une description minutieuse, ainsi qu’il l’explique :

« Je décrochai la lampe pour mieux voir la pièce. Elle était basse, longue et plafonnée de roseaux. Peu de meubles. Devant le feu, un fauteuil de bois et un tabouret. Contre le mur du fond un lit bas en fer. Par-dessus, suspendu à deux clous, horizontalement, un vieux fusil…»31.

Cette longue description qui s’étale sur quatre pages, décrit un environnement domestique dès l’abord de la maison par le personnage principal. Il évoque, à partir du lieu où il se trouve, les objets, leurs matières, leurs formes et leurs dispositions dans le séjour.

29Henri BOSCO, Malicroix, Op.cit., pp. 31-32.

30Daniel-Henri PAGEAUX, Juliette VION-DURY, Jean-Marie GRASSIN, Bertrand WESTPHAL,

Littérature et espaces, Presses Univ. Limoges, 2003, p. 116.

31

Le lecteur a une vision quasi intime de cet espace domestique. L’auteur utilise une focalisation externe, un point de vue narratif où les perceptions du personnage sont mises en avant. La narration, dans cette citation, joue le rôle d’un objectif qui s’emploie à nous donner une vision globale de l’espace dans lequel se trouve le protagoniste.

L’espace domestique romanesque sert non seulement à identifier une pièce, une maison, mais illustre toute une symbolique, d’où l’intérêt de la description. Ainsi, les objets présents dans une chambre en disent long sur la personne qui l’occupe. Le prolongement de la description précédemment citée, en est la démonstration : « Un vieux

fusil. Au chevet, une croix faite de deux roseaux. Au pied un coffre. De l’autre côté de la pièce tout au fond, une porte fermée. Sur le sol de terre battue, deux nattes de jonc »32. A travers les lexies « Vieux », « Croix faite de deux roseaux », « Sol de terre battue », nous ressentons que cet espace abritait une vielle personne, au goût rustique, qui ne s’attache qu’aux objets anciens et que la modernité est reléguée au second plan.

Dans un autre roman, L’Enfant et la rivière, le personnage est face à la même situation, une atmosphère qui rappelle une vie antérieure en réhabilitant les coutumes ancestrales. La description du contenu d’une pièce, où la tante du personnage principal a l’habitude de rester longtemps, est significative :

« Là s’alignaient d’antiques malles cloutées de cuivre et revêtues de poils de chèvre. Des malles centenaires. Elles étaient bourrées de vieux habits : jaquettes à fleurs, gilets de satin, dentelles jaunies, broderies, escarpins à boucles d’argent, bottes vernies. Et quelles robes ! Toutes soies roses, côtes lamées, paillettes d’or, rubans puce, feu, pourpres ! Couleurs fanées, sans doute, et qui sentaient le vieux, mais de quel charme ! »33.

Ce passage qui s’étale sur toute une page se réfère à un lexique se rapportant au même thème : ce dernier a trait au décor antique et à l’évocation des ancêtres. Nous y

32Henri BOSCO, Malicroix, Op.cit., p. 20. 33

relevons d’ailleurs les lexies : « Antique », « Poile de chèvre », « Centenaires », « Vieux », « Gilets de satin », « Jaunies » et « Fanées ».

Le personnage, en dépit de son jeune âge, est en adoration face à cet amas d’objets anciens, comme le souligne le protagoniste : « Car tout cela fleurait encore la lavande et

la pomme reinette. J’en raffolais. Et ce n’étaient pas les seules merveilles ! »34. Et afin

d’accentuer le sentiment d’émerveillement, le recours au point d’exclamation introduit une excitation face à cette découverte.

En outre, nous retrouvons cette ambiance dans un autre roman, Un Rameau de la

nuit où le personnage principal part à l’aventure et loue une chambre dans une auberge

dont la description met en exergue le caractère spartiate et dépouillé des lieux. Néanmoins, cette sobriété est loin de l’incommoder, le narrateur décrit :

« J’avais pour mon usage une petite chambre, toute tapissée de fleurettes roses. Il y avait là un lit à bateau, une vieille commode de noyer, une chaise et un bout de table qui branlait. Les draps rudes sentaient le savon et l’aspic […]. Là je dormais avec délices ;car j’y rencontrais des sommeils qui m’entraient tout droit dans les yeux, de ces sommeils qui donnent de longues nuits de repos ; traversés par de calmes lumières. J’aimais cette chambre »35.

La sobriété des attributs de la chambre y est palpable. Le personnage reste admiratif à la vue de ces meubles et de ce décor rustique propice aux veillées familiales. Toutefois, ces descriptions champêtres insinuent-elles que les romans sont conventionnels ? Nous répondrons à cette énigme dans le troisième chapitre de cette partie. Par conséquent, la simplicité du décor étant prégnante chez notre auteur, a-t-elle, dans ce cas, une symbolique ou l’auteur l’emploie-t-il en guise d’intermède ?

34Henri BOSCO, L’Enfant et la rivière, Op.cit., p. 20. 35