• Aucun résultat trouvé

DEUXIEME CHAPITRE Le roman familial

1- Mode d’écriture de BOSCO

Nous savons que l’œuvre est imaginaire, néanmoins, l’auteur ne peut s’abstenir de faire appel à ses souvenirs enfouis dans sa propre mémoire et l’ayant profondément marqué. Dans Les Cahiers de l’amitié Henri Bosco, Gaston BACHELARD déclare :

« Nous voulons donc mener nos songes en suivant l’inspiration d’un grand songeur. En suivant Bosco, nous pouvons découvrir la profondeur des rêveries d’une enfance maintenue en ses songes. Nous entrons avec Bosco dans le labyrinthe où se croisent les souvenirs et les songes »150.

Les propos de BACHELARD attestent que BOSCO mêle expérience personnelle et création. BACHELARD use d’une métaphore en comparant ce phénomène à un labyrinthe, autrement dit, un assortiment d’imaginaire et de souvenirs dans lequel le lecteur confondra le vécu de l’auteur avec la fiction. Dans ce cas précis, nous supposons qu’il existerait une corrélation entre les séquences de la fiction et la vie antérieure de l’écrivain. Cette spécificité de l’écriture tend à rendre l’œuvre mystérieuse et suscite l’intérêt et la curiosité de ses lecteurs. Une altérité que nous retrouvons chez d’autres auteurs, notamment chez Marcel PROUST. Le propos d’Aline GROBOST l’atteste :

« Certains auteurs, romanciers qui racontent leur Roman familial le plus souvent après le décès de leurs parents, tel Marcel Proust, qui s’est enfermé dès le jour de l’enterrement de sa mère et a commencé à écrire A la Recherche du temps perdu. On peut se demander si ce n’était pas pour retrouver son ancienne vie fantasmatique et mettre alors en scène ses personnages »151.

150Les Cahiers de l’amitié Henri Bosco n°16, Op.cit., p. 53.

151Aline GROBOST, Pour Une Socio-Anthropologie des secrets de famille, L’impact du mythe familial sur

la socialisation de l’individu par la révélation d’un secret, Thèse soutenue à l’Université de Franche-Comté,

Dans sa réflexion, Vincent JOUVE pose que l’auteur ne crée pas des êtres de papier différents de ses proches. Dans cette perception, nous conclurons que l’analyse des personnages secondaires nous invite à nous interroger sur la vie l’auteur. En effet,

« Il est impossible au texte de construire un personnage absolument différent de ceux que le sujet côtoie dans la vie quotidienne. Même les créatures les plus fantastiques des romans de science-fiction conservent, au milieu d’attributs plus ou moins insolites, des propriétés directement empruntées aux individus du monde "réel" »152.

Cela dit, les éléments présents dans un être réel ne peuvent pas se refléter complètement dans l’être fictif. D’ailleurs, selon JOUVE, « Décrire comme complet un

personnage emprunté au monde ″réel″ n’a pas de sens »153

.

Dans L’Effet-personnage dans le roman, l’auteur évoque les appréciations du théoricien Mikhaïl BAKHTINE sur la création de l’être imaginaire :

« Selon le théoricien russe, l’écrivain construit l’être romanesque en deux temps : il commence par s’identifier à son personnage (se mettant à sa place, imaginant ce qu’il peut sentir, penser) pour réintégrer ensuite sa position propre (d’où il voit le personnage comme un autre distinct de lui-même) »154.

Le personnage est créé de telle façon à ressembler intégralement à l’auteur, puis ce dernier ajoute quelques détails, quelques artifices rendant ainsi son double unique, en tout cas, différent de son créateur. JOUVE ajoute que « L’image du romancier s’efface dans la

réception du texte »155. Et d’ajouter : « C’est donc au lecteur qu’il appartient de construire

la représentation à partir des instructions du texte »156.

152

Vincent JOUVE, L’Effet-personnage dans le roman, Op.cit., p. 28.

153Ibid., p. 29. 154Ibid., p. 35. 155Ibid. 156

Jacques PETIT, dans Le Roman familial, adhère à ce postulat : « Un romancier

dans son œuvre, se donne le destin que la vie lui a refusé »157. Cette séquence informe que l’auteur, au moyen de sa plume, redessine son destin, autrement dit, l’auteur s’amuse à enjoliver les moments sombres de sa vie à travers la trame narrative et ses personnages.

Aline GROBOST s’est inspirée dans sa thèse de la théorie freudienne, car le roman familial « Par rapport au fantasme inconscient, c’est un rêve raconté, à double échelon et

à double transcription. Il constitue un réaménagement du fantasme originaire avec interférence du vécu individuel »158. Et d’ajouter : « Les fantaisies ont pour tâche de mettre

à distance les parents dédaignés et de les remplacer par d’autres ayant un rang social plus élevé, soit en utilisant la rencontre fortuite d’éléments réels, soit par une élaboration à partir de lecture ou d’envies particulières »159.

Et enfin, notre assertion selon laquelle l’œuvre de BOSCO est imaginaire reste probante. Dans Les Cahiers de l’amitié Henri Bosco, l’interlocuteur pose une question à la femme de l’auteur : Madeleine BOSCO : « Est-ce que vous ne vous-êtes jamais retrouvée

dans une certaine mesure à travers certaines de ses héroïnes, de ses personnages féminins ? »160. La réponse de Madeleine est sans équivoque : « Oui, oui, mais comme ça,

des petites choses en passant, un petit caractère. Mais entièrement, non »161.

Après la démonstration du mode d’écriture de BOSCO, nous allons, à présent, analyser les passages qui, selon nous, semblent coïncider avec le vécu de l’auteur.

157Jacques PETIT, Le Roman familial, Barbey D’Aurevilly 11, Lettres Modernes, Minard, 1981, p. 3. 158

Aline GROBOST, Pour Une Socio-Anthropologie des secrets de famille, L’impact du mythe familial sur

la socialisation de l’individu par la révélation d’un secret, Op.cit., p. 118.

159Ibid.

160Les Cahier de l’amitié Henri Bosco n°16, Op.cit., p. 50. 161