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Cadre Théorique

CHAPITRE 1. L’IDENTITE PROFESSIONNELLE DES ENSEIGNANTS ENSEIGNANTS

1.5. Una aproximación a la identidad profesional de los docentes

1.6.2. Une construction instrumentale du soi

Sur la base d’une conception sociogénétique du soi, la configuration identitaire est produite de l’interaction des formes symboliques, par l’interaction sociale médiatisée par des instruments d’interprétation de la réalité. Pour Mead (1963) le soi incarne l’instance par laquelle l’individu devient objet pour lui-même, pour être objet de communication, de réflexion, de conscience, d’objectivation : construction en termes dialogiques, d’internalisation de significations et de médiation sémiotique. Une telle conception est proche de celle développée par Vološinov (1929/2010) qui signale que

« la conscience se constitue et se réalise dans le matériau sémiotique créé par l’échange social au sein d’une collectivité organisée. […]. La logique de la conscience est une logique de l’échange idéologique, de l’interaction sémiotique au sein d’une collectivité (p.137).

Dans la perspective partagée aussi par Vygotski, cette idée signifie que la pensée et la conscience (Holland & Lachicotte, 2007) se construisent et prennent des formes spécifiques non seulement en fonction du rôle prépondérant des interactions sociales, mais aussi en constante interaction avec les instruments matériels et sémiotiques disponibles dans l’environnement (Bronckart, 2001), où le soi n’est pas seulement un objet mais une construction, ce qui a pour conséquence de poser cette construction elle-même comme objet de compréhension (Lipiansky, 1993).

Ce positionnement semblable entre Mead (1963), Vygotski, Vološinov (1929/2010) voire même Dewey (2012) donne une base commune aux processus de construction

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sociale et aux processus de construction mentale, d'un soi et d'une conscience individuelle. Les auteurs convergent sur l'idée que les mécanismes de construction s'appuient sur des instruments d'interaction externe et interne. Le langage est donc l’instrument privilégié pour traiter les échanges de l’individu avec son contexte, c’est-à-dire, dans la construction de soi en ce qu'il constitue un outil culturel dont l'intériorisation par les individus concerne une condition nécessaire de leur développement personnel et de l'émergence de la pensée consciente. De cette approche découlent deux présupposés majeurs qui soutiennent nos choix théoriques et méthodologiques :

a) Le langage constitue l’instrument de médiation par lequel l’intrapsychique de l’individu se développe à travers l’interaction interpsychique (son milieu social).

Grâce au rôle de ce médiateur, le sujet peut s’approprier les différents éléments culturels qui lui permettront de se développer dans la vie sociale. Dans notre cas, ces processus opèrent entre l’appropriation des cadres externes de la profession enseignante et la réélaboration subjective de l’expérience et, en même temps, la reconstruction et la reconfiguration des savoirs professionnels qui se manifestent dans les discours des enseignants (Vanhulle, 2009a ; 2009b ; 2011). Cela signifie que le langage, et plus spécifiquement le discours, est le moyen par lequel émergent, se mobilisent, se construisent les dynamiques d’élaboration d’un soi professionnel. En même temps, cet agir discursif devient l’objet matérialisant de manière concrète le résultat de ces processus mentaux. La médiation langagière opère ainsi dans une double fonction du discours : comme forme de communication humaine et comme moyen de représentation psychologique de la conscience de l’individu. Sous ce paradigme interactionniste social, les thèses de Mead (1934/1963 ; 1982) et

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de Vygotski (1928/2014 ; 1934/1997) placent le langage en tant qu’outil pour que l’individu puisse être objet pour soi, lui permettant de situer la construction d’une conscience de soi grâce à l’expérience langagière et aux significations préformées culturellement par le collectif. La proposition ci-après de Vanhulle (2013) nous permet de dépasser la conception du langage comme moyen d’expression et de restitution du vécu, mais de situer la fonction médiatrice du discours sur le plan langagier et sur le plan mental reconstructeur de l’expérience professionnelle :

« La nature de cette médiation est plus complexe, car elle engage la personne dans un travail de sémiotisation. Ce travail consiste à élaborer, dans l’usage de signes, un rapport de sens entre soi et le monde ; à configurer son inscription propre dans des situations, des interactions, une durée, une histoire, des cadres, des circonstances ; à apprécier ses possibilités d’action, de transformation, d’épanouissement, etc. » (p. 40).

Ce travail de sémiotisation incarne le passage par le langage et l’inscription discursive des processus de la pensée. La construction du soi professionnel, que nous voulons dégager des discours des enseignants renvoie au rôle de la (re)signification de l’expérience professionnelle.

b) Le deuxième présupposé reprend l’idée de Vološinov (1927/1980 ; 1929/2010) sur la conception du langage comme un phénomène lié à la problématique des interactions entre la conscience individuelle et les représentations collectives

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(Bota, 2008). Comme le signale cet auteur, le programme de Vološinov articule les plans individuels et collectifs :

« Toute la partie verbale de notre comportement (qu’il s’agisse du langage extérieur ou intérieur) ne peut en aucun cas être mise sur le compte d’un sujet individuel pris isolément, ce n’est pas à lui qu’elle appartient, mais à son groupe (à son environnement) social », (Vološinov, 1927/1980, p. 182)

Il s’agit de processus de médiation formative au sens où ils se forgent par les autres et mettent la personne en rapport avec des mondes sociaux historiquement et culturellement situés. L’individu constitue ainsi un point d’ancrage du psychisme singulier et des entités psychiques collectives (Bota, 2008). Du point de vue de l’interactionniste sociohistorique, cette conception munit les systèmes psychiques du domaine personnel et social, tel que le remarque Bota (2008) :

« La conscience et la pensée se présentent comme du ‘psychisme’ construit dans les interactions sociales et inscrit dans l’étendue’ individuelle. L’individu développe un psychisme ‘objectif’ seulement hors de l’appropriation-transformation des entités établies dans les interactions collectives et fondamentalement dans le langage » (p. 36).

Cette proposition rejoint selon nous le principe vygotskien des processus d’internalisation dans la constitution de la pensée :

« Chaque fonction apparaît deux fois ou à deux niveaux, dans le développement culturel (c’est-à-dire supérieur) de l’enfant. D’abord elle apparaît au niveau social, ensuite au niveau psychologique. D’abord elle se

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manifeste au niveau interpersonnel en tant que catégorie interpsychologique, ensuite au niveau de l’enfant en tant que catégorie intrapsychologique. Il en va de même de l’attention volontaire, de la mémoire logique, de la formation des concepts et du développement de la volonté » (Vygotski, 1934, p. 163).

Ces processus d’investissement du soi professionnel que les enseignants forgent pendant leurs premières expériences dans le métier sont ceux que nous voulons aborder par le suivi de leur trajectoire professionnelle.

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