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Construction du soi professionnel de deux enseignants débutants: subjectivation des savoirs professionnels lors de l’insertion au métier

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Academic year: 2022

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(1)

Thesis

Reference

Construction du soi professionnel de deux enseignants débutants:

subjectivation des savoirs professionnels lors de l'insertion au métier

MOSQUERA ROA, Ricardo Santiago

Abstract

La thèse vise à saisir la construction du soi professionnel de deux enseignants débutants par la voie de l'élaboration de savoirs professionnels. Elle s'intéresse à la transition entre la formation initiale et l'entrée dans le métier à travers une démarche longitudinale et articule des approches des sciences de l'éducation et des sciences du langage en se basant sur une méthodologie de l'analyse du discours et du contenu. Le traitement d'incidents critiques (préoccupations professionnelles) montre que la mobilisation des processus réflexifs contribue à l'émergence ou la réélaboration de savoirs professionnels de chaque enseignant.

Cette subjectivation de savoirs soutient la configuration du soi professionnel dans l'insertion professionnelle. Ainsi, les préoccupations professionnelles deviennent pivots de la subjectivation des savoirs et de la construction du soi professionnel. Une discussion sur la notion d'identité narrative et sur le rapport réflexion-régulation donne quelques pistes sur la manière dont les enseignants investissent leur discours sur l'expérience dans le métier.

MOSQUERA ROA, Ricardo Santiago. Construction du soi professionnel de deux

enseignants débutants: subjectivation des savoirs professionnels lors de l'insertion au métier. Thèse de doctorat : Univ. Genève, 2019, no. FPSE 742

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:126361 URN : urn:nbn:ch:unige-1263618

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:126361

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Section des Sciences de l’Education

Sous la co-direction du Professeur Joaquim Dolz-Mestre et de la Professeure Sabine Vanhulle

Construction du soi professionnel de deux enseignants débutants

Subjectivation des savoirs professionnels lors de l’insertion au métier

THESE

Présentée à la

Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’Université de Genève

pour obtenir le grade de Docteur en Sciences de l’Education

par

Santiago MOSQUERA ROA

de Colombie

Thèse No 742

GENEVE

Septembre, 2019

N° d’étudiant : 07-320-690

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Université de Genève

Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education Section des Sciences de l’Education

Construction du soi professionnel de deux enseignants débutants

Subjectivation des savoirs professionnels lors de l’insertion au métier

Thèse de doctorat présentée par

Santiago MOSQUERA ROA

Le 11 septembre 2019

Composition du jury de thèse :

Joaquim Dolz-Mestre (co-directeur), Université de Genève Sabine Vanhulle (co-directrice). Université de Genève

Anne Perréard Vité, Université de Genève Ecaterina Bulea Bronckat, Université de Genève

Mario Fernando Gutiérrez, Pontificia Universidad Javeriana, Colombie

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à Roxana

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Maintenant, je m’encrapule le plus possible. Pourquoi ? Je veux être poète, et je travaille à me rendre voyant : vous ne comprendrez pas du tout, et je ne saurais presque vous expliquer. Il s'agit d'arriver à l'inconnu par le dérèglement de tous les sens. Les souffrances sont énormes, mais il faut être fort, être né poète, et je me suis reconnu poète. Ce n'est pas du tout ma faute. C'est faux de dire : Je pense : on devrait dire : On me pense. − Pardon du jeu de mots. − Je est un autre.

Arthur Rimbaud Lettres du Voyant (1871)

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REMERCIEMENTS

Ce travail a été le fruit d'un effort partagé. Pour cette raison, je tiens à remercier toutes les personnes qui ont contribué directement ou indirectement dès le début jusqu’à la fin de ce travail scientifique.

Je veux tout d’abord remercier Sabine Vanhulle. Elle a vu la grandeur dans les détails. Je suis fier que mon travail soit une extension de son périple académique, car ses contributions, ses suggestions, ses observations font partie de ma thèse et ont fait de cette étude un travail de subjectivation personnel et professionnel.

Mes remerciements aujourd'hui, hier et demain s'adressent également au professeur Joaquim Dolz. Dès le premier jour, il a toujours été un soutien fondamental. Ses paroles, son accueil, sa compréhension ainsi que ses réprimandes m'ont aidé à grandir en tant que personne et professionnel.

Merci aussi à Anne Perréard Vité, pour sa confiance et ses conseils, ils m’ont été précieux, toujours utiles et riches en perspective. Je suis reconnaissant à mes collègues et amis des deux groupes de recherche auxquels j'ai participé à l'Université de Genève. Du groupe TALES : Kristine, Edyta, Dominika, Cristian, Sandra, Jean-Marc. Du groupe FORENDIF : Roxane, Marc, Verónica, Véronique, Carla, Yann.

Je tiens à remercier ceux qui m’ont permis de concrétiser mon rêve de vie. Merci maman, frères et neveux de m'avoir appris la force et l'humilité pour pouvoir montrer tout cela dans un lieu inconnu mais magnifique. Merci à la famille que j'ai rencontrée sur les terres helvétiques : Flavio, Sixta, Manuel, Paola, Cecilia, Deicy, Catalina.

Je dois encore remercier une personne en particulier, ma femme, pour être à mes côtés, toujours.

Son soutien et encouragement constant m’ont permis de sortir des moments les plus difficiles et de faire émerger le désir de continuer à construire mon avenir, notre avenir.

(8)

TABLE DE MATIERES

INTRODUCTION ... 1

CHAPITRE 1. L’IDENTITE PROFESSIONNELLE DES ENSEIGNANTS ... 14

1.1. L’Identité, une notion à définitions multiples ... 16

1.2. De l’Identité à l’identité professionnelle ... 24

1.3. L’identité professionnelle des enseignants : une révision empirique ... 30

1.4. Identidad de los docentes y lenguaje ... 37

1.4.1. Investigaciones con un anclaje lingüístico sobre la IP de los docentes ... 38

1.4.2. La narración y la IP de los docentes ... 40

1.4.3. La reflexividad en la configuración identitaria ... 43

1.5. Una aproximación a la identidad profesional de los docentes ... 49

1.6. Une perspective interactionniste pour l’analyse de l’IP des enseignants ... 50

1.6.1. Le soi comme seuil conceptuel à l’identité ... 51

1.6.2. Une construction instrumentale du soi ... 54

1.6.3. Le langage, une entrée indirecte pour saisir le soi ... 58

1.6.4. Soi, expérience et subjectivation ... 62

1.7. Synthèse intermédiaire : l’IP des enseignants ou la permanente subjectivation d’un soi ... 67

CHAPITRE 2. LOS SABERES PROFESIONALES ... 70

2.1. Los saberes en la docencia: una profesión compuesta ... 70

2.2. La formación inicial de docentes: el surgimiento de los saberes profesionales ... 75

2.3. Los dispositivos en alternancia: una situación que pone en relación los saberes profesionales ... 78

2.4. La subjetivación de los saberes profesionales como un proceso de construcción del self profesional ... 82

2.5. Síntesis intermedia: la construcción de saberes profesionales, ¿un camino posible para la búsqueda del self profesional? ... 89

CHAPITRE 3. LA INSERCIÓN PROFESIONAL. TRANSICIÓN ENTRE LA FORMACIÓN INICIAL Y EL ACCESO A LA PROFESIÓN ... 91

3.1. La problemática identitaria en la transición entre la universidad y el mundo del trabajo ... 92

3.2. La formación inicial de los docentes de primaria en Ginebra ... 96

3.3. El dispositivo en alternancia como aproximación de la formación al mundo del trabajo ... 99

(9)

3.4. ¿Una inserción profesional desde la formación inicial? ... 102

3.5. Síntesis intermedia: cuestiones y componentes de la transición entre la formación inicial y el empleo ... 104

CHAPITRE 4. MÉTHODOLOGIE ... 108

4.1. Perspective méthodologique ... 109

4.1.1. Une approche descriptive et interprétative ... 109

4.1.2. Une approche discursive ... 111

4.1.3. Une approche longitudinale ... 113

4.2. Études de cas ... 114

4.2.1. Contexte des cas retenus par la recherche ... 115

4.3. Dispositif de recherche ... 115

4.3.1. Recueil des données : entretiens de stage ... 116

4.3.2. Entretiens en insertion professionnelle ... 119

4.4. Traitement des données ... 124

4.5. Instrument d’analyse ... 127

4.5.1. Catégories et sous-catégories pour l’analyse... 129

4.6. Précisions quant aux choix méthodologiques pour l’analyse ... 139

4.6.1. L’unité d’analyse ... 139

4.6.2. Le soutien de l’ACD ... 141

4.6.3. Un « redoublement de l’expérience » au sein d’un genre textuel réflexif ... 144

4.7. Démarche d’analyse ... 150

4.8. Avantages et limites du dispositif de recherche ... 153

4.9. Considérations éthiques ... 158

4.10. Questions de recherche ... 158

CHAPITRE 5. ANALYSE DE CAS 1 (YVES) ... 163

5.1. Analyse descriptive ou de premier niveau – Yves (EF9) : « faire le deuil d’autres activités et laisser le temps à l'apprentissage » (ETFSt2, TP282) ... 163

5.1.1. Analyse entretien tripartite formatif premier stage (ETFSt1) ... 163

5.1.1.1. Contenus thématiques ... 164

5.1.1.2. Systèmes de référence ... 166

5.1.1.3. Savoirs de référence ... 166

5.1.1.4. Places et rôles ... 167

5.1.1.5. Empans réflexifs ... 167

5.1.1.6. Systèmes de régulation ... 168

5.1.2. Analyse entretien tripartite certificatif premier stage (ETCSt1)... 168

(10)

5.1.2.1 Contenus thématiques ... 168

5.1.2.2. Systèmes de référence ... 170

5.1.2.3. Savoirs de référence ... 172

5.1.2.4. Places et rôles ... 174

5.1.2.5. Empans réflexifs ... 175

5.1.2.6. Systèmes de régulation ... 176

5.1.3. Analyse entretien tripartite formatif deuxième stage (ETFSt2) ... 176

5.1.3.1. Contenus thématiques ... 177

5.1.3.2. Systèmes de référence ... 178

5.1.3.3. Savoirs de référence ... 180

5.1.3.4. Places et rôles ... 181

5.1.3.5. Empans réflexifs ... 181

5.1.3.6. Systèmes de régulation ... 182

5.1.4. Analyse entretien tripartite certificatif deuxième stage (ETCSt2) ... 183

5.1.4.1. Contenus thématiques ... 183

5.1.4.2. Systèmes de référence ... 185

5.1.4.3. Savoirs de référence ... 186

5.1.4.4. Places et rôles ... 189

5.1.4.5. Empans réflexifs ... 190

5.1.4.6. Systèmes de régulation ... 191

5.1.5.1. Contenus thématiques ... 192

5.1.5.2. Systèmes de référence ... 194

5.1.5.3. Savoirs de référence ... 195

5.1.5.4. Places et rôles ... 197

5.1.5.5. Empans réflexifs ... 197

5.1.5.6. Systèmes de régulation ... 198

5.2. Analyse descriptive de l’entretien de recherche 1 (ER1) ... 198

5.3. Synthèses des préoccupations professionnelles au fil des entretiens ... 201

5.4. Analyse descriptive de l’entretien de recherche 2 (ER2) ... 204

5.5. Analyse interprétative ou de deuxième niveau d’Yves ... 205

5.5.1. Des savoirs de référence vers les savoirs « expérienciés » ... 205

5.5.1.1. La légitimation de l’agir par les savoirs académiques ... 206

5.5.1.2. Une intervention paradigmatique : la réinterprétation des savoirs académiques ... 209 5.5.1.3. La « présentification » comme mécanisme des savoirs de l’expérience212

(11)

5.5.1.4. La préoccupation professionnelle à l’enchevêtrement des savoirs de

référence... 214

5.5.2. Le JE qui présente le SOI... 216

5.5.2.1. Le glissement progressif au rôle enseignant ... 216

5.5.2.2. La mise en scène du SOI par le JE (et le ON) ... 221

5.5.2.3. Dis-moi ton attitude, je te dirai quel soi est construit ... 224

5.5.3. Une réflexion orientée par le contexte ... 227

5.5.3.1. Les multiples chemins de la réflexion ... 228

5.5.3.2. Les opérations réflexives, un exercice « hors de soi » ... 235

5.5.3.3. Un regard diachronique de la réflexion ... 239

5.5.4. Vers une pluri-régulation de l’agir enseignant ... 242

5.5.4.1. La régulation comme activité constructive et productive ... 242

5.5.4.2. La régulation : tissu polyphonique pour la transformation ... 248

5.5.5. La préoccupation trouve une réponse : « c’est juste pas possible de tout faire » (Yves, ETCSt2, TP306). ... 253

CHAPITRE 6. ANÁLISIS DE CASO 2 (LAURA) ... 257

6.1. Análisis descriptivo o de primer nivel – Laura (EF8) : « j’ai l’impression que j’arrive à trouver mon rôle » (ER1, TP328) ... 257

6.1.1. Análisis entrevista tripartita formativa primera pasantía (ETFSt1) ... 258

6.1.1.1. Contenidos temáticos ... 258

6.1.1.2. Sistemas de referencia ... 262

6.1.1.3. Saberes de referencia ... 263

6.1.1.4. Posiciones y roles ... 263

6.1.1.5. Empans reflexivos ... 264

6.1.1.6. Sistemas de regulación ... 264

6.1.2. Análisis entrevista tripartita certificativa primera pasantía (ETCSt1) ... 266

6.1.2.1. Contenidos temáticos ... 266

6.1.2.2. Sistemas de referencia ... 268

6.1.2.3. Saberes de referencia ... 269

6.1.2.4. Posiciones y roles ... 273

6.1.2.5. Empans reflexivos ... 274

6.1.2.6. Sistemas de regulación ... 277

6.1.3. Análisis entrevista tripartita formativa segunda pasantía (ETFSt2) ... 277

6.1.3.1. Contenidos temáticos ... 278

6.1.3.2. Sistemas de referencia ... 280

6.1.3.3. Saberes de referencia ... 282

(12)

6.1.3.4. Posiciones y roles ... 283

6.1.3.5. Empans reflexivos ... 285

6.1.3.6. Sistemas de referencia ... 288

6.1.4. Análisis entrevista tripartita certificativa segunda pasantía (ETCSt2) ... 289

6.1.4.1. Contenidos temáticos ... 289

6.1.4.2. Sistemas de referencia ... 291

6.1.4.3. Saberes de referencia ... 292

6.1.4.4. Posiciones y roles ... 293

6.1.4.5. Empans reflexivos ... 295

6.1.4.6. Sistemas de regulación ... 298

6.1.5. Análisis entrevista tripartita formativa tercera pasantía (ETFSt3) ... 299

6.1.5.1. Contenidos temáticos ... 299

6.1.5.2. Sistemas de referencia ... 301

6.1.5.3. Saberes de referencia ... 303

6.1.5.4. Posiciones y roles ... 303

6.1.5.5. Empans reflexivos ... 305

6.1.5.6. Sistemas de regulación ... 308

6.1.6. Análisis entrevista tripartita certificativa tercera pasantía (ETCSt3) ... 309

6.1.6.1. Contenidos temáticos ... 309

6.1.6.2. Sistemas de referencia ... 311

6.1.6.3. Saberes de referencia ... 312

6.1.6.4. Posiciones y roles ... 313

6.1.6.5. Empans reflexivos ... 314

6.1.6.6. Sistemas de regulación ... 316

6.2. Análisis descriptivo de la entrevista de investigación 1 (ER1) ... 317

6.3. Síntesis de las preocupaciones profesionales a lo largo de las entrevistas ... 322

6.4. Análisis descriptivo de la entrevista de investigación 2 (ER2) ... 325

6.5. Análisis interpretativo o de segundo nivel de Laura ... 327

6.5.1. Los caminos de los sistemas y de los saberes de referencia ... 327

6.5.1.1. Un uso generalizante de los sistemas de referencia ... 328

6.5.1.2. Una legitimación per se de los saberes de referencia o la «teoría sobre medida» ... 333

6.5.1.3. Saberes de referencia: un proceso de objetivación-subjetivación interrumpido ... 337

6.5.2. El self entre el JE y el ON... 339

6.5.2.1. Une docente desde el principio ... 340

(13)

6.5.2.2. La ubicuidad del self: entre el JE y el ON ... 343

6.5.2.3. « J'pense qu'il faut » : una actitud lógico-deóntica ... 346

6.5.3. El compromiso de la reflexión por el self ... 349

6.5.3.1. La problemática profesional activa la puesta en escena de la reflexión 350 6.5.3.2. Niveles reflexivos en Laura ... 354

6.5.3.3. Cuando el sentir abarca la reflexión: « c'était pas tout de suite TRES CLAIR dans ma tête » (ETCSt2, TP6) ... 357

6.5.4. La regulación en busca de eficacia ... 359

6.5.4.1. La regulación, ¿más productiva que constructiva? ... 360

6.5.4.2. ¿Y si la regulación jalona la reflexión? ... 365

6.5.5. Dos preocupaciones y una respuesta: « on est vraiment obsédé avec ces cadres » (Laura, ER2, TP484). ... 369

CHAPITRE 7. DISCUSIÓN ... 378

7.1. Saberes profesionales en construcción y self profesional ... 379

7.1.1. Los saberes profesionales como vía para la comprensión del self profesional ... 380

7.2. Las preocupaciones profesionales como pivotes de un self profesional ... 385

7.3. Lugar de lo reflexivo en la subjetivación de saberes profesionales ... 389

7.4. El self profesional desde una aproximación interaccionista ... 392

CHAPITRE 8. CONCLUSIONES ... 396

8.1. ¿Cómo se construye el self profesional en un docente principiante? ... 397

8.2. Una perspectiva epistemológica que articula marcos de referencia para abordar la identidad profesional... 406

8.3. Una metodología ajustada a los marcos de referencia y a las preguntas de investigación ... 408

8.4. Una indagación fructífera por indicios acerca de los procesos de construcción de un self profesional... 412

BIBLIOGRAPHIE ... 413

ANNEXES ... 441

Annexe 1. Conventions utilisées pour les transcriptions ... 441

Annexe 2. Grille ADAP (Analyse des Discours d’Apprentissage Professionnel) ... 443

Annexe 3. Extraits choisis des entretiens de stage d’Yves ... 445

Annexe 4. Extraits choisis des entretiens de stage de Laura ... 452

(14)

1

INTRODUCTION

La participation des aspects verbaux au développement des sujets est une de nos questions académiques depuis plusieurs années. De quelle manière le langage contribue-t-il à la constitution de structures mentales ? Comment l'interaction verbale favorise-t-elle l'organisation subjective ? Quels aspects linguistiques révèlent les signes d'une construction subjective ? Ce sont quelques-uns des questionnements qui constituent la source préliminaire de ce travail et qui ont accompagné notre réflexion jusqu’à la concrétisation de cette recherche.

i. Origine des questions

Comme nous venons de le signaler, la genèse de ce projet découle de notre intérêt pour les questions qui traitent le rapport entre le verbal et la structuration des personnes en tant que sujets psychologiques : sujets capables d'interpréter et d'intervenir dans une culture et de réorganiser leurs propres processus de pensée.

Notre attention sur l’aspect langagier en tant que composante fondamentale de l'interaction entre l'individu et son environnement trouve sa signification dans un créneau particulier des sciences de l'éducation : la formation des enseignants. Du point de vue subjectif, apparait l’idée de traiter les aspects particuliers qui peuvent contribuer à la manière dont un individu devient enseignant, assume son rôle au sein d’une institution éducative et construit une identité professionnelle. Du point de vue verbal, il s’agit de discuter la fonction du langage dans l’acquisition, l’appropriation et la transformation des apprentissages visant la configuration de l’identité professionnelle des enseignants. De cette manière, le subjectif et le verbal s’articulent

(15)

2

autour de questions relatives à la fonction de la formation initiale dans le développement des savoirs, qui peuvent être associées à la configuration d’une identité en tant qu’enseignant.

ii. L’identité professionnelle des enseignants

La problématique de l'identité professionnelle des enseignants en tant qu'objet d'étude n'est pas nouvelle (Beauchamp & Thomas, 2009 ; Blin, 1997 ; Cohen-Scali, 2000 ; Costalat-Founeau, 1997 ; Kaddouri, 2002). Lorsqu'il s'agit d'une notion qui traite de l'existentiel de l'être humain, l'identité a été abordée par différentes disciplines (philosophie, psychologie, sociologie, anthropologie), participant à différentes controverses et proposant différentes définitions de ce qu'est l'identité. Les sciences de l'éducation n'ont pas été éloignées à ce débat, comme le montre l'abondance d'études sur les questions identitaires chez les enseignants. C’est un objet qui a différents axes de recherche : les traits de l’identité professionnelle (Gohier et al., 2001 ; Perez-Roux, 2011), le rapport entre les processus réflexifs et l’identité professionnelle (Cohen, 2010 ; Golombek, 1998 ; González & Becerril, 2013 ; Saussez , 2008 ; Sutherland, Howard & Markauskaite, 2010 ; Urzua & Vásquez, 2008), les processus impliqués dans le développement de l’identité (Beijaard, Verloop

& Vermunt, 2000 ; Beauchamp & Thomas, 2010 ; Jahreie & Ottesen, 2010a ; Jutras, Legault & Desaulniers, 2007 ; Pellanda Deici, Weiss & Monnier, 2012 ; Timostsuk &

Ugaster, 2010 ; Vinatier, 2009), les moments clés dans la configuration d'une identité (Beckers, 2007 ; Danielewicz, 1998 ; Rinaudo, 2004 ; Schempp, Sparkes & Templin, 1999), l’incidence des contextes dans l'identité professionnelle (Bedacarratx, 2012 ; Cho, 2014 ; Clarke, 2008 ; Flores & Day, 2006 ; Pelini, 2013). Tous ayant un objectif commun : fournir aux futurs enseignants des outils suffisants et adéquats au cours de

(16)

3

sa formation pour l'émergence d'une identité professionnelle en fonction des besoins du contexte.

La plupart des travaux empiriques accordent une définition de l'identité professionnelle comme le résultat d'un processus de socialisation dans des contextes de professionnalisation. L'identité se modifié au fil du temps et se construit à partir des expériences du sujet. Cependant, en tant qu’objet d’étude, l’identité professionnelle est un phénomène qui n’est pas directement accessible. Nous connaissons donc l’identité par le biais des manifestations verbales, gestuelles et attitudinales du sujet.

Comme le propose Barbier (1996, p.22) « la notion d'identité est d'abord une construction mentale et discursive que les acteurs sociaux opèrent autour d'eux- mêmes ou autour d'êtres sociaux avec lesquels ils sont en contact ».

L'ampleur de cet aperçu de recherche nous interpelle pour définir la manière dont nous traitons l'identité professionnelle des enseignants, en articulant les questions fondamentales qui articulent le subjectif et le verbal. La recherche d'un cadre conceptuel nous amène à placer le soi (Mead, 1934/1963) comme le construct permettant d'établir cette relation. Les caractéristiques de cette notion nous aident à définir l’émergence de traits d’une identité professionnelle à partir de la relation entre le sujet et les facteurs sociaux, puisque le soi devient la figure par laquelle le sujet se constitue à travers l’échange avec son environnement, échange qui s’est fait notamment au moyen de systèmes symboliques tels que le langage :

« Le soi organisé se constitue par l’organisation des attitudes communes au groupe. Un homme a une personnalité parce qu’il appartient à une

(17)

4

communauté et parce qu’il assume les institutions de cette communauté dans sa propre conduite. Il recourt au langage comme à une médiation pour se créer une personnalité ; puis, à travers le processus d’adoption des divers rôles que fournissent tous les autres, il parvient à adopter l’attitude des membres de la communauté » (Mead, 1934/1963 ; p. 129).

iii. La place du langage dans ce projet

Parmi les recherches menées sur l'identité professionnelle des enseignants, la langue occupe un lieu privilégié en tant que moyen méthodologique pour accéder à la dimension subjective incarnant l'identité. Les chercheurs se basent sur une conception instrumentale de la langue à travers laquelle les caractéristiques de l’identité sont révélées par un récit sur l’expérience, une autobiographie professionnelle ou un entretien sur le vécu (Alsup, 2006 ; Connelly & Clandinin, 1999 ; MacLure, 2003 ; Søreide, 2006 ; Varghese, Morgan, Johnston & Johnson, 2005).

Cependant, peu de travaux analysent la relation entre la dimension langagière et la transformation des processus internes de l'individu (De Carlo Vanini, 2014 ; Vanhulle, 2008 ; 2009a ; 2009c ; 2009f ; 2016a). Ainsi, notre sujet de recherche tourne autour du dire de l’enseignant sur son expérience professionnelle, sur la manière dont il réfléchit à propos du vécu sur le terrain, de sorte que cette réflexion lui permet de placer des formes de reconstruction de soi-même.

Dans ce sens, une approche pluridisciplinaire s’impose sur le traitement de la notion de l’identité que nous considérons dans les pages suivantes : au paradigme de l’interactionnisme social (Vygotski (1928/2014 ; 1934/1997), Vološinov (1927/1980 ;

(18)

5

1929/2010) et Mead (1910 ; 1934/1963), nous adhérons à des outils d’analyse du champ des sciences du langage, et plus particulièrement dans des courants qui se réclament de la linguistique énonciative (Benveniste, 1966 ; Charaudeau, 2010 ; Galatanu, 1996 ; Kerbrat-Orecchioni, 1980 ;1990 ; 2005 ; Rabatel, 2009b ; 2012a ; 2016a). Sur la base de ces fondements, nous voulons traiter les aspects langagiers participant à la reconfiguration de l’expérience qui peuvent contribuer à la construction identitaire des professionnels en éducation.

Néanmoins, nous ne voulons pas « psychologiser » la construction identitaire par le passage à travers du discours. Ce que nous voulons indaguer est la mise en mots de la pratique professionnelle qui place l’expérience comme objet de réflexion pour saisir les formes et resignifier le soi professionnel. Notre proposition vise la reconnaissance du langage en action, c'est-à-dire du discours, comme voie pour saisir la construction d'un soi professionnel, mais également comme un chemin pour identifier la manière dont le sujet conçoit un discours sur lui-même en dévoilant les réorganisations identitaires d’un développement professionnel.

iv. Inscription de la thèse dans une recherche sur les savoirs professionnels Notre projet émerge d’une recherche plus large sur la construction des savoirs professionnels chez les enseignants en formation initiale1. Sous la direction de Sabine Vanhulle et avec la collaboration des membres de l’équipe TALES2, la recherche vise à identifier les traces du développement professionnel des enseignants en formation

1 Recherche subventionnée par le Fonds National de Recherche Suisse – n°100019_137959.

2 Page web du groupe de recherche : https://www.unige.ch/fapse/afordens/tales1/

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dans leurs discours sur son agir. À partir de cette recherche, nous nous inscrivons dans la question générale sur la construction des savoirs professionnels avec notre étude particulière sur la configuration d’un soi professionnel.

En partant du principe que la construction des savoirs professionnels est un moyen d’aborder les processus subjectifs (Balslev, Tominska & Vanhulle, 2011 ; Dobrowolska et al., 2016 ; Mosquera et al., 2016 ; Vanhulle, 2005 ; 2009a ; 2009c ; 2013 ; 2015 ; 2016a ; Vanhulle, Dobrowolska & Mosquera, 2015), nos intérêts de recherche s’appuient sur la proposition d’étudier l’élaboration des savoirs chez les enseignants pour indaguer les modes de configuration du soi professionnels des enseignants débutants. D’un point de vue épistémologique, l’approche interactionniste soutient que les processus de construction de pensée et les processus de construction sociale sont indissociables et font partie d’une seule et même configuration du développement humain (Bota, 2008). Il est possible d’élargir cette conception et de proposer que les processus d’élaboration des savoirs comme ceux de la construction identitaire professionnelle constituent des formes de convergence et d’articulation du monde intime et personnel avec l’espace collectif référé aux formes culturelles et les rapports sociaux.

Nous trouvons ainsi, une façon pour traiter le rôle joué par le verbal dans les processus de professionnalisation des enseignants, en s’affirmant comme l’axe conceptuel et méthodologique de notre travail. Le matériel d'analyse découle des verbalisations qui se produisent lors des entretiens de stage dont l'objectif est l'évaluation de l'enseignant en formation. Ces entretiens sont développés comme une activité

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d'analyse de l'expérience vécue sur le terrain, au cours de laquelle l'enseignant en formation effectue un exercice de réflexion, intégrant des références théoriques et pratiques accompagnées par des formateurs (enseignants plus expérimentés et professeurs universitaires). Dans cette optique, les entretiens permettent d’une mise en mots des savoirs professionnels que les enseignants en formation construisent au fil des interactions avec les formateurs. À l’instar de Vanhulle (2009a), nous posons que la construction des savoirs professionnels incarne des processus de subjectivation où l’enseignant « incorpore et transforme des savoirs socialement construits au fur et à mesure qu’il les réélabore dans un discours singulier » (p. 7).

C’est dans ces situations de subjectivation de savoirs que le soi professionnel de l’enseignant entre en scène.

v. La transition formation initiale – entrée dans le métier

La première année en emploi constitue un moment que les chercheurs ont identifié comme critique, d’incertitude et de plusieurs changements et de reformulations identitaires chez les enseignants débutants (Friesen & Besley, 2013 ; Mosquera, 2014 ; Parsons et al., 2017 ; Perez-Roux, 2012 ; Rinaudo, 2004 ; Schempp, Sparkes,

& Templin, 1999 ; Veenman, 1984), mais, comme signale Ruohotie-Lyhty (2013), il est nécessaire de mener plus de recherches à long terme afin de mieux comprendre les effets de la phase de formation sur le développement de l'identité des enseignants novices. Notre travail cible justement la transition entre la formation initiale et l’entrée dans le métier pour analyser de manière longitudinale le développement d’un soi enseignant dans cette période d’insertion professionnelle qui commence dès les stages en responsabilité.

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Sur la base des entretiens de stage, nous suivons quelques enseignants lorsqu’ils obtiennent un poste comme enseignant dans une école publique à Genève, Suisse.

Nous les interviewons un an après pour connaitre la perception de leur expérience actuelle comme enseignant responsable d’une classe, ainsi que l’appréciation qu’ils manifestent sur l’expérience passée en stage. Nous utilisons donc ce passage de la formation à l’emploi pour traiter des moments signifiants, des expériences problématiques, des incidents critiques sur lesquels les enseignants peuvent exercer leur attention pour repenser leur agir. Depuis le prisme du discours, la mobilisation des processus réflexifs contribue à questionner, consolider ou réfuter des normes, des valeurs et des lois dans une quête de validité (Urzua & Vásquez, 2008 ; Vanhulle, 2004 ; 2009a ; 2012 ; 2016b ; Vanhulle, Balslev & Buysse, 2012 ; Vanhulle, Dobrowolska & Mosquera, 2015) où se forgent des savoirs professionnels au sens du développement d’un soi professionnel.

De manière générale, par notre posture de recherche, nous essayons de montrer les formes que prend cette subjectivation de savoirs et de comprendre comment la subjectivation soutient la configuration du soi professionnel dans l’insertion professionnelle, c’est-à-dire, dès les expériences en stages de la formation initiale jusqu’aux premières années en emploi. Pour ce faire, nous nous servons du discours afin de trouver des pistes révélant l’existence d’une identité enseignante. Celle-ci, configurée par la réélaboration des savoirs sociaux que les enseignants ont investis et sémiotisés à travers leurs dires sur leur expérience dans le métier.

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vi. Une thèse rédigée en deux langues

Le manuscrit est écrit en deux langues romanes qui comportent certaines similarités lexicales et grammaticales : le français et l’espagnol. Avec une autorisation du Collège de Docteurs de la section des sciences de l’Éducation de l’Université de Genève, ainsi que l’accord des membres de la commission de thèse, nous avons décidé de rédiger la thèse dans une alternance des deux langues.

Il s’agit d’une occasion du contexte contemporain qui permet la circulation des langues dans le cadre des politiques établies dans le Cadre européen commun de référence pour les langues (Consejo de Europa, 2001/2002), en vue d'unifier les principes pour l'apprentissage et l'enseignement des langues dans le contexte européen, fondée sur la reconnaissance du plurilinguisme et l’intérêt pour améliorer la qualité de la communication des personnes qui utilisent différentes langues et qui ont des origines culturelles différentes.

En plus, la rédaction de la thèse en deux langues est conçue comme un moyen de développer des attitudes, des connaissances et des compétences dans un contexte où la circulation des connaissances se fait dans des langues différentes, ce qui favorise la participation aux processus de développement des individus de différentes latitudes du monde : « que le riche patrimoine que représente la diversité linguistique et culturelle en Europe constitue une ressource commune précieuse qu’il convient de sauvegarder et de développer et que des efforts considérables s’imposent dans le domaine de l’éducation afin que cette diversité, au lieu d’être un obstacle à la

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communication, devienne une source d’enrichissement et de compréhension réciproques » (Consejo de Europa, 2001/2002, p. 2).

vii. Description d’un itinéraire pour le lecteur

Pour permettre au lecteur de découvrir notre recherche, nous l’avons organisée en quatre parties : cadrage théorique, méthode, résultats et analyses, discussion et conclusions générales. Ces parties permettent d’aborder la problématique de la construction du soi professionnel des enseignants débutants par la subjectivation des savoirs professionnels. La première partie pose les bases théoriques de la thèse.

Celle-là est constituée de trois chapitres. Le premier chapitre est consacré à l’identité professionnelle des enseignants en situant les définitions de différentes disciplines des sciences humaines, y compris les sciences de l’éducation. En plus, nous présentons l’état de la question concernant les études récentes sur l’identité professionnelle des enseignants en soulignant des points de convergence et de divergence entre les recherches. Ce premier chapitre est fondamental au sens où nous mettons en rapport la conception du soi professionnel avec les processus de subjectivation de savoirs professionnels. Le chapitre deux aborde la problématique des savoirs dans le contexte de l’enseignement, avec un accent sur les savoirs qui émergent dans la formation des enseignants. Ceci permet de clarifier les enjeux liés à la professionnalisation des enseignants, à la logique de différents auteurs sur les savoirs et à la place de la construction de savoirs dans une formation en alternance, dans laquelle s’inscrit la formation à l’Université de Genève. Le chapitre trois vise la conceptualisation de la transition entre la formation initiale et l’entrée dans le métier.

Dans ce chapitre, nous présentons quelques travaux qui caractérisent le passage

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entre l’école (l’université) et le monde de l’emploi. Nous installons une discussion sur la notion d’insertion professionnelle afin de placer notre conception autour de celle-là.

Chaque chapitre de ce cadre théorique se termine par une synthèse intermédiaire qui rassemble les points clés pour faciliter l’articulation entre les trois axes conceptuels de la thèse : l’identité professionnelle, les savoirs professionnels et la transition entre la formation initiale et l'emploi.

La deuxième partie est consacrée aux aspects méthodologiques de notre travail. Il s’agit d’un chapitre unique (chapitre quatre) où nous présentons le caractère de notre recherche et les approches centrales qui l’orientent. Nous décrivons, également, le contexte de la recherche, le dispositif utilisé, ainsi que la démarche pour la récolte de l’information et pour l’analyse des données. Nous expliquons les catégories d’analyse retenues pour notre travail. En plus, nous précisons l’unité d’analyse et l’appui sur un courant de l’analyse de discours pour le traitement des données. Les limites et les avantages que nous posons nous permettent de mieux cibler les résultats et les analyses des pages suivantes. Ce chapitre clôture avec la présentation des questions de recherche en trois séries, se référant aux rapports entre les savoirs et l’identité, le cadre des entretiens et les interactions verbales.

La troisième partie concerne la présentation des deux cas : les deux enseignants que nous suivons. Le chapitre cinq porte sur les résultats et les analyses du premier enseignant, tandis que le chapitre six se penche sur les résultats et les analyses de la deuxième enseignante. Pour chaque cas, nous présentons d’abord les résultats, que nous appelons analyse de premier niveau ou analyse descriptive et après nous

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présentons l’analyse de deuxième niveau ou analyse interprétative. La partie descriptive de chaque enseignant montre les résultats à l’aide des catégories de l’instrument d’analyse. La partie interprétative concerne des aspects clés soulevés dans le discours de l’enseignant ou des interlocuteurs dans les différents entretiens.

La quatrième partie met en place la discussion (chapitre sept) et les conclusions (chapitre huit) de la thèse. En nous basant sur des éléments proposés dans la section théorique, nous mettons en évidence une discussion des résultats saillants en rapport avec les savoirs professionnels et le soi professionnel, les composants noyaux dans la construction d’un soi professionnel et la constitution de celui-ci depuis une approche interactionniste. Les différents volets permettent de donner des réponses aux questions de recherche en reliant la subjectivation de savoirs, le cadre des entretiens et les interactions verbales aux formes de configuration du soi professionnel de chaque enseignant. Les conclusions synthétisent les points majeurs de la discussion ainsi que notre parcours conceptuel et méthodologique. Celles-là constituent une sorte de bilan et s’ouvrent sur certaines perspectives de recherche pour la suite.

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PARTIE I

Cadre Théorique

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CHAPITRE 1. L’IDENTITE PROFESSIONNELLE DES ENSEIGNANTS

Le propos de ce premier chapitre est de présenter les approches qui servent de référence pour situer la discussion autour de l’identité professionnelle des enseignants. La notion d’identité constitue un élément incontournable dans différents domaines des sciences humaines, concernant de manière directe ou indirecte plusieurs disciplines des sciences humaines dont l’individu et ses représentations constituent l’objet d’étude.

Ce terme polysémique recouvre un foisonnement de problématiques, d’enjeux et de questionnements divers, présentant l’identité sous un large spectre sémantique : dynamique identitaire, construction identitaire, configuration identitaire, tensions identitaires, stratégies identitaires. L’identité devient l’adjectif d’un processus ou bien le résultat possible du processus. Cela détermine une conception sous-jacente accompagnant la définition de l’identité comme un mouvement de caractéristiques, de changements d’états, d’ajustements, d’articulations et de (re) composition d’éléments, d’organisation d’actions, de jeux de forces parfois en contradiction.

En outre, l’utilisation récurrente de la notion d’identité dans le langage académique en distinctes acceptions contribue aussi au caractère imprécis du terme ; parfois cette notion est liée avec d’autres termes complémentaires qui ont un arrière-fond théorique et épistémologique particulier. Certains termes tels que la reconnaissance,

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l’expérience, l’appartenance, les places, les rôles, le statut, l’ethos, la subjectivité, le soi peuvent être reconnus en relation avec celui de l’identité.

Notre parcours commence avec l’émergence du concept d’identité. Cela constitue la première partie du chapitre. Une approche par la psychologie nous permet d’observer comment les questions identitaires sont associées non seulement à la construction de l’individu, mais aussi aux mécanismes sociaux et culturels intervenant dans le développement identitaire. Nous abordons dans la seconde partie de ce chapitre les aspects prédominants dans la littérature autour de l’identité professionnelle, leur définition et les controverses lorsque l’identité est circonscrite aux métiers. Nous nous focalisons dans la troisième partie sur l’identité professionnelle des enseignants, un des pôles de référence de notre travail. Dans cette section, les apports des Sciences de l’éducation et des disciplines connexes nous aideront à mieux cibler nos choix théoriques et épistémologiques autour de la problématique identitaire.

Loin de proposer une définition stabilisée et unifiée pour donner une étiquette à ce qui est l’identité enseignante, notre travail de cadrage vise à mettre en discussion les aspects centraux de cette notion et à faire une esquisse du tissu conceptuel nous permettant d’étudier la construction de l’individu sur le plan professionnel. Nous laissons en suspens la suite de l’argumentation que nous reprendrons dans la dernière partie du chapitre, où nous expliquerons comment les formes de subjectivation de l’expérience et des savoirs professionnels peuvent refléter les transformations du soi professionnel des enseignants, concept sur lequel nous nous appuyons afin de saisir les dynamiques de la configuration subjective de l’enseignant.

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Pour reprendre notre présentation, la suite du chapitre ouvre la discussion avec les racines du terme identité. Pour poursuivre notre présentation, la suite du chapitre ouvre la discussion avec les racines du terme identité.

1.1. L’Identité, une notion à définitions multiples

Une des difficultés qu’on trouve lorsque l’on traite la notion d’identité concerne les caractéristiques contradictoires qui lui sont attribuées. D’un côté, l’identité se présente comme les traits particuliers de l’individu, mais en même temps, comme l’ensemble des caractéristiques du sujet, résultat de l’articulation entre lui et son environnement social, dans une sorte de transaction entre la personne et le contexte. Erik Erickson a rendu populaire sur la scène scientifique le mot identité. Pour ce psychologue, l’identité faisait référence aux traces donnant cohérence et continuité au sujet comme élément fondamental de la santé mentale (Holland & Lachicotte, 2007).

Les travaux autour d’une conception psychodynamique de la constitution identitaire étaient profondément ancrés dans les circonstances sociohistoriques vécues par cet auteur : exil imposé pour lui et sa famille, persécution des juifs, période entre-guerres.

Erickson considérait l'identité comme un processus dynamique, car l'individu évolue et se transforme ; processus aussi influencé par les conditions sociales et culturelles de la personne. Pour lui, l'adaptation de l'individu à l'environnement constituait les formes de transformation identitaire. Dans ce sens, l’identité de l’individu résulte des moments critiques qu’il expérimente tout au long de sa vie (Erikson, 1983). Les moments critiques, exprimés à travers des sentiments, des comportements et des états internes, constituent des acquis psychosociaux ajoutant des qualités au soi de

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l’individu. Ces moments de conflit sont des situations et des caractéristiques qui donnent lieu aux changements, aux choix, à l’intégration des expériences dans la structure du soi. Le périple de la vie est, pour Erikson, une confrontation constante avec une crise particulière : la confiance en autrui (la mère), l’autonomie du bébé lorsqu’il marche, l’initiative quand le petit explore, la capacité de vivre en intimité avec quelqu’un, etc. L’identité est donc le résultat des médiations entre le sujet et les dimensions sociales ; le produit des expériences d’un l’individu dans chaque conflit apparaissant dans les moments critiques.

Avec cette première approche, nous pouvons mettre en évidence deux aspects de la notion d’identité qui soulignent son caractère paradoxal. En premier lieu, elle renvoie à deux sortes d’opérations : une qui garantit une forme de continuité à l’individu, ce qui fait que chacun reste le même malgré tous les changements subis au cours de son existence. L’identité permet alors de définir la permanence du sujet et se traduit dans les points d’ancrage sur le devenir afin de garder la « cohérence » dans l’histoire de vie ; ce qui pour Ricœur (1990) constitue la « mêmeté » de la personne, c’est-à- dire, l’ensemble de marques distinctives qui permettent de ré-identifier un individu humain comme étant le même (p. 144). Cette forme de permanence dans le temps installe chez l’individu le caractère de la continuité ininterrompue en donnant à son expérience des liaisons dans une histoire.

En même temps que la mêmeté articule l’expérience du sujet dans un continuum, l’autre type d’opération rassemble toutes les transformations subies par les altérations pendant l’expérience. Ricœur définit l’ipséité comme les changements et les

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transitions qui se produisent au fil des situations vécues. Les discontinuités marquent des points d’inflexion où la direction peut changer. C’est à travers l’ipséité que les découplages et les déséquilibres du continuum configurent les ajustements de l’expérience en donnant au soi l’unité dans les différentes sphères de l’existence. De ce premier aspect, la construction identitaire émerge dans une opposition entre deux fonctionnements, entre la tension pour rester le même et invariable et l’incorporation de ce qui est différent, fluctuant, dans un jeu dialectique entre les continuités et les ruptures dans l’histoire du sujet.

En second lieu, le rapport sujet-contexte souligne le caractère social dans l’élaboration d’une identité. La perspective d’Erikson met en lumière l’émergence identitaire comme un jeu de tensions, de conflits que le sujet doit traverser afin de reconfigurer sa structure psychique. Cette idée du conflit au cœur de la construction identitaire sera reprise lorsque nous parlerons de l’entrée dans le métier enseignant. L’emphase donnée au contexte est aussi mise en évidence par les approches interactionnistes.

Ces perspectives proposent que l’individu se développe et construit son identité dans la transaction avec le monde social et les différents usages, conventions, rôles qui définissent l’appartenance à un groupe social. Le monde symbolique et culturel est intériorisé par le sujet et lui fournit un répertoire de référence, de schémas, de cadres d’action. L’individu peut ainsi s’exprimer, percevoir, agir, penser, réfléchir, analyser, se transformer à l’intérieur de cet ensemble de valeurs, normes et construits sociaux.

À ce sujet, la perspective de Goffman (1973) montre comment le rapport à l’autre contribue à l’élaboration d’une conscience de soi. L’auteur utilise deux concepts pour

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travailler l’identité : les faces et les rôles. D’un côté, les faces sont les images du soi selon certains attributs sociaux approuvés. La notion de soi constitue les images par rapport aux attentes des autres acteurs de la situation sociale où le sujet se trouve.

Dans ce cadre conceptuel, l’identité est conçue comme un processus dynamique car les images sont les produits des transactions avec l’environnement social du sujet, que ce dernier reflète dans son environnement. D’un autre côté, les rôles désignent les modèles d’action pertinente à réaliser dans une situation sociale. Le rôle renvoie à des formes culturelles liées à un statut et à des pratiques sociales. Le soi, dans cette organisation entre les faces et les rôles, devient une affaire du contexte normé et cadré, de comment un sujet doit se montrer dans une situation : par exemple le juge qui doit se présenter impartial et à l’écoute des deux parties d’un processus judiciaire ou la formatrice d’un stagiaire qui doit accompagner le processus d’apprentissage mais, en même temps, évaluer les acquis de l’étudiant.

Flahault (1978) utilise la notion de place lorsqu’il reprend le concept de rôle de Goffman. Selon Flahault, incarner un rôle implique la prise en considération de deux positions, symétriques ou complémentaires constitutives d’un rapport de places, c’est- à-dire, dans la mise en scène de comportements explicites dans une organisation où les rôles s’engagent de façon interdépendante. L’auteur insiste sur le fait que les places et les rapports se situent à l’égard d’un sens pré-attribué mais s’actualisent dans l’interaction : d’une part les places sont assumées ou attribuées aux sujets à partir d’un ensemble ordonné de comportements de la vie en société : valeurs, normes, actions, conduite, gestes, attitudes, c’est-à-dire, qu’elles sont produits de la construction sociale et culturelle ; d’autre part, l’actualisation des rôles dans l’interaction se réalise par l’occupation de positions dans le discours (ce que Flahault

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nomme « places discursives ») mobilisant différents aspects du rôle. Ces places discursives actualisent dans l’interaction divers éléments qui permettent de situer l’agir d’un sujet dans un rôle déterminé. Dans ce sens, la mise en acte du rôle à travers le langage parvient à associer le sens attribué au rôle avec la concrétisation de celui-ci dans une situation dans un niveau discursif local et ponctuel. C’est à ce point de l’articulation entre les deux ordres (le global attribué au rôle et le local dans l’actualisation discursive) que Flahault considère que s’établit l’identité de l’individu (Carcassonne, 2012).

Nous retenons du cadre conceptuel de Flahault deux aspects : a) l’idée de l’interaction comme configuration entre deux composants, le social préconstruit et l’individuel et b) la médiation langagière où le discours sert de moyen pour suivre l’émergence identitaire. La fonction du discours intervenant dans la construction sociale de l’identité sera reprise lorsque nous aborderons des auteurs comme Vološinov et Vygotski et, fondamentalement, Mead. Les deux premiers à travers l’idée que le langage est le moyen privilégié articulant la constitution du psychisme et le répertoire social et culturel de la vie quotidienne ; le dernier avec l’usage de la figure du soi pour traiter l’internalisation de l’expérience et les processus sociaux de la dynamique identitaire.

D’un point de vue psychologique, l’identité est reliée à la notion de processus dont le tressage de plusieurs opérations en permanente transformation, évolution et rééquilibre entrainent la formation identitaire. Un des processus définis par l’approche psychologique est celui de l’identification. À travers celle-ci, l’individu assimile un aspect, un trait, une caractéristique de l’autre, la transforme et l’intègre partiellement

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ou totalement pour soi-même. Selon Tap (1979), les processus d’identification aident le sujet à construire une identité assimilant les attributs, attitudes, particularités d’autrui ou d’un groupe social. L’identification incarne les mécanismes par lesquels l’individu accède aux sphères sociales, comme par exemple le monde professionnel, en s’appropriant le répertoire d’actions, comportements, rôles et significations concernant la communauté professionnelle. Grâce à l’identification le sujet organise sa personnalité et définit les contours de son identité.

Comme nous venons de le dire, l’individu développe et construit son identité dans la transaction avec le monde social, avec les différentes institutions et cercles interpersonnels. Les conventions, usages et rôles définissent l’appartenance à un groupe et inscrivent le sujet dans une communauté. Le monde symbolique et culturel est intériorisé par le sujet et lui fournit un répertoire de référence, de schémas, de cadres d’action qu’il emprunte pour s’exprimer, agir, penser, percevoir, réfléchir, analyser, transformer son monde et, en même temps, lui fournissant le matériau pour la construction identitaire.

Les approches interactionnistes et les apports de la perspective psychologique, ainsi que de la sociologie visent à une conception selon laquelle l’individu reproduit les sédiments sociaux mais fait du monde social une production singulière à travers certains référents qu’il trouve dans la culture, dans le langage, dans les milieux institutionnels. C’est là où la formation identitaire constitue une élaboration conjointe avec le contexte, avec autrui et avec soi-même. Tel qu’envisagé par Dubar (2010), l’identité est le produit de socialisations successives. Elle est le « résultat à la fois

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stable et provisoire, individuel et collectif, subjectif et objectif, biographique et structurel, des divers processus de socialisation qui, conjointement, construisent les individus et définissent les institutions » (Dubar, 2004, p. 113). Bien que construction tendant à l’individuation, la configuration identitaire est investie par des modèles proposés par l’entourage, la culture, les valeurs et les normes sociales.

La conception de Gee (2000) présente un essai d’’intégration de multiples dimensions de l’identité. L’auteur propose l’identité comme un outil d’analyse pour la recherche en sciences de l’éducation. Selon lui, l’étude de cette notion peut permettre de dépasser la discussion autour de l’identité comme un concept basé sur des traits statiques tels que la race, le statut social ou le genre. Pour Gee, quatre perspectives peuvent orienter la définition de l’identité favorisant la vision du fonctionnement et de l’agir de quelqu’un dans un contexte. Premièrement, la perspective naturelle détermine l’identité à partir des forces de la nature sans aucune influence de la part de la personne, comme par exemple le genre biologique de naissance. La perspective institutionnelle attribue une identité par rapport aux institutions et selon les normes qui permettent définir le statut de quelqu’un : l’étudiant, le prisonnier, le PDG d’une entreprise. La troisième ligne de force constitue le discours. Gee soutient que l’identité est le résultat de l’interaction sociale et que les traits de la personne émergent de l’action réciproque entre l’individu et le contexte dans une sorte de négociation de significations, d’attribution ou d’endossement de valeurs, attributs, rôles. La quatrième perspective comporte l’identité construite à partir de l’expérience partagée avec un groupe ou une communauté. C’est le choix du sujet de participer à et de faire partie de groupes ou de collectifs afin que ce type d’identité « par affinité » émerge.

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Dans cette approche, nous trouvons des points de convergence entre notre travail et les trois dernières perspectives. Avec la perspective institutionnelle et avec celle par affinité car elles préconisent l’insertion du sujet dans des environnements humains, culturels et sociaux, exerçant une influence dans la configuration identitaire de l’individu. Concernant la perspective discursive, Gee souligne les apports de Vygotski et de Bakhtine qui montrent que le discours et l’esprit des individus est composé par d’autres discours, autres textes, autres interactions verbales circulant dans le groupe social et dans les institutions. Comme nous le montrerons après, le langage constitue notre voie d’accès aux traces identitaires. Ces traces d’ordre langagier peuvent montrer comment l’organisation de l’identité et, plus particulièrement, du soi professionnel se mettent en évidence dans le discours produit par l’enseignant. Il s’agit pour nous, de situer les aspects du langage qui se laissent traiter pour étudier comment la configuration du soi de l’enseignant émerge dans les élaborations discursives.

Cela met au centre l’intérêt pour l’étude les formes langagières que les enseignants utilisent pour s’exprimer, situer leur expérience, réfléchir et rendre compte de leurs avis autour de leur propre pratique professionnelle. En concomitance avec cette prémisse, nous proposons l’idée de l’identité comme une construction entre les changements et la permanence de l’être ; entre la configuration personnelle et sociale ; entre les différents cadres de référence (institutionnel, culturel, idiosyncrasique), entre les processus d’identification aux groupes et l’individuation ; entre le langage comme forme symbolique et la mise en scène d’un soi. Nous voulons, à présent continuer la discussion autour des aspects qui relient l’identité comme notion

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multidimensionnelle, où l’identité professionnelle constitue une des facettes de celle- là.

1.2. De l’Identité à l’identité professionnelle

Avant de situer le passage entre la notion identitaire et celle de l’identité professionnelle il faut discuter quelques prémisses qui fondent une vision de l’identité du point de vue du développement humain. L’identité articule différents domaines ou dimensions de l’être humain dans une perspective développementale. Ces domaines interviennent dans une mise en scène de facteurs qui se rejoignent dans une dynamique particulière sur l’individu et sur son développement. Les aspects cognitifs, affectifs, moraux, relationnels donnent lieu à des trajectoires singulières de vie.

Les approches récentes de la psychologie évolutive permettent de déplacer la posture du développement comme quelque chose d’homogène, linéaire, progressif et téléonomique. Palacios (2009) signale quelques controverses et dichotomies de la psychologie du développement qu’on peut repenser pour parler de l’identité. En effet, la constitution de l’identité, comme la définition du terme, émerge de la relation entre des facteurs multiples. Il s’agit d’une configuration personnelle, résultat de l’amalgame de variables comme la biologie du sujet, les facteurs culturels, les traits psychologiques, les formes d’interaction sociale, etc. Ces variables forgent une conception de l'identité au-delà de la notion monocausale de l’identité et d'étapes préétablies par lesquelles doit passer l'individu. C'est plutôt une perspective où l'identité prend sens dans la flexibilité (Cohen-Scali & Guichard, 2008), c'est-à-dire, où le développement identitaire se construit, d’un côté, sur la base de multiples causes

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et non pas comme le résultat d'un seul élément décisif lié à la personnalité du sujet et, d’un autre côté, en raison de la possibilité chez lui de traverser des cheminements probables de vie.

Dans ce sens, la construction de l’identité doit être pensée selon un caractère probabiliste au lieu d'un ordre prédéterminé et téléonomique. Une perspective de l’identité reprenant la conception contemporaine de la psychologie du développement s’éloigne de la vision en stades fixes vers un but final.

Le paradigme probabiliste relativise l’identité en termes d’un seul parcours d’élaboration identitaire valable et préconise la multiplicité des directions que peut prendre l’identité. Il n'y a pas un seul chemin à parcourir. Ce que nous faisons ou ce que nous sommes dans un moment de notre vie n'est pas un déterminant de notre vie future. Il se peut que l’expérience vécue trace un cheminement de vie, mais cela n’est pas suffisant pour caractériser les individus. Par exemple, si nous avons subi un maitre tyrannique à l’école, nous ne sommes pas destinés à répéter une histoire de bourreau si nous devenons enseignant. En résumé, si les expériences de vie soutiennent notre identité, elles ne définissent pas totalement la direction du développement identitaire.

Avec cet ensemble de principes, les approches développementales débouchent sur une conception d’un sujet polymorphe, d’origine multicausale, décrit en termes probabilistes et multidirectionnels dans sa configuration identitaire. C’est le produit des processus de développement pluriels débouchant sur la vision, elle aussi, d’un sujet

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pluriel (Cohen-Scali & Guichard, 2008). Ces fondements conceptuels nous sont utiles pour situer une approche de la notion d’identité professionnelle.

Pour parler d’identité professionnelle, il est nécessaire de situer la discussion dans une des tensions proposées plus haut. La définition d’Osborn dans le Dictionnaire de l’éducation (van Zanten, 2008) fait écho aux divergences par rapport à une conception de l’identité professionnelle (IP). Cette conceptualisation soulève les aspects plus contextuels comme l’économie, la politique ou les systèmes institutionnels qui configurent différemment les traits identitaires des enseignants. L’identité est une construction individuelle mais elle est aussi le résultat de l’influence sociale.

En effet, les différents contenus culturels et des expériences situées dans un contexte donnent forme à la structure et aux processus psychologiques et identitaires du sujet.

Le contexte professionnel est un des espaces où l’individu se voit confronté aux univers de pratiques, de langages, de conventions socialement construites. Dans ce jeu paradoxal entre le singulier et le pluriel, l’identité émerge grâce aux processus d’individuation et de socialisation à travers les modèles proposés par l’entourage, par la culture et les normes sociales. Comme le signalent Alheit & Dausien (2005), c’est par des processus de socialisation que l’individu peut saisir le social en le rapportant à sa propre histoire et ses expériences, en construisant le monde intérieur du monde extérieur.

Pour Cohen-Scali (2000) la différence entre les identités professionnelles et les identités sociales se marque par la particularité du contexte professionnel. L’identité

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professionnelle est une identité sociale dans un environnement professionnel. Celle- là se construit de la même manière que l’identité sociale, à partir de catégorisations sociales, par les appartenances aux groupes professionnels et les interactions sociales qui s’y produisent. L’identité professionnelle est donc une facette de l’identité au sens large, d’une construction éminemment de caractère social.

Un des auteurs le plus souvent cités lorsqu’on parle d’identité professionnelle est Claude Dubar. Ce sociologue part de l’idée que l’identité résulte des divers processus de socialisation (2010). Pour lui, l’identité se construit à travers des tensions individuelles et collectives et s’inscrit dans le sujet à travers ses transactions objectives et subjectives ; objectives en tant que le sujet doit incorporer de l’entourage professionnel les formes particulières d’agir et de voir la réalité, subjectives car le sujet traverse un processus de réinterprétation de ces formes d’agir et de voir la réalité du travail. De cette manière, les transformations historiques, collectives et individuelles en interaction configurent et reconstruisent les formes identitaires (Dubar, 2000).

Quant à l’identité professionnelle, elle émerge comme une forme où les individus se reconnaissent dans le champ du travail et de l’emploi. De cette façon, l’identité est le résultat « à la fois stable et provisoire, individuel et collectif, subjectif et objectif, biographique et structurel, des divers processus de socialisation qui, conjointement, construisent les individus et définissent les institutions » (Dubar 2004, p. 113).

Différents auteurs (Beckers, 2007 ; Dejean & Charlier, 2011 ; Jutras, Legault &

Desaulniers, 2007 ; Kaddouri, 2002 ; Perez-Roux, 2011 ; 2012a ; 2012b) mettent en avant deux principes d’après Dubar : la participation des autres et l’identification au

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groupe dans la construction identitaire, ce qui permet de se reconnaître à l’intérieur de la communauté professionnelle. Bien que l’identité professionnelle ait besoin des relations sociales pour sa constitution, c’est aussi le sentiment de l’individu d’appartenir à une même collectivité plus ou moins stable : ce n’est pas seulement le rapport entre les apports du contexte au sujet, mais aussi comment l’individu

« répond » à cet appel social. Une fois encore, la dialectique entre la différenciation du sujet par opposition aux autres et d’association par similitude de soi aux autres s’installent dans la construction d’une identité professionnelle. Le sujet doit s’organiser en fonction des représentations de la profession : représentations qui renvoient à des finalités du métier, aux normes et systèmes de valeurs, aux qualifications, moyens et attitudes donnant un cadre de référence pour situer les actions de la personne comme professionnelle.

Selon Blin (1997) l’identité professionnelle serait un réseau d’éléments particuliers de représentations professionnelles, réseau spécifiquement actif en fonction de la situation d’interaction et pour répondre à une visée d’identification/différentiation avec des groupes professionnels. L’identité professionnelle est conçue depuis un point de vue dynamique, un processus contextualisé dans l’interaction et non comme une forme stable et univoque signifiant l’appartenance de l’acteur à une organisation. Il s’agit donc du remaniement constant entre les significations que le contexte attribue au métier et celles que le sujet reconfigure de manière individuelle. Il s’agit d’une définition semblable à celle proposée par Cardu (2008). Pour cette auteure, l’identité professionnelle renvoie aux processus de négociation de significations et de sens avec l’environnement professionnel où le sujet peut trouver des points d’ancrage dans

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