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Cadre Méthodologique

4.3. Dispositif de recherche

4.3.2. Entretiens en insertion professionnelle

Pour les entretiens en insertion professionnelle, nommés aussi entretiens de recherche, nous avons choisi de faire deux rencontres avec chaque enseignant. Lors de ces entretiens semi-dirigés, l’enseignant est amené à expliciter des ressentis, des motivations, des obstacles, des conquêtes et des aboutissements de son travail.

Ces seconds entretiens se subdivisent à leur tour en deux moments. Dans le premier moment, sont repris les objectifs des stages en responsabilité sous la forme de grandes thématiques de questionnement : la gestion de la classe, l’organisation et la planification de l’enseignement, la progression de l’enseignement, les contenus disciplinaires et leur mise en scène didactique. Ces contenus convoquent en principe des savoirs professionnels propres aux dimensions de l’activité d’enseigner et de faire apprendre. En aval de tels contenus, l’entretien vise ensuite à soulever des questions relatives aux transformations du savoir lié à cette activité et aux situations qui génèrent ces transformations.

L’objectif de ces entretiens est donc de repérer dans le discours de l’enseignant des inférences et des hypothèses relatives aux ressentis, notamment des sentiments de développement du soi professionnel et de ses transformations. Il s’agissait de pouvoir montrer des traits identitaires sous-jacents émergents dans les thématiques évoquées. Explorer le vécu, le ressenti de ces premiers contacts avec le monde du travail a constitué le fil rouge de cette première série d’entretiens.

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Tout d’abord nous avons demandé à l’enseignant de décrire des aspects liés à l’arrivée à l’école, la date d’entrée comme enseignant à l’école, le degré qu’il(elle) a en responsabilité, les conditions du poste (s’il est à plein temps ou partiel), l’appui des collègues et directeurs de l’école, l’accueil des enfants et des parents. Cela étant, l’entretien traite une série de thématiques qui sont approfondies dans la mesure où l’information de l’enseignant entrainent d’autres questions.

Ces thématiques ont été rassemblées autour des éléments suivants :

- L’organisation et la planification de l’enseignement : les difficultés rencontrées, les apports de la formation et du stage afin de faciliter ou d’empêcher le déroulement des contenus en classe.

- Les contenus disciplinaires et la didactisation de ces contenus.

- La gestion de la classe, l’autorité, l’autonomie des élèves.

- Les formes d’évaluation et de régulation des apprentissages.

- Les aspects que l’enseignant croit, pense ou considère qu’il(elle) a transformés, améliorés, maitrisés lors de ces premiers moments comme enseignant titulaire.

- Des moments particuliers de tension, de difficultés, des paradoxes qu’il(elle) a sentis/vécus pendant cette première expérience comme maitre(se) titulaire.

- Des éléments ou aspects de la formation sur le terrain dont il(elle) croit, pense ou considère qu’ils lui ont servi dans le début du métier.

- Des aspects à améliorer de la formation en alternance afin de faciliter l’entrée dans le métier des jeunes enseignants.

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En synthèse, le but de ces entretiens était que l’enseignant verbalise comment il concevait son développement professionnel et le travail comme enseignant et aussi quelles problématiques, situations ou préoccupations il voyait de manière répétitive depuis sa formation initiale. Ce moment d’entretien servait à voir comment il(elle) se percevait en tant qu’enseignant et de quelle manière il(elle) parlait des sentiments associés à son performance professionnel. À la fin de l’entretien, nous avons demandé à chacun de proposer trois phrases ou adjectifs qui le décrivaient comme enseignant, ou encore de verbaliser des métaphores exprimant sa vision du travail enseignant. En plus, nous avons posé la question de savoir ce qui fait d’un professionnel un bon enseignant. Cette dernière partie de l’entretien visait l’émergence de certaines significations liées à la profession enseignante et surtout, à la manière dont il ou elle matérialise par des mots des représentations de soi-même et du métier.

Deux semaines après la première série d’entretiens en insertion professionnelle, nous avons proposé pour les entretiens du second moment une situation tendant à identifier comment se tissent les savoirs professionnels dans les parcours singuliers des enseignants. Cette fois-ci nous avons présenté aux enseignants des extraits transcrits de moments de leurs entretiens tripartites lorsqu’ils étaient en stages en responsabilité. Ces épisodes ont été choisis à partir de l’analyse préalable des entretiens précédents (les tripartites et ceux de la première série). L’analyse nous a permis de retirer des réflexions, des points de vue, des préoccupations constantes traversant la pratique sur le terrain des stages et qui ont été soulevés aussi dans les premiers entretiens en insertion professionnelle.

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Les critères pour sélectionner les extraits à montrer se sont basés sur des contenus communs manifestés tout au long des différents entretiens, par exemple : la difficulté dans la gestion de la discipline, le positionnement comme figure d’autorité, l’établissement des priorités d’enseignement par rapport aux élèves, les écarts entre la conception didactique et la mise en actes en classe, etc. Dans ce sens, ces extraits deviennent pour nous significatifs dans la mesure où ils impliquent des manifestations situationnelles particulières de l’expérience de l’enseignant qui ont une résonance dans sa vie professionnelle. Il s’agit de moments saillants pour lui (elle) qui ont été reconstruits par une médiation langagière et disposés dans des formes discursives narratives ou argumentatives que nous retenons pour déclencher la discussion.

La présentation des extraits significatifs place le jeune enseignant dans l’autoconfrontation à son discours passé. Il(elle) réagit de façon à expliciter la consolidation, la transformation, la complémentarité, l’éclairage ou bien l’inquiétude toujours présente relative aux pratiques enseignantes. Une sorte de bilan réflexif de la transition école-monde du travail est envisagé par le biais d’un regard rétrospectif.

De cette manière, l’entretien s’entame à partir de la discussion autour des extraits ressortis des entretiens précédents afin d’entrer en dialogue avec ce qu’il(elle) disait à ces moments-là.

Le déroulement de cet entretien a démarré avec la présentation des extraits à l’enseignant et les réactions qu’il(elle) pouvait avoir à propos de ce qu’il(elle) disait et de ce que suscitaient pour lui(elle) les passages choisis. Le fil rouge de cet entretien est donc de soulever et provoquer des réactions de l’enseignant à son propre discours

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passé. Pour cela, le chercheur lisait à haute voix l’extrait pendant que l’enseignant suivait la lecture avec une copie des textes et ensuite le chercheur posait des questions afin déclencher la discussion, telles comme les suivantes :

- Qu’est-ce que vous pensez de ce que vous disiez ? Pensez-vous pareillement ou différemment aujourd’hui ? En quoi est-ce pareil ou différent ?

- Votre conception a-t-elle changé au vu de ce que vous croyez aujourd’hui ? En

quoi a-t-elle changé ? Pourquoi ?

- Quel est votre avis par rapport à ce que vous proposiez avant ? Soutenez-vous la même appréciation/opinion en ce moment ? En quoi et pourquoi serait-elle similaire / différente ?

Dans le sens de Ricœur (1990), notre volonté est de confronter l’enseignant du présent avec l’enseignant du passé, de constater les ruptures et les continuités ainsi que les transformations et les constances d’un soi professionnel à travers du discours.

Il s’agit de souligner des éléments discursifs (de son contenu et de ses formes) afin de provoquer un prolongement artificiel pour identifier les conceptions qui ont changé ou qui se prolongent dans le temps, pour observer comment l’enseignant se situe face à ce qu’il(elle) a dit dans son étape comme stagiaire et comment il(elle) se représente, évalue, considère les situations professionnelles vécues.

Pour reprendre Ricœur (1990) : comment « l’expérience touche à l’identité dans la mesure où elle représente la capacité que nous avons de transformer ce que nous avons reçu de la vie en quelque chose que nous assumons et qui désormais fait partie

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de nous-mêmes » (p.123). Comme indiqué plus haut (partie théorique), notre proposition méthodologique de suivre le discours de l’enseignant s’appuie sur l’idée que par et dans les formes énonciatives le sujet projette des formes de penser, visions du monde, sentiments, états affectifs et jugements de valeur liés -dans notre cas- à son métier, à soi-même et aux savoirs professionnels qu’il(elle) a construits dans son expérience. Dans ces conditions, ce discours est pris comme un indicateur de la manière dont chaque enseignant aborde et réélabore les savoirs liés à la profession et d’y insuffler des traits identitaires de soi-même.

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