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Cadre Théorique

CHAPITRE 1. L’IDENTITE PROFESSIONNELLE DES ENSEIGNANTS ENSEIGNANTS

1.5. Una aproximación a la identidad profesional de los docentes

1.6.3. Le langage, une entrée indirecte pour saisir le soi

De la même façon que Vygotski ne conçoit pas les processus d’internalisation comme une copie sur le plan interne de ce qui se passe sur le plan externe, notre conception s’appuie sur l’idée que le discours n’est pas non plus une traduction complète et littérale de la réalité de l’enseignant. Bien au contraire, la mise en mots incarne des transformations et des changements dans les fonctions psychiques qui ne sont pas totalement restitués par les structures langagières7. Telle que l’internalisation vygotskienne, cette reconstruction discursive nous permet de dialoguer avec ce que l’enseignant dit sur son expérience, non par sur l’expérience elle-même ni sur l’analyse formelle linguistique.

Le principe selon lequel le sujet est configuré par une réorganisation sociale de la conscience attribue une importance fondamentale aux formes symboliques d'interaction. Le discours a du sens car il apparaît comme l’instrument utilisé permettant le développement inter et intrasubjectif, car c’est « dans l’échange verbal

7 Plazaola-Giger et Friedrich (2005) nous rappellent à la prudence à propos de l’opacité du langage lorsqu’on parle sur les aspects internes (mentaux, affectifs) de l’être humain.

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concret, que le langage vit son devenir historique, et non dans le système linguistique abstrait de formes de langue, pas plus que dans le psychisme individuel des locuteurs » (Vološinov, 1929/2010, p. 321).

Différents chercheurs ont souligné les relations entre le discursif et le subjectif. Du point de vue de la linguistique énonciative, nous signalons les apports de Kerbrat-Orecchioni (1980 ; 2005) sur les formes où apparait la subjectivité dans le discours du locuteur et qui nous permet de repérer certains attributs de leur identité. Nous voyons aussi des auteurs comme Galatanu (2010) qui définit l’identité comme « une construction mentale et discursive de soi et d’autrui, dans des contextes situationnels et cognitifs ayant pour enjeux les relations et les interactions des sujets parlants » (p.

125), en se complémentant elle-même sur un autre travail :

« L’identité apparaît comme une construction, à travers le sens produit dans et par le discours, d’images de soi pour soi et/ou pour autrui, d’autrui pour soi et/ou pour autrui. Sur le plan linguistique, il s’agit d’opérations d’auto-désignation, de définition, de dénomination [...] Mais cette construction se fait également par la production d’énoncés constatifs ou narratifs, dans la mesure où ces énoncés sont censés avoir un rôle qualifiant, voire typifiant à l’égard de l’identité ainsi proposée par le discours » (Galatanu, 2014, p. 3).

Charaudeau (2009a ; 2009b ; 2010) part d’une identité sociale pour parler d’une identité discursive, cette dernière étant celle où le sujet « n’est plus celui de la langue, mais au discours en tant que porteur d’une idéologie » Charaudeau, 2010, p. 211), une définition proche du rapport proposé par Vološinov (1929/2010) entre la conscience et l’idéologie. Pour Charaudeau (2010), il opère une sorte de

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dédoublement du sujet : d’une part sujet communicant ayant une identité sociale et, d’autre part sujet énonciateur ayant une identité discursive. Cette identité du discours, qui est aussi abordée par Varghese et al. (2005), représente une image de soi, un ethos qui est repérable dans son discours configurant une partie de la subjectivité du locuteur (Ammosy, 2010 ; Jorro, 2009).

Dans un cadre formatif, le discours a été pris en compte pour identifier l’émergence de différentes sphères d’apprentissage (Jahreie & Ottesen, 2010a, 2010b) ou de

« borderland discourse » (Alsup, 2006) participant à la construction de l’identité professionnelle des enseignants. Vanhulle (2005), par exemple, fait allusion à une polyphonie discursive pour signaler l'articulation de différents savoirs qui se manifestent et circulent dans des discours sur le métier et qui affectent la constitution d'un soi. D'un point de vue sociogénétique, l'enseignant en formation dialogue avec les discours qui circulent autour de la profession, ce qui lui permet de s'intégrer dans une communauté tout en construisant des éléments identitaires de nature professionnelle (Wenger, 1998). Ainsi, l'élaboration de savoirs est négociée par cette circulation de connaissances et par le dialogue entre les sphères d'apprentissage.

Notre positionnement vise à accéder par l’analyse des fonctionnements discursifs aux manières dont les savoirs professionnels participent aux phénomènes identitaires. Il est nécessaire de rappeler, encore une fois, que les productions verbales ne correspondent pas au « côté langagier » des situations de travail. Elles ne constituent pas des traductions directes ni le miroir reflétant l’agir sur le métier. Bronckart (2004) souligne que :

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« […] ces productions verbales relèvent elles-mêmes d’une activité autonome, qui implique des choix de contenus et de modalités d’expression, et qu’en conséquence si les énoncés observés peuvent relater des aspects significatifs de l’agir au travail, ils constituent aussi nécessairement des mises en forme8 de cet agir signifiant, qui entrainent inéluctablement sa transformation ou sa reconfiguration » (p. 99).

Comme nous l’avons présenté, les différentes études confirment que le langage devient un moyen privilégié afin de saisir des éléments identitaires. Mais, au-delà d’être un choix méthodologique, les chercheurs ont montré différentes raisons de mettre le langage au centre de l’analyse de la problématique identitaire des enseignants : la parole des enseignants permet de donner de la continuité aux événements vécus par la mise en mots de l’expérience ; à travers le discours, l’agir professionnel devient objet pour la réflexion en propre ; le discours reflète en partie les processus de configuration de la pensée. Vološinov (1927/1980) pointe le statut du langage accordé depuis le point de vue interactionniste :

« Le contenu de notre psychisme, celui de nos pensées, de nos sentiments et de nos désirs, se trouve informé par notre conscience et donc par notre langage, celui-ci ne devant pas être pris dans son acception étroitement linguistique, mais au sens large et concret que lui donnent les sociologues, c’est-à-dire comme le milieu objectif dans lequel se présente à nous le contenu du psychisme, comme le lieu où naissent et paraissent extérieurement les raisons de notre comportement, nos idées, nos intentions, nos jugements, comme le lieu, aussi, où éclatent entre eux des conflits (p. 180).

8 Italiques dans l’original.

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Le soi construit discursivement permet de traiter la problématique identitaire des enseignants comme un phénomène en constante mutation, qui se configure par l’interaction langagière à travers la discussion, l’argument, l’accord et le désaccord, la similitude et la différence (Clarke, 2008).

Après avoir montré différents arguments qui soutiennent l’usage du concept du soi pour traiter le développement identitaire des enseignants, nous présentons dans la dernière partie de ce chapitre l’un des aspects noyaux de notre cadre théorique. Le concept de subjectivation met en scène le composant fonctionnel du soi professionnel, ce qui mérite un dernier arrêt explicatif avant de continuer sur l’axe théorique suivant de notre travail.

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