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Thèmes, méthodes et plan

Il semble pertinent, pour analyser la vie musicale à Grenoble, de tendre à obtenir une vision d'en- semble de la musique dans la ville, ou pour mieux marquer la dimension sociale de l'étude, de ses musiques et de ses musiciens. L'objectif ne doit pas être d'établir un simple panorama, mais d'arti- culer les différents acteurs et les pratiques de la musique autour des dimensions fonctionnelles de ces musiques. Ce sont des groupes sociaux ou des institutions qui commandent des musiques pour accompagner des événements religieux, civiques ou récréatifs, et qui payent les exécutants. Et ce sont des professionnels qui produisent ces musiques, fabriquent leurs instruments, et en vivent. Cette articulation de l'ensemble des acteurs de la ville autour de la musique requiert une vision systémique qui doit guider la recherche, comme le plan d'exposition des connaissances réunies.

Ce travail ne pourra pas se faire à l'aide d'une méthode unique car ses deux objets d'étude princi- paux sont trop différemment éclairés par les sources pour bénéficier d'une même approche. Le groupe des musiciens professionnels est connu, par individu et comme groupe, en premier abord par les sources qui le fondent comme groupe professionnel : les comptes publics de rémunération et les contrats d'association. Alors que le groupe des amateurs de musique, partie de l'élite sociale greno- bloise, n'existe avant l'étude que par hypothèse : nous supposons que s'il s'organise à partir de 1724 en Concert pour jouer collectivement, mieux ou différemment, de la musique savante, c'est que par goût individuel ou collectif, et par éducation, ces personnes de qualité pratiquaient déjà, mais sous d'autres formes, une musique profane savante, elle-même alors en pleine mutation stylistique.

Selon l'élément étudié, il faudra adapter une méthode à sa composition, son effectif et naturelle- ment aux sources disponibles. Le groupe des musiciens professionnels, identifié par des sources fiscales, judiciaires ou administratives, est un ensemble dont une partie peut certes demeurer masquée, mais qu'il est possible d'analyser comme groupe autant que par individu ou par dynastie

109 Edmond Maignien, L'Imprimerie, les Imprimeurs et les Libraires à Grenoble du XVe au XVIIIe siècle, Grenoble, Impr. Gabriel

Dupont, 1884, p. XII.

à Grenoble au XVIIe siècle

familiale. Pour ce groupe, une analyse sociale détaillée de tous ses membres connus s'impose pour apporter la meilleure connaissance possible 110. En revanche, rien de tel n'est possible pour les

amateurs mélomanes des élites urbaines qui – par hypothèse – pratiquent la musique, avant 1724, dans la sphère privée. Pour ces amateurs, c'est par exception, parce qu'une trace de pratique musicale émerge – grâce à un inventaire après décès, une correspondance privée, un rare passage d'un mémoire – que quelques individus peuvent être identifiés comme pratiquant la musique. Leur étude comme groupe ne peut se faire de manière systématique, mais bien plutôt en utilisant ces quelques traces de pratiques d'amateurs pour questionner les dimensions sociales et culturelles des élites. Élites grenobloises que nous connaissons grâce aux travaux des historiens de Grenoble, particulière- ment sur la connaissance des milieux parlementaires, par les recherches effectuées notamment par Maurice Virieux et Clarisse Coulomb, respectivement pour le XVIIe siècle et pour le XVIIIe

siècle 111. Enfin, qu'il s'agisse des professionnels ou des amateurs, aucun ne naissant musicien, surgit

une question commune : où et comment apprenaient-ils la musique ? Cette question institutionnelle de leur apprentissage musical est un maillon indispensable à la compréhension de l'ensemble du système.

Par suite de ces choix, nous tenterons de faire avancer et de présenter ces connaissances en analy- sant dans un premier temps les musiques de la ville, dans l'espace public de la cité – églises, rues et places – comme dans l'espace privé, quand sont organisées des musiques par l'aristocratie en ses modestes hôtels urbains ou en ses châteaux. Nous examinerons les circonstances de la production de ces musiques, ses commanditaires institutionnels – pour la religion comme pour la cité –, ses moda- lités d'exécution, la mobilisation des exécutants qu'elles nécessitent et, si possible, les répertoires joués. Dans un deuxième temps seront étudiés les musiciens professionnels : d'abord ceux travaillant pour l'Église, tonsurés ou non, qui accompagnent les liturgies ou les fêtes religieuses ; ensuite les indépendants, qui exécutent et rendent possibles les musiques et les danses savantes à Grenoble. Tous seront appréhendés dans l'organisation de leur métier, dans leurs composantes sociologiques d'ensemble, mais sans négliger les individualités significatives, ni la dimension particulière de familles composant de véritables dynasties de musiciens, non plus que le cas particulier des frères Farinel, rares musiciens grenoblois ayant acquis quelque célébrité.

110 L'idéal serait de mener une étude prosopographique des musiciens, donc une recherche systématique supposant la lecture et

l'analyse de nombreuses sources primaires manuscrites, du type de celle conduite à Moulins.

111 Maurice Virieux, Le Parlement de Grenoble au Dix-Septième siècle – Étude sociale. Thèse d'État en Histoires, s-dir. Roland Mous-

nier, Université Paris-Sorbonne, 1986.

Clarisse Coulomb, Les pères de la Patrie : la société parlementaire en Dauphiné au temps des Lumières. Thèse de doctorat en Histoire, s-dir. Dominique Poulot, Paris, EHESS, 2001.

à Grenoble au XVIIe siècle

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