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La mobilité géographique des professionnels identifiés

Pour la plupart, les informations précisant une origine extra-grenobloise des musiciens sont issues des registres paroissiaux et sont donc conditionnées par la qualité du scribe chargé de remplir ces registres : la mention de ce type d'information est de tradition, mais leur absence ne fait pas preuve de la qualité d'autochtone.

Les données sont très faibles : 24 origines géographiques extérieures à Grenoble seulement sont décelées – soit 1/5e environ de la série de musiciens – et aucune provenance exogène dominante ne

se dégage, hormis – mais si faiblement – celle de l'Auvergne, très ponctuellement, et fort tardive- ment, celle de Paris. Quant à l'observation des provenances par métier, elle n'est guère permise, vu le trop faible échantillon observable : deux facteurs sont venus de Paris, un autre est originaire de Chambéry.

Tableau 11 : Provenance foraine des musiciens indépendants : décompte

origine effectif origine effectif

villages proches de Grenoble 2 Provence 2

Bas-Dauphiné et Dauphiné Rhodanien 4 Brie 1

Dauphiné des montagnes 1 Bourgogne 1

cumul Dauphiné 7 Gascogne 1

Jura 1

Paris 5 Normandie 1

Auvergne 4 Savoie 1

Globalement, ce sont donc 22 % des musiciens identifiés à Grenoble qui sont forains. Ceux qui arrivent du Dauphiné ne représentent qu'un tiers à peine de ces forains et les deux autres tiers sont originaires d'autres provinces, constituant à eux seuls 15 % des musiciens identifiés. Ce taux d'immi- gration musicienne constitue un minimum ; la réalité doit être sensiblement plus forte, mais dans une mesure impossible à quantifier.

Quantitativement, la première origine des musiciens venant d'autres provinces est celle de Paris. Elle semble pourtant exceptionnelle au XVIIe siècle, d'autant qu'il ne faut pas exclure que Dezart ou

Dizart et De Serre, aux chronologies si proches, et au prénom comme au métier identiques, ne fassent qu'une seule personne, ce qui rendrait unique la venue d'un musicien parisien à Grenoble avant 1700. Les autres immigrations issues de Paris relèvent du premier XVIIIe siècle. Une au moins

ne laisse pas de surprendre : elle concerne un musicien disposant déjà à Paris d'une fonction intéres- sante 369 :

Allain (René-Charles), « Me de musique » et « musicien ordinaire de Mgr le duc d'Orléans », fils de Jean-Jacques, maître de

musique, et d'Henriette Rabie, de la ville de Paris, épouse, le 16 septembre 1704, Marianne Le Moine, fille de Pierre Le Moine, Me de musique de la ville de Paris, et d'Anne Jolly.

Bien plus notoires sont les immigrations d'Auvergne. Non qu'il s'agisse d'un courant durable : elles ne se produisent qu'en une petite vague – 4 personnes sans doute –, au début des années 1600. Parmi celles-ci, Raye dit l'Auvergnat arrive avant 1610. Bien qu'aucune indication de ses origines ne se trouve dans les sources, le surnom qu'elles lui accordent lui vaut de figurer dans cette liste. Les trois autres sont de deux familles – Reymond, Farinel – qui feront souche à Grenoble, ainsi qu'à Turin, et y formeront de véritables dynasties de musiciens.

369 Edmond Maignien, Les artistes…, op. cit. ; Minutes de Me Aubert, f° 283.

Musiques et musiciens

Tableau 12 : Détail des musiciens indépendants dont la provenance est connue

début fin identité originaire de métier

1604 1630 Mathieu LEBAS dit LAYE « se disant de la ville de Rouen » joueur d'instruments

1606 1606 Jean EYRAUD La Roche joueur de violon

1610 1610 RAYE (ROYE ?) dit l'AUVERGNAT d'Auvergne ? joueur de violon

1612 1616 Léon REYMOND dit LA VIOLETTE Chouatz en Auvergne maître joueur d'instruments 1612 1612 Jean-Gonin RYVEL de Fontaine maître de violon

1612 1630 Antoine VIAL né à Tullins joueur d'instruments en la grande bande des violons 1620 1620 François FARINEL Auvergne maître joueur d'instruments 1630 1673 Robert FARINEL Auvergne musicien de la chambre de Mme Royale 1642 1652 Nicolas SERRE (de) Paris facteur d'instruments

1645 1645 Nicolas DEZART ou DIZART né à Paris maître faiseur d'instruments 1648 1654 Claude PELLOT ou PELLAULT Briançon maître de musique

1649 1649 Urbain GAUDIN Donzac en Gascogne joueur de luth 1652 1652 Pierre PIN natif d'Aix-en-Provence joueur d'instruments 1657 1657 Barthélemy MARAND Sassenage maître joueur d'instruments 1657 1657 Bertrand MARAND de Sassenage maître joueur d'instruments 1659 1664 Pierre ODET Poligny en Bourgogne maître joueur d'instruments 1681 1713 André LA BRUYÈRE II Avignon maître de musique & maître de danse 1688 1688 Claude FAURE de Chambéry facteur d'instruments

1698 1712 Martin LEMOINE (l'oncle) Champeaux (Brie) maître joueur d'instruments

1700 1700 Charles GUYARD Paris maître de musique

1700 1700 Jean LAMBE Dôle maître joueur d'instruments

1702 1712 Louis-Charles DENIBAT ou DENIBAS Paris maître de musique, joueur d'instruments 1704 1745 René-Charles ALLAIN ALIN natif de Paris maître de musique 1725 1725 Claude BESNARD de Montélimar maître à danser

Une analyse des départs des musiciens de Grenoble semble impossible pour deux raisons. Premièrement, les possibles et probables musiciens grenoblois émigrés ont, de ce fait, cessé de laisser des traces sur place : c'est dans les archives de leur nouvelle résidence que les registres paroissiaux pourraient les connaître. Deuxièmement, les 5 départs de Grenoble qu'il est possible de prendre en compte sont fort mal connus.

Deux mouvements se produisent, sans doute en 1620, quand les frères François et Robert Farinel, joueurs de violons, se rendent de Grenoble à Turin, engagés par Christine de Savoie probablement lors de son passage à Grenoble. Ces deux musiciens étaient-ils à ce moment des musiciens greno- blois, ou bien de récents émigrés d'Auvergne, fraîchement installés à Grenoble et cherchant un lieu favorable à l'exercice de leur talent ? C'est plus tard, vers 1645, que Robert deviendra professionnel à Grenoble, après avoir quitté Turin où la cour ducale le rémunérait, et qu'il épousera Charlotte Reymond, avec laquelle il aura notamment deux garçons, Michel et Jean-Baptiste, futurs musiciens européens. Jean-Baptiste Farinel quittera Grenoble à son tour, avant même d'avoir commencé son métier de musicien, puisqu'on le trouve musicien à Hanovre, en la principauté de Calenberg, en 1680, pour ses 15 ans.

à Grenoble au XVIIe siècle

François Mondon, fils d'Antoine maître tourneur et maître faiseur d'instruments et décédé en 1717 à 72 ans, choisit d'être musicien hors de Grenoble. C'est vers 1690 que François Mondon – dont la pratique à Grenoble, avant son départ, n'est pas assurée – quitte sa ville et sa grande famille de menuisiers pour faire carrière à Chambéry, comme maître de musique.

Un peu plus tard, intervient le départ de Gaspard Perier, maître d'écriture, musicien et joueur de violon, flûte et flageolet. Ce musicien grenoblois part pour Marseille avant 1717, puis en Italie, d'où il a laissé plusieurs manuscrits, dont des lettres de Pline le Jeune traduites en italien. Comme ces documents sont conservés à la BMG, il est possible que Perier soit revenu à Grenoble après son périple. Mais on ne sait si Perier a vécu de la musique. Est-il à sa place dans l'étude des départs de musiciens professionnels, quand la dédicace d'un sonnet, à lui adressé, le qualifie de « dilettante di musica e professore di lingua » 370 ?

Notons à propos de ces émigrations que, pour ces 5 départs visibles, il ne s'agit pas de joueurs d'instruments grenoblois parmi les plus ordinaires ; c'est aussi pourquoi leur départ a laissé des traces. Les Farinel sont ou deviendront compositeurs de musique savante, Gaspard Perier est musi- cien et maître d'écriture, et François Mondon est qualifié de maître de musique pour sa carrière à Chambéry.

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