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Statut et mode d'engagement des bandes Constitutions d'associations devant notaire

La constitution d'une bande de joueurs d'instruments de jure, par acte collectif passé devant notaire, se produit à Grenoble ; mais un bien petit nombre de fois. Les sources n'ont révélé que 8 constitutions de ce type de bande en 140 ans. De plus, les rares contrats signalés correspondent surtout à des micro-associations, et une seule fois à une grande bande de violons.

Tableau 13 : Caractères des bandes quand le terme « bande » est employé dans les sources

année effectif durée annoncée de facto ou de jure ?

1606 12 1610 6 1612 12 1622 12 1623 7 1626 6 2 ans contrat 1627 6 + 6 1628 6 1630 5 ou 6 6 ans contrat 386 AMG, ISAP, CC 1104 et CC 976. 142 François CAUSSIN 1 6 0 6 1 6 1 0 1 6 1 2 1 6 2 2 1 6 2 3 1 6 2 6 1 6 2 7 1 6 2 8 1 6 3 0 1 6 3 6 1 6 4 7 1 6 4 8 1 6 4 9 1 6 5 3 1 6 5 4 1 6 6 1 1 6 6 6 1 6 6 7 1 6 6 9 1 6 8 2 1 6 8 4 1 6 8 6 1 6 9 8 1 7 2 2 0 2 4 6 8 10 12 14

à Grenoble au XVIIe siècle

année effectif durée annoncée de facto ou de jure ?

1636 3 4 mois contrat

1647 12

1648 2 contrat

1649 2 contrat

1653 3 pour carnaval contrat

1654 3 contrat 1661 3 1 mois contrat 1666 6 1667 12 1669 12 1682 6 1684 6 1686 6 1698 12 1722 12

C'est pour la décade 1621-1630, celle où est connu le plus grand nombre de noms de musiciens pratiquant en bande, que se situent les deux informations précises pour la constitution de bandes de six joueurs.

La première entreprise, celle de Mathieu Lebas, semble se grouper sur un rythme annuel : consti- tution en 1626, renouvellement l'année suivante, avec ajout d'un membre 387 :

Lebas dit Laye (Mathieu), « Me joyeur d'instrumens, Me joeur de violon », de Grenoble (...) et s'associa, le 26 février 1626,

avec François Reymond, Servin-Bernard dit Baret, Jean Tabourin, Mongin Royer, Mes joueurs d'instruments « et en bande en

leur art et profession de joueurs de viollons » 1 ; le 5 janvier de l'année suivante ils augmentèrent « leur bande de viollons »

d'Anthoine Basin 2.

1. Minutes de Me Pollin, f° 40. 2. Id., f° 129.

La seconde, celle d'Antoine Vial, passée en 1630 en sa boutique, est d'une grande richesse infor- mative et mérite d'être citée 388 :

Le 30 novembre 1630, il [Antoine Vial] s'associe avec Jean Romeyer, Gilibert et Pierre Vial ses frères, Servin Bernard-Baret « tous joueurs d'instruments de violons ensemblement à continuer à jouer en bande desdits instruments et aultres desquels ils savent jouer en tous les lieux et endroits ou requis seront, et c'est pour et pendant le temps et terme de six années qui commenceront à ce jour de Saint-André et finissant à semblable jour de 1636 … Faict à Grenoble, rue Sainte-Claire, en la boutique dudit Anthoine Vial, présents messire Père général de la Fatigue, prêtre cordelier, et Antoine de La Gardette, prêtre habitué à Saint-André.

Michel Chappy, Pierre Vial, Dalle, roy général de la Fatigue » 2. 2. Minutes de Me Jallard.

L'effectif est de cinq joueurs, mais l'un des trois signataires, Michel Chappy est probablement Michel Chapaty, sans doute fils de François Chapaty « de la grande bande des violons ». Michel Chapaty, si c'est lui, a maintenant 18 ans, il est « joueur d'instruments » et il ne serait que signataire et témoin de l'acte ? Il est tentant d'en faire le sixième participant.

Cette durée de six années prévue pour la bande de Vial, habituelle dans nombre de villes, constitue le seul cas documenté de Grenoble. Nous retrouvons ici la confirmation des capacités multi-instrumentistes des joueurs des bandes.

387 Maignien, Les artistes..., op. cit., p. 207-208. 388 Id., p. 370.

Musiques et musiciens Les témoins de ce contrats constituent une énigme. Un prêtre cordelier et un prêtre habitué de Saint-André, non seulement sont témoins de l'acte d'association, mais le sont en tant que représen- tants – Père général et roy général – de l'organisme La Fatigue. Ce royaume de La Fatigue, de par la titulature de ses représentants, n'est pas sans rappeler l'organisation des Abbayes de Bongouvert, mais il est totalement inconnu à Grenoble 389. Encore une fois, c'est une information unique, mais qui

ouvre des perspectives d'approfondissements. La Joyeuse Abbaye de Bongouvert de Grenoble, inter- dite parle Parlement en 1580, reconstituée rapidement et utilisée par la ville pour l'organisation des réjouissances, est bien connue sous ce nom comme coorganisatrice avec le consulat de la grande fête de 1660 pour la Paix, avant d'être interdite 11 ans plus tard 390. Se faisait-elle appeler La Fatigue

auparavant, ou s'agit-il d'une autre organisation ? Si l'Abbaye de Bongouvert comptait en ses rangs et même à sa direction des Grenoblois des milieux les plus prestigieux de la ville, il s'agissait de laïcs ; or ici, nous avons deux prêtres pour la diriger. Abbaye de Bongouvert ou La Fatique, son rôle dans cette association de 1630 n'en resterait pas moins inexpliqué : il ne s'agit pas ici d'organiser, en sous-traitance du consulat, une fête publique, mais d'être témoin à la constitution d'une association privée, d'une bande de violons.

Plus tard dans le siècle, en 1636 puis en 1653, 1654 et 1661, nous observons la constitution de petits regroupements de musiciens – deux ou trois joueurs – associés pour un court terme : un à quatre mois. L'objectif de ces petites entreprises est ciblé : se faire engager pour les multiples fêtes religieuses ou profanes qui se déroulent entre la Toussaint et les Cendres, avant le grand silence du Carême. Silence interrompu par la Mi-Carême, pour laquelle s'associent Canard-Lebas-Picard en 1661. L'association Bourdariat-Vial-Guyard de 1653 vise, elle, le seul carnaval. Supposant logique l'effectif réduit choisi par les associés, il semble que ces fêtes hivernales soient plus favorables à l'embauche de petites équipes de joueurs d'instruments, alors que les pompes municipales ou les grandes fêtes privées requièrent les effectifs plus fournis des grandes bandes de violons.

Les bandes constituées de facto

Pourtant, et nous en avons dénombré les effectifs, les bandes qui jouent et sont rémunérées sont bien plus nombreuses que ces huit associations juridiquement constituées. Certes, un certain nombre d'entre elles ont pu passer devant notaire sans que cet acte soit relevé. Mais nous avons vu plus haut que la possibilité était envisageable d'une évolution dans le siècle avec moins d'associations de jure de la part des musiciens grenoblois. Alors quelle est la nature de cette part de ces rassemblements de musiciens et quelles relations entretiennent-elles avec les particuliers ou les pouvoirs locaux qui font appel à elles ?

Les ducs de Lesdiguières, les lieutenants généraux avaient-ils leur bande ?

Le lieutenant général, représentant le gouverneur du Dauphiné, la dynastie des ducs de Lesdi- guières, employaient-ils structurellement leur bande de joueurs d'instruments ?

Les expressions ne manquent pas dans les sources qui nourrissent une ambiguïté à ce sujet. On trouve mention des musiciens « de la grande bande de Mgr le Connétable » en 1622, puis de la

« bande du comte de Sault » à plusieurs reprises. Plusieurs travaux d'historiens utilisent pour décrire la présences de musiques au domicile des élites des expressions comme « ils avaient à leur disposi- tion » une bande de musiciens, reproduisant ainsi l’ambiguïté des sources. Or la lecture de ces expressions peut conduire à plusieurs interprétations : s'agirait-il d'un engagement permanent de ces musiciens, de leur intégration dans la maison du prince, dans leur domesticité ; ou bien d'un engage-

389 Louis Royer ne mentionne pas La Fatigue dans ses notes sur l'Abbaye de Bongouvert (Louis Royer, Notes sur le Dauphiné (L'Ab-

baye de la jeunesse, la gastronomie ancienne, l'archéologie, les auberges et relais), BMG, Ms. R. 10258). Les historiens greno- blois que j'ai interrogés ne connaissent pas cette Fatigue. Interrogé aussi, Jean-Yves Champeley, auteur d'une thèse Organisa- tions et groupes de jeunesse dans les communautés d’entre Rhône et Alpes (XVIe - XVIIe - XVIIIe siècles)…, [cf. Bibliographie], ne

m'a pas répondu.

390 L'interdiction de 1671 n'arrête pas les activités de base de cette Abbaye, puisque ses charivaris sont à nouveau interdits en 1695,

le 7 juin : arrêt du Parlement défendant de faire des charivaris, Grenoble 1797, in 4°, BMG O.16823 ; cité par Royer, Notes sur le Dauphiné…, op. cit.

à Grenoble au XVIIe siècle

ment contractuel de longue durée ? Dans le soucis de comprendre l'organisation de la vie musicale à Grenoble, il faut tenter de clarifier ce statut des bandes de violons.

Pour tenter de répondre à cette question, il convient dans un premier temps de rappeler le contexte de l'état de fortune et du type de domesticité dont disposent les élites grenobloises, et dans un deuxième temps, d'observer la nature des relations entre les employeurs et les bandes de violons.

D'ordre logique est la réticence qui découle de la connaissance du contexte grenoblois. Si les élites avaient disposé en leur maison d'une petite équipe permanente de joueurs, musiciens, danseurs, professeurs, la trace financière de ces emplois apparaîtrait, avec celle des domestiques, dans leur comptabilité ou dans certains de leurs testaments.

Le monde parlementaire – la composante la plus nombreuse de la noblesse grenobloise – a été analysé pour le XVIIe siècle par Maurice Virieux 391. Ces grands personnages disposent-ils, pour

leurs fêtes et leurs plaisirs musicaux, d'une troupe permanente en leur maison, à la manière des plus grands princes de la Cour ? Ce sont 168 familles dauphinoises qui fournissent des présidents et des conseillers, explique cet historien. C'est que le cercle des suffisamment riches ou bien nés pour y prétendre est étroit dans cette pauvre province. Sur la période 1453-1790, les familles des « 168 » qui fournissent le plus de parlementaires sont les Virieu (8), Rabot (9) et La Croix (10). Ces parle- mentaires détiennent des armes, des chevaux et des carrosses, des bibliothèques, et emploient des domestiques 392 :

Nos parlementaires ont des domestiques. Nous les connaissons par leurs testaments, prescrivant de leur verser l'arriéré de leurs gages et y ajoutant un don forfaitaire, parfois une pension ou leur entretien. Nous les connaissons aussi pour la fin de la période, par une revue générale des comptes de la capitation de 1709 : « État des domestiques de noseigneurs du Parle- ment ».

Laquais, cuisiniers, cochers, porteurs, servantes, valets : un decrescendo de leur nombre est observé à partir du maximum de huit. Six conseillers n'en ont qu'un. Dix n'en n'ont peut-être aucun. Les deux présidents qui ont 8 domestiques sont Mgr de Chaponnay (4 laquais, 1 cocher, 1 femme de

chambre, 2 servantes) et Mgr de Châteauneuf (1 cuisinier, 1 cocher, 2 servantes et 4 laquais). Le

conseiller François de Bressac, réputé musicien et possesseur de plusieurs instruments de musique, entretient 1 cocher, 2 laquais et 2 servantes.

La plus grande fortune dauphinoise est celle accumulée avant 1590, au cours de la guerre, par Lesdiguières. L'étude menée par Stéphane Gal de sa comptabilité, tenue par Jérémie Mathieu, et de la maison du duc, n'a pas fait ressortir l'existence d'emplois permanents de musiciens. Il est probable que sa fortune aurait été suffisante et que c'est par manque de goût pour cet art que ce soldat ne comptait pas de musicien en sa maison 393.

Force est cependant de reconnaître qu'en matière de divertissements, Lesdiguières semble moins attiré par les spectacles que par la chasse, activité aristocratique par excellence.

Il n'a pas craint, pour ce qui lui importait davantage, de mobiliser et rémunérer plusieurs peintres et décorateurs venus du Nord pendant plusieurs années pour aménager sa maison de Grenoble et son nouveau château de Vizille. Il s'agit de cinq peintres flamands – Antoine van Halder, Jan van Loenen, Jan van Niwael, Antoine Schanaert, Wilhelm Visscher (dit Guillaume Pescheur) – qui constituent jusqu'en 1633 394 un groupe bien visible à Grenoble et travaillant pour les commandes de

la ville pour les décors éphémères des entrées, pour des églises, ou pour faire des portraits, et tout particulièrement pour les décorations privées commandées par Lesdiguières à Grenoble et Vizille.

L'une des descendantes du Connétable, bien que vivant à Paris, ayant certes atteint un âge où la danse est sans doute moins pratiquée, ne semble pas davantage entourée de musiciens. Nous le savons par son testament. La duchesse lègue une multitude de dons, pensions et rentes à des orga-

391 Maurice Virieux, Le Parlement de Grenoble…, op. cit. 392 Id., p. 391.

393 Stéphane Gal, Lesdiguières…, op. cit., p. 243-247, et 258.

394 Anaïs Barat, Les peintres de Grenoble 1600-1650. Mémoire de Master 1 d'Histoire de l'Art, s-dir. Marianne Clerc, UPMF,

Grenoble, 2011.

Musiques et musiciens nismes et à des personnes et notamment à ses employés ou domestiques. Sont nommés et pensionnés ses laquais, cuisinier, cocher, « jardinier de Grenoble », etc. ; mais point de maître à danser ni de musicien dans cette liste 395.

Les Grands de Grenoble ne sont pas dotés d'une fortune suffisante pour ajouter un ou des musi- ciens permanents à la domesticité indispensable à garantir leur confort et à tenir leur rang. Lorsqu'ils ont besoin de musiques, outre l'exercice de leurs talents personnels, ils doivent logiquement faire appel à des musiciens professionnels de la ville. François de Bonne de Lesdiguières, même s'il n'avait pas les mêmes limites financières, a procédé de la même façon. Ses héritiers, dont la rési- dence principale était à Paris, avaient moins de raison encore pour financer à Grenoble un groupe permanent de musiciens. Le doute subsiste pour le comte de Médavy, moins documenté. Il faut tenir compte de la grande différence entre le temps de la toute puissance de Lesdiguières et des fastes de la vie de salon des lettrés grenoblois d'une part, et d'autre part le temps du siècle suivant, moins riche en vie intellectuelle de salons, mais précédant immédiatement l'existence de l'Académie du Concert. Pour Médavy, les pratiques domestiques et musicales ont pu changer dans l'élite grenobloise. Cepen- dant il n'apparaît pas de contrats passés entre des violonistes de la ville et le comte de Médavy.

La lecture attentive des informations attestant ces mises à disposition d'une bande de violons devrait aider à comprendre la relation qui organise le service musical rendu. Qu'observe-t-on lors de la mobilisation des bandes dites « de Mgr le duc » ou de « M. le comte » ? Un premier exemple

concerne la réunion de la « bande de Mgr le Connétable » en 1622 396 : Dépenses pour l'Entrée du Roi Louis XIII dans la ville –

1621-1622 – Comptes des deniers communs – (…) aux violons et autres musiciens « de la grande bande de Mgr le Conné- table », 12 livres à chacun, « oultre les escherpes que leur avoit été donné par ladicte ville »

Un second exemple, une autre appellation, mais une même procédure, interviennent à propos du gouverneur, le comte de Sault, en 1628 397 :

[1628 : Réjouissances en l'honneur de la prise de La Rochelle] 1627-1629 - Comptes des deniers communs et d'octroi –

1628 - (...) Aux violons de la bande du Comte de Sault, qui ont joué pendant le feu de joie allumé en l'honneur de la prise de La Rochelle, 22 l. 10 s. ; aux musiciens de N.-D., pour le même motif, 22 l. 10 s.

Dans ces deux cas, c'est la municipalité qui paye la prestation de la bande ; pas le Connétable, ni le gouverneur. Mais cela ne prouve sans doute rien. Le gouverneur ou le lieutenant général ont assez de pouvoir pour ordonner aux consuls de payer sur les deniers publics un groupe de musiciens qu'ils auraient engagé, comme ils payent aussi les musiciens de Notre-Dame.

Pourtant, lorsque Charles de Créquy, duc de Lesdiguières, a besoin en 1630 de professionnels du spectacle ou d'un professeurs de danse, l'information est relatée dans cet exemple avec ce commen- taire suggérant encore cette « à disposition » d'un musicien 398 :

Deux contrats 21 montrent qu'ils avaient à leur disposition en 1630, un « feseur de feux d'artifices » attitré, Louis Beauregard

(…) ; d'autre part le second contrat indique que les ducs avaient à leur disposition un « joyeur d'instruments » auvergnat, Léon Reymond dit La Violette qui, avec ses musiciens, devait divertir les ducs et apprendre « à danser aux pages de Mgr Desdiguières ».

21. Maignien op. cit., p. 25, 36 et 287 (Les artistes grenoblois)

Or les services du maître à danser sont précisément décrits dans la source première comme un paiement ponctuel pour service fait 399 :

Reymond dit La Violette (Léon), « joyeur d'instrument » (…) Le 1er août 1630, il avait reçu la somme de 18 livres « pour

395 Testament de Paule-Françoise-Marguerite de Gondy, duchesse de Lesdiguières et de Retz, veuve de François-Emmanuel de

Bonne de Créqui [† 1681], duc de Lesdiguières, gouverneur du Dauphiné, demeurant en son hôtel à Paris, rue de la Cerisaie. (…) (4 septembre 1714).

AMG, ISAP, DD 101, 1499-1754 – Hôtel de Ville, fol. 224, p. 67.

396 AMG, ISAP, CC 753, p. 161.

397 AMG, ISAP, CC 768, p. 170. Cf. aussi : AMG : BB 95, ff° 112v°, 113r°, CC 768 ff° 21 & 96v°. 398 Monique Briselet, L'Hôtel des Ducs de Lesdiguières…, op. cit.

399 Maignien, Les artistes..., op. cit., p. 287.

à Grenoble au XVIIe siècle

payement d'avoir monstré un moys a dancer aux pages de Mgr Desdiguières » 1. 1. Comptes de Mgr Lesdiguières, n° 170. Bibl. de Grenoble, R. 6150.

Un autre exemple est fréquemment mis en avant, qui reproduit la formule ambiguë « avait à sa disposition ». En 1708, le comte de Médavy avait chaque jour de la musique en son domicile. Le fait semble incontestable, confirmée en 1721 par une lettre privée du marquis de Grammont à celui de Valbonnais 400 :

Au milieu de ces craintes nos dames demandent, tous les jours, des bals, et M. le comte de Médavy a, chez lui, de la musique presque tous les jours. (…). »

Cette musique chez Médavy est jouée par qui ? L'idée et la formulation de départ pour répondre à cette question semblent venir de Louis Royer qui l'écrit en 1937 dans la Revue des cours et confé- rences, sans que cette revue lui laisse une place pour citer ses sources 401 :

Médavy entretenait, pour ses fêtes et pour les plaisirs de la société, une troupe de musiciens ; enfin il avait aussi un poète attaché à sa personne. Le nom de ce disciple d'Apollon n'est pas à vrai dire très illustre ; il s'appelait Clément (...).

Depuis lors, la plupart des historiens, dans des ouvrages dont, certes, le fil conducteur premier n'est pas la vie musicale, reprennent peu ou prou cette formulation 402.

Si une archive comptable ou un contrat confirmait ce « avait à sa disposition », il n'y aurait pas de doute. Or – c'est la faiblesse de cette investigation – tout un pan de l'organisation de la vie musicale et du fonctionnement de ces bandes nous échappe. Quand les joueurs de violons agissent pour le pouvoir municipal, il en reste des traces sous forme de rémunérations, mais pour toutes les occasions où ils se rendent dans une belle demeure pour y animer un bal ou accompagner un ballet, il faudrait pouvoir analyser un ensemble de comptabilités de grands personnages de Grenoble – quand elles existent – pour en avoir la trace, comme, par exemple, pour cette circonstance 403 :

[Réjouissances à Grenoble en l'honneur du mariage du marquis de Sassenage avec Mlle de St André] Après le repas, Mr de St André y ayant faict venir la bande de violons de Grenoble, (...)

En l'absence de sources à l'appui de cette possibilité d'une troupe de musiciens attachée à une maison, nous ferons donc l'hypothèse contraire que les contemporains – leur expression choisie revient dans les sources – désignaient une bande comme la bande du comte X, ou celle du duc Y, non par soucis d'exactitude statutaire ou juridique, mais par commodité descriptive, comme formule d'usage parce que cette bande était fréquemment en affaire avec ce prince ; éventuellement même pour la distinguer de l'autre bande, quand Grenoble connaissait deux bandes de violons en simultané. D'autant que ces mêmes bandes de violons servaient aussi et en même temps les particuliers – comme le marquis de Sassenage – et le consulat pour animer les réjouissances civiques.

La municipalité disposait-elle de son équipe de musiciens ?

Certaines villes – Toulouse, ou Dijon, ou d'autres – avaient décidé d'offrir un statut particulier à un ensemble de musiciens dont le service leur serait ainsi attaché. À Dijon, il était possible au XVIIIe siècle de devenir musicien pensionné de la ville : une sorte de statut d'employé municipal au

salaire modeste, mais un état sans douté doué de quelque lustre, avec de petits avantages complé- mentaires et, à la base, une situation garantissant un revenu 404 :

L'ambition, pour chacun, était d'obtenir le titre de musicien pensionné de la Ville. À celui-ci s'attachait de nombreux avan- tages : une pension, modique, puisqu'elle restera de nombreuses années fixée à trente livres par an, des exemptions d'im-

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