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Carrière musicale dans le royaume et à Grenoble

Si ses voyages et séjours en Europe lui valent renommée, pensions et titres, Michel Farinel passe la plus grande partie de ses années de vie en France. Pendant ces périodes, il est principalement installé à Grenoble, exerçant son métier de musicien, mais il effectue de nombreux déplacements ou séjours professionnels dans plusieurs villes, comme autant de tentatives variées pour obtenir postes, fonctions, prestige, ou revenus améliorés.

Ses fréquents mouvements géographiques, avec quelques tentatives abandonnées en cours de route, n'en font pas pour autant un insouciant. Farinel apparaît au contraire attentif à réaliser quelque investissement assurant l'existence matérielle de son couple. En 1679, Londres et son mariage sont derrière lui, et le 20 septembre il part pour l'Espagne. Curieusement le mandat évoqué ci-dessous est du 1er octobre ; acte antidaté ? Il est curieux également qu'avant même le départ, il se prévale d'un

titre d'intendant de la musique de la Reine d'Espagne. Son titre lui a-t-il été accordé lors de la consti- tution de la troupe, avant le départ ? Quoiqu'il en soit, l'affaire qu'il fait traiter représente 100 livres de rente 444 :

Dans le vieux minutier de M. Le Monnyer, en date de I° octobre 1679, on trouve une procuration signée M. Farinelli, donnée à Jean Goujon avocat au Parlement, pour l'autoriser à traiter un affaire où il s'agit de 100 livres de rente. Les mandants sont Michel Farinelli, intendant de la musique de la Reine d'Espagne et Marie Anne Cambert sa femme, demeurant rue du Chantre à Paris.

Une fois au moins, peut-être deux, Michel Farinel a accompagné des aristocrates, peut-être chefs militaires, lors d'un déplacement lié à la guerre, sans se mêler pour autant d'activités militaires. Dans son autobiographie, le musicien mentionne une étrange « Campagne de 1668 » :

L'an 1667, je fus présenté a Madame Henriette Duchesse d'Orleans (…). S.A.R. me recommanda a Monsr. Le Chevallier de Bouillon qui me fit faire sur mer la Campagne de 1668.

Cette campagne maritime ne correspond pas à la Guerre de Dévolution qui, en 1668, se déroule en Franche-Comté et dont la paix est signée au mois de mai. Si l'épisode est réel, il doit s'agir d'une

442 Alain Balsan, L'affaire Lully – Mémoires apocryphes d'Henry Guichard d'Hérapine, La Bouquinerie, 2001. 443 Carissimi étant mort en 1674, c'est pas pas lors de cet épisode que Michel Farinel a pu être son élève. 444 Raymonde Ferrer-Laloe-Carrel, Une famille de musiciens grenoblois…, op. cit., p. 3.

à Grenoble au XVIIe siècle

navigation, peut-être militaire, mais d'une campagne de routine. En revanche, alors qu'il était à Paris, Farinel suit le mouvement de la Guerre de Hollande et accompagne très pacifiquement la Cour à Dijon, lors de la seconde conquête de la Franche-Comté en 1674. À Dijon, il continue à faire œuvre de compositeur pour les Grands du royaume :

(…) et ce fut là que je Composay un petit Opera Latin, sur l'histoire du Chaste Joseph.

Des lieutenances de la Ménestrandise à violon du roi

En 1672, Michel Farinel retourne à Paris et rencontre Guillaume Dumanoir, désormais roi de la Ménestrandise et également premier des Vingt-Quatre Violons. Il obtient de ce dernier en 1673 une lieutenance de la Ménestrandise pour Montpellier 445.

Si cette lieutenance fonctionne comme celles étudiées en détail à Moulins 446, cela suppose pour

son titulaire d'être présent dans la ville, pour y lever des péages lors de l'admission de nouveaux maîtres de musique locaux, voire pour le versement d'amendes dues par les joueurs n'ayant pas respecté les règles de la Ménestrandise. Farinel semble bien s'être rendu à Montpellier et y être demeuré environ une année, comme il le raconte dans son autobiographie :

En suite je descendis en Languedoc, où en vertu de la Lieutenance que Monsr. Dumanoir m'avoit donnée, je fis passer la Maîtrise de nos exercices dans la Generalité de Montpellier, on fit mes enquestes de vie, Mœurs etc.

Là, Farinel rencontre un lord anglais qui le recommande à Charles II. Dans un premier temps, Farinel revient à Paris, d'où, en 1674, il suit la Cour à Dijon. Puis, nous le savons, il se rend à Londres de 1675 à 1678, revient à Paris en 1678 et part pour Madrid en septembre 1679.

On a du mal, dans ces conditions, à comprendre, ou à situer chronologiquement, l'information d'une seconde lieutenance de Ménestrandise 447 obtenue de Dumanoir en janvier 1676 pour la ville de

Nîmes. On ne peut exclure un rapide voyage de Londres à Paris en janvier 1676 pour signer le contrat. Mais l'exercice de la fonction sur place est difficile à inclure dans son calendrier connu, et semble donc peu vraisemblable. Il reste l'hypothèse que la lieutenance de Ménestrandise ait pu s'exercer à distance, avec un représentant local, un système de délégation ; mais cela ne correspond pas à ce qui est connu de cette institution.

Prestige ou rendement financier : qu'attendait Farinel des ces rapides lieutenances ? On voit dans les reproches qu'il reçoit quand il achète en 1691 un office à Grenoble que l'appartenance au métier des maîtres à jouer et à danser n'est pas du tout valorisante pour qui veut s'élever au-dessus de sa condition. Il faudrait consulter les sources notariales à Montpellier et à Nimes pour voir si un Farinel intervient dans la réception de nouveaux maîtres de musique, ou bien, à Paris, si des comptes de la confrérie Saint-Julien des Ménétriers, qui devait recevoir sa part des sommes prélevées sur place, informent sur les versements effectués par les lieutenants.

Quand Farinel rentre d'Espagne, via l'Italie où il aurait séjourné au moins 6 années, il revient à Paris en 1686 ou 1688 où il reprend alors la quête d'une carrière musicale améliorée dans le royaume. Il n'est pas seulement tenté par l'accès au corps des musiciens du roi : il procède à l'achat d'une charge de violoniste du roi pour près de 3 000 livres. Cette belle somme est-elle dépensée en vain ? Farinel ne joue pas finalement pas pour le roi et il revient dès 1689 à Grenoble. Il ne souffle mot de cet épisode dans son autobiographie 448 :

À son retour de Madrid, il achète à Versailles une charge de violoniste du roi (1688), mais l'année suivante, il préfère quitter la capitale et se retirer dans sa ville natale. (...)

[Il signe] l'acte d'achat d'une charge de violon auprès d'un notaire de Versailles, pour la somme de 2 808 livres. 25 Fonction

probablement éphémère puisque son nom n'apparaît pas dans les États de la musique du roi. 26

445 Catherine Massip, Itinéraires d'un musicien européen..., op. cit., p. 135, note 14 : « Jules Écorcheville, Vingt suites d'orchestre, op.

cit. (note 11), 23. Cité par Bernard Bardet, Les violons du roi sous Louis XIV (1643-1715). Thèse École des Chartes. À paraître. »

446 Jean-François Heintzen, Joueurs et faiseurs d'instruments à Moulins…, op. cit.

447 Catherine Massip, Itinéraires d'un musicien européen…, op. cit., p. 135, note 15 : « Bernard Bardet, Les violons du roi sous Louis

XIV (1643-1715). Thèse École des Chartes. À paraître. Contrat passé à Paris, Archives Nationales, Minutier central, C, 227. »

448 Marcelle Benoit, Versailles et les musiciens…, op. cit., p. 377-378.

Catherine Massip, Itinéraires d'un musicien européen…, op. cit., p. 139.

Musiques et musiciens 25. Découvert par Marcelle Benoit, Les musiciens français de Marie-Louise d'Orléans, reine d'Espagne, op. cit. (note 18), 54. Achat à Jean Le Roux, 26 juin 1688. Étude de Me Tessier, Versailles. Farinel s’intitule « ci-devant surintendant de la musique et des ballets de la reine d'Espagne ». Jean Le Roux était l'un des petits violons du Cabinet du roi mais un Jean Roux figure en 1688 parmi la bande des 24 violons.

26. Marcelle Benoit, Musiques du roi, Chambre, Chapelle, Écurie. Paris 1971.

Les épisodes de la lieutenance de Nîmes en 1676, puis celle de la charge de violon en 1688, constituent ou des échecs, ou des renoncement rapides ; les causes en sont inconnues.

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