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Musiciens professionnels et métiers supports

Musiques et musiciens Les musiciens professionnels – maîtres de psallette, organistes, joueurs d'instruments, maîtres à danser, faiseurs d'instruments – ayant exercé à Grenoble entre 1590 et 1740 constituent, en l'état des recherches, une liste de plus de 160 praticiens de la musique, dont 120 indépendants et 44 employés par l'Église. Les pièces issues des sources (actes de baptême, de mariage, contrats devant notaire, etc.) fournissent des dates fiables pour la vie privée et professionnelle de ces musiciens. Ces infor- mations sont constituées en une base de données destinée à en améliorer l'analyse.

Cette collecte de musiciens professionnels est basée sur le dépouillement des travaux publiés de Maignien, Prudhomme et Royer et présentés ci-avant, et non sur la consultation des sources premières manuscrites elles-mêmes. Aussi faut-il s'interroger pour savoir si ces trois historiens ont eux-mêmes consulté la totalité des sources disponibles aujourd'hui.

Pour Prudhomme et Royer, la réponse semble affirmative. Pour sa recherche sur la musique à Saint-André, outre l'usage de quelques sources imprimées – Gantez (1600?-1670?) et Valbonnais (1651-1730) 338 –, Louis Royer a essentiellement travaillé aux ADI sur la série 15 G – établissements

séculiers – pour les délibérations et comptes capitulaires, ainsi que B 4216, 3E 1186, Q 344, et pour les AMG sur les séries CC, GG 1 et BB 18 339. Gilles-Marie Moreau, pour avoir récemment balayé

davantage de sources encore, n'a pas augmenté pour autant la liste des musiciens d'Église identifiés de notre période 340. Il est peu probable qu'une partie significative des documents ait pu échapper à

Auguste Prudhomme, réalisateur des Inventaires des archives communales de Grenoble. Ses Inven- taires intègrent en outre un résumé des pièces cataloguées et donnent ainsi beaucoup d'informations au lecteur qui ne consulte pas les pièces originales 341.

La question se pose en revanche avec l'ouvrage Les artistes d'Edmond Maignien 342. D'après J.-G.

Prod'homme 343, Maignien a utilisé pour sa recherche les registres des paroisses et les minutes nota-

riales, ainsi que les comptes de Lesdiguières, ou les comptes de châtellenie, comme la lecture d'autres érudits et historiens : Pilot, Notices sur la cathédrale, J.-C. Martin, Histoire de Lesdiguières, et d'autres sans doute. Maignien a pu accéder à une partie des sources notariales, car il cite pour certains artistes la référence du notaire qui a fourni l'information, voire le folio de la minute. Pour la période 1590-1740, il a trouvé 97 musiciens, référé 56 de ces musiciens chez 25 notaires, donné 41 musiciens sur 97 sans référence à un notaire (la source en ce cas relève des archives communales). Cet historien a bien lu une masse de registres notariaux, mais pas tous ceux qui se trouvent actuelle- ment aux Archives Départementales de l'Isère (environ 200 notaires, concernant la période 1590- 1730) et dont la majorité été inventoriée par G. Letonnelier en 1930. Par suite, le seul recours à l'ou- vrage Les artistes ne couvre pas l'ensemble des sources notariales disponibles aujourd'hui pour Grenoble. Quelle proportion manquerait ?

À l'époque où Maignien faisait ses recherches (vers 1880-1886), la Chambre des notaires conser- vait un important fonds de minutiers que Maignien est allé consulter, comme il l'indique dans sa préface aux Artistes. Les ADI ne reçurent un premier dépôt des minutes notariales de la Chambre des notaires de Grenoble qu'en 1922. Mais le fonds des ADI a continué à s'accroître après 1922 de minutes de diverses provenances que Maignien n'avait pas pu voir à la Chambre des notaires 344. Il

resterait donc très approximativement un quart des sources notariales des ADI à explorer – celles

338 Annibal Gantez, L'entretien des musiciens, Auxerre, Jacques Bouquet, 1643.

Jean-Pierre Moret de Bourchenu Valbonnais (marquis de, 1651-1730), Histoire de Dauphiné et des princes qui ont porté le nom de Dauphins, particulièrement de ceux de la troisième race, descendus des barons de la Tour-du-Pin, sous le dernier desquels a été fait le transport de leurs États à la couronne de France. 2 vol., Genève, Fabri & Barillot , 1721-1722.

339 Louis Royer, Les musiciens…, op. cit..

340 Gilles-Marie Moreau, Le Saint-Denis des Dauphins…, op. cit.

341 Auguste Prudhomme, Inventaire sommaire des archives communales antérieures à 1790, 6 tomes, rédigé par A. Prudhomme, Ville

de Grenoble, 1886-1926.

342 Edmond Maignien, Les artistes grenoblois – architectes, armuriers, brodeurs, graveurs, musiciens, orfèvres, peintres, sculpteurs,

tapissiers, tourneurs, etc. - notes et documents inédits, Grenoble, Xavier Drevet, 1887.

343 Jacques-Gabriel Prod'homme, « Les musiciens Dauphinois », Revue musicale SIM, VII, Paris, 1905.

344 Ce distinguo est possible grâce à l'information complète aimablement fournie par Hélène Viallet, directrice des ADI.

à Grenoble au XVIIe siècle

que Magnien n'a pas lues – pour prétendre à une recherche systématique des éventuels actes de musiciens passés devant notaire.

Cette exploration des sources notariales primaires dans leur intégralité – de même que celle des registres paroissiaux – demeure une recherche qui serait indispensable pour construire une véritable étude prosopographique des musiciens de Grenoble. Sans atteindre à cet objectif, il est néanmoins possible d'esquisser une étude sociale de ces musiciens avec les informations recueillies 345. En effet,

même avec les réserves évoquées, les informations réunies indiquent que tout au long du large siècle observé et avec des variations quant aux effectifs, les musiciens et danseurs sont présents sans inter- ruption à Grenoble.

Ces musiciens doivent-ils être étudiés comme une profession formant un même groupe social ? Il nous a semblé que ce qui les différencie l'emporte sur ce qui les unifie. Les musiciens d'Église – Saint-André et Notre-Dame – sont recrutés par décision du chapitre, avec un revenu fixé et décrit dans les archives capitulaires. L'Église ne peut pas se passer de leur service pour ses rites liturgiques, quelle que soit la conjoncture. À Grenoble, elle dispose ainsi presque en permanence de deux orga- nistes et de deux maîtres de musique pour organiser la vie musicale. La régularité de l'emploi de ces musiciens et leur rémunération garantie – ou du moins prévue – leur donne une condition matérielle bien différente de celle de la plupart des musiciens indépendants, contraints de rechercher une clien- tèle le plus souvent ponctuelle, et vivant donc de revenus incertains. Leur niveau de qualification, leur formation initiale, leurs pratiques musicales, comme le répertoire qu'ils jouent : presque tout distingue les musiciens d'Église des indépendants de la ville. Ces deux catégories seront donc étudiées séparément.

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