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Pas mieux connues que celles de leur père et de leur oncle, rien n'éclaire les formations générales et musicales de Michel Farinel et de son frère dans leurs jeunes années grenobloises, autour de 1660. Rien n'indique que Michel et Jean-Baptiste Farinel aient fait partie d'une psallette de Grenoble ; si oui, peut-être celle d'Antoine Lavet ? Mais il n'y a pas de preuve inverse : les registres capitulaires ne livrent pas le nom des enfants des psallettes de Grenoble. Né en 1649, Michel aurait pu suivre une scolarité au collège de Grenoble, administré par les Jésuites à partir de 1651, et y apprendre un peu de danse et de musique 432. À défaut de la psallette, il faut qu'ils aient au moins bénéficié d'une

riche formation musicale de la part de leurs parents. Le père a pu jouer ce rôle – Robert est revenu se fixer à Grenoble en 1646 – ou bien l'oncle, réputé plus grand musicien – Francisco Farinello il Grande – ; mais Francisco demeure à Turin où il est payé comme compositeur à la Cour en 1641 et 1642. Sinon comment ces deux jeunes Farinel auraient-ils appris le métier de compositeur ? Le maître Lavet, musicien d'Église proche de leur père, aurait-il été leur formateur ?

432 « Si l'on se limite aux compositeurs des XVIIe et XVIIIe siècles ayant obtenu assez de notoriété pour figurer dans les dictionnaires

de musique récemment publiés, on obtient les résultats suivants : au XVIIe siècle environ 25 % (sur 74 musiciens) sortaient d'une maîtrise ; au XVIIIe moins de 10 % (sur environ 200 musiciens). » François Lesure, Dictionnaire musical des villes de province, Paris, Klincksieck, 1999, p.15.

à Grenoble au XVIIe siècle

Michel indique dans son autobiographie qu'il a commencé à composer dès 11 ou 12 ans. Rien n'oblige à le croire, mais il est vrai qu'il est devenu compositeur jeune, ce qui suppose de savoir lire et écrire la musique et d'avoir été formé à la composition. Si la plupart de ses œuvres ont disparu, il demeure quand même quelques rares partitions, même incomplètes, qui attestent de sa compétence ; Catherine Massip en a fait le recensement. Rien ne prouve qu'en sa jeunesse, Michel ait fait le voyage de Rome et ait reçu en la Ville les leçons d'un grand maître, tel Giaccomo Carissimi, comme l'indiquent certains dictionnaires de la musique. Ainsi le Grove : « He was a pupil of Carissimi in Rome. ». Jules Écorcheville et Marcelle Benoit inclinent pour cette hypothèse, alors que Catherine Massip paraît bien plus réservée 433. Marcelle Benoit l'a écrit dans Versailles… où elle attribue à

Michel Farinel un apprentissage auprès de Carissimi :

M.-A. Charpentier, pourtant, réussit à gagner Rome (...) du choc ressenti à l'audition des œuvres de Carissimi naîtra sa nouvelle vocation. Admiration que partagera son autre élève français, Michel Farinel.

La citation d'Écorcheville rappelée par Catherine Massip et sur laquelle s'appuie l'hypothèse romaine de Marcelle Benoit semble en effet pour le moins faible 434. Deux bases de données consti-

tuées par des équipes internationales de chercheurs localisent la présence des musiciens à Rome. La première – Musicisti Europei, Les musiciens européens venus à Venise, à Rome et à Naples (1650- 1750) – affirme que Farinel fut élève de Carissimi, mais ses seules sources – références circulaires ! – sont le Grove dictionnary et Marcelle Benoit 435 :

Contact avec des maîtres de musique : Formazione presso Carissimi. Sources : The new Grove dictionary of music and musi-

433 The New Grove Dictionnary of Music and Musicians, ed. by Stanley Sadie, 1980. p. 396.

Marcelle Benoit, « Les musiciens français de Marie-Louise d'Orléans, reine d'Espagne », Revue Musicale, Paris, n° 226, 1955, pp. 48-60.

434 Marcelle Benoit, Versailles et les musiciens…, op. cit., p.335.

Jules Écorcheville, Vingt suites d'orchestre du XVIIe siècle français, 1640-1670 (…), Paris, 1906, tome I, 28 et 32.

Catherine Massip, Itinéraires d’un musicien européen…, op. cit., p. 134.

435 Musicisti Europei, URL : http://www.musici.eu/index.php?id=93&no_cache=1&L=2 (consulté le 4/12/2015).

Musiques et musiciens

cians. A cura di Stanley Sadie. London; Oxford; New York: Macmillan; Grove, 2001. Marcelle Benoit, Érik Kocevar, vol. 8, p. 565.

En revanche, pour la seconde – Philidor / Musiciens à Rome (1570-1750) – Farinel n'est pas dans la liste des voyageurs romains 436. Ni Norbert Dufourcq (1904-1990), ni Marc Honegger (1926-2003)

ne reprennent cette hypothèse d'un Farinel élève de Carissimi dans les dictionnaires de la musique qu'ils ont dirigés 437.

Le Mercure Galant pourrait-il offrir la réponse à la question de la venue de Farinel à Rome ? En 1672, quand débute la période couverte par le Mercure Galant (1672-1724), Michel Farinel a 23 ans – il pouvait être à Rome – mais il ne lui reste que deux années avant la mort de Carissimi en 1674 pour être son élève. De plus ce séjour du temps du Mercure Galant est hautement improbable, puis- qu'à partir de 1667, on suit Farinel à la trace en d'autres lieux que l'Italie (Paris, Portugal, Montpel- lier, Grenoble). Farinel aurait certes pu aller à Rome avant 1667, donc avant ses 18 ans. Marc-An- toine Charpentier pouvait avoir 22 ans quand, vers 1665, on le suppose à Rome et élève de Caris- simi. Pour Charpentier, le fait est établi, mais la date incertaine. Ce qui illustre les limites du Mercure Galant comme source 438 :

À plusieurs reprises, le Mercure Galant rappelle que Charpentier « a demeuré trois ans à Rome », où il a « appris la musique […] sous le Charissimi [sic], estimé le meilleur maître d'Italie ». La gazette ne précise pas les dates de ce séjour romain, et seul le témoignage de Dassoucy nous aide à le situer.

Le grand compositeur romain Giaccomo Carissimi (1605-1674) a enseigné à des musiciens qui deviendront renommés, comme Marc-Antoine Charpentier, ou Alessandro Scarlatti. Michel Farinel n'aurait-il pas mis en avant cet enseignement prestigieux dans son autobiographie, s'il en avait béné- ficié lors d'un séjour à Rome ?

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