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Louis Videl (1598-1675) est le secrétaire du duc de Lesdiguières de 1617 à 1626, puis son histo- rien, publiant une Histoire de la vie du connestable de Lesdiguières (1638). Il est l'auteur d'une pièce, souvent désignée sous le nom résumé de Tychobrae, ballet de Louis Videl, dansé à Grenoble en 1631. Ce ballet s'est tenu à la Mi-Carême, le dimanche gras. C'est du moins ce qu'indique le titre de son livret qui est imprimé – avant ou après cette fête ? – l'année même du ballet, en 1631 277. À

272 Stéphane Gal, « Obéissance et déviance chez les franciscains (…) », op. cit., p 489 ; cf. BMG U 949. 273 Jean Robert, « Théâtre et musique au XVIIe siècle dans les châteaux d'Aquitaine… », op. cit.

274 La Baume (chevalier de), Relation des Réjouissances …, op. cit., p. 13. 275 Id., p. 6-7.

276 Charles Freynet, « Correspondance inédite des Marquis de Valbonnais et de Grammont ». Petite Revue des Bibliophiles Dauphi-

nois, 2e série, n° 4, Grenoble, Allier père & fls, 1937, pages 241-276.

277 Le véritable titre du ballet est :

Almanach, ou predictions veritables. Contenant les divers changemens qui doivent arriver durant le cours des douze mois de la presente année M. DC. XXXI. selon les revolutions & rencontres des douze signes, des sept planettes, estoiles fixes, & autres corps superieurs. Le tout diligemment extraict, supputé, & calculé des escrits les plus serieux, & observations plus asseurées de Ptolomée, Fabry, Cormopede, du curé de Miremonts, Pierre de Larivey, dit le Jeune Troyen, du comte de la Janin, du Grand Origan, & autres mathematiciens & astrologues, tant anciens que modernes. Par l'illust. & sereniss. seigneur Tychobrae, astro-

Musiques et musiciens cette date, Louis Videl travaille désormais au service du duc de Créquy. Videl est un amateur de fêtes, de banquets et il aime à figurer dans les ballets. Il semble d'ailleurs qu'il ait composé d'autres ballets, dont un représenté en 1661 pour la réception du comte de Sault 278.

En 1628 Videl écrit au comte de Grignan pour lui renouveler son invitation à venir à Grenoble et lui annonce pour sa venue : « je vous prépare cependant des entretiens dont vous serez, je m'as- seure, bien satisfait. » Quand Louis de Grignan vient à Grenoble, il s'associe, pour participer au ballet, au groupe des relations de Videl, gens de la robe et de bonne naissance, souvent de même parentèle. Le livret intègre la distribution des rôles et nomme chacun de ces personnages qui assure une ou plusieurs des trente entrées du ballet, autour de Videl qui se réserve le premier rôle, celui de Tychobrae. Ces entrées sont interprétés par :

• Antoine du Faure, conseiller au Parlement.

• Pierre du Faure, sieur de Colombinières, procureur général, conseiller au Parlement.

• Claude Mitallier de Manissy, comte de Ferrières, avocat, conseiller au Parlement.

• François-Maxim de Bressac, futur conseiller au Parlement, reçu en 1632.

• Jacques Coste, comte de Charmes ; sera président au Parlement en 1645.

• Étienne Roux, sieur de Morges, conseiller au Parlement.

• Claude de Chaulnes, reçu en l'office des finances et bientôt président au Bureau des finances.

• Anne de La Baume, comte de Rochefort et de Suze.

Jouent aussi trois autres acteurs amateurs non identifiés. Les dames de ces messieurs doivent se contenter du rôle de public ; à moins d'avoir des rôles muets, car il semble, d'après le livret, que quelques figurants participent à cette mascarade. Ou bien jouent-elles de la viole, du luth et du clavecin, en soutien des chanteurs et des danseurs ?

Car demeure la question : quelle musique, quels interprètes ? Comme souvent, le livret ne contient pas la musique portant le chant des vers, ni celle des danses, mais il livre néanmoins quelques précisions, comme la présence de chansons, de violons et de luths 279. En revanche, il ne

précise pas qui en joue, et ce document ne permet pas de trancher la question des joueurs des luths et des violons évoqués : sont-ils des membres de la noble assemblée, ou bien Videl a-t-il fait appel au renfort de quelques maîtres violons professionnels 280 ?

(...) Ces vers étaient-ils chantés ou récités? La présence des violons, la chanson, le trio (nous allons voir en effet une scène jouée par trois personnages), nous permettent de supposer qu'ils étaient au moins déclamés sur le ton du récitatif et accom- pagnés par la musique. (...)

Voici l'ordre du ballet.

D'abord le prologue. Un entretien entre la Nuit, le Sommeil et Morphée, l'arrivée en cadence des violons représentant les étoiles fixes, celle des porte-flambeaux dans le rôle des planètes, enfin Tychobrae en personne, représenté par Videl, et semblant conduire son troupeau d'astres. (...)

La plupart de ces vers sont assez plats, mais on demande au chant plus d'harmonie et de rythme que de sens profond.

Ces nobles – acteurs, déclamateurs, chanteurs et danseurs – sont brillamment costumés, jouent les rôles les plus fantasques, avec un comte ne répugnant pas à jouer un paysan, puis le ballet se conclut par une danse de tous ses participants 281 :

XIIe entrée. – Messieurs de Bressac et Sainct-Christophle, habillés en papillons, dansent en l'honneur de Floride.

XIIIe à XVIe entrées. – On voit successivement défiler le mois de Juin (M. Coste, qui brûle pour Iris), cinq femmes à trois

testes, l'Été symbolisé par quatre Mores, le mois de Juillet (M. de la Rivière, qui chante Célie). XVIIe entrée. – (...) le comte de Grignan faisait le Paysan. (...)

logue, prince danois, & tres-exact observateur des causes secondes. Balet dancé à Grenoble le dimanche gras de ladite année M. DC. XXXI. 1631. En ligne, Gallica, URL : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k72732f/f11.image.

Une seconde source confirmant la représentation de ce ballet en 1631 serait la bienvenue.

278 Paul Berthet, « Un ballet dauphinois au XVIIe Siècle ». Petite revue des bibliophiles dauphinois, n° 15, juillet 1912, p. 228.

279 En ce début du XVIIe siècle, pour accompagner un ballet dans une demeure et jouer en compagnie de luths, la viole de gambe –

alto ou dessus de viole – ne serait-elle pas plus vraisemblable que le violon ? Videl emploie-t-il le mot « violon » à bon escient ?

280 Paul Berthet, « Un ballet dauphinois... », op. cit., p. 233. 281 Id., p. 226-227.

à Grenoble au XVIIe siècle

XVIIIe à XXXe entrées. – (...) un charlatan qui fait causer des marionettes ; cinq orphées chantant, accompagnés de leurs

luths ; enfin, dans un grand ballet final, les douze mois ensemble (...).

Où s'est déroulé ce ballet ? Peut-être chez Videl. L'important est qu'il s'est déroulé en l'un des domiciles de cette jeune noblesse grenobloise, que ses participants étaient entourés de leurs conjoints, parents et amis, et que le ballet a été écrit, financé et interprété par ces amateurs dans la sphère privée. Ce faisant, ces jeunes Grenoblois reprenaient un divertissement traditionnel, le ballet se pratiquant volontiers dans l'aristocratie, y compris à la Cour, depuis la fin du XVIe siècle 282 :

Or il s'agit d'une fête tout intime, à laquelle n'assistaient que les parents et les familiers, et destinée à amuser au moins autant les acteurs que les spectateurs. On chercherait vainement la trace de ces réjouissances dans les comptes communaux ou les délibérations consulaires. Ce sont les acteurs eux-mêmes qui ont tout payé, costumes, accessoires, décors et lumières. Enfin il n'y a point d'action. On ne peut donner ce nom à quelques tableaux sans suite. C'est à proprement parler, un bal costumé et paré, une mascarade, une momerie, comme on disait alors, du nom du petit dieu Momus, dont on faisait souvent le principal personnage.

(…) Ces jeux jouissaient alors d'une grande vogue, l'usage s'en était répandu et ils avaient acquis un certain éclat à la cour depuis le fameux « Ballet comique de la Royne » (au mariage du duc de Joyeuse, 1581). Il n'y avait guère de circonstance un peu solennelle sans un de ces ballets où les principaux personnages, le roi lui-même, se faisaient un plaisir ou un honneur de figurer.

Un exemple aussi fourni de détails est unique pour Grenoble. Mais quelques autres ballets semblent avoir été montés et représentés et – pourquoi pas ? – peut-être d'une manière comparable à celle de Tychobrae.

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