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Des chants pratiqués par les Catholiques

Dans les recherches déjà menées, il peut se trouver quelques affirmations méritant d'être exami- nées. C'est le cas, par exemple, de l'hypothèse de processions dans lesquelles seul, ou presque, le clergé chanterait 120 :

Durant les processions, des hymnes et des cantiques étaient chantés par le clergé accompagné de deux chantres qui étaient dans les premiers rangs. Ainsi en 1665, lors de la procession générale pour la Fête-Dieu « les maistres du chœur entonnent

l'Exurge et puis les litanies l'officiant marchant tout le dernier et les deux chantres devant lui et les deux officiants devant les

chantres et ainsi on fait la procession »..2

Le peuple participait peu à la mélodie. Il écoutait silencieux et recueilli, cette musique savante qu'il fallait pouvoir suivre et déchiffrer et qui n'était réservée qu'aux seuls initiés.

2. ADI 5 G 56 – 1665

Le récit de Le Clair pour l'épisode du temple en 1685 semble dénier aux femmes catholiques l'ha- bitude de chanter à la messe. Curieusement il se contredit quelques lignes plus loin, quand, ayant exhorté à chanter les femmes catholiques rassemblées pour cet essai acoustique, il s'extasie du résultat obtenu :

Les femmes commencèrent la première fois à faire leur partie de toute leur force aussy bien que les hommes et bon nombres d'escoliers du collège ausquels j'avois fait congé pour venir chanter. Ces voix, argentines et étincellentes, meslées à celles des hommes, pénétrèrent, je crois, jusque aux nues, surtout lorsqu'ils en furent O Clemens, O Pia. 121

Si les femmes chantent à sa demande et en latin, aussi bien et aussi fort ce Salve Regina, c'est bien qu'elles en avaient la pratique ordinaire : et où, sinon à la messe ?

Les nombreuses processions qui ont lieu régulièrement dans l'année, ou pour des circonstances extraordinaires, intègrent des prières chantées : cantiques, psaumes, litanies, etc. La population rassemblée participe-t-elle à ces chants, bien souvent dotés de paroles en latin, ou est-ce le seul fait des ecclésiastiques et des chantres mobilisés ? Le récit de la seconde fête tenue en 1667 pour la canonisation de Saint François de Sales éclaire cette question. Ce texte permet d'observer aussi qu'en plus des fidèles participant individuellement à la procession, le cortège est structuré par des institu- tions religieuses, chapitres, ordres réguliers ou congrégations, ayant chacune son chœur et son orga- nisation 122 :

[le 24 mai] Sur les 7. heures du soir tous les Ecoliers du College des Pères Iesuites, & leur Congrégation au nombre de cinq cents, firent une Procession par toute la Ville, rangez en deux Troupes sous deux Estandars du Saint, portez par des

118 Vital Chomel (dir.), Histoire de Grenoble, Toulouse, Privat, 1976, p. 119.

119 Antoine Le Clair, Mémoires d'Antoine Le Clair 1634-1716 : aide-major de la ville de Grenoble au temps de Louis XIV. Édition

établie, annotée, indexée et commentée par Olivier Cogne & François Francillon, Paris, Honoré Champion, 2010, p. 216.

120 Muriel Michel, Fêtes et réjouissances…, op. cit., p. 212. 121 Antoine Le Clair, Mémoires..., op. cit., p. 216.

122 Claude-François Ménestrier, Les Transfigurations sacrées de S. François de Sales, ou le Thabor de sa gloire. Dessein de l'appareil

de la solemnité de sa canonisation, faite dans le second monastere de la visitation Sainte Marie de Grenoble. Avec le iournal des ceremonies depuis le 19. may iusques au 27, Grenoble, Robert Philippes, 1667, pp. 41 & 48-49.

à Grenoble au XVIIe siècle

Acolythes en Surplis, accompagnez de quatre qui portoient des chandeliers, & qui tenoient les cordons. On admira leur modestie, & leur pieté. Ils avoient tous des cierges allumez, & faisoient trois Chœurs, dont le premier chantoit les Litanies du Saint, le second, les Litanies de Nostre Dame, & le dernier où estoient les Ecclesiastiques Ecoliers, ou Congreganistes, chan- toit des Pseaumes propres des Saints Confesseurs Pontifes. (...)

Ce jour [26 mai] les Dames Religieuses de Sainte Ursule, qui ne sont pas moins adroites, que Sprituelles en leurs inventions firent une Procession en forme de Triomphe, des Filles qu'elles instruisent en diverses Classes destinées à cét effet, de leurs Pensionnaires, & de quantité d'autres Filles de la Ville au nombre de cinq cents, qui ont été autrefois sous leur conduite dans les mesmes Classes. (…) Elles avoient aussi divisé cette Procession en quatre Corps (...). Elles chantoient alternativement

Sante Francisce, omnes Sancti Inocentes orate pro nobis.

Certes, il ne faut pas prendre à la lettre le décompte du témoin Ménestrier, père jésuite, qui annonce curieusement le même nombre de participants – 500 – à ces deux cortèges ; mais retenons l'ordre de grandeur. Dans cette procession, c'est donc une part conséquente de la foule qui connaît et chante ce répertoire sacré et latin. Et vu le mécanisme d'apprentissage décrit, ce doit être la pratique habituelle. Cette part de la population est celle qui dans sa jeunesse – filles et garçons – a été éduquée dans un couvent. Dominicains puis Jésuites tenant collège pour les garçons, et Dominicaines, Visitandines ou Ursulines pour les filles, ce clergé régulier forme des générations de jeunes à la prière, au latin, au chant, voire à la musique. Même si ces jeunes appartiennent à des groupes sociaux restreints, le cumul des générations d'anciens élèves, ayant un répertoire bien mémorisé, finit par former des centaines ou des milliers de participants chantant dans les processions. En outre, la place de la prière collective chantée aux offices, comme dans la vie pieuse des différentes congrégations de Grenoble, contribue sans doute au maintien de cette mémoire des chants sacrés en latin et à leur pratique enthousiaste dans l'espace public.

Si l'Église et les congrégations structurent ces cortèges, il peut aussi arriver que des initiatives soient prises en dehors d'elles – mais ensuite réalisées avec l'Église – comme cela s'est produit à la fin des fêtes de 1667. Ce jour-là, une procession spontanée et très populaire se met en chemin en chantant, après avoir été lancée par le groupe professionnel des laquais de Grenoble 123 :

Sur les sept heures du soir les Laquais de la Ville s'estant assemblez de leur propre mouvement en la Place S. André devant le Palais au nombre de deux ou trois cens, s'allerent rendre à la Paroisse, où ils prierent Monsieur le Curé de les vouloir conduire en l’Eglise de la Visitation, afin qu'ils eussent part à la devotion publique. Messieurs les Chanoines ayant approuvé leur zele les firent suivre du Vicaire & d'une partie des habituez. Leur modestie, & l'ordre de leur Marche ravit tout le monde, ils alloient deux à deux chantant les Litanies du Saint, chacun avec un Cierge allumé en main. La Troupe grossissoit toûjours sur la route (…). Mr le Duc loüa ceux de ses domestiques, & de ses valets de pied qui y avoient été, & tança tous les

autres (…).

Parfois ces cortèges processionnaires connaissent le renfort de joueurs d'instruments. La chose est notable pour les processions organisées en 1666 et 1667 pour la canonisation de François de Sales, avec les Pénitents de Confalon, puis la Congrégation de l'Assomption Notre-Dame, dont les cortèges ont obtenu le renfort d'une bande de violons 124 :

[1666] « Le Mercredy (…) Les Penitens du Confalon, au nombre de plus de deux cents allerent en bel ordre de leur Chappelle en celle de la Visitation, precedez de la bande de Violons, & offrirent six flambeaux de cire blanche. Monsieur le Conseiller Marnais, qui est de leur compagnie (…) Officia tout le iour, assisté de Messieurs les Penitens, & de la Musique. »

« Ce mesme jour fut le soir, Messieurs les Penitens s'estant rendus en leur Chappelle, en chant les Litanies du Saint. La Congregation de l'Assomption N. Dame, établie dans le College des Peres Iesuites, partit de sa Chapelle sur les sept heures du soir, précédée des Violons, & les Confreres au nombre de deux cens soixante, avec des Flambeaux allumez, firent un Firmament de toutes les ruës où ils passerent, chantant des Hymnes et des Cantiques (…). »

À l'occasion de ces fêtes pour François de Sales, les sources révèlent une contribution du consulat de 200 livres, puis une autre de 300 livres, offertes aux Visitandines d'en Haut, puis à celles d'en Bas. Le consulat donne également mission au crieur-trompette d'annoncer l'ordre de fermer les boutiques et de nettoyer les rues. Aucune autre dépense n'est mentionnée dans ces sources. Dans la plupart des pompes municipales intégrant des cérémonies relieuses, c'est le consulat qui paye. Ici le

123 Claude-François Ménestrier, Les Transfigurations…, op. cit., p. 54-55.

124 Claude-François Ménestrier, Relation des Ceremonies faites à Grenoble, dans le premier monastere de la Visitation à l'occasion

de l'Octave de la Canonisation de S. François de Sales, Evesque et Prince de Genève, Fondateur de l'Institut de la Visitation Sainte Marie, Grenoble, R. Philippes, 1666, p. 27-28.

Musiques et musiciens doute subsiste quant au payeur de la bande des violons : la ville, l'évêque, les Visitandines, les congrégations 125 ?

[1667] Ce jour destiné aux premieres Ceremonies de l'Octave, commença à peine à se faire voir, que le carrillon de toutes les Cloches en annonça la Solemnité, & Monseigneur notre Eveque ayant ordonné que l'on fit Feste publique, les Boutiques demeurerent fermées, & sur les neuf heures du matin toutes les Croix des Reguliers s'estant renduës dans l’Eglise N. D. avec les Religieux, & Messieurs les Chanoines de S. André, la Procession en partit, l'Estandard estant porté en teste precedé de la Bande de 12. Violons.

[Le 25 mai] Entre les neuf & dix heures Messieurs les Penitens de Notre-Dame de Confalon partirent processionnellement de leur Chapelle en bel ordre, & en bon nombre. Le Maistre des Ceremonies estoit en teste avec sa cane, suivy de douze petits enfans vêtus en Anges (…). La Bande des douze Violons marchoit sur leurs pas (…).

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