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1.1 Taiwan comme base territoriale d’une reconquête du continent chinois

Zheng Chenggong parvient à repousser les Néerlandais hors de leur siège de Zeelendia en février 1662, après avoir occupé Provintia (où les Néerlandais avaient installé des immigrants chinois) dès juin 1661. Il proclame la création au sud de l’île, à Tainan, d’une nouvelle entité territoriale, la « capitale orientale des Ming » (Tungdu Mingjing 東都明京) basée sur les anciens comptoirs néerlandais. Loyal aux Ming, Zheng Chenggong a pour but de restaurer cette dynastie han au pouvoir à partir de sa base taiwanaise. Il va même jusqu’à ériger un trône provisoire dans l’espoir que le descendant des Ming, l’empereur Yonli, puisse accéder au pouvoir. De ce fait, cette nouvelle entité territoriale à Taiwan combine les fonctions d'une province de la capitale impériale et d'un royaume autonome.

Malgré son court exercice du pouvoir à Taiwan (de juin 1661 à juin 1662, date de sa mort), Zheng Chenggong parvient à imposer son autorité en se basant sur le développement urbain opéré par les Néerlandais dans la partie méridionale de l’île.Grâce au travail de cadastrage dans le sud de l’île, il réussit à établir la légitimité de son gouvernement et à résoudre la pénurie de nourriture. Des géomètres néerlandais ayant capitulé sont mobilisés pour arpenter la côte Ouest de l’île afin d’inventorier les droits de propriété foncière et de déterminer les limites des parcelles précédemment conquises par l'armée (Hang, 2015). Zheng Chenggong est alors en mesure d’introduire le premier découpage administratif de Taiwan (cf. Carte 5).

Le fort Provintia devient la capitale et le centre administratif du gouvernement (fu 府). Zheng Chenggong le rebaptise Chengtian Fu (承天府). Deux régions de second niveau administratif (qualifiées de xian 縣) sont créées : Tianxing Xian et Wuangnian Xian. En revanche, la région de Tayouan où est situé le fort Zeelandia voit réduire son importance, passant d’un centre administratif à une ville militaire. Zheng Chenggong la renomme Anping (cf. Carte 5) (Trade Association, 2008). Les toponymes chinois choisis pour les deux forts néerlandais sont inspirés de ceux de la ville natale de Zheng Chenggong,

reflétant la nostalgie de ce dernier pour le continent. D'autres unités administratives sont nommées avec des caractères chinois évoquant le bonheur et l’élégance (Sun, 1998).

Par ailleurs, l'équipe des géomètres planifie la création de deux villes à quatre heures de route de la capitale (« Route du nord » et « Route du sud ») devant servir de centres régionaux et de résidence pour les fonctionnaires civils et militaires (cf. Carte 5). Ces villes planifiées sur la frontière sont établies au pied des chaînes de montagnes au centre de l'île. Grâce à leur localisation, elles servent de sites de défense et deviennent aussi des points importants pour les activités commerciales avec les tribus aborigènes (Hang, 2015).

L'armée han chinoise qui a suivi Zheng Chenggong à Taiwan compte 30 000 soldats, soit dix fois la population néerlandaise précédente (Liu Y.-h., 2004). Pour faire face à la pénurie alimentaire de l'armée, Zheng Chenggong adopte une série de mesures foncières visant à accroître la productivité agricole.

En premier lieu, il conserve les aspects positifs du système de l'ère néerlandaise. Les propriétés foncières des aborigènes, établies depuis l’époque néerlandaise, sont reconnues par le nouveau gouvernement, qui peut en tirer des revenus fiscaux. Les impôts payés par les han chinois et les autres catégories de prélèvement obligatoires dans les différents secteurs de l’économie perdurent également.

En second lieu, Zheng Chenggong s’appuie sur les résultats des analyses cadastrales pour diviser la totalité de la superficie arable de Taiwan en trois catégories :

• La premie re cate gorie est situe e dans un pe rime tre de 70 kilome tres autour de la capitale Chengtian Fu. Ce territoire comprend les parcelles les plus productives et les plus intense ment cultive es de l'î le, qui e taient sous la juridiction directe des Hollandais. Il appartient a Zheng Chenggong et a ses proches. Ce type de terrain est appele « champs officiels» (guan tian 官田).

• La deuxie me cate gorie est appele e « champs prive s» (si tian 私 田) . Zheng Chenggong encourage ses fonctionnaires civils et leurs familles a exploiter les champs non cultive s, plus e loigne s. Ils ont le droit de devenir proprie taires de ces champs ou ils peuvent recruter leurs propres locataires et obtenir une rente. Afin d'augmenter la production de produits agricoles, le clan Zheng apporte beaucoup d'aide humaine et mate rielle. Il recrute de nombreux re fugie s chinois han a Taiwan pour travailler dans le secteur de l’agriculture. Il fournit e galement des bovins et des semences pour encourager le de veloppement de la production. Enfin, il construit des bassins de re tention d'eau et enseigne les techniques agricoles (Sun, 1998).

• La dernie re cate gorie s’appelle « champs militaires» (tun tian 屯田) . Ce type de champ est re serve aux arme es. Zheng Chenggong demande a ses troupes de re cupe rer les terrains vagues situe s parfois loin des zones de veloppe es et isole s les uns des autres (cf. carte 5). De cette façon, l'arme e peut re soudre le proble me alimentaire par elle-me me, tout en re alisant l'expansion territoriale et les objectifs de de fense. Gra ce a ces mesures, les terres arables de Taiwan s’agrandissent et les productions augmentent. Le proble me de la pe nurie de main-d'œuvre est re solu par la conversion des anciens soldats en agriculteurs (Shepherd, 2016 ; Sun, 1998). En conse quence, le proble me alimentaire de l'arme e de Zheng diminue. L’autorite gagne e galement en le gitimite . Progressivement, le centre de gravite e conomique de Taiwan passe du commerce maritime a la production agricole (Tsao, 1977).

Dans l'ensemble, la population han, pendant la période de clan Zheng, passe de 25 000 habitants sous la domination néerlandaise à environ 120 000. La population autochtone est d'environ 100 000. En 1650, sous la domination hollandaise, la superficie des terres cultivées de Taiwan était d'environ 10 000 hectares ; en 1680, à l’époque Zheng, elle est passée à 180 000 hectares.

Carte 5 : Le périmètre contrôlé par le clan Zheng à Taiwan

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