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Le chemin de fer continental construit par le Japon en Corée et en Mandchourie

3.1 La voie ferrée nord-sud comme base de développement

Carte 15 Le chemin de fer continental construit par le Japon en Corée et en Mandchourie

Le gouvernement colonial japonais est confronté au coût élevé de la construction d'un chemin de fer à Taiwan : la métropole ne peut pas fournir d'appui budgétaire et les entreprises privées japonaises manquent également de capacités financières. En promulguant une loi sur la dette publique de Taiwan en 1900, le Gouverneur colonial réussit à lever des fonds pour sa construction. C’est la raison pour laquelle les Japonais ne peuvent compter que sur le chemin de fer construit à l'époque Qing entre Keelung et Hsinchu pour la ville de Taipei, avant qu’ils ne réalisent la Ligne Ouest.

Après la prise de la ville de Taipei, le 7 juin 1895, les Japonais se hâtent de réparer la ligne de chemin de fer entre Keelung et Taipei qui rouvre trois jours plus tard. Le 10 juillet, la ligne entre Taipei et Hsinchu commence à fonctionner (Dai, 2010). A la suite de ces travaux, les Japonais continuent de prolonger cette ligne grâce au cyclo-draisine (Taiwanese push car railways)32 vers le sud, le long des anciennes routes officielles

construites par les Qing. La ligne de circulation entre Hsinchu et Kaohsiung est achevée en 1898. En d'autres termes, à partir de 1898, c'est la première fois que les transports continentaux sont opérationnels dans l'ouest de l'île : entre Keelung et Hsinchu en train, et de Hsinchu à Kaohsiung en cyclo-draisine. Dès que le chemin de fer continental est mis en fonction, cette ligne temporaire devient la première autoroute de Taiwan (Huang J.-m., 2011).

La construction de la Ligne Ouest commence en même temps au Nord et du Sud : à partir du port de Keelung au nord et du port de Kaohsiung au sud. La partie la plus difficile du projet est la connexion de ces deux lignes dans la région montagneuse du centre. Entre les deux possibilités de projet de construction sur la côte ou en montagne, le Gouverneur colonial décide finalement de construire la ligne de montagne (shanxian 山線) qui est plus proche des zones agricoles et plus facile à construire. Après l’étude par des spécialistes nippons, le chemin de fer côtier traverse de nombreux estuaires, ce qui augmente le niveau de difficulté de la construction. En outre, la ligne de chemin de fer proche de la côte

32 Le cyclo-draisine est un ensemble de wagons rendu mobile grâce à la force humaine. Cette technique permet de transporter des passagers ou des marchandises. Les chemins de fer, à voie étroite, sont

implique un risque de menace par des forces extérieures (Liu, Wang, & Yang, 2003). Néanmoins, cette planification a des conséquences négatives sur la productivité du transport de marchandises : la vitesse des trains et le nombre de wagons doivent être réduits lors du passage dans la région montagneuse (Tsai B.-l., 2012). Pour améliorer la situation, l’administration coloniale décide de construire une autre ligne côtière (haixian 海 線) (cf. Carte 16). Cette décision est contestée par les habitants de Taichung qui craignaient le déclin de la ville, car la ligne côtière ne la traverse pas (Guo, 2018). Le projet de construction de cette ligne commence en 1920 et s’achève en 1922. Cette ligne réduit le temps de transport des marchandises et encourage les flux économiques dans l'île.

L'exploitation du chemin de fer continental facilite le trafic entre le nord et le sud de l'île et encourage le développement des villes et des villages le long de la voie ferrée. Les villes côtières de l'ouest de l'île autorisées par le gouvernement Qing à commercer avec la Chine telles que Tamshi, Lugang ou encore Anping étaient en déclin à l’époque coloniale japonaise, un déclin qui était dû à l'essor des chemins de fer et au transfert du commerce de la Chine vers le Japon. Selon les recettes douanières des principaux ports de Taiwan (Figure 7), on constate qu'au début de la domination japonaise, Tamsui (port périphérique de Taipei) et Anping (port périphérique de Tainan) sont devenus les principaux ports de Taiwan. En revanche, grâce à l'achèvement de la construction de la Ligne Ouest qui relie le nord et le sud de l’île, les ports de Keelung et de Kaohsiung deviennent importants.

Figure 7 : Recettes douanières des principaux ports de Taiwan pendant la période coloniale du Japon

SOURCE :FORMULAIRE DE STATISTIQUES OFFICIELLES NUMERISEES PAR TAIWAN DATABASE FOR EMPIRICAL LEGAL STUDIES, 2008

Parmi les villes portuaires de Taiwan, Keelung et Kaohsiung sont les deux seules qui continuent de croître sous l'occupation japonaise du fait des missions d’exportations. Par la Ligne Ouest, les produits agricoles et miniers de l'île tels que le charbon de Keelung, le camphre de Miaoli, le riz du centre de l'île, le thé de montagne et le sucre des usines japonaises peuvent être livrés rapidement et exportés de Keelung au Japon ou de Kaohsiung en Asie du Sud Est (Liu, Wang, & Yang, 2003). Par conséquent, à partir de 1918, les recettes douanières de ces deux ports dépassent celles de Tamsui et d’Anping. De plus, en temps de guerre, surtout après 1933, la position de Kaohsiung est valorisée par rapport à celle de Keelung. D’un côté, la ligne maritime entre Keelung et le Japon est réduite à cause de la guerre. D’un autre côté, la localisation de Kaohsiung au sud de Taiwan en fait un port de transit vers les pays de l'Asie du Sud-Est dans le cadre de la stratégie d'expansion du Japon. Très rapidement, la population de Kaohsiung surpasse celle de Tainan, et cette ville passe donc en seconde position nationale après Taipei (cf. Figure 10).

0 50 100 150 200 250 300 189 6 189 7 18 9 8 189 9 190 0 190 1 190 2 19 0 3 190 4 190 5 190 6 190 7 190 8 190 9 191 0 191 1 191 2 191 3 191 4 191 5 191 6 191 7 191 8 191 9 192 0 192 1 19 2 2 192 3 192 4 192 5 192 6 192 7 192 8 192 9 193 0 193 1 193 2 193 3 193 4 193 5 193 6 193 7 193 8 193 9 x 1 0 0 0 0 ( )Y en )

En d'autres termes, le système portuaire urbain polarisé relié par la ligne ferroviaire nord-sud est le grand élément structurant de l’île. Ce dispositif spatial aide le gouvernement colonial de Taiwan à mettre en place une structure capitaliste dans la production, la distribution et la consommation reliant la colonie à la métropole. Les produits agricoles taiwanais sont très demandés au Japon en raison de leur bonne qualité, grâce à la fertilité du sol et aux températures modérées dans la plaine ouest. Au temps où le Japon occupe Taiwan, qui est la première et la plus permanente des colonies japonaises, l’île devient une base pour l'approvisionnement en nourriture et en matières premières. Les produits agricoles taiwanais contribuent largement à l'amélioration de la balance commerciale du Japon (Ding & Hu, 2012).

La construction de la Ligne Ouest en 1908 permet de dépasser les limites de la géographie naturelle de Taiwan et de modifier son développement urbain (Dai, 1988). La carte 16 présente le schéma de l'organisation spatiale basée sur la stratégie continentale des Japonais. Le gouvernement colonial structure le système urbain le long des voies ferrées et relie les ports situés aux extrémités nord et sud de l’île. Le Japon se sert des cités fortifiées construites pendant l’ère Qing comme lieux d’implantation de ses gares ferroviaires. En conséquence, les centres urbains sont progressivement transférés du littoral (villages portuaires) vers l'intérieur (gares ferroviaires). L'orientation des activités économiques taiwanaises se transforme également, passant d'un développement horizontal vers la Chine continentale à un développement vertical lié au marché local japonais, qui entraîne le déclin des villages portuaires (cf. Carte 13).

Reliées au réseau ferroviaire, de nouvelles villes émergentes deviennent rapidement des centres de distribution agricole et forestière en fonction des stratégies mises en place (Tang, 2005). Sous la planification des Japonais, chaque ville taiwanaise se voit attribuer différents objectifs dans les missions coloniales. Keelung et Kaohsiung sont pensées comme des villes portuaires d'exportation. Les villes de l'arrière-pays proches des zones de plantation comme Tainan et Chiayi deviennent des centres de distribution agricole. Taichung est une nouvelle ville, planifiée artificiellement, établie comme relais par le gouvernement colonial en raison de sa situation centrale. En outre, les centres villes de Tainan, Taipei et Kaohsiung sont transférés de la zone côtière aux alentours de la gare

ferroviaire par les dynamiques démographiques et les stratégies nationales. La structure urbaine taiwanaise actuelle date de cette période.

En 1901, la ligne reliant le port de Tamsui à celle de Taipei est utilisée pour transporter des matériaux de construction pour la future Ligne Ouest réalisée en 1908. Par conséquent, après avoir terminé la construction de la Ligne Ouest, le Gouverneur colonial continue à construire des lignes ferroviaires afin de maximiser l'utilisation et la captation des ressources naturelles de l'île : la ligne de montagne d’Alishan à la ville de Chiayi pour le développement forestier, la ligne de montagne de Pingxi à Taoyuan pour le développement des mines de charbon dans le nord de l’île, et la ligne de montagne de Taipingshan, créée pour construire la centrale hydroélectrique. D’autres lignes, telles que celle de Jiji à Nantou, construite pour développer la centrale électrique de Sun Moon Lake et aidant également au développement des ressources en thé et en bois, ou la ligne nord- est de Yilan reliant la ligne de l'ouest à l'est en vue de l'achèvement d'un chemin de fer continental (Dai, 2018). Enfin, la ligne sud-ouest, de Chaozhou à Pingtung, sert à développer les zones fertiles du sud. Ces chemins de fer servent de branchements de la Ligne Ouest, contribuant ainsi à achever le développement des plaines de l'ouest.

Carte 16 : Dispositif spatial des industries sucrières à Taiwan pendant la période

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