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Les ports commerciaux maritimes entre Taiwan et la Chine sous la dynastie des Qing (1784-1860)

2.3 Une croissance urbaine restreinte

Carte 8 Les ports commerciaux maritimes entre Taiwan et la Chine sous la dynastie des Qing (1784-1860)

Les restrictions des Qing sur le commerce dans les ports de Taiwan finissent par se relâcher en 1860. Sous la pression des puissances occidentales, les Qing sont forcés d’ouvrir quatre treaty ports à Taiwan par la signature du traité de Tianjin en 185815. :

Tainan (Anping/Luermen), Taipei (Tamsui/Baliben16), Keelung et Kaohsiung (cf. Carte 9).

Le port de Tainan était le plus important de l’île à l’époque de comptoir néerlandais et du clan Zheng. Cependant, ce port s’est envasé sous les Qing et il a été progressivement remplacé par le port de Kaohsiung plus au sud. Au nord de l’île, le port de Tamsui, situé à la périphérie de Taipei et à proximité de la Chine continentale, devient plus important que celui de Keelung, créé précédemment par les Espagnols.

Suite à la signature du traité de Tianjin, le port de Tamsui connaît un important développement sous l’effet d’une forte demande occidentale pour le thé et le camphre, produits dans le nord de l'île. En peu de temps, les exportations de Tamsui dépassent celles de Kaohsiung, qui exporte le sucre produit dans le sud (Figure 4). Par la reconnexion au commerce international qu’il opère, Tamsui contribue à un basculement du centre économique du sud vers le nord de Taiwan (Hsia, 2000), avec la formation d’un pôle septentrional Tamsui/Keelung en sus du pôle méridional Tainan/Kaohsiung. En revanche, Lugang n’étant pas désigné comme treaty ports, son importance diminue. Les petits ports locaux situés dans l’ouest de l’île font face également à un déclin en raison d’un manque d'opportunités pour le commerce international. En 1874, les Qing abolissent la politique isolationniste inter-détroit, ce qui permet un commerce maritime sans entrave entre Taiwan et la Chine (Lin, 2012).

Sous l’effet de la reconnexion avec les marchés internationaux, le volume des échanges de Taiwan se développe rapidement, y compris vers les diverses régions chinoises. A la fin du XIXème siècle, Taiwan est la province de l'Empire Qing qui connaît la

plus grande expansion du commerce extérieur (Xue, 2004). Au cours de la même période,

15 Traité autorisant les pays occidentaux à ouvrir un port : Royaume-Uni, France, États-Unis et Russie en 1860 ; Allemagne en 1861 ; Pays-Bas, Danemark en 1863 ; Espagne en 1864 ; Belgique en 1865 ; Italie en 1866 ; Autriche en 1869 ; Japon en 1871 ; Pérou en 1874 et Brésil en 1881 (Hellyer, 2009).

16 La distance entre les ports de Tamshui et Baliben à Taipei, et entre les ports de Luermen et Anping à Tainan, est si proche qu'on peut les considérer comme un même port, même s'ils portent des noms

le taux de croissance annuel moyen de l'Empire Qing est inférieur à celui de Taiwan (Lin M.-h., 1979).

Prix de 1894 en 10 000 livres

Figure 4 : Valeur commerciale nette des ports de Kaohsiung et de Tamsui SOURCE :FOREIGN TRADE ASSOCIATION,2008

Cette expansion portuaire tardive a eu raison de la stratégie anti-urbaine de la dynastie Qing à Taiwan. L’empereur Kangxi (1661-1722), avait été réticent à construire des cités fortifiées dans l’île. Sous son successeur Yongzheng (1678-1735), des villes ont été édifiées à partir de matériaux simples et fragiles tels que le bois ou le bambou17. De

façon générale, pour les Qing la construction de villes doit empêcher l'invasion d'ennemis extérieurs. Dans la mesure où Taiwan ne présente qu’un conflit interne, rien n'a besoin d'y être construit (Dai Z.-y., 2014). Cette logique ne change pas jusqu'à la période de règne de l'empereur Qianlong. Ce dernier commence à reconstruire les cités fortifiées en brique

17 La cité de Tainan est construite en bambou à l’époque de Kangxi puis en bois à l’époque de Yongzheng (1725). La cité de Chiayi ’est construite en bois à l’époque de Kangxi (1704). Fongshan de Kaohsiung en bois

0 50 100 150 200 250 300 350 1868 1869 1870 1871 1872 1873 1874 1875 1876 1877 1878 1879 1880 1881 1882 1883 1884 1885 1886 1887 1888 1889 1890 1891 1892 1893 1894 1895

pour la sécurité et le maintien de l’ordre. L’ouverture des ports aux puissances occidentales en 1860 renforce la nécessité de construire des cités en dur. C’est le cas des cités de Tainan et de Chiayi à l’époque de Qianlong (1788), de Fongshan (1825) et de Hsinchu (1826) à l’époque de Dauguang, de Changhua à l’époque de Jiaqing (1811). Certaines cités nouvelles sont également fortifiées en brique : Hualien (1811), Hengchun de Pintong (1875), Taipei (1881), Magong (1887) et Taichung (1889) (Carte 9).

En construisant ces villes à distance des côtes, les Qing ont cherché à opérer un transfert de population hors de l’influence des treaty ports. Ils ont échoué dans ce projet, en grande partie par manque de construction d’infrastructures et de moyens de transport dans les régions intérieures. Ces dernières ne sont pas parvenues à attirer la population malgré l'établissement de centres administratifs.

La ville de Taipei présente toutefois une exception. Sa montée en puissance devient perceptible à la fin de l’ère Qing. Comme les terres agricoles du sud sont déjà exploitées, les immigrants se déplacent graduellement vers le nord. Sous la stratégie de développement urbain hors des côtes poursuivie par les Qing, la population ne cesse de diffuser du littoral vers l'intérieur des terres, donc à Monga et à Dadaochen, les deux plus anciens quartiers de Taipei.

Avec l'ouverture des treaty ports en 1860, Taiwan devient l’objet de convoitise des puissances étrangères : le Japon, qui attaque le sud de l’île en 1874 (incident de Mudan18)

et la France, qui envahit le nord de Taiwan (Keelung et Tamsui) et occupe Penghu pendant la guerre franco-chinoise en 1885 19 . L’autorité Qing prend alors conscience de

l’importance stratégique de Taiwan. Elle construit en 1884 la cité fortifiée de Taipei et en

18 En 1871, un bateau de pêche de Ryukyu s'échoue à Taiwan à cause du mauvais temps. Plus de 60 pêcheurs à bord ont été tués par des « sauvages crus ». Le Japon a utilisé l'incident pour attaquer Taiwan en 1874 et annexé le Ryukyu en 1879.

19 En 1885, après la guerre franco-chinoise, les deux parties signent un traité de paix à Tianjin : le Traité de Paix, d'amitié et de commerce entre la Chine et la France. Dans ce traité, la Chine reconnaît la suzeraineté de la France sur le Vietnam, ce qui devient un élément important dans la colonisation française de

fait son centre administratif. Cette cité est située entre les deux zones peuplées de Monga et de Dadaocheng, ce qui permet d’œuvrer à un aménagement urbain global tout en réduisant le pouvoir des élites installées dans ces deux zones (cf. Carte 9). Ensuite, l’autorité Qing rehausse le statut administratif de l'île en passant d'une préfecture périphérique sous l’autorité de la province du Fujian à celui d'une province chinoise, nommée Fokien-Taiwan en 1885. Taipei est alors désignée en 1887 comme capitale, remplaçant Tainan.

Carte 9 : Dispositif spatial des villes portuaires et des cités fortifiées à l’époque des

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