• Aucun résultat trouvé

L’organisation du territoire et les directions commerciales sous le régime autoritaire du KMT

2.2 Un développement urbain orienté vers l'exportation

Carte 22 L’organisation du territoire et les directions commerciales sous le régime autoritaire du KMT

SOURCES :BISHAI,1991, P.59 ;ACADEMIC SINICA 2003

États-Unis

Les parcs industriels transfèrent une partie des commandes étrangères qu'elles reçoivent aux PME pour l’exécution des tâches et sous-traitent le travail de montage à des opérateurs indépendants, généralement des usines familiales. Le développement de ces usines, avec le slogan « salle de séjour comme usine » (Keting ji gongchang 客廳即工廠), devient le reflet de l'industrialisation de l'époque et ouvre la voie à un miracle économique (Lin P.-h., 2012, pp. 228-229).

Les premières zones franches industrielles d'exportation (ZFIE) au monde sont créées par le KMT au milieu des années 1960 (Yu G.-y., 2006). Ces périmètres combinent les avantages des zones de libre-échange et des zones industrielles. Tous les produits fabriqués dans le parc sont vendus à l'étranger. Les machines et les pièces nécessaires à la fabrication des produits ainsi que les matières premières et les composants sont exonérés de droits de douane et de taxes sur les marchandises. Le succès de ces zones incite d’autres pays tels que la Chine, la Corée du Sud, le Vietnam, le Paraguay et l'Uruguay, à suivre la même voie (Yu G.-y., 2006).

Le gouvernement choisit les sites de Kaohsiung et de Taichung pour implanter des ZFIE (Yu G.-y., 2006). Destinées à la politique d’exportation, ces zones de production industrielle permettent de connecter Taiwan à l’économie mondiale. Le développement de Kaohsiung en tant que ville portuaire, ainsi que terminus ferroviaire de la Ligne Ouest pendant l'occupation japonaise, favorise le commerce d'exportation. Avec le port, le chemin de fer et le ZFIE, l'industrie légère de Kaohsiung prospère, incitant le gouvernement à faire de ce site une ville d'industrie lourde. Pour Taichung, le KMT développe une ZFIE avec un port visant à équilibrer le développement régional et à accroître l'emploi dans l'espoir de reproduire avec succès l'ancien modèle de cluster industriel de Kaohsiung : une ville équipée d’une zone franche, d’un chemin de fer et d’un port. A la différence de Kaohsiung qui se développe vers l'industrie lourde, Taichung devient progressivement un important centre industriel de machines de précision à partir des années 70.

Grâce à la création des parcs industriels et des chaînes industrielles, une stratégie commerciale triangulaire est établie entre le Japon, Taiwan et les États-Unis : d'abord l'importation de matières premières du Japon, puis la transformation et la fabrication à Taiwan (le fameux « made in Taiwan ») et enfin l'exportation des produits finis vers les États-Unis. Cette stratégie permet à Taiwan d’obtenir une grande quantité de réserves monétaires et de garantir un PIB élevé au cours des années 1960 et 1980. Taiwan passe progressivement d'une économie agricole à économie industrielle : en 1966, l’année de la création des ZFIE de Kaohsiung, la valeur à l'exportation des produits industriels devient supérieure à la valeur des produits agricoles (Figure 14). Dans les années 1960, les industries manufacturières à forte intensité de main-d'œuvre, telles que le textile, les vêtements, la construction électrique, le plastique, deviennent les priorités du développement économique de Taiwan.

Figure 14 : Impact de la création des ZFIE sur la structure des produits d'exportation de Taiwan (1952-1972)

SOURCE :FOREIGN TRADE ASSOCIATION, P.328

0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100% 1952 1960 1965 1970 1972

Produits agricoles exportés Produits industriels exportés

ZFIE 1966

Après le succès des ZFIE, la création de parcs industriels devient la priorité absolue du KMT lorsque l’aide américaine prend fin en 1965. Le principal problème est l’acquisition foncière pour développer rapidement ces zones industrielles. Sous la direction du KMT, certaines sucreries de l’époque de l'occupation japonaise deviennent alors la majeure source de terrains industriels (Lee & Liu, 2005).

A partir de 1980, la politique orientée vers l'exportation et la coopération avec les Etats-Unis et le Japon commence à rencontrer des difficultés. Les Etats-Unis jugent leur balance commerciale avec Taiwan trop déficitaire. Le gouvernement américain se met donc à réduire les exportations en provenance de Taiwan tout en exigeant la revalorisation du dollar taiwanais. Pour répondre à ce choc, le KMT décide de développer des industries stratégiques dans les domaines de haute technologie afin de transformer l’industrie traditionnelle intensive en travail en industrie technologique intensive en capital. A cette fin, un parc scientifique est créé à Hsinchu en 1980, intégré aux deux universités technologiques proches, pour opérer une grande concentration d’industries de haute technologie formant un cluster industriel. Cette mise à niveau industrielle permet à l'économie taiwanaise de poursuivre une croissance régulière. Taiwan maintient son rôle de « fabricant d'équipement d'origine » (OEM) mais ses produits d'exportation évoluent progressivement de produits de consommation courante (fabriqués à Kaohsiung) et de machines-outils, (fabriquées à Taichung) vers des composants électroniques destinés à la haute technologie (Hsinchu).

L’aménagement du territoire sert surtout les objectifs de développement économique et fait peu de cas de la qualité de vie des citoyens (Chang J.-s., 1988). En conséquence, les politiques urbaines ne connaissent pas de modifications majeures au cours de cette période. La plupart des dispositions d'urbanisme issues de la planification régionale, établies pendant la période coloniale japonaise, continuent à être appliquées. La loi japonaise de 1936 sur la planification d’urbanisme reste en vigueur par défaut, jusqu'à sa révision en 1973. De 1953 à 1964, les 52 projets d'urbanisme réalisés sont issus des stratégies de planification sous l'occupation japonaise (Chen & Shih, 2010, pp. 34-35). L'accent mis sur l'industrialisation souligne la nature exogène du KMT dans ses premières années de domination. Il faudra attendre la transition politique des années 1970, avec le

basculement du KMT en faveur d’un développement endogène, pour voir émerger une nouvelle loi d’urbanisme en 1973.

Documents relatifs