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2.2 Domination néerlandaise à Tainan

Au cours des quatre décennies où les Hollandais gouvernent Taiwan, l'île passe d'un comptoir commercial à une colonie néerlandaise (une partie de Tainan aujourd'hui) et la valeur économique de l'île commence à être appréciée par les colons. Au début, à cause de la mise en pratique de la politique isolationniste imposée par la dynastie Ming qui interdit les activités maritimes et les immigrations, les Hollandais collaborent avec les pirates dans l'espoir de monopoliser le commerce entre la Chine et le Japon. Zheng Zhilong (鄭芝龍) est l’un d’entre eux. Son fils Zheng Chenggong (鄭成功), nommé Koxinga par les occidentaux, succède aux Néerlandais et établit son pouvoir sur Taiwan. Grâce à la levée de l'embargo vers 1634, la VOC développe avec succès des relations commerciales avec la Chine à partir de Tayouan (Yang Y.-j., 2000).

11 Le trajet Manille – Acapulco, réalisé par des galions, reliant les Amériques à la Chine via les Philippines, est l’une des lignes maritimes les plus rentables de l'histoire coloniale européenne, pendant presque 300 ans (1565-1815) (Gunn, 2011). Batavia est la principale destination des exportations japonaises, qu'il s'agisse du commerce européen ou du commerce intra-asiatique. A partir de Batavia, les flottes hollandaises peuvent voyager directement en peu de temps jusqu’au Cap de Bonne Espérance avant de rentrer aux Pays-

La situation commence à changer en 1640. En raison de la menace espagnole dans le nord de l'île, de la politique isolationniste du Japon, de la guerre civile en Chine et du blocage instauré par la flotte Zheng pour commercer avec le Japon, la VOC rencontre des difficultés à poursuivre ses échanges commerciaux avec la Chine et le Japon. Ainsi, après avoir expulsé les Espagnols en 1942, les Néerlandais commencent à se concentrer sur la gestion de l'île en s’intéressant à l’exploitation des ressources locales et à l’expansion territoriale.

Au niveau commercial, Taiwan passe progressivement du statut d'entrepôt, responsable uniquement du transbordement de marchandises étrangères, à celui de base d'exportation en fournissant des biens produits sur place. Ainsi que le rapporte Yang, « avant 1640, les marchandises exportées par Taiwan provenaient principalement de Chine continentale, ce qui faisait de Taiwan une base de transit pour les marchandises du monde entier sur la scène commerciale internationale. Après 1640, l'offre de marchandises exportées de Chine continentale, telles que la soie grège, les produits métalliques et le sucre granulé, diminue fortement. Cependant, les produits locaux comme le sucre, la peau de daim, le soufre et le charbon de Taiwan ont joué un rôle de plus en plus important. Si avant 1640, Taiwan était principalement une base de commerce d'entrepôt, par la suite, le commerce d'entrepôt a commencé à décliner, et la proportion de la production locale et des exportations a augmenté considérablement » (Yang Y.-j., 2000, p. 144).

Au niveau territorial, l’armée de la VOC connait une expansion du sud vers le centre, l'est et le nord de l’île à partir des communautés villageoises aborigènes près de Tayouan (Chen Z.-r., 2005, pp. 68-69). Les Hollandais contrôlent finalement complètement l’île grâce leur force militaire. Comme nulle part ailleurs dans les autres comptoirs néerlandais, la VOC peut exercer son pouvoir absolu et sa souveraineté en l’absence d’un régime de gouvernement local à Taiwan. Cette île devient donc le premier et le seul territoire véritablement colonial sous contrôle néerlandais (Kang P.-d., 2016).

Les occupants hollandais renforcent la répartition spatiale de la population insulaire en mettant en œuvre la première politique de ségrégation ethnique. Ils séparent les autochtones des immigrants han pour faciliter le contrôle colonial. Pour le petit nombre d'immigrants han chinois, les Néerlandais exercent un contrôle strict. À l'inverse, leur contrôle est faible sur les aborigènes plus nombreux et dispersés sur l'île.

Pour les aborigènes, dont les villages sont dispersés sur l’ensemble de territoire et appartenant à différents groupes ethniques, les Néerlandais accordent une autonomie locale avec des dirigeants disposant du pouvoir de diriger leur village. Les Néerlandais réalisent alors des recensements d’autochtones afin d'enregistrer la population indigène sous leur contrôle. En 1646, 217 villages autochtones sont recensés, puis de nouveaux villages s’y ajoutent chaque année. En 1650, un record est enregistré avec 315 villages et plus de 60 000 indigènes fidèles à la VOC (Yang Y.-j., 2000, p. 92). Dans ces villages passés sous leur contrôle, les Néerlandais demandent des peaux de daim en guise d’impôt. A cette époque, le profit sur la vente des peaux de daim à Taiwan est élevé et ces dernières sont exportées vers le Japon par les Hollandais.

Par ailleurs, pour dominer rapidement cette colonie et pour s’y installer durablement, la VOC recrute un grand nombre d'immigrants han (90% d'hommes), dont la majorité vient des provinces du Fujian et du Guangdong, pour l’aider à mettre en valeur les terres arables en y plantant du riz et des cannes à sucre (Yang Y.-j., 2000). L’agriculture progresse rapidement grâce au nombre croissant d'immigrants chinois. Bientôt, Taiwan devient le plus important fournisseur de sucre, produit qui entre dans le circuit commercial des Pays-Bas. Le riz est quant à lui produit et vendu principalement par des Chinois, et largement exporté vers la Chine continentale.

Contrairement à la gestion des populations autochtones, les Néerlandais adoptent une politique de gestion centralisée à l'égard des han. Ceux-ci sont complètement sous contrôle des Hollandais. Ils sont soumis à de nombreuses restrictions et doivent payer plusieurs impôts. Leur rayon d'action est limité aux terres agricoles situées à proximité de la capitale, près de la capitale, Tayouan, et ils doivent vivre dans la région de Chikan,

dans la ville de Stan Provintia, construite par les Hollandais. En 1640, on compte environ 200 maisons et 1 000 habitants han (Groll, Alphen, Kat, Meekerk, & Wevers, 2002, p. 268) et en 1646, sont recensées environ 10 000 personnes. Cette population double en seulement vingt ans. En 1650, le nombre d'immigrants chinois atteint 15 000 personnes (Yang Y.-j., 2000, pp. 167-170).

Ces immigrants n'ont généralement pas le droit d'entrer dans les villages autochtones ou de se marier avec des autochtones. Seuls ceux qui achètent des permis de transaction ont le droit de commercer avec un village autochtone spécifique (pushe zhidu 贌社制度). En ce qui concerne les impôts, chaque immigrant âgé de plus de sept ans doit payer une « taxe par tête ». La base des taxes varie selon les emplois occupés : ceux qui travaillent dans l'agriculture doivent payer une taxe sur le riz ; les pêcheurs une taxe sur la pêche ; les chasseurs de daim, une taxe de chasse ; les commerçants sont soumis à une taxe de marché ; pour l'exportation de marchandises, ils doivent acquitter une taxe d'exportation (Yang Y.-j., 2000).

Dans les années 1650, les gouvernements néerlandais font face à plusieurs crises. En raison de la lourde pression fiscale et de la situation difficile du commerce extérieur, l’insatisfaction des immigrants chinois face à la règle hollandaise grandit et des révoltes éclatent. Le clan Zheng constitue par ailleurs une menace sérieuse pour les Hollandais depuis son émergence en 1644. Il contrôle les zones côtières de la Chine et monopolise le commerce, tout en ayant des relations hostiles avec la dynastie Qing (cf. Chapitre III, Carte 4). À tout moment, les Hollandais craignent que les Zheng envoient des troupes pour attaquer Taiwan. Par conséquent, en plus d'intensifier leur préparation au combat et de renforcer le contrôle sur la population de Taiwan, les Néerlandais essayent par tous les moyens de faire affaire directement avec la dynastie Qing, espérant ainsi contourner l'influence du clan Zheng sur le littoral chinois. Face à ces difficultés internes et externes, les Néerlandais ne peuvent pas consolider leur domination. A partir de 1657, le clan Zheng impose un embargo maritime qui interrompt le commerce entre Taiwan et la Chine. Cela plonge la VOC dans une crise économique, et menace sa présence à Taiwan. En 1661, la flotte navale des Zheng vainc les Néerlandais à Taiwan et met fin à la domination de la VOC sur l’île (Yang Y.-j., 2000, p. 247).

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