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La télémédecine : une autre mission susceptible d’élargir le rôle du

Dans le document Avis 19-A-08 du 04 avril 2019 (Page 121-126)

SECTION IV – LE RENFORCEMENT DU RÔLE DU PHARMACIEN

C. La télémédecine : une autre mission susceptible d’élargir le rôle du

523. Aucun texte n’interdit aux pharmaciens d’officine de développer des services liés aux nouvelles missions qui n’ont pas fait l’objet de définition dans des textes ou dans la convention pharmaceutique. Dans une telle hypothèse, le pharmacien fixe librement sa rémunération pour le service concerné. En l’absence d’un accord avec l’assurance maladie ou des organismes de complémentaire santé, celle-ci sera versée directement par le patient et ne fera pas l’objet d’un remboursement.

524. Ainsi, en 2018, les officines du groupement Pharmabest ont annoncé vouloir proposer un service de dépistage du mélanome via un dermatoscope. Cet acte sera soumis à un tarif libre et ne sera pas remboursé par l’assurance maladie ou par les mutuelles325.

C. LA TÉLÉMÉDECINE : UNE AUTRE MISSION SUSCEPTIBLE D’ÉLARGIR LE RÔLE DU PHARMACIEN

1. LA DÉFINITION DE LA TÉLÉMÉDECINE

525. La loi HPST a introduit la définition légale de la télémédecine dans le CSP en y insérant un nouvel article L. 6316-1. Celui-ci précise que « la télémédecine est une forme de pratique médicale à distance utilisant les technologies de l’information et de la communication. Elle met en rapport, entre eux ou avec un patient, un ou plusieurs professionnels de santé, parmi lesquels figure nécessairement un professionnel médical et, le cas échéant, d’autres professionnels apportant leurs soins au patient. Elle permet d’établir un diagnostic, d’assurer, pour un patient à risque, un suivi à visée préventive ou un suivi post-thérapeutique, de requérir un avis spécialisé, de préparer une décision post-thérapeutique, de prescrire des produits, de prescrire ou de réaliser des prestations ou des actes, ou d’effectuer une surveillance de l’état des patients ».

526. L’article prévoit également que la définition des actes de télémédecine, ainsi que leurs conditions de mise en œuvre, sont fixées par décret.

527. Le décret du 19 octobre 2010326 est ainsi venu définir les actes concernés, leurs conditions de mise en œuvre et de prise en charge financière. Il a introduit l’article R. 6316-1 dans le CSP, qui répertorie cinq actes de télémédecine, à savoir :

a. la téléconsultation, qui a pour objet de permettre à un professionnel médical de délivrer une consultation à distance à un patient. Un professionnel de santé peut être physiquement présent auprès du patient et, le cas échéant, assister le professionnel médical au cours de la téléconsultation ;

324 Le III de l’article 5 du décret n° 2017-985 du 10 mai 2017 relatif à l’expérimentation de l’administration par les pharmaciens du vaccin contre la grippe saisonnière.

325 Source : https://www.silvereco.fr/pharmabest-lance-le-1er-service-de-prevention-du-cancer-du-melanome-en-pharmacie/3199115. Cotes 15 169 à 15 171.

326 Décret n° 2010-1229 du 19 octobre 2010 relatif à la télémédecine.

b. la téléexpertise, qui a pour objet de permettre à un professionnel médical de solliciter à distance l’avis d’un ou de plusieurs professionnels médicaux en raison de leurs formations ou de leurs compétences particulières, sur la base des informations médicales liées à la prise en charge d’un patient ;

c. la télésurveillance médicale, qui a pour objet de permettre à un professionnel médical d’interpréter à distance les données nécessaires au suivi médical d’un patient et, le cas échéant, de prendre des décisions relatives à la prise en charge de ce patient ;

d. la téléassistance médicale, qui a pour objet de permettre à un professionnel médical d’assister à distance un autre professionnel de santé au cours de la réalisation d’un acte ; e. la réponse médicale, qui est apportée dans le cadre de la régulation médicale de l’aide

médicale urgente.

528. Parmi ces actes, la téléconsultation est susceptible de faire intervenir un pharmacien, en tant qu’intermédiaire.

2. LA MISE EN ŒUVRE DE LA TÉLÉMÉDECINE

529. La loi HPST prévoyait également que les projets régionaux de santé arrêtés par les directeurs généraux d’ARS comprennent obligatoirement un programme de développement de la télémédecine, d’une durée maximale de cinq ans327.

530. En outre, le décret du 19 octobre 2010 précité prévoit que l’activité de télémédecine et son organisation doivent faire l’objet :

a. soit d’un programme national défini par arrêté du ministre chargé de la santé, des personnes âgées, des personnes handicapées et de l’assurance maladie ;

b. soit d’une inscription dans l’un des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens ou l’un des contrats ayant pour objet d’améliorer la qualité et la coordination des soins (à savoir la convention pharmaceutique pour ce qui concerne les pharmaciens) ;

c. soit d’un contrat particulier signé par le directeur général d’une ARS et le professionnel de santé libéral ou, le cas échéant, tout organisme concourant à cette activité.

531. Ces programmes et contrats mentionnés doivent préciser les conditions dans lesquelles s’exerce l’activité de télémédecine, en tenant compte notamment des spécificités de l’offre de soins dans le territoire considéré328.

a) Le programme d’expérimentation de la télémédecine

532. L’article 36 de la LFSS pour 2014329 a instauré le principe des expérimentations de télémédecine avec son programme d’« Expérimentations de télémédecine pour l’amélioration des parcours en santé » (ci-après, le « programme ETAPES »). L’objectif de

327 Obligation prévue par l’article L. 1434-17, introduit par l’article 118 de la loi HPST et désormais abrogé par la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé (article 158) ; concernant la durée de cinq ans, voir l’article R. 1434-1 du CSP introduit par le décret n° 2010-514 du 18 mai 2010 relatif au projet régional de santé.

328 Articles R. 6316-6 et R. 6316-7 du CSP.

329 Loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014.

ces expérimentations était de développer les activités de télémédecine, de définir le cadre juridique dans lequel elles peuvent évoluer et de fixer une tarification préfiguratrice des actes permettant aux professionnels de santé de développer des projets cohérents et pertinents, en réponse aux besoins de santé et à l’offre de soins régionale330.

533. Initialement, les expérimentations ont pu être menées à compter du 1er janvier 2014 pour une durée de quatre ans, dans neuf régions pilotes, sur le fondement d’un arrêté du 10 juin 2014331. Les régions concernées étaient l’Alsace, la Basse-Normandie, la Bourgogne, le Centre, la Haute-Normandie, le Languedoc-Roussillon, la Martinique, les Pays de la Loire et la Picardie.

534. Elles portaient ainsi sur la réalisation d’actes de télémédecine pour des patients pris en charge, d’une part, en médecine de ville et, d’autre part, en structures médico-sociales.

535. L’article 91 de la LFSS pour 2017332 a apporté un certain nombre de modifications au périmètre de cette expérimentation afin de développer et d’accélérer son déploiement, notamment en l’étendant à l’ensemble des régions pour tous les cahiers des charges parus ou à paraître et en prorogeant d’un an le dispositif expérimental, c’est-à-dire jusqu’à décembre 2018.

536. Enfin, l’article 54 de la LFSS pour 2018333 a prévu plusieurs évolutions et a confié aux partenaires conventionnels le soin de fixer les tarifs applicables et les modalités de réalisation des actes de télémédecine. Les négociations conventionnelles ont débuté en janvier 2018 et ont abouti à la signature en juin 2018 de l’avenant n° 6 à la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’assurance maladie du 25 août 2016 (ci-après,

« la convention médicale »).

537. Le programme ETAPES pour les téléconsultations et les téléexpertises est poursuivi jusqu’à l’entrée en vigueur des tarifs conventionnels, au plus tard le 1er juillet 2019. Enfin, la télésurveillance médicale demeure dans le cadre expérimental ETAPES pour une durée de 4 ans334.

b) La prise en charge financière des actes de télémédecine

538. L’activité de télémédecine peut bénéficier du financement d’un fonds d’intervention régional, sur décision des ARS (articles R. 6316-11 et L. 1435-8 du CSP).

539. Elle peut également être financée dans le cadre de la tarification des établissements de santé et des établissements sociaux et médicaux sociaux (articles R. 6316-11 du CSP et articles L. 314-1 et L. 314-2 du code de l'action sociale et des familles).

330 Source : site du ministère des solidarités et de la santé (http://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et- maladies/prises-en-charge-specialisees/telemedecine/article/etapes-experimentations-de-telemedecine-pour-l-amelioration-des-parcours-en ).

331 Arrêté du 10 juin 2014 fixant la liste des régions sélectionnées sur le fondement de l'article 36 de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014 en vue de la mise en œuvre d'expérimentations en télémédecine.

332 Loi n° 2016-1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017.

333 Loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018.

334 Source : site du ministère des solidarités et de la santé (http://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et- maladies/prises-en-charge-specialisees/telemedecine/article/etapes-experimentations-de-telemedecine-pour-l-amelioration-des-parcours-en).

540. Jusqu’à récemment, seuls quelques actes de télémédecine étaient inscrits dans la nomenclature générale des actes professionnels (ci-après, « NGAP ») ou la classification commune des actes médicaux (ci-après, « CCAM ») et faisaient donc l’objet d’un remboursement. Étaient ainsi concernés les actes de télédialyse péritonéale, les actes de dépistage de la rétinopathie diabétique, les actes de téléconsultation en urgence en EHPAD et les actes de télé-expertise-admission-changement de médecin en EHPAD.

Les modalités de prise en charge et les tarifs de remboursement : l’avenant n° 6 à la convention médicale

541. Les 13 et 14 juin 2018, après plusieurs années d’expérimentation, quatre des cinq syndicats représentant les médecins libéraux (à savoir la CSMF, le SML, MG France et le Bloc) ont signé l’avenant n° 6 à la convention médicale d’août 2016335, qui permet le remboursement par l’assurance maladie des actes de télémédecine (téléconsultations et téléexpertises)336. 542. Selon cet avenant, les actes de téléconsultation pourront ainsi être pris en charge par

l’assurance maladie obligatoire et complémentaire dès le 15 septembre 2018. Les tarifs et modalités de prise en charge pour les téléconsultations seront les mêmes que ceux en vigueur pour les consultations dites « en présentiel », c'est-à-dire en présence du patient, à savoir : a. 25 euros pour un généraliste ;

b. 30 euros pour un spécialiste337.

543. L’avenant n° 6 inclut également des clauses sur les consultations dites « complexes » (46 euros) et « très complexes » (60 euros), pour certaines situations médicales et qui seront étendues à d'autres actes338.

544. Les actes de téléexpertise pourront faire l’objet d’une prise en charge à partir de février 2019 pour certaines catégories de patients. La téléexpertise, ouverte dans un premier temps à certaines catégories de personnes (notamment les patients atteints d’une affection de longue durée, ceux atteints d’une maladie rare, les habitants de zones en sous densité médicale, les détenus et les patients en EHPAD), s’élargira à tout patient à partir de 2020. Les médecins pourront donc, pour les cas prévus, réaliser des téléexpertises, rémunérées 12 ou 20 euros selon le niveau de complexité de l'acte.

545. Une aide forfaitaire a par ailleurs été négociée pour aider les médecins à se doter des équipements nécessaires pour pratiquer la télémédecine. Au total, ces professionnels peuvent compter sur un montant total d’aides allant jusqu’à 525 euros par an afin de s’équiper pour la pratique de la télémédecine.

335 Convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l’assurance maladie signée le 25 aout 2016.

336 Arrêté du 1er août 2018 portant approbation de l'avenant n° 6 à la convention nationale organisant les rapports entre les médecins libéraux et l'assurance maladie signée le 25 août 2016.

337 Hors dépassements éventuels.

338 Les nouvelles consultations complexes correspondent à la prise en charge, dans le cadre du parcours de soins, de patients présentant une pathologie complexe ou instable ou à des situations cliniques à fort enjeu de santé publique (dépistage, prévention…). Les nouvelles consultations très complexes correspondent à une prise en charge particulièrement difficile et complexe pour des situations cliniques et de prise en charge bien définies, telles que la visite longue pour les patients atteints de maladie neurodégénérative (https://www.ameli.fr/medecin/actualites/creation-de-nouvelles-consultations-complexes-et-tres-complexes-au-1er-novembre ). Cotes 15 148 et 15 149.

546. Enfin, l’avenant n° 6 prévoit que « dans le cas où un médecin assiste le patient au moment de la réalisation de la téléconsultation, ce médecin peut facturer une consultation dans les conditions habituelles, parallèlement à la facturation de la téléconsultation par le médecin téléconsultant ».

3. LE RÔLE DES PHARMACIENS DANS LE DÉPLOIEMENT DE LA TÉLÉMÉDECINE

547. L’article 54 de la LFSS pour 2018339 a modifié l'article L. 162-16-1 du code de la sécurité sociale, relatif aux éléments qui doivent être déterminés par la convention pharmaceutique.

Ainsi, selon le 11° ajouté à cet article, la convention pharmaceutique doit désormais déterminer « les modalités de participation des pharmaciens à l’activité de télémédecine définie à l’article L. 6316-1 du code de la santé publique ».

548. Le 6 décembre 2018, les syndicats de pharmaciens et l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (ci-après, « UNCAM ») ont signé l’avenant n° 15 à la convention pharmaceutique qui précise les conditions dans lesquelles les pharmaciens pourront contribuer à la réalisation d’actes de téléconsultation à partir de leur officine340.

549. Ainsi, le texte prévoit que les pharmaciens devront disposer d’un espace permettant de préserver la confidentialité des échanges et devront se doter de l’équipement nécessaire à la vidéotransmission et la bonne installation des patients, mais également, a minima, d’un stéréoscope et d’un otoscope connectés, d’un oxymètre et d’un tensiomètre.

550. L’avenant prévoit une rémunération forfaitaire pour l’achat de ces équipements, de 1 225 euros la première année puis 350 euros pour les années suivantes. Elle prévoit également une participation forfaitaire au temps passé en fonction du nombre de téléconsultations réalisées :

a. 200 euros jusqu’à 20 patients ; b. 300 jusqu’à 30 patients ;

c. 400 euros au-delà de 30 patients ;

551. Cette rémunération pourra être réévaluée pour les officines réalisant plus de 50 téléconsultations.

552. Par ailleurs, le déploiement de la téléconsultation en officine fera l’objet d’un suivi, particulièrement dans les zones sous-denses dans lesquelles la télémédecine peut jouer un rôle majeur pour faciliter l’accès aux soins. Les modalités pourront donc évoluer le cas échéant.

553. Enfin, les pouvoirs publics souhaitent également permettre aux pharmaciens de pratiquer des soins à distance. En effet, le projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé341 prévoit d’insérer un article L. 6316-2 dans le CSP afin de définir le

« télésoin », une « pratique de soins à distance utilisant les technologies de l’information et

339 Loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018.

340 Avenant n° 15 à la convention à la convention pharmaceutique du 4 mai 2012, organisant les rapports entres les pharmaciens titulaires d'officine et l'assurance maladie. Cotes 15 161 à 15 168.

341 Projet de loi n° 1681 enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 février 2019 relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé (http://www.assemblee-nationale.fr/15/projets/pl1681.asp)

de la communication [qui] met en rapport un patient avec un ou plusieurs pharmaciens ou auxiliaires médicaux ». Il prévoit également de modifier le code de la sécurité sociale afin de préciser que la convention entre les organismes d’assurance maladie et les pharmaciens titulaires d’officine doit déterminer « les tarifs ou les modes de rémunération (…) ainsi que les modalités de réalisation des actes de télésoin ». Ces actes, mettant en relation par vidéotransmission un pharmacien et un patient, seront remboursés par l’assurance maladie à la condition qu’un premier soin ou un bilan de médication ait déjà été réalisé par un pharmacien en présence du patient. En outre, il est précisé que l’activité du professionnel de santé présent, le cas échéant, auprès du patient n’est pas prise en charge.

II. Constatations

554. Près de dix ans après l’adoption de la loi HPST, force est de constater que les services que les pharmaciens peuvent proposer en lien avec les nouvelles missions ont connu, en pratique, un déploiement très limité.

555. Si les nouvelles missions ont été définies par l’article 38 de la loi HPST (codifié à l’article L. 5125-1-1-A du CSP), leurs modalités n’ont été, à ce jour, que partiellement définies par des textes d’application.

556. Or, les résultats de la consultation publique ont montré une très forte adhésion des

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