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Le double monopole institué par le droit national

Dans le document Avis 19-A-08 du 04 avril 2019 (Page 184-187)

SECTION VI – LE MONOPOLE DES PHARMACIENS

B. Le double monopole institué par le droit national

833. Le monopole consenti aux pharmaciens par l’État (monopole légal) est ancien, puisqu’il date de 1777. Il n’a jamais été durablement remis en cause depuis cette époque. La première

493 CJCE, Keck et Mithouard, arrêt du 24 novembre 1993, aff. C-267/91. C’est pourquoi les juridictions françaises ne se réfèrent plus aux dispositions des articles 34 et 36 TFUE (libre circulation) pour apprécier les dispositions nationales relatives aux modalités de vente des produits pharmaceutiques (voir par ex. Cass. com., 22 févr. 2000, nos 97‐21.611, 97‐22.105, 97‐22.317 et 98‐10.398).

494 CJUE, Alessandra Venturini contre ASL Varese e.a. Maria Rosa Gramegna contre ASL Lodi e.a. et Anna Muzzio contre ASL Pavia e.a., 5 décembre 2013, aff. jtes c-159/12 à C-161/12.

495 Ibid.

496 Ibid.

énumération des produits concernés figure dans un « acte dit loi » de 1941497. Sous sa forme actuelle, le droit français distingue :

a. le monopole pharmaceutique, lié à l’activité de dispensation des médicaments (1) ; b. du monopole officinal, rattaché aux conditions d’exercice de cette activité (2).

1. LE MONOPOLE PHARMACEUTIQUE

a) Principe

834. Selon l’article L. 4211-1 du CSP, les pharmaciens disposent d’un monopole sur la vente au détail de médicaments, que ces médicaments soient soumis à prescription médicale obligatoire ou à prescription médicale facultative.

835. Le médicament est défini à l’article L. 5111-1 du CSP comme étant « toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales » (médicament par présentation) ou « toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l’homme ou chez l’animal ou pouvant leur être administrée, en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions physiologiques » (médicament par fonction). La jurisprudence européenne considère que ces deux branches de la définition sont alternatives, un produit pouvant être qualifié de médicament s’il correspond à l’une ou à l’autre de ces branches498.

836. Les pharmaciens disposent ainsi d’un monopole sur la préparation et la dispensation des médicaments à usage humain, des médicaments à usage vétérinaire (monopole partagé avec les vétérinaires, article L. 5143-2 du CSP), mais aussi sur la vente d’autres produits listés à l’article L. 4211-1 du CSP, à savoir notamment les objets de pansements et tous articles présentés comme conformes à la pharmacopée, ainsi que les générateurs, trousses ou précurseurs.

837. Les pharmaciens sont également les seuls à pouvoir vendre au détail des plantes médicinales inscrites à la pharmacopée, sauf dérogations, des huiles essentielles dont la liste est fixée par décret, des laits infantiles destinés aux enfants du premier âge et présentant certaines caractéristiques, et des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro (ci-après, « DMDIV ») destinés à être utilisés par le public.

838. Un DMDIV est un produit ou instrument destiné à être utilisé in vitro dans l’examen d’échantillons provenant du corps humain, dans le but de fournir une information, notamment, sur l’état physiologique ou pathologique d’une personne ou sur une anomalie congénitale (article L. 5221-1 du CSP).

b) Exceptions

839. Par dérogation au monopole, la vente de certains DMDIV destinés au public n’est plus réservée aux pharmaciens : il s’agit des tests de grossesse et d’ovulation (8° de l’article L. 4211-1 du CSP), depuis la loi du 17 mars 2014 sur la consommation, ainsi que

497 Loi n° 3890 du 11 septembre 1941 relative à l’exercice de la pharmacie, article 1er, tel que validé par l’ordonnance n° 45-1014 du 23 mai 1945.

498 CJCE, Van Bennekom, 30 novembre 1983, aff. C-227/82.

les autotests de détection du VIH (article L. 3121-2-2 du CSP), depuis la loi du 26 janvier 2016.

840. De même, la loi du 17 mars 2014 précitée a exclu du monopole les produits pour l’entretien ou l’application des lentilles oculaires de contact (modification du 2° de l’article L. 4211-1 du CSP).

841. Enfin, le CSP prévoit plusieurs hypothèses, exceptionnelles, dans lesquelles d’autres acteurs du domaine de la santé peuvent dispenser tout ou partie des produits visés à l’article L. 4211-1 du CSP (voir articles L. 4211-3 et suivants du CSP).

c) Médicaments « frontière »

842. Dans la mesure où le monopole pharmaceutique ne couvre que les catégories de produits limitativement énumérées à l’article L. 4211-1 du CSP, la jurisprudence a été conduite à préciser le statut de produits qui, selon leurs caractéristiques, peuvent relever ou ne pas relever de l’une de ces catégories. Le circuit de distribution de ces produits « frontière » dépend donc de leur qualification ou non de médicaments, de DMDIV destinés à un usage par le public, de plantes médicinales inscrites à la pharmacopée ou d’huiles essentielles dont la liste est fixée par décret.

843. En raison de cette incertitude juridique, le Conseil national de la consommation (ci-après,

« CNC »), qui a constaté que tous ces produits sont couverts par une réglementation de sécurité, a proposé en 2005 de les exclure du monopole499 : la libéralisation devait alors porter sur plusieurs produits, notamment sur l’alcool à 70° modifié, l’eau oxygénée, les pastilles contre les irritations de gorge et de bouche et la vitamine C dosée jusqu’à 500 mg/unité.

844. Dans trois arrêts datés du 10 décembre 2013, la Cour de cassation (chambre criminelle) a considéré que ne constituaient pas des médicaments : l’alcool à 70 degrés, l’eau oxygénée, l’éosine aqueuse à 2 % et une solution antiseptique Mercurochrome (Cass. crim., 10 décembre 2013, pourvois n° 12-86.079, n° 12-86.080 et n° 12-86.081).

2. LE MONOPOLE OFFICINAL

845. Selon l’article L. 5125-1 du CSP, l’officine est « l’établissement affecté à la dispensation au détail des médicaments, produits et objets mentionnés à l’article L. 4211-1 ainsi qu’à l'exécution des préparations magistrales ou officinales ». La vente au détail des produits couverts par le monopole du pharmacien ne peut donc être réalisée que dans une officine de pharmacie ou sur un site internet rattaché à une officine. En particulier, l’ensemble des médicaments, qu’ils soient remboursables ou non, ne peuvent être délivrés qu’au sein du réseau officinal.

846. Or, une officine ne peut être détenue et exploitée que par un pharmacien diplômé qui est propriétaire du fonds de commerce ou par une société constituée par un ou plusieurs pharmaciens (article L. 5125-17 du CSP). En vertu de ce principe de l’indivisibilité de la propriété et de l’exploitation des officines, en ville, seuls les pharmaciens détenteurs d’une

499 Avis du Conseil national de la consommation, Parapharmacie, 9 février 2005.

officine peuvent, accompagnés de leur équipe officinale, y vendre les médicaments et les produits précités aux consommateurs finals.

847. Dans la mesure où le monopole officinal organise les conditions d’exercice de la pharmacie, un tel principe prohibe, à l’heure actuelle, la dispensation des médicaments dans les GMS ou les parapharmacies, y compris par des pharmaciens salariés de ces établissements.

848. Toute ouverture d’une nouvelle officine est par ailleurs subordonnée à l’octroi d’une licence d’exploitation par le directeur général de l’ARS territorialement compétente (article L. 5125-4 du CSP). L’autorisation d’ouverture est accordée en fonction de critères géo-démographiques.

849. Un assouplissement des conditions de vente de certains médicaments a été introduit en 2008.

Bien qu’une telle mesure ne remette pas en cause le monopole officinal, elle permet de renforcer l’autonomie des patients. Ainsi, les pharmaciens d’officine sont autorisés à vendre des médicaments dits de « médication officinale » en libre accès, c’est-à-dire devant le comptoir de la pharmacie (article R. 4235-55 du CSP). Les officines ont ainsi la possibilité de mettre plus de 500 références en libre accès pour le patient500. Les médicaments listés ne peuvent être que des médicaments soumis à prescription médicale facultative et jamais remboursés, même lorsqu’ils sont prescrits501. Leurs prix sont toujours librement fixés par le pharmacien.

850. Toutefois, cette faculté d’offrir un espace de libre accès dans les officines n’est pas obligatoire, mais est laissée au choix du pharmacien.

Dans le document Avis 19-A-08 du 04 avril 2019 (Page 184-187)

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