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Le principe de restriction de la publicité pour les médicaments et pour les

Dans le document Avis 19-A-08 du 04 avril 2019 (Page 79-83)

SECTION III – LA PUBLICITÉ ÉMISE PAR LES OFFICINES

A. Le principe de restriction de la publicité pour les médicaments et pour les

1. LES PRINCIPES DU DROIT DE L’UE

a) La publicité pour les médicaments

311. En droit de l’UE, les restrictions pouvant ou devant être apportées à la publicité varient en fonction du type de médicament concerné.

Les médicaments soumis à prescription médicale obligatoire

312. L’article 88 du code communautaire relatif aux médicaments à usage humain210 interdit la publicité pour les médicaments soumis à prescription médicale obligatoire.

313. Ce principe d’interdiction s’applique dans tous les États membres. Par ailleurs, la décision de soumettre un médicament à prescription médicale obligatoire relève de la compétence des États membres.

210 Le code communautaire relatif aux médicaments à usage humain recense les règles de l’UE relatives à l’autorisation, à l’importation et à la production de médicaments à usage humain. Ce code a été institué par la directive 2001/83/CE et modifié à plusieurs reprises par des directives ultérieures.

Les médicaments remboursables

314. L’article 88, paragraphe 3 du code communautaire relatif aux médicaments à usage humain précise que les États membres peuvent interdire sur leur territoire la publicité auprès du public faite à l’égard des médicaments remboursables, mais non soumis à prescription médicale obligatoire. Il s’agit de l’option adoptée par la France (article L. 5122-6 du CSP).

Les médicaments soumis à prescription médicale facultative

315. Dans la mesure où « la publicité auprès du public faite à l’égard des médicaments qui peuvent être délivrés sans prescription médicale pourrait affecter la santé publique si elle était excessive et inconsidérée », le point 45 du préambule du code communautaire relatif aux médicaments à usage humain prévoit que cette publicité doit « satisfaire à certains critères essentiels qu’il convient de définir ».

316. Ainsi, la publicité en faveur de ces médicaments ne peut contenir aucun élément qui, par exemple, suggérerait que « la bonne santé normale du sujet puisse être améliorée par l’utilisation du médicament », assimilerait le médicament à une denrée alimentaire, à un produit cosmétique ou à un autre produit de consommation, ou s’adresserait exclusivement aux enfants (article 90 du code communautaire relatif aux médicaments à usage humain).

317. En particulier, l’article 87, paragraphe 3, du code communautaire relatif aux médicaments à usage humain exige que la publicité favorise l’usage rationnel du médicament, en le présentant de façon objective, sans en exagérer les propriétés, et non trompeuse. La CJUE a ainsi considéré que « la publicité pour un médicament sous forme de tirages au sort encourage l’utilisation irrationnelle et excessive de ce médicament, en le présentant comme un cadeau ou un prix, détournant ainsi le consommateur de l’évaluation objective de la nécessité de prendre ledit médicament »211.

b) La publicité pour des prestations de services

318. La CJUE s’est prononcée à plusieurs reprises sur des législations et réglementations nationales limitant la publicité sur des prestations de services, émise par des pharmaciens ou d’autres professions réglementées, en ce que ces mesures nationales sont susceptibles de constituer des restrictions aux libertés fondamentales garanties par le TFUE212.

319. De telles restrictions peuvent toutefois être justifiées au titre de la préservation de l’indépendance de la profession (principe applicable aux pharmaciens) ou de la protection de la santé publique.

320. Le présent point dresse un état de la jurisprudence de la CJUE relative à l’appréciation de ces justifications aux restrictions apportées aux libertés fondamentales édictées par le TFUE.

Sur la préservation de l’indépendance de la profession

321. La Cour a précisé qu’une réglementation d’un État membre (en l’occurrence, la France) interdisant aux membres d’une profession réglementée (en l’occurrence, des experts-comptables) de procéder à tout acte de démarchage est « susceptible d’affecter davantage

211 CJUE, 8 novembre 2007, aff. C-374/05, §56.

212 Sont ainsi concernées la liberté de circulation des services, la libre prestation des services et la liberté d’établissement.

les professionnels provenant d’autres États membres, en les privant d’un moyen efficace de pénétration du marché national en cause » et qu’ « une telle interdiction constitue, dès lors, une restriction à la libre prestation des services transfrontaliers »213.

322. En l’espèce, la CJUE avait écarté l’argument du gouvernement français par lequel il tentait de justifier cette interdiction sur le fondement de la préservation de l’indépendance de la profession214, principe auquel les pharmaciens sont également soumis. Elle a estimé qu’une telle réglementation était incompatible avec la directive 2006/123/CE relative aux services dans le marché intérieur en ce qu’elle interdisait toute forme de communication commerciale.

323. Il convient toutefois d’articuler cette jurisprudence avec celle relative à l’appréciation du critère de protection de la santé publique.

Sur la protection de la santé publique

324. La CJUE a précisé à de nombreuses reprises que « la protection de la santé est l’un des objectifs figurant au nombre de ceux qui peuvent être considérés comme constituant des raisons impérieuses d’intérêt général susceptibles de justifier une restriction à la libre prestation de services »215 et qu’« il appartient, en principe, aux États membres de décider du niveau auquel ils entendent assurer la protection de la santé publique ainsi que la manière dont ce niveau doit être atteint »216.

325. Toutefois, cette marge d’appréciation ne doit s’exercer que dans la limite de ce qui est nécessaire et proportionné à la protection de cet objectif.

326. Ainsi, la Cour a précisé qu’une réglementation exigeant que le contenu d’une publicité ne soit pas contraire à l’éthique professionnelle des médecins, si elle ne constitue pas une interdiction totale, est affectée d’une ambiguïté certaine et est donc susceptible de constituer une entrave à la liberté de prestation de services médicaux. Il appartient donc à la juridiction de renvoi de vérifier si lesdites règles constituent une restriction, au sens de l’article 56 TFUE (relatif à la libre prestation des services), et dans l’affirmative, si elles poursuivent un objectif d’intérêt général, de vérifier si elles sont propres à garantir la réalisation de celui-ci et ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi217.

327. Enfin, la Cour a indiqué qu’une interdiction totale de publicité relative à des prestations de soins buccaux et dentaires dépassait ce qui était nécessaire pour réaliser l’objectif de protection de la dignité de la profession de dentiste et était contraire à l’article 56 TFUE218.

213 CJUE, 5 avril 2011, affaire C-119/09 relative à l’interdiction du démarchage pour les experts-comptables,

§ 43.

214 Arrêt précité, § 44.

215 CJUE, 10 mars 2009, aff. C-169/07, § 46.

216 CJUE, 2 décembre 2010, Ker-Optika, C-108/09, § 58.

217 CJUE, 12 septembre 2013, aff. C-475/11, § 56 à 58.

218 CJUE, 4 mai 2017, aff. C-339/15, Vanderborght c/ Belgique, § 72.

2. L’APPLICATION DE CES PRINCIPES DANS LA JURISPRUDENCE ET LA PRATIQUE DÉCISIONNELLE NATIONALES

328. La jurisprudence nationale a régulièrement rappelé que l’encadrement législatif de la publicité en faveur des officines et des groupements était justifié dès lors que ces règles poursuivent un objectif de santé publique et qu’elles sont proportionnées à cet objectif.

329. Ainsi, dans une décision du 12 juin 1998, le Conseil d’État, saisi par plusieurs associations de pharmacies requérant l’annulation pour excès de pouvoir de la réglementation qui limitait la publicité en faveur des officines et interdisait toute publicité en faveur des groupements ou réseaux d'officines219, a eu l’occasion de se prononcer sur le caractère justifié de ces restrictions : « Le législateur a entendu, dans l’intérêt de la santé publique, assurer une répartition harmonieuse des officines sur le territoire et garantir à l’ensemble de la population un accès aisé aux services qu’elles offrent. Une concurrence excessive entre les officines favorisée par un recours trop important à la publicité serait de nature à affecter cet équilibre »220.

330. La Cour de cassation, amenée à se prononcer sur la conformité de l’article R. 5125-29 du CSP (interdisant la publicité par et pour les groupements et réseaux de pharmacies) à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme (ci-après, « CEDH »), relatif à la liberté d’expression, s’est plus récemment exprimée dans le même sens. En effet, elle a approuvé la cour d’appel d’avoir estimé que l’interdiction de toute publicité aux groupements ou réseaux d’officines était justifiée par un objectif de protection de la santé publique, à savoir conserver une répartition géographique équilibrée des officines sur le territoire national en protégeant les petites officines221.

331. De son côté, l’Autorité de la concurrence a récemment précisé qu’au vu de la jurisprudence de la CJUE précitée (voir paragraphe 327), la législation française interdisant de façon générale et absolue toute publicité aux professionnels de santé que sont les médecins et les chirurgiens-dentistes méconnaissait, dans cette mesure, la directive 2000/31 sur le commerce électronique et l’article 56 du TFUE relatif à la libre prestation de services222.

3. LES PRINCIPES RETENUS EN FRANCE

332. Il ressort de ce qui précède qu’en France, la publicité par les pharmaciens en faveur des médicaments soumis à prescription médicale obligatoire ou des médicaments remboursables est interdite. En outre, si des restrictions peuvent être apportées à la publicité émise par des pharmaciens sur d’autres produits, celles-ci doivent être proportionnées à l’objectif poursuivi, dans la mesure décrite ci-dessus.

219 Le décret attaqué en l’espèce était le décret n° 96-531 du 14 juin 1996 relatif à la publicité pour les médicaments et certains produits à usage humain et modifiant le code de la santé publique en tant qu'il insère dans le code de la santé publique un article R. 5053-3 relatif à la publicité en faveur des officines de pharmacie.

220 CE, 12 juin 1998, n°181718.

221 Cour de cassation, 4 juin 2014, n°13-16.794.

222 Décision n° 19-D-01 du 15 janvier 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la promotion par Internet d’actes médicaux et décision n° 19-D-02 du 15 janvier 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la promotion par Internet de soins dentaires.

333. Ces dispositions générales sont complétées par les règles issues du CSP, en ce compris celles issues du code de déontologie des pharmaciens, venant encadrer plus précisément la publicité émise par ceux-ci. Ces règles sont présentées au point suivant.

Dans le document Avis 19-A-08 du 04 avril 2019 (Page 79-83)

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