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La rémunération des officines et leurs prix de cession

Dans le document Avis 19-A-08 du 04 avril 2019 (Page 32-38)

SECTION I – PANORAMA ÉCONOMIQUE DU MARCHÉ OFFICINAL

C. La rémunération des officines et leurs prix de cession

1. UN MODÈLE DE RENTABILITÉ QUI REPOSE ESSENTIELLEMENT SUR UNE RÉMUNÉRATION RÉGLEMENTÉE

79. La rémunération des officines repose en grande partie sur les revenus associés aux médicaments remboursables dont le pharmacien a aussi le monopole de dispensation, garanti en outre par le monopole officinal.

80. Ainsi, en 2017, en moyenne, sur l’ensemble des officines, les médicaments remboursables représentaient toujours une part substantielle du chiffre d’affaires de l’officine, à savoir 72 %73, contre 7 % pour les médicaments non remboursables et 21 % pour les autres produits et services. Des proportions similaires ont également été relevées dans le rapport conjoint de l’IGF et l’IGAS74, ainsi que dans les réponses obtenues par les services d’instruction dans le cadre de la consultation publique (voir annexe II, question n° 78). En effet, les pourcentages moyens déclarés par les contributeurs sont de 76 % de chiffre d’affaires pour les médicaments remboursables, 11 % pour les médicaments non remboursables, 9 % pour les produits de parapharmacie et 5 % pour les autres produits et/ou services. Enfin, il est observé que la dépendance aux ventes de médicaments remboursables semble négativement corrélée au chiffre d’affaires de la pharmacie. Ainsi, la consultation publique fait ressortir que la vente de ces produits représenterait en moyenne 81 % des ventes pour les officines réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 600 000 euros, soit cinq points au-dessus de la moyenne des officines75.

81. Le diagramme qui suit illustre la répartition moyenne du chiffre d’affaires des officines en 2017, en le ventilant par grande catégorie de produits et prestations.

72 Ibid.

73 Cote 13 573 de l’Étude Xerfi. Il doit toutefois être précisé que cette part tendrait à diminuer.

74 Cote 6 038.

75 Voir annexe II, question n° 78.

Figure 11 : Répartition du chiffre d’affaires des officines en 2017

Source : Étude Xerfi - Les pharmacies - Septembre 2018.

82. Les textes prévoient par ailleurs que les revenus des officines associés aux médicaments remboursables comprennent trois composantes principales, à savoir :

a. les marges calculées sur la base du prix fabricant hors taxe (ci-après, « PFHT ») ; b. les honoraires de dispensation et de prestations de services76 ; et

c. la rémunération sur objectifs de santé publique (ROSP), qui vise actuellement à encourager la substitution des génériques.

83. L’ensemble de ces composantes de la rémunération de l’officine fait l’objet d’un encadrement réglementaire précis régulièrement révisé77.

84. Concernant la ventilation de ces éléments composant la rémunération des officines, un syndicat majoritaire de pharmaciens estime que cette rémunération se compose actuellement d’environ 50 % d’honoraires de dispensation et 50 % de marge fondée sur le prix de la boîte vendue78.

85. Toutefois, compte tenu des réductions successives des prix des médicaments remboursables décidées par les pouvoirs publics et de l’impact négatif de ces baisses sur la rémunération des officines, les règles relatives au calcul de la rémunération réglementée de l’officine ont été modifiées, afin d’introduire une diminution progressive du montant nominal de la marge reposant sur les prix des médicaments remboursables79.

76 Avenant n° 11 à la convention nationale : « Les parties signataires s’accordent sur la création d’honoraires de dispensation destinés à diversifier le mode de rémunération des pharmaciens par rapport à la rémunération à la marge prévue à l’article L. 162-38 du code de la sécurité sociale pour assurer les prestations suivantes : vérification de la validité de l’ordonnance ; vérification de l’admissibilité des renouvellements ; vérification de l’adéquation de la posologie prescrite ; vérification du respect des conditions réglementaires de prescription et de délivrance des médicaments à statut ou délivrance particulière ; contrôle des interactions au sein de l’ordonnance ; contrôle des facteurs de risque et des contre-indications dans les limites des connaissances de l’état de santé du patient ; contrôle des prescriptions abusives ; vérification de l’absence d’interactions au sein de l’ordonnance et avec les autres ordonnances du patient connues du pharmacien ; conseils aux patients (…) ».

77 Il s’agit de la convention pharmaceutique et de ses avenants, l’ensemble de ces textes étant négocié, puis formellement adopté dans un arrêté ministériel.

78 Cote 15 102.

79 Arrêté du 12 novembre 2018 modifiant l'arrêté du 4 août 1987 relatif aux prix et aux marges des médicaments remboursables et des vaccins et des allergènes préparés spécialement pour un individu.

Médicaments remboursables;

72%

Médicaments non remboursables;

7%

Autres produits et services; 21%

86. Afin de rééquilibrer la rémunération de l’officine et de la rendre moins dépendante du PFHT, de nouveaux honoraires de dispensation ont été introduits. Ils sont détaillés dans l’article 4 de l’avenant n° 11 à la convention nationale organisant les rapports entre les pharmaciens titulaires d’officines et l’Assurance maladie (ci-après, « la convention pharmaceutique ») et portent principalement sur les honoraires dits de dispensation (pour rappel, il s’agit d’honoraires relatifs aux prestations suivantes : « vérification de la validité de l’ordonnance ; vérification de l’admissibilité des renouvellements ; vérification de l’adéquation de la posologie prescrite ; vérification du respect des conditions réglementaires de prescription et de délivrance des médicaments à statut ou délivrance particulière ; contrôle des interactions au sein de l’ordonnance ; contrôle des facteurs de risque et des contre-indications dans les limites des connaissances de l’état de santé du patient ; contrôle des prescriptions abusives ; vérification de l’absence d’interactions au sein de l’ordonnance et avec les autres ordonnances du patient connues du pharmacien ; conseils aux patients (…) ».

87. Sur cette base, la rémunération des officines devrait reposer à 75 % environ sur les honoraires de dispensation et à 25 % seulement sur la marge fondée sur les prix des médicaments remboursables80. Si cette modification de la structure de la rémunération règlementée de l’officine traduit la volonté de rendre son montant nominal moins sensible aux variations des prix des médicaments remboursables, la mesure dans laquelle cette augmentation du poids des honoraires de dispensation permettra de compenser la perte de marge induite par la baisse du prix du médicament ne peut être évaluée à ce jour.

88. Le tableau qui suit détaille les évolutions déjà mises en œuvre ou attendues concernant les marges et honoraires de dispensation des officines, selon qu’elles sont entrées ou entreront en vigueur aux 1er janvier 2018, 2019 ou 2020.

Tableau 7 : Rémunération des officines : marge réglementée et honoraires de dispensation Rémunération des officines par l’Assurance-maladie

Rémunération des officines par l’Assurance-maladie

(PFHT + marges de distribution + honoraires de dispensation) N.B. : PFHT = prix fabricant hors taxe / Sources : Xerfi d’après CNAMTS et LEEM

Source : Étude Xerfi - Les pharmacies - Septembre 201881, arrêté du 12 novembre 201882 et avenant 11 à la convention nationale organisant les rapports entre les pharmaciens titulaires d’officine et l’assurance maladie.

89. À titre d’exemples, il ressort du tableau ci-dessus, qu’entre le 1er janvier 2019 et le 1er janvier 2020, la marge calculée sur la base du prix fabricant hors taxe compris entre 1,92 euros et 22,90 euros va être divisée par deux, les honoraires de dispensation pour ordonnance complexe vont doubler, les honoraires de dispensation pour les médicaments spécifiques vont augmenter de 75 % et les honoraires de dispensation liés à l’âge vont tripler.

90. Aux rémunérations évoquées dans le tableau qui précède, il convient d’ajouter la ROSP.

Concernant cette dernière, un syndicat majoritaire de pharmaciens anticipe une diminution de son montant annuel moyen en 2018 d’environ 18 % par rapport à 2017. Elle s’élèverait ainsi à 5 780 euros par officine en 2018 contre 7 044 euros en 201783. Selon ce syndicat, cette tendance devrait se poursuivre, l’Assurance maladie prévoyant une baisse de la ROSP de 25 millions en 2018 et de 15 millions en 201984.

91. Dans son rapport précité de 2017, la Cour des comptes a par ailleurs souligné que l’introduction de la ROSP en 2013-2014, puis des honoraires de dispensation en 2015, a modifié structurellement les modalités de rémunération des pharmacies au titre de la vente de médicaments remboursables.

92. La Cour des comptes a également mis en évidence que la baisse de la rémunération réglementée des pharmacies n’a pas empêché leur rentabilité, en moyenne, de se maintenir (partie A.1.2) notamment en raison de l’existence d’autres sources de rémunération relatives à la distribution des médicaments remboursables et plus particulièrement des médicaments génériques.

93. En effet, la Cour estime que « loin d’être constitués uniquement des rémunérations réglementées fixées par les pouvoirs publics, les revenus retirés par les pharmacies d’officine de la vente des médicaments remboursables par l’assurance maladie sont

81 Cote 13 575.

82 Arrêté du 12 novembre 2018 modifiant l'arrêté du 4 août 1987 relatif aux prix et aux marges des médicaments remboursables et des vaccins et des allergènes préparés spécialement pour un individu.

83 Cote 15 100.

84 Cote 15 098.

également issus de pratiques de marché multiples, dont certaines contournent la réglementation »85.

94. Ces sources additionnelles de rémunérations comprennent :

a. les remises et coopérations commerciales accordées par les laboratoires pharmaceutiques et ;

b. les marges réglementées de la distribution en gros qui sont rétrocédées à l’officine dans le cadre des ventes directes86.

95. La Cour des comptes a enfin estimé, pour l’exercice 2015, que ces revenus supplémentaires ont engendré un « surcoût »87 de 2 milliards d’euros (+ 37 % ; rémunération réelle perçue de 7,4 milliards d’euros à comparer à une rémunération réglementée de 5,4 milliards d’euros) de la rémunération réglementée des pharmacies d’officine sur les médicaments remboursables. Ce « surcoût » serait, par ailleurs, méconnu des pouvoirs publics et de l’Assurance maladie88. la Cour suggère donc un réexamen de ces mécanismes par les pouvoirs publics pour optimiser les coûts de distribution des médicaments.

2. DES PRIX DE CESSION DES PHARMACIES EN DÉCROISSANCE ET DE FORTES DISPARITÉS ENTRE OFFICINES

96. Le prix de cession moyen des pharmacies est passé, entre 2007 et 2017, de 95 % à 76 % du chiffre d’affaires hors taxes. Cette perte de 9 points est corrélée à la baisse des principaux indicateurs économiques et financiers décrite aux points précédents.

97. Une fois de plus, de fortes disparités sont observées entre petites et grandes officines. En effet, celles qui ont un chiffre d’affaires supérieur à 1,5 million d’euros connaissent un prix moyen de cession de l’ordre de 80 % de leur chiffre d’affaires hors taxes. En revanche, pour les officines dont le chiffre d’affaires est inférieur à 1,5 million d’euros, ce pourcentage moyen n’est que de 65 %89, ce qui semble relativement cohérent avec les différences de taux de résultats nets observées (voir paragraphe 46).

98. La localisation de l’officine est également un facteur d’explication de son prix de cession.

Ainsi, les pharmacies qui se vendent aux pourcentages du chiffre d’affaires hors taxes les plus élevés seraient notamment implantées dans des centres commerciaux et des zones rurales90.

99. Ces fortes disparités peuvent toutefois réduire l’attractivité économique de certaines officines et retarder, voire compromettre, leur reprise. Ce constat a été conforté par la large consultation publique menée par l’Autorité : 66 % des pharmaciens titulaires ayant répondu

85 Cote 2 884.

86 « En contrepartie du recours à leurs services pour la distribution des génériques, les grossistes répartiteurs ont cédé l’intégralité de leur marge réglementée de distribution en gros aux pharmacies d’officine ».

Cote 2 895.

87 « Surcoût » calculé comme l’ensemble des dépenses de l’Assurance maladie « destinées » à rémunérer d’autres acteurs (les grossistes ou les laboratoires pharmaceutiques) et transmises aux pharmaciens via les remises et rétrocessions de marges.

88 Cote 2 902.

89 Étude réalisée par Interfimo, société de financement au service des professionnels libéraux. Cote 14 584.

90 Cote 14 588.

pensent pouvoir vendre leur officine (dont 40 % avec des difficultés), 7 % estiment ne trouver aucun repreneur et 23 % ne sont pas en mesure de se prononcer, étant rappelé que les limites quant à la représentativité de l’échantillon des répondants à la consultation empêchent toute extrapolation de ces résultats à l’ensemble des pharmacies. Sur l’échantillon, ce sont les pharmaciens des plus petites officines (en termes de chiffres d’affaires) qui semblent être les plus pessimistes quant aux chances de cession de leur officine. À l’inverse, les pharmaciens des officines les plus importantes sont plus optimistes.91

100. Pour illustrer ces propos, le CROCIS de la CCI IDF précise dans son article précité d’avril 2017 qu’en Île-de-France, « il existe toutefois de très importantes variations de prix d’une officine à l’autre selon sa taille et son emplacement. Ainsi, on observe une désaffection des acquéreurs pour les officines dont le chiffre d’affaires HT est inférieur à 1 M€ (moins de 10 % de l’ensemble des transactions)92. Alors que le prix de cession moyen s’établit à 80 % du CA HT, les officines de moins d’l M€ se sont négociées à 59 % du CA HT alors que celles de plus de 2M€ se sont vendues à 83 %. Les quartiers populaires de la banlieue Est de Paris sont particulièrement prisés, mais, dans les zones les plus éloignées de la capitale, les acquéreurs craignent la désertification médicale, préjudiciable à leur activité. En outre, si toutes les catégories d’officines voient leur prix baisser, ce sont souvent les plus petites d’entre elles qui souffrent de cette baisse »93. Par ailleurs, il indique qu’en prévision des départs à la retraite, le nombre de transactions devrait augmenter dans les cinq prochaines années et que des concessions sur les prix de vente devront être faites.

II. Des capacités limitées pour répondre à de nouveaux enjeux

101. Si les pharmaciens sont parvenus jusqu’à présent à préserver leur situation économique, ils n’en demeurent pas moins inquiets quant à l’avenir de la profession94. Ces inquiétudes portent notamment sur les baisses de rémunération observées, les fermetures, dont ils estiment qu’elles menacent les emplois et le maillage territorial, l’ouverture du capital des officines, l’émergence de la vente en ligne, l’ouverture du monopole, etc. Elles sont peu ou prou justifiées.

102. Ainsi, le pharmacien est confronté à plusieurs types de défis. En premier lieu, il s’agit notamment des pressions exercées sur les marges et prix par les politiques publiques et la concurrence des grandes et moyennes surfaces (ci-après, « GMS ») sur les produits hors monopole vendus par les pharmacies (A). En second lieu, ces défis portent sur les moyens financiers dont disposent actuellement les pharmaciens ne paraissent pas toujours adaptés à l’ampleur des enjeux auxquels ils doivent faire face avec sérénité (B). En effet, les

91 Voir annexe II, question n° 77.

92 Pour rappel selon le rapport IGF-IGAS de 2016 précité, en 2014, le chiffre d’affaires hors taxe annuel médian des officines était de 1,4 millions d’euros et 25 % des officines réalisaient un chiffre d’affaires inférieur à 1 million d’euros, cote 6 033.

93 Étude n°190 – avril 2017 de CROCIS de la CCI Paris IDF. Cote 13 829.

94 Des inquiétudes sur l’avenir de la profession sont soulignées par les acteurs du secteur officinal (ordre, syndicats, groupements, associations, étudiants). Ils ont, en outre, signé, le 5 juillet 2016, « un manifeste pour la pharmacie française » en clamant que le système économique de l’officine est en crise et demandant un cadre économique clair pour avoir une meilleure prévisibilité sur les évolutions à venir.

pharmaciens doivent faire face, selon leur situation économique, à des besoins de financement et de trésorerie croissants (acquisition d’une officine attractive dont le prix reste élevé, investissements pour développer l’activité, développement de sites internet, ou encore préparation aux nouvelles missions) mais aussi d’objectifs de promotion de l’accès aux soins et de rationalisation du circuit de distribution du médicament nécessaires à la pérennité de notre système de santé.

Dans le document Avis 19-A-08 du 04 avril 2019 (Page 32-38)

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