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Les effets bénéfiques attendus d’un assouplissement du monopole officinal

Dans le document Avis 19-A-08 du 04 avril 2019 (Page 192-196)

SECTION VI – LE MONOPOLE DES PHARMACIENS

B. Les effets bénéfiques attendus d’un assouplissement du monopole officinal

875. Un assouplissement encadré du monopole officinal, lequel devrait être strictement limité à quelques catégories de produits de santé (médicaments à prescription médicale facultative, et par ailleurs, DMDIV destinés à un usage par le public, plantes médicinales inscrites à la pharmacopée et huiles essentielles dont la liste est fixée à l’article D. 4211-13 du CSP), serait susceptible de produire les effets bénéfiques suivants, en termes de prix (1) et d’accessibilité au produit (2).

1. LES EFFETS SUR LES PRIX

876. Si les prix pratiqués pour les médicaments à prescription médicale facultative par les officines françaises seraient, en moyenne, inférieurs à ceux relevés dans six autres États membres de l’UE (Allemagne, Belgique, Luxembourg, Espagne, Italie, Suède)516, il n’en demeure pas moins que les marges réalisées sont élevées. Ce constat peut d’ailleurs être étendu aux autres produits actuellement sous monopole, tels que les DMDIV destinés à un usage par le public517. En outre, comme détaillé précédemment, la concurrence entre officines sur les médicaments à prix libre semble insuffisante (voir paragraphes 406 à 428)518.

877. Une telle analyse est partagée par l’association de consommateurs UFC-Que Choisir, qui estime qu’une autorisation de la vente des médicaments à prescription médicale facultative hors réseau officinal permettrait une diminution de leurs prix de 10 % au moins, les GMS disposant d’une importante puissance de négociation à l’achat auprès des fournisseurs et de la possibilité de mutualiser les coûts avec une large gamme de produits vendus519. Les

514 Avis précité n° 13-A-24.

515 Liver transplant associated with paracetamol overdose : results from the seven-country SALT study, British Journal of Clinical Pharmacology, mai 2015.

516 3ème observatoire européen de l’AFIPA sur l’automédication en 2014, p. 19 et suivantes. Cotes 2 374 à 2 376.

517 Rapport IGF, Les professions réglementées, 2013, p. 22 à 24.

518 Étude UFC-Que Choisir précitée, mars 2018, p. 12 et suivantes.

519 Ibid., p. 20 et 21.

acteurs du secteur de la grande distribution ayant participé à la consultation publique partagent aussi cette analyse520.

878. Selon l’UFC-Que Choisir, les gains de pouvoir d’achat escomptés pour l’ensemble des patients pourraient ainsi atteindre 250 millions d’euros par an pour les seuls médicaments non remboursables.

879. Les rares pharmaciens d’officine se déclarant favorables à un assouplissement du monopole officinal ont également invoqué l’argument d’une baisse de prix pour justifier la libéralisation de la vente de médicaments à prescription médicale facultative521.

880. À l’inverse, l’ONP estime que l’assouplissement du monopole officinal n’engendrerait pas automatiquement de baisse des prix, ceux-ci étant déjà plus faibles en France que dans les autres pays européens. En ce sens, l’ONP cite une étude de l’Agence du médicament italienne (ci-après, « AIFA ») selon laquelle les dépenses des patients pour les médicaments d’automédication (dont les conditions de vente ont été assouplies en Italie en 2006) auraient augmenté de 9,7 % entre 2006 et 2013, alors que la consommation diminuait de 7,4 %522. Cette inflation, si elle peut a priori sembler contre-intuitive, n’est pas incompatible avec une baisse des marges pratiquées au stade de la distribution au détail, baisse en lien avec les mesures d’assouplissement.

881. De fait, les conclusions de l’AIFA doivent être remises dans leur contexte. En premier lieu, l’AIFA constate elle-même que les prix « de fabrication » des médicaments concernés ont augmenté pendant la période examinée pour « compenser » l’impact de la diminution de leur consommation sur les revenus des laboratoires. En second lieu, il doit être précisé que, si les prix de vente ont augmenté dans les officines, ils n’ont pas suivi une telle tendance dans la grande distribution, comme en atteste une nouvelle étude italienne (2016) présentée ci-après (voir paragraphe 883). Ainsi, en l’absence de concurrence, l’augmentation de prix des médicaments concernés aurait pu être supérieure.

882. L’ONP se réfère également à une étude européenne, présentée en 2014 à l’OCDE à partir d’une revue des données disponibles, qui souligne que « les études existantes n’ont pas pu confirmer une baisse du prix des médicaments en vente libre après la libéralisation du secteur des pharmacies de ville, et la concurrence sur les prix était faible »523. Il convient néanmoins de remarquer que cette étude ne porte pas sur les deux pays (Italie et Portugal) qui constituent les modèles sur lesquels l’Autorité a notamment appuyé ses réflexions concernant un éventuel assouplissement du monopole officinal en France. Or les données disponibles y confirment une baisse des prix des médicaments à prescription médicale facultative, notamment dans les GMS.

883. Ainsi, s’agissant de l’Italie, une enquête a été menée par une association italienne de consommateurs, Altroconsumo, dix ans après l’assouplissement du monopole, pour analyser l’évolution des prix de 24 médicaments à prescription médicale facultative (dits « SOP » en Italie) à partir de données collectées auprès de 142 points de vente appartenant aux trois

520 Cotes 14 119 et 15 187.

521 40 % des réponses favorables exprimées pour l’ouverture du monopole officinal ont invoqué l’argument d’une baisse des prix des médicaments à prescription médicale facultative. Voir annexe II, question n° 60.

522 Liberalizzazione : facciamo parlare i numeri, AIFA, 2015.

523 La libéralisation du secteur pharmaceutique, Contribution au Forum mondial sur la concurrence de l’OCDE, Sabine Vogler, février 2014, pt 15.

réseaux de distribution existants, à savoir les officines de pharmacie, les parapharmacies et les espaces dédiés des GMS. Les résultats de l’enquête suggèrent que l’élargissement de la vente des médicaments à prescription médicale facultative en 2006 a eu un impact durable sur les prix, qui restent aujourd’hui, en moyenne, 10 % moins élevés dans la grande distribution que dans les pharmacies524. En outre, sur la période allant de 2006 à 2016, les prix de 21 de ces 24 médicaments (trois médicaments n’étaient pas commercialisés en 2006) ont baissé de 1 % en moyenne dans les hypermarchés, alors qu’ils ont augmenté en moyenne de 10,9 % dans les officines de pharmacie, pour une inflation générale de 16 % environ525. L’association de consommateurs ajoute que les prix pourraient baisser davantage si les patients étaient mieux informés sur la valeur réelle des médicaments et si les comparaisons entre les points de vente étaient facilitées.

884. S’agissant par ailleurs du Portugal, une étude portant sur les prix de 24 médicaments à prescription médicale facultative a été menée en 2016 par une association de consommateurs, Deco Proteste, auprès de 308 établissements appartenant aux trois circuits de distribution (officines, commerces spécialisés et GMS), soit une dizaine d’années après l’assouplissement intervenu en 2005526. Selon cette étude, si l’écart est très faible pour les prix pratiqués dans les magasins spécialisés, en revanche les prix pratiqués par les hypermarchés sont 13 % moins élevés que ceux pratiqués en officines. Bien que les officines conservent au Portugal près de 80 % des parts du marché des médicaments d’automédication, ces constats rejoignent ceux effectués en Italie et permettent d’objectiver l’impact de la concurrence sur les prix, qui s’avère sensible puisqu’il atteint ou dépasse les 10 % dans ces deux pays.

885. La baisse des prix observée ex post en Italie et au Portugal correspond aux anticipations des acteurs de la grande distribution en France, qui affirment être en mesure de proposer des prix inférieurs de 10 % à 15 % à ceux pratiqués par les pharmacies, du fait notamment de meilleures conditions d’achat auprès des fabricants et des effets de la transparence sur les prix qui devraient stimuler la concurrence527. Leurs estimations se fondent également sur les écarts de prix en faveur des GMS constatés aujourd’hui pour les produits de parapharmacie, tels que les produits cosmétiques ou d’hygiène, pour lesquels ils sont déjà en concurrence avec les officines.

886. S’agissant enfin des produits qui ont été exclus du monopole par la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation (tests de grossesse, tests d’ovulation et produits d’entretien ou d’application des lentilles de contact), l’exemple des tests de grossesse est intéressant. Selon les GMS, « les prix se sont complètement effondrés au lancement, avec la création par les grands distributeurs des tests à 1 euro »528 ou, plus précisément, « si l’on prend un exemple français, par exemple l’autorisation de la vente des tests de grossesse en grande surface avec la loi Hamon de 2014, on constate que le prix de vente moyen était aux alentours de 7 euros en officine avant ouverture, alors qu’il est actuellement de 1,83 euros, les pharmacies s’étant alignées sur nous »529. Ces déclarations semblent confirmer la baisse des prix de certains produits à la suite de l’assouplissement du monopole et permettent ainsi

524 La liberalizzazione del mercato farmaceutico : 10 anni dopo, Altroconsumo, octobre 2016.

525 Ibid.

526 Medicamentos mais baratos no hiper, revue Deco Proteste, 2016.

527 Cotes 4 834 et 6 296.

528 Cote 4 836.

529 Cote 6 296.

d’anticiper un effet similaire de la concurrence en cas de vente libre des médicaments à prescription médicale facultative.

2. LES EFFETS SUR LACCÈS AUX PRODUITS DE SANTÉ ET LA QUALITÉ DU SERVICE RENDU AU PATIENT

887. En offrant aux patients des alternatives au circuit officinal et en augmentant le nombre de points de vente, l’assouplissement du monopole officinal, sans aucune remise en cause du monopole pharmaceutique, permettrait d’améliorer l’accès aux produits de santé (hors médicaments à prescription médicale obligatoire) tout en conservant la présence d’un pharmacien diplômé responsable de la dispensation, afin d’assurer la protection de la santé publique.

888. Selon l’UFC-Que Choisir, le nombre de points de distribution pourrait croître de 10 % et les patients pourraient bénéficier d’une amplitude horaire plus large pour se fournir en médicaments à prescription médicale facultative530. Ces estimations rejoignent les déclarations des GMS qui assurent que la disponibilité des médicaments à prescription médicale facultative sera renforcée, même en milieu rural où certains magasins sont présents alors qu’il y a peu d’officines, et sur des horaires d’ouverture parfois plus étendus (9h – 22h)531.

889. Deux études européennes de 2012 et 2014 confirment l’intérêt d’une telle mesure pour l’accès des patients aux médicaments532. Selon celles-ci, l’accessibilité des patients aux médicaments à prescription médicale facultative s’est améliorée dans les pays ayant autorisé leur vente en dehors des officines, grâce à l’ouverture de nombreux points de vente (Norvège, Suède, par exemple) et à une amplitude horaire plus grande. Il semble toutefois que les nouveaux distributeurs se soient concentrés dans des zones urbaines où l’accessibilité de ces produits était déjà assez élevée.

890. Les quelques pharmaciens d’officine se déclarant favorables à une évolution du monopole officinal ont notamment justifié leur position en indiquant qu’une telle mesure renforcerait l’accessibilité des DMDIV pour le public533.

891. Quant à la qualité du service, elle devrait s’améliorer chez les pharmaciens d’officine, qui chercheront à préserver leurs parts de marché. Alors que la fourniture du conseil pharmaceutique est actuellement souvent jugée insuffisante534, notamment dans la mesure où certains professionnels de santé questionneraient insuffisamment les patients sur leurs antécédents médicaux ou ne mettraient pas assez en garde ces derniers contre les risques entourant la consommation de médicaments, l’arrivée de nouveaux entrants devrait inciter les officines à développer leur rôle de conseil. À cet égard, une récente étude de l’UFC-Que

530 Étude UFC-Que Choisir, précitée, mars 2012, p. 24.

531 Cotes 4 833 et 4 834.

532Impact of pharmacy deregulation and regulation in European countries, Sabine Vogler, Danielle Arts, Katharina Sandberger, mars 2012, p. 9 ; La libéralisation du secteur pharmaceutique, Contribution au Forum mondial sur la concurrence de l’OCDE, Sabine Vogler, février 2014, point 29.

533 31 % des réponses favorables exprimées pour l’ouverture du monopole officinal sur les DMDIV ont invoqué l’argument d’un meilleur accès de la population au produit. Voir annexe II, question n° 60.

534 Rapport IGF, Les professions réglementées, 2013, p. 23 ; Études UFC-Que Choisir, précitées, mars 2012 et mars 2018.

Choisir menée sur un échantillon de 772 officines réparties sur le territoire national fait état de résultats insatisfaisants en matière de qualité de conseil, s’agissant notamment des risques d’interaction entre médicaments et d’utilisation à des doses excessives535. Les GMS, qui emploient déjà des pharmaciens diplômés dans leurs parapharmacies, revendiquent d’ailleurs de s’attacher à développer une haute qualité de conseil prodigué aux patients536.

C. LA NÉCESSITE DE MAINTENIR UN ENCADREMENT ÉTROIT DE LA VENTE AU

Dans le document Avis 19-A-08 du 04 avril 2019 (Page 192-196)

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