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Plan d’étude

CHAPITRE 1 1 Présentation de la recherche

1.2 Bref état des lieux des travaux existants

1.2.2 Le système éducatif

Le système éducatif angolais a fait l’objet de peu d’études. Les productions de seulement trois auteurs se sont révélées fournies, bien documentées et utiles pour cette recherche. Le travail de Zau (2002a, 2005), inscrit dans une approche historique, est le plus complet. L’historienne Hatzky (2012, 2014) s’est quant à elle intéressée à l’époque de la coopération entre Cuba et l’Angola (1975-1991), en particulier au niveau éducatif. Par le biais d’une analyse méticuleuse d’archives des deux nations et d’entretiens menés auprès d’anciens cadres éducatifs cubains, elle met au jour les effets de cette collaboration, en particulier au niveau des transferts de savoirs de Cuba vers l’Angola durant cette période de guerre. Enfin, la thèse de Kavungo Mayimona (2009) dresse un état des lieux des enjeux en terme de gestion des ressources humaines au sein du Ministère de l’éducation dans le cadre de la dernière réforme éducative.

6 Voir par exemple à ce propos l’article consacré aux récentes réformes portugaises et belges qui affectent les politiques archivistiques, [en ligne], >http://libeafrica4.blogs.liberation.fr/2014/12/05/austerite-et-archives-coloniales-en-belgique-et-au-portugal/<, consulté le 5 janvier 2015.

1.2.3 La sociolinguistique

Les études sociolinguistiques menées sur le contexte angolais traitent spécifiquement de la variation du portugais. Un aspect déterminant dans la réflexion sur la relation entre la variation et la norme est celle de la distinction entre l’oral et l’écrit. Toutefois, la majorité des études sur la variation du portugais en Angola s’appuient sur un corpus de discours écrits et, dans le cas de l’utilisation d’un corpus oral, il est bien souvent beaucoup moins conséquent et restreint au contexte de la capitale, Luanda. À titre illustratif, nous pouvons évoquer trois études :

- La première, objet d’une thèse de doctorat en France (Chavagne, 2005)7, s’appuie sur un corpus écrit extrait de 130 livres d’auteurs angolais et l’examen de numéros de vingt-quatre périodiques. Le corpus oral est constitué d’une dizaine d’heures produites par 163 locuteurs angolais.

- La seconde, objet d’un mémoire de DEA en France également (Carral, 1999)8, utilise un corpus écrit constitué de deux bandes dessinées et un corpus oral formé de chansons extraites de deux albums d’artistes angolais.

- La troisième, objet d’un projet de recherche interuniversitaire, traite du portugais de Libolo (Oliveira Duarte et Figueiredo, 2013)9. Elle est fondée sur l’analyse d’un corpus oral recueilli lors d’une enquête sociolinguistique réalisée auprès de 20 locuteurs de l’aire d’étude. Un entretien a été mené avec chacun des sujets de l’enquête et a une durée de 8 minutes à un peu plus d’une heure en fonction des interviewés.

Concernant le contexte sociolinguistique contemporain, hormis un article assez généraliste publié par Coelho (2002), il n’existe, à notre connaissance, qu’une seule étude significative. Publié en anglais et effectué dans une université sud-africaine, le mémoire de Master d’Augusto (2012) fait un état des lieux assez complet des politiques

7 Chavagne publie sa thèse après avoir séjourné en Angola deux fois trois ans durant les années 1980, soit en pleine période de guerre.

8 Carral publie son mémoire suite à un séjour de 20 mois en Angola au moment de la trêve dans les combats de 1992.

9 Le travail conjoint de Figueiredo et Oliveira Duarte illustre les profits des études multicentriques. Le premier est en poste à Macao (ancienne colonie portugaise, qui avec le Timor Oriental ou encore Goa, inscrit l’espace lusophone en Asie) et est spécialiste de la variation à São Tomé. La seconde travaille à São Paulo et s’intéresse à une variété du portugais du nord du Brésil. Ce type de collaboration, de plus en plus fréquente avec l’accroissement continu de la mobilité académique, contribue à l’élaboration d’un savoir scientifique co-construit et transnational ou même transcontinental. Il est le signe d’une dilatation de l’espace de la recherche et peut, s’il est accompagné d’une véritable réflexion épistémologique, s’inscrire dans une vision moins épicentrée puisque justement il met en contact différents centres. Les auteurs soulignent que leur travail sur la variation en Angola est précurseur.

linguistiques concernant les langues nationales. Outre cette analyse de textes officiels et de propos tenus par des officiels dans différents journaux angolais, Augusto met à profit une enquête de terrain réalisée auprès d’officiels, de professeurs et de parents d’élèves avec lesquels il a mené des entretiens au sujet de l’introduction des langues nationales dans le système éducatif.

Faute d’informations exhaustives et précises concernant l’usage actuel des langues en Angola, nous avons considéré que dresser un cadre sociolinguistique détaillé serait un de nos objectifs de recherche. Ce cadre fait l’objet d’un chapitre complet (chapitre 5 :

Aucune étude en profondeur n’a été, cependant, menée à ce jour. Au plan linguistique, l’Angola reste encore, malgré tout, un pays scientifiquement peu connu, et ceci en contraste avec le fait qu’il a fait l’objet, dès le XVIIe siècle, des premiers travaux linguistiques réalisés sur des langues d’Afrique (Bonvini, 1993 : 6, cité par Chavagne, 2005 : 39).

Concernant la variation du portugais en Angola, la revue de la littérature montre qu’elle est bien moins abondante que son équivalente francophone, anglophone ou encore arabophone. La bibliographie dressée par les sociolinguistiques Figueiredo et Oliveira Duarte (2013) illustre bien la rareté des travaux et des données sur les effets des langues en contact. En nous appuyant sur la typologie des études sur la variation de Gadet (2007)11, nous pouvons lister les principaux travaux ayant trait à la question de la variation.

10 En 1993 l’une porte sur le kimbundu et en 1995 deux sont publiées : l’une porte sur le kisikongo et l’autre sur l’iwoyo.

11 L’auteure considère que les travaux existants sur la variation en français sont de quatre types :

- monographie d’ensemble d’une aire spécifique (ex. Péronnet 1988, sur le français en Acadie du sud-est du Nouveau-Brunswick) ;

- étude d’un phénomène spécifique sur une aire spécifique (ex. Knutsen 2009, sur les relatives en Côte d’Ivoire) ; - comparaison d’un phénomène linguistique sur une aire géographique au-delà d’un lieu précis, comme l’acadien de

différents points du Canada et de Louisiane (ex. Neumann-Holzschuh & Wiesmath 2006, sur l’emploi du conditionnel dans la protase et les formes verbales non finies) ; ou comme différents français d’Afrique (ressem- blances et divergences panafricaines, voir Manessy 1995 pour les tendances opposées de fonctionnalisation et de vernacularisation ; ou Queffélec 2001 pour les grandes tendances partagées qui affectent basilectes et mésolectes) ; - contraste d’un phénomène linguistique dans différentes aires, comme dans Vinet 2001, qui étudie ce qu’elle appelle

« micro-variation » - ie. variation dialectale d’une langue, entre « français québécois » et « français européens », par

- Les travaux monographiques d’ensemble qui ont pour objet d’étude l’aire nationale plutôt que des aires plus spécifiques (Mendes, 1985 ; Zau, 2011).

- En dehors des contributions françaises de Chavagne (2005) et de Carral (1997) déjà citées, les études d’un phénomène spécifique sur une aire spécifique sont plus nombreuses pour le Brésil, le Mozambique ou encore São Tomé. Pour l’Angola, relevons les travaux de Mingas (2000) qui s’est intéressée aux interférences du kimbundu dans le portugais parlé à Luanda et d’Inverno Coragem (2011) qui traite, en s’appuyant sur l’analyse d’un corpus oral, des interférences morphosyntaxiques en portugais produites par les contacts de langues dans la région du Dondo (province de Lunda Sul), la langue maternelle majoritaire y étant le chokwe.

- Les comparaisons d’un phénomène linguistique sur une aire géographique au delà d’un lieu précis sont, d’après nos recherches, peu nombreuses lorsqu’elles intègrent l’Angola. Un court article de Santos (2008) traite de l’influence des langues africaines sur l’utilisation du pronom objet durant la période coloniale.

- Les études contrastives d’un phénomène linguistique dans différentes aires sont plus fréquentes depuis la fin du conflit armé en 2002. La thèse de doctorat du brésilien Petter (2009) porte ainsi sur une approche comparative des variétés de portugais angolaises, brésiliennes et mozambicaines. La comparaison dressée par Oliveira Duarte et Figueiredo (2013) fait appel à deux études localisées, l’une portant sur la variété de portugais parlée à Jurussaca au Brésil et l’autre à Libolo, au nord de la province de Kwanza Sul en Angola, zone de contact entre le kimbundu et le portugais (et dans une moindre mesure avec l’umbundu).

Cette brève revue de la littérature dans le champ de la linguistique et de la didactique des langues est révélatrice des importants enjeux pour la recherche relative au contexte angolais, au niveau des objets de recherche, des thèmes abordés ou encore des centres depuis lesquels ces études sont produites. Une véritable recherche nationale reste à constituer12.

exemple sur l’interrogation ou le pronom ça (Gadet, Ibid. p.156).

12 En raison des conditions historiques, sociales et économiques locales, un vaste travail de recherche reste à accomplir, quels que soient le champ disciplinaire et la langue de travail. Il est d’une part certain que l’absence de l’écrit durant la période précoloniale puis le travail de collecte de terrain isolé et aléatoire durant la majorité de la colonisation portugaise constituent une première difficulté pour appréhender ce contexte. D’autre part, contrairement à une majorité de pays d’Afrique subsaharienne depuis les indépendances, l’Angola n’a encore fait que trop peu l’objet de recherches académiques nationales ou internationales. Ce retard a indéniablement été engendré par la longue période de conflit et une forme de désengagement de l’ancienne métropole coloniale, tout autant causé par des conditions politiques,