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3 Cadre conceptuel de la recherche

3.1 Préambule : la contextualisation en didactique du FLE

Dans ce travail, nous parlons de contexte, notion qui doit être explicitée. Cet éclairage nous amène à problématiser ce que nous entendons par contextualisation, processus majeur dans notre abord du contexte didactique angolais.

Lorsqu’elle est construite, la notion de contexte permet d’éviter « la réduction momentanée et parfois prématurée des paramètres, facteurs ou traits qui devraient être pris en considération » dans tout travail de recherche (Beacco, 2014 : 317).

Comme le montrent par exemple Marquilló Larruy et Valetopoulos (2010) ou encore Castellotti (2014), la théorisation de la notion de contexte provoque des points de vue variés. Il est néanmoins possible de partir du postulat simple que tout terrain objet de la didactique des langues et des cultures est un contexte, qu’il soit micro ou macro. En s’appuyant sur ce postulat, notre travail privilégie alors la diversité des approches du contexte national angolais pour permettre de rendre compte de l’hétérogénéité et la complexité de ses caractéristiques.

Parler de contexte en didactique des langues et des cultures revient donc à considérer l’ensemble des conditions dans lesquelles un objet de recherche est étudié : dans le cas de la question linguistique, en lien avec l’éducation, en Angola, il convient alors de prendre en compte les conditions historiques, économiques, sociales, géographiques, culturelles, idéologiques, politiques ou encore religieuses du contexte d’étude. Le but est donc bien de situer clairement l’objet, de comprendre dans quel réseau de significations de l’histoire sociale il prend forme.

Lorsque la didactique des langues et des cultures a une visée interventionniste ou, comme dans le cas de cette recherche, se propose de formuler des recommandations, la notion de contextualisation est déterminante. Sans être un versant du relativisme culturel ou un rejet complet de l’universalisme, elle nous semble être plutôt une démarche réflexive qui a le souci de prendre en compte les spécificités d’un contexte éducatif, des pratiques enseignantes aux traditions d’enseignement par exemple. La contextualisation est ici considérée comme le processus de prise en compte du contexte dans la mise en œuvre de politiques éducatives et linguistiques, dans la formulation de recommandations ou encore dans l’application.

Si elle ne se contente que de l’adaptation ou du transfert, la contextualisation se limite dans son processus. Elle doit ainsi tenir compte de « la pluralité des conditions de transmission des savoirs et [d]es facteurs nationaux, linguistiques, ethniques, sociologiques et éducatifs » (Chiss et Cicurel, 2005 : 6). Les approches historiques et sociodidactiques sont notamment requises pour prendre la mesure des cultures éducatives et linguistiques qui caractérisent chaque contexte.

La didactique des langues est […] confrontée à la diversité et la complexité des cultures éducatives et linguistiques ne saurait pas plus rester indifférente aux contextes politiques dont le plurilinguisme/pluriculturalisme constitue une donnée d’importance à l’heure de la mondialisation » (Chiss, 2010 : 43).

Un des biais de l’absence de contextualisation didactique est donc d’appliquer une méthode ou une théorie en partant du principe qu’elle fonctionnera sans tenir compte des conditions qui préexistent à l’application et donc des conditions contextuelles dans lesquelles les sujets (enseignants et apprenants pour le cas de la didactique des langues et des cultures) vivent, parlent et utilisent les langues dans un contexte donné. Omettre la contextualisation revient alors à ignorer les contraintes liées aux spécificités et à l’historicité d’un contexte éducatif et linguistique donné.

Outre la nécessité d’une étude des spécificités du contexte, la contextualisation, pour le cas d’un contexte d’Afrique subsaharienne, engage le didacticien externe au contexte d’étude à prendre en compte les risques de l’ethnocentrisme (Beacco, 2011), en particulier dans le cas des transpositions didactiques (Chevallard, 1991).

En Afrique subsaharienne, une des finalités interventionnistes de la didactique est très claire : elle peut contribuer à l’amélioration des dispositifs d’enseignement/apprentissage. Comme le rappelle Pochard,

« [l]a question qui se pose […] est de savoir où et comment intervenir sur/dans le système éducatif d’un pays qui a généré ses caractéristiques propres au fil de son histoire, de sa position géographique, de ses traditions religieuses » (Pochard, 2011 : 52).

L’absence de prise en compte des caractéristiques contextuelles représente un écueil pour l’interventionnisme didactique et la transposition didactique. La transposition didactique, processus de transformation d’un savoir en objet d’enseignement (Verret, 1975 ; Bento, Defays et Meunier, 2014) est centrale pour l’ensemble de l’action éducative mais est aussi le lieu sensible du possible écart entre savoir prescrit et savoir enseigné. Cet écart peut se manifester au niveau des deux étapes, externes et internes, nécessaires dans toute transposition didactique. La transposition externe correspond à l’action opérée sur les programmes et les curricula et qui nécessite l’intervention de la sphère considérée comme experte dans la discipline de référence ; la transposition interne intervient au niveau de la réalisation des programmes, c’est-à-dire dans la constitution des manuels, dans la formation des enseignants et dans l’enseignement / apprentissage À la suite de Bento, Defays et Meunier (Ibid.), nous soulignons l’apport significatif de la notion de reconstruction programmatique introduite par Develay (1992) et qui implique deux processus fondamentaux, la didactisation et l’axiologisation des contenus. Ils permettent

de mettre en regard les choix faits en terme d’organisation et d’adaptation et ceux faits en terme de sélection au regard des valeurs et des finalités éducatives.

Chiss (2010 : 42) souligne par ailleurs le caractère majoritairement descendant de la transposition didactique. L’histoire des transpositions montre bien en effet que les acteurs cibles (enseignants, apprenants, mais aussi familles et plus largement les citoyens) des contextes éducatifs africains ne sont que trop rarement intégrés au processus60. Compte tenu de la tendance forte à l’influence ou à la substitution dans les contextes considérés par la Communauté internationale comme « en voie de développement », il est légitime de se demander comment les partenaires d’aujourd’hui se positionnent à travers leurs choix. « L’exportation de choix didactiques contribue-t-elle à faire perdurer la domination épicentrée de la pensée occidentale et de ses modèles ? » (Castellotti et Moore, 2009 : 213). Cette thèse vise notamment à répondre à cette question pour le cas du contexte angolais.

Choisir le principe de contextualisation dans ce travail de recherche implique par conséquent de :

- tenir compte des spécificités historico-sociales à travers les apports des cadres historique et sociolinguistique dressés au chapitre 4 et 5.

- réfléchir à une posture de recherche pour éviter l’ethnocentrisme scientifique, un axe de réflexion développé dans ce chapitre (cf. Infra. : 100 et sq).

- prendre en considération la prédominance de la démarche descendante dans un contexte bénéficiaire de l’aide au développement et de potentielles transpositions didactiques décontextualisées.

- mettre à profit les analyses sur les relations centre-périphérie, local-global et langue-culture. (cf. Infra. : 80 ; 97 ; 104).

60 Notons néanmoins qu’en Afrique francophone notamment, les initiatives allant dans le sens d’une rétroaction du terrain sont de plus en plus fréquentes. Plus largement, c’est l’absence de prise en compte des représentations et attitudes et donc l’effacement des sujets à la base des pyramides éducatives qui sont dominants.

3.2 Implication de la relation langue-culture pour un