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1.2.3 Qui sont les stagiaires ?

Les caractéristiques sociales des stagiaires sont assez nettement différenciées entre les formations de l’animation volontaire et celles de l’animation professionnelle.

De manière modale, les animateurs volontaires (BAFA) sont aux deux tiers des animatrices. Ils ou elles appartiennent aux classes moyennes. La très grande majorité d’entre eux sont lycéens, le plus souvent dans les filières générales ; il y a quelques étudiants, fréquemment dans les trois années de la licence. Ils ont plutôt 17 ou 18 ans au moment de la formation générale (BAFA 1) et 18 à 20 ans au moment du stage d’approfondissement (BAFA 3). Le prix total du cursus de formation,

159 Les certificateurs sont choisis par l’organisme de formation et doivent avoir un niveau de formation ou une

expérience compatibles avec ce rôle. Ce sont presque toujours des bénévoles, juste défrayés pour leurs déplacements. Les organismes cherchant à éviter toute dépense supplémentaire, ce bénévolat fait partie des critères de choix des certificateurs. Pour le responsable de formation, l’existence d’un réseau de personnes qu’il peut solliciter pour cette tâche est essentiel. La liste des formateurs est occasionnellement contrôlée par le jury Jeunesse et Sports. Au début de l’histoire du BPJEPS et du DEJEPS, ce sont les services de la Jeunesse et Sports qui organisaient ces épreuves ; cette tâche a été transférée aux organismes de formation, ce que d’aucuns interprètent comme une privatisation du processus, et d’autres une manière de faire travailler les organismes de formation et d’économiser les ressources de l’État.

160 À propos de quelques difficultés pratiques et éthiques portant sur ces dispositifs de certification, cf. l’annexe

de l’ordre de 1000 €, introduit une nette sélection sociale. Sauf dans le cadre du traitement social du chômage, les aides possibles, essentiellement de la CAF, sont très modiques : quelques dizaines d’euros161.

Plus précisément, on peut mettre en évidence trois catégories de stagiaires BAFA. - Les jeunes lycéens ou étudiants de classe moyenne dont il vient d’être question.

- Des jeunes, en faible nombre, souvent un peu plus âgés que les précédents, issus des classes populaires, qui se lancent dans l’animation pour (commencer à) avoir un (petit) gagne-pain et dont on constatera ultérieurement que le BAFA a été la première marche d’une orientation vers l’animation professionnelle.

- Des femmes plus âgées, presque toujours au-delà de 30 ans, soit employées dans des activités en contact avec les enfants telles que l’encadrement de la cantine scolaire ou le péri- scolaire, soit en reconversion professionnelle162.

La grande majorité des animateurs qui se dirigent vers une formation professionnelle a d’abord suivi au moins une formation du BAFA.

« Dans le cadre des centres de vacances et de loisirs et du BAFA, le contexte a beaucoup évolué avec l’arrivée de nouveaux stagiaires, ceux de la “crise” de la société salariale. Ce sont des chômeurs de longue durée et des mères contraintes de reprendre un travail après s’être arrêtées pour élever des enfants, tous plus très jeunes, ce sont aussi des jeunes poussés par des politiques publiques de résorption du chômage ou de gestion sociale des quartiers en difficulté, pas toujours très motivés par l’animation, ce sont enfin des personnes attirées par l’animation professionnelle, secteur créateur d’emplois, et qui misent sur la possibilité de négocier le BAFA comme un diplôme professionnel […]. »163

Le BAFD est juridiquement un diplôme de l’animation volontaire mais ses stagiaires sont en pratique à plus de 90 % des animateurs professionnels, presque toujours en poste et donc envoyés là par leur employeur. Leur typologie sociale est approximativement celle des participants du BAFA, avec une proportion hommes - femmes plus équilibrée.

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Les stagiaires des formations BPJEPS, c’est-à-dire des personnes qui ont comme projet de faire de l’animation leur métier, sont majoritairement issus des classes populaires, effet de sélection sociale et d’orientation renforcé par les dispositifs de financement de la formation professionnelle à fins de lutte contre le chômage. Typiquement, ils ont quitté l’école prématurément et ceux pour qui ce n’est pas le cas sont souvent des déçus de l’institution scolaire. Parmi eux peuvent se glisser quelques demandeurs d’emploi plus âgés et en reconversion, orientés dans cette direction par Pôle

161 Cf. l’annexe « Le BAFA citoyen » qui présente un dispositif bien développé d’aide contre du travail bénévole. 162 Cf. l’annexe « Schémas de circulation des animateurs ».

Emploi. Compte tenu du prix de la formation, il est rare qu’ils en assurent eux-mêmes le financement. Il en résulte qu’ils relèvent en pratique de trois statuts : soit demandeur d’emploi, dont la formation est financée par la Région (Conseil régional164) ; soit salarié sous contrat dont la formation est prise en charge par Uniformation ou plus rarement par leur employeur ; soit apprenti, donc en contrat d’apprentissage avec un employeur165.

Patrick B. et Xavier L., CEPJ : « Il y a 10/15 ans, ceux qui faisaient une formation avaient suivi des études, ils appartenaient à la classe moyenne culturelle, avec déjà de l’expérience et des diplômes universitaires. Ils avaient au moins le bac, et de 23 à 50 ans. Maintenant, l’effet des prescripteurs est devenu majeur. Ceux qui vont en formation sont plus jeunes, parfois moins de 20 ans, et ils sont en primo-formation professionnelle. »

On ne saurait mieux dire, et en si peu de mots, la dilution du programme institutionnel des formations de l’animation professionnelle. Nous observons ici l’équivalent des effets, sur ce programme institutionnel, de la massification de l’enseignement tel qu’ils sont décrits par F. Dubet : la « fiction de la séparation radicale de l’enfant et de l’élève »166, ici de l’individu en recherche d’emploi acheteur d’une formation et de l’animateur par engagement social et par vocation, n’a pu se maintenir et a volé en éclats. En suggérant une forme de dégradation de la qualité des stagiaires, et des formations qu’il est possible de leur délivrer, mes interlocuteurs expriment une déception et une discrète nostalgie167. De leur côté, la participation de stagiaires des classes populaires aux formations de l’animation volontaire reste minoritaire, et l’homogénéité sociale entre les formateurs et les participants s’est maintenue, ce qui n’a pas amené les remises en cause ici évoquées par mes interlocuteurs168.

Les statuts indiqués ci-dessus sont à mettre en relation avec l’âge des stagiaires. Lorsque dans une même promotion sont présentes des personnes relevant de ces différents statuts, les âges peuvent s’étager de 19 ou 20 ans, parfois sans expérience de l’animation, à 40 ans et plus. Dans ce

164 À défaut, statistiquement marginal, par Pôle Emploi.

165 Depuis la nouvelle mandature, la Région des Pays de la Loire a décidé de mettre l’accent sur l’apprentissage. Par

différence avec les règles nationales, celui-ci est ouvert à des personnes ayant jusqu’à trente ans.

166 François Dubet, 2002, p. 72.

167 La période antérieure à laquelle ils font référence – les « 10/15 ans » – correspond plutôt à celle où le diplôme

professionnel était le DEFA, prédécesseur à la fois du BPJEPS et du DEJEPS. Les animateurs un peu anciens – et certains auteurs – parlent avec nostalgie de ce diplôme et des formations correspondantes, pour eux sorte de paradis perdu où, disent-ils, l’on venait réfléchir, se former et se créer un réseau, et non rechercher un diplôme pour un emploi. Une démarche pure et gratuite de formation pour la formation. La conception même du diplôme et de la formation s’est transformée, BPJEPS et DEJEPS étant basés sur une logique de compétences très segmentées. Cf. le § 4.8 « Les anciens et les nouveaux ? » dans l’annexe « L’animation et la formation dans leur contexte historique, politique et économique et social » ainsi que l’annexe « Principales évolutions récentes des formations et diplômes de l’animation ».

168 On observe aisément que, dans ces formations, les stagiaires issus des classes populaires font l’objet d’un

« ciblage » spontané de la part des formateurs, qualificatifs désobligeants comme jugements dévalorisants à l’appui. Cf. à ce sujet, pour quelques exemples, les annexes (de la 4ème étape) « Trois “blacks” en stage BAFA » et « Une question de conformité sociale ».

cas, cela ne va pas sans difficultés d’ordre pédagogique pour la formation et relationnelles à l’intérieur d’une promotion169.

Les stagiaires des formations DEJEPS sont des animateurs BPJEPS qui persévèrent dans le métier de l’animation et ont l’occasion de prendre des responsabilités ou se situent dans une logique de développement de carrière170. Il est rare que leur formation ne soit pas financée par leur employeur. Ces formations concentrent ceux qui, parmi les titulaires d’un BPJEPS, avaient également un diplôme universitaire. On voit aussi, marginalement, des admissions directes en DEJEPS de diplômés de l’université (Maîtrise, Master) à qui leur diplôme n’a pas permis de trouver du travail. Il y a là de fait un mécanisme de « distillation » des personnes issues des classes moyennes dans les postes à responsabilité. L’âge médian en DEJEPS se situe autour de 35 ans, les promotions étant souvent plus homogènes qu’en BPJEPS. Les participants se partagent à l’équilibre entre hommes et femmes, ce qui témoigne également d’une concentration des hommes dans ces formations par rapport aux stades précédents.

Quelques chiffres pour se repérer171

La Jeunesse et Sport délivre, bon an mal an, de l’ordre de 50 000 diplômes BAFA. Le nombre d’inscriptions a varié au cours des années récentes de 65 000 à 90 000, ce qui correspond donc à des modifications conjoncturelles proportionnellement importantes (certainement liées au péri-scolaire) sur un fond à peu près stable. Les données accessibles ne sont, comme on peut le constater, pas réellement cohérentes, puisque le nombre de diplômés devrait varier en suivant grossièrement le nombre d’inscrits172 ; elles indiquent néanmoins

un ordre de grandeur solide. Des données locales plus précises permettent d’estimer qu’environ 60 % des inscrits vont jusqu’au bout de leur formation : 10 % échouent à l’une des trois étapes de la formation, 30 % abandonnent en cours de cursus173. La durée d’activité des animateurs volontaires peut être estimée à 2 à 3 années. Le calcul

précis donne 3,8 séjours de tous types correspondant à une expérience moyenne de 27 jours sur l’ensemble de leur activité. En se rappelant que le BAFA impose une expérience pratique totalisée de 14 jours minimum, il faut

169 Fabrice D., responsable d’un BPJEPS : « On ne leur demande pas de vivre ensemble, mais le défi [pour le

formateur] est de leur proposer des contenus qui leur convienne à tous. »

170 Ou même, souvent, en ont assez du « terrain » et de l’animation « en face à face » et cherchent à s’en échapper. 171 Cf. l’annexe « BAFA - Données statistiques et discussion ». Je traite aussi de cette question dans la 3ème étape. 172 Il faut rappeler que, en pratique, le BAFA se prépare en un à trois ans et le BAFD en deux à quatre ans : il y a

donc un décalage dans le temps, lui-même variable, entre l’inscription et la délivrance du diplôme. On peut formuler l’hypothèse, mais aucune donnée disponible ne permet de la confirmer ou de l’infirmer, que les places accessibles en stage pratique sont en nombre grossièrement constant et jouent un rôle limitatif (le temps de stage pratique en péri-scolaire ne peut dépasser six jours sur les quatorze jours minimum exigés, les variations portant sur le péri-scolaire n’ont donc eu qu’un effet limité). D’une manière générale, les statistiques de l’animation portent sur les publics (mineurs inscrits en accueils collectifs) et celles concernant les formations sont beaucoup moins riches.

donc en moyenne 2 séjours de, également en moyenne, 7,2 jours174 pour obtenir le diplôme. La moitié de

l’expérience des animateurs est ainsi consacrée à l’obtention du diplôme, et ils continuent à exercer après celle-ci pendant une ou deux années. Au-delà, ceux qui persévèrent sont, statistiquement, soit (déjà) des animateurs professionnels, soit des personnes qui souhaitent embrasser cette carrière.

Il est remarquable que le BAFA rassemble, de longue date, et continue à attirer environ 10 % d’une classe d’âge, d’autant qu’il faut rappeler qu’il s’agit d’une formation payante et qui n’est pas obligatoire175. On peut

d’ailleurs observer plus généralement que les formations de l’animation, qui ont toutes les caractéristiques de formations initiales de masse destinées au « grand public »176, contrairement à celles-ci sont payantes, coûteuses,

sauf exceptions assurées par des organismes de droit privé et non par l’État, et sont en réalité organisées comme la formation professionnelle continue177.

Le nombre annuel de BAFD se situe à hauteur de 2000 (soit 4 % des diplômés du BAFA).

L’ensemble correspond à entre 7000 et 8000 sessions de formation, générales et d’approfondissement. Les données du Ministère permettent de calculer un effectif moyen en formation de 20 stagiaires alors que le maximum est de 40 pour le BAFA et 30 pour le BAFD. Ce mauvais remplissage pèse bien sûr sur les résultats financiers des organismes de formation mais résulte, entre autres, des solutions qu’ils mettent en place dans le jeu concurrentiel178.

L’effectif annuel des BPJEPS de l’animation socio-culturelle est également d’environ 3.500 diplômés, dont entre 1500 et 2000 pour le BPJEPS Loisirs tous publics, pour 10 000 à 11 000 toutes spécialités confondues179.

Le nombre annuel de diplômés du DEJEPS se monte à 5000 dont moins de 1000 dans l’animation socio- culturelle180.

Par comparaison, les universités délivrent dans le même temps un peu moins de 2000 DUT Carrières sociales.

Un gros organisme de formation dispose d’un effectif de quelques dizaines de formateurs non professionnels, typiquement de l’ordre de deux-cents pour l’UFCV ou les CEMÉA si l’on compte toutes les personnes ayant participé à au moins une action – soit une formation, soit un week-end de travail collectif entre formateurs – dans l’année. Il emploie de trois à dix formateurs professionnels dans l’animation, pour un effectif salarié de cinq à cinquante, auquel il faut généralement ajouter presque autant de « services civiques ».

174 Données de 2013. La durée moyenne des séjours diminuant constamment, on observe clairement l’une des causes

d’abandon : la difficulté à trouver un, ou plutôt les deux séjours (le stage pratique ne peut pas être segmenté en plus de deux) dont la durée cumulée va permettre de valider la partie pratique du diplôme.

175 Cf. l’annexe « Pourquoi de manière aussi régulière 10 % d’une classe d’âge au BAFA ? ». 176 Et donc sont comparables aux formations délivrées par le système scolaire et universitaire. 177 Cf. à ce sujet l’annexe « Des formations professionnelles qui sont des formations initiales ».

178 Qui est principalement d’augmenter leur programmation de formations et l’étalement calendaire de celles-ci. 179 Ces chiffres évoluent vite car ils sont très dépendants des politiques de financement. Les dernières statistiques

nationales détaillées publiées datent de 2015. Cf. Catherine Bunel, 2015.

180 Thierry Braillard, Secrétaire d’État aux Sports, présente une vue d’ensemble de l’activité de formation sous la

responsabilité du Ministère de la Jeunesse et des Sports : « Ce sont en effet près de 21 000 candidats chaque année qui sont formés dans la filière ministérielle. Nos directions régionales de la jeunesse de sports et de la cohésion sociale habilitent ainsi près de 1 700 sessions de formation réparties dans plus de 500 organismes de formation. » (2015, p. 8)