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1.3.2 Des entreprises associatives

Certains auteurs critiques affirment, chacun à leur manière, un « mélange des genres » entre l’association et l’entreprise ; et donc in fine une distinction qui, peu ou prou, ne relèverait guère d’autre chose que du statut juridique et non de la réalité des activités et finalités de ces organisations. Cependant, seules certaines des activités de quelques unes des associations étudiées prennent la forme de la délégation de service public, qui en feraient de pures exécutantes. Ces associations ont de réelles marges de manœuvre entrepreneuriales, et de fait une stratégie propre. Au-delà du statut juridique associatif, la question se pose donc clairement de ce qui pourrait les différencier de ce que le langage courant nomme « entreprises »246. Compte tenu des nombreux intermédiaires possibles en termes de statut juridique, on pourrait arguer d’une continuité entre la société anonyme et l’association, et considérer cette dernière comme une entreprise. Ce n’est pas le point de vue des acteurs concernés. Empiriquement, certains organismes tels que l’UCPA sont sans aucun doute possible des entreprises mais, à l’opposé, d’importantes pratiques de démocratie interne, que l’on n’observe jamais dans les sociétés, semblent confirmer qu’il peut subsister une différence entre ces sociétés et certaines associations247.

1.3.2.1 - « L’entreprise associative entre calcul économique et désintéressement »248

Le texte d’E. Marchal, souvent cité par les auteurs qui s’intéressent à ces questions, va me permettre, en m’appuyant sur la thèse de l’auteure et par différence avec celle-ci, de caractériser certains des aspects centraux des entreprises associatives que j’étudie.

E. Marchal résume ainsi son principe d’analyse et son hypothèse de travail :

245 Cf. l’annexe (de la 2ème étape) « Fusions - absorptions entre organismes de formation, un horizon crédible ? ». 246 C’est-à-dire en réalité les sociétés par actions.

247 J’étudie cette question de manière plus approfondie dans l’annexe « Associations ou entreprises ? ».

248 Emmanuelle Marchal, 1992. La formule « entreprise associative » remonte au moins à l’ouvrage de Nicole Alix et

« Nous nous proposons de donner une portée plus générale à ces questions, en nous interrogeant sur la possibilité de satisfaire conjointement les intérêts d’une association et ceux d’une entreprise. Nous admettons donc qu’une entreprise associative est l’une et l’autre à la fois et qu’elle se doit de concilier leurs objectifs respectifs. L’association et l’entreprise sont considérées comme deux dispositifs de coordination distincts et autonomes : ils diffèrent aussi bien par les ressources et équipements sur lesquels ils s’appuient que par les règles de fonctionnement auxquelles ils se réfèrent ou par les objectifs qu’ils se donnent. »

« Nous nous plaçons dans la lignée des travaux de François Eymard-Duvernay, qui considère l’entreprise comme un “dispositif de coordination”, et l’étendons à l’association. L’un et l’autre doivent intégrer durablement des ressources disparates, matérielles et non matérielles, et maintenir des formes d’accord entre les êtres qui les composent. Une fois intégrées dans leurs dispositifs, les ressources sont transformées et requalifiées de telle sorte que l’association et l’entreprise peuvent également être considérées comme des dispositifs d’évaluation (Eymard-Duvernay, 1991). L’évaluation repose sur des principes différents dans les deux dispositifs comme nous le verrons plus loin, ce qui explique les tensions auxquelles sont soumises les entreprises associatives. »

« Et il n’y a pas une mais plusieurs formes d’entreprises associatives, selon que l’un ou l’autre dispositif est privilégié, qu’ils sont strictement séparés ou au contraire confondus. »249

La motivation de départ de cette approche peut être comprise comme relevant de la critique militante des supposées dérives de l’esprit associatif :

« Les interrogations des militants s’inquiétant de ce qu’il advient de “l’idéal associatif” dans les associations gestionnaires [...] »

« La teneur des propos émis par “l’aile militante” à l’encontre des associations gestionnaires peut être résumée de la façon suivante : dès lors qu’une association prend en charge la gestion de services, elle est inféodée à l’État et au marché auprès desquels elle va se financer. Dans les deux cas, qu’elle soit “quasi administrative” ou “quasi commerciale”, l’association professionnalisée s’institutionnalise et se coupe de sa base ; elle trahit “l’idéal associatif” qui repose sur le bénévolat, la participation et la décentralisation. »250

Critique militante qui correspond à une conception de l’association, la première formulée par l’auteure parmi, semble-t-il, les deux options en présence :

« L’association se prête ainsi à une double lecture. La première est fidèle aux analyses sociologiques qui définissent l’association comme une forme de sociabilité ancrée dans la société civile, un lieu de participation et d’apprentissage du pouvoir. […] La seconde s’apparente aux théories sur le tiers-secteur, qui mettent l’accent sur le rôle de l’économie souterraine et autonome [...], ou informelle [...], et valorisent les capacités régulatrices des associations aux côtés d’autres formes d’organisations (communautés, voisinage, coopératives...). Cette deuxième lecture paraît aujourd’hui avoir supplanté la première : il semble acquis que la gestion de services fasse partie des missions d’une association et il n’est plus question d’isoler les entreprises associatives du champ de la loi de 1901. »251

249 Citations respectivement p. 367, note 3 p. 367 et p. 370. La référence à François Eymard-Duvernay est : 1991,

« Le rôle des entreprises dans la qualification des ressources », Cahiers d’économie politique, n° 20-21.

250 Ibid. pp. 367 et 366. 251 Ibid. pp. 366-367.

Il s’agit donc d’analyser les entreprises associatives c’est-à-dire, selon l’auteure, les associations qui ont des salariés, comme la superposition de deux logiques, de deux structures : une association et une entreprise. Cette séparation semble féconde sur le plan analytique, à condition de ne pas confondre artifice d’analyse et réalité empirique252.

Incontestablement, cette double logique, d’entreprise et d’association, produit de la complexité dans le fonctionnement des organisations considérées. Mais la mise en évidence de cette complexité n’est pas la fin de l’analyse, et on ne peut nullement en déduire la non viabilité de ces organisations. Certes, on peut aisément le montrer, ces entreprises associatives rencontrent des difficultés, butent sur des obstacles, échouent parfois à les franchir. Mais elles ont aussi mis en place des dispositions internes originales qui permettent, justement, de rendre compatibles en pratique, sinon en principe, ambitions militantes et enjeux économiques. Il est tout à fait juste d’observer qu’elles engendrent des doutes éthiques ce qui les amène, pour le terrain que j’observe, à utiliser des artifices afin de rendre les questions économiques peu perceptibles de leurs membres actifs. L’auteure fait d’ailleurs état des ambivalences qui en résultent :

« [...] les associations sont définies comme des “hybrides” qui puisent leur richesse dans leur ambiguïté (Bloch-Lainé, 1977) ; elles ont pour mission de couvrir les besoins que ne prennent en charge ni l’État ni le marché. Cette mission ne peut être remplie correctement qu’en accordant toute leur importance aux résultats de gestion, en recourant aux services de professionnels et en recherchant d’abord l’efficacité, étant entendu que “l’obtention d’un excédent de gestion (...) n’est pas un manquement au désintéressement” (Bloch-Lainé, 1977). »253

Car « En suivant les auteurs des Économies de la grandeur (Boltanski et Thévenot, 1987), on liera plus généralement ces difficultés à la diversité des natures en présence dans les deux dispositifs, qui sont l’un et l’autre des dispositifs de compromis. Les relations dans les associations sont essentiellement régies par les natures domestique et civique, tandis que les entreprises impliquent davantage les natures industrielle et marchande [...]. »254

L’auteure semble ainsi tentée par un point de vue qui, tout en se voulant équilibré, conclurait à une forme d’impossibilité ou d’incompatibilité de l’association avec l’entreprise.

On peut « considérer l’entreprise associative comme une forme d’entreprise parmi d’autres, pouvant pâtir ou bénéficier de la présence d’un dispositif d’association. »

Et « L’on pourrait se demander, à ce stade de la réflexion, si les entreprises associatives peuvent toujours être appréhendées comme des lieux de sociabilité et de participation, à l’instar des associations en général. »255 252 Séparer les deux aspects permet, comme lorsqu’on utilise des filtres bleu et rouge, de ne voir qu’une partie de

l’image mais de la mieux voir. L’image réelle est cependant la combinaison des deux et non leur juxtaposition.

253 Ibid. p. 366. La référence citée est : François Bloch-Lainé, 1977, « Entre l’Administration et le marché: les

associations gestionnaires », Revue d’économie politique, n° 4, pp. 548-564.

254 Ibid p. 368 note 5. Ouvrage cité : Luc Boltanski et Laurent Thévenot, 1987, Les économies de la grandeur, Paris,

puf.

Et l’on retrouve finalement, dans les conclusions de l’auteure, l’hypothèse dichotomique adoptée pour l’analyse256 :

« Dans la plupart des cas, le dispositif de l’association se trouve affaibli par la présence du dispositif de l’entreprise : les assemblées générales sont rarement de véritables lieux de délibération où se prennent des décisions importantes […]. »

« La dilution de la notion de “participation” […] s’éclaire à la lumière de la grille d’analyse proposée, car l’on voit bien qu’elle confond la participation au dispositif de l’association avec la participation au dispositif de l’entreprise. Or l’adhérent d’une entreprise associative a rarement son mot à dire dans les instances de l’association […]. »

« […] le “désintéressement” étant du ressort des membres de l’association et non de ceux de l’entreprise. »257

Par différence, donc, avec la thèse d’E. Marchal, je considère que si dichotomie il y a, celle-ci ne se situe pas là où la place l’auteure, du moins pour mon terrain de recherche. Certains organismes de formation, à l’une des extrémités du spectre, fonctionnent effectivement comme des entreprises avec des salariés permanents et des formateurs prestataires – occasionnels – rémunérés, lorsque d’autres, à l’extrémité opposée, basent leur action sur le militantisme et le bénévolat258. Aucun ne s’en cache. L’ensemble de ces configurations semble donc possible et viable dans un même marché, pour une même activité, comme autant de solutions locales historiquement consolidées. De plus, les militants ne sont pas des acteurs de la seule facette associative de ces organisations. L’observation montre effectivement que, en temps ordinaire, ils veulent ignorer les mécanismes économiques et qu’il existe des dispositifs le permettant ; mais qu’ils sont en même temps parfaitement conscients d’être des travailleurs – même bénévoles –, de produire, de se situer dans un monde économique et dans un marché du travail, au point qu’ils en accentuent parfois volontairement les aspects délétères259, paradoxalement au nom de la facette associative et de ses finalités. Symétriquement, les salariés des organismes les plus entrepreneuriaux ne sont nullement indifférents à leur caractère associatif et celui-ci, ainsi que les « valeurs » dont ils s’affirment

256 Peut-être est-ce dû à une interprétation des différences comme des dichotomies ; à l’assimilation de la présence

d’un directeur salarié à une logique d’entreprise ; partant à celle de la (bonne) gestion à la recherche du profit. Par ailleurs, l’auteure semble disqualifier le Conseil d’administration qui est pourtant la principale instance dirigeante, rabattant le fonctionnement démocratique sur la seule Assemblée générale considérée comme peu crédible sur le plan de la délibération. Enfin, son enquête, qui porte sur un nombre important d’associations (une quarantaine), a consisté à en interroger les dirigeants, soit bénévoles soit salariés, dont le point de vue est souvent notoirement différent de celui du membre actif – ou du militant – « de base » : la typologie des associations qui en résulte est fortement marquée par ce choix méthodologique.

257 Ibid, pp. 387, 388 et 388.

258 Exemples types de ces deux cas, aux extrémités du spectre : l’UCPA et les CEMÉA. Cf. en particulier l’annexe

« Un essai de caractérisation des organismes de formation ».

259 Cf. par exemple l’encadré « Suppression des contrats aidés et rapports des militants à la question économique »

porteurs, ne sont pas pour rien dans leur engagement qui ne se limite pas nécessairement à un choix d’opportunité260.

Même le propos final de l’auteure me semble, pour mon terrain, sujet à débat:

« Il reste que les membres d’une association sont désintéressés et qu’il s’agit bien là d’une spécificité des entreprises associatives par rapport à d’autres formes d’entreprises. »

Car y compris les plus militants ne sont pas seulement désintéressés. Ils sont au contraire intéressés par de nombreux aspects, et jusque sur le plan économique. C’est bien l’ambivalence qui prévaut, une combinaison serrée des contraires apparents, indissociables si ce n’est par, justement, une analyse idéal-typique.

Dichotomie il n’y a pas selon moi. L’imbrication est étroite, intime. Bien sûr, les débats à ce sujet sont vifs et rarement apaisés au sein de ces organisations. Cette complexité n’est qu’un constat intermédiaire, et l’analyse que je mène s’efforce, petit à petit, de montrer de quelle manière les acteurs la prennent en compte. La tentation de la déception morale étreint y compris le militant261 le plus engagé quand il prend conscience de l’écart entre les discours éthiques et démocratiques et les pratiques marchandes ou autoritaires, mais cela ne suffit pas nécessairement à le faire fuir. Ce sont bien les ajustements, discursifs et opératoires, entre ces deux réalités qui m’intéressent ici.

On peut aussi retourner le point de vue en examinant comment – et combien – ces organisations sont en réalité efficaces. Et étudier ce qu’y font les salariés, permanents ou temporaires, mais aussi les bénévoles comme un travail, ainsi que le suggèrent tant M. Simonet- Cusset (2014), D. Ferrand-Bechmann (entre autres 1992 et 2008b) que P. Ughetto et M.-C. Combes (2010a et 2010b). Je me propose de le faire.

1.3.2.2 - Une « dérive entrepreneuriale » ? Tel sont les propos d’A. Marchand :

« La dérive “entrepreneuriale” associative. » « Un management plus souple. » « La dérégulation salariale. »262

Le ton est donné mais le discours reste modéré, relevant plus de la constatation que de la dénonciation.

260 Ces « valeurs » ont un fort effet de séduction pour les formateurs qui disent « s’y retrouver ».

261 Cf. l’annexe (de la 2ème étape) « Faire semblant d’être pur des questions économiques » et l’annexe « Le temps

des doutes ».

« L’association est alors une forme innovante d’entreprise du point de vue du modèle entrepreunarial [sic], et du point de vue de la gestion du rapport salarial grâce au mythe de la gratuité. »

« […] l’association représente une souplesse dans son mode d’organisation qui permet de repenser la théorie des organisations ou les formes d’organisations du pouvoir. […] Le dirigeant associatif aujourd’hui, devient un entrepreneur de type nouveau parce qu’il peut développer des capacités qui ne sont pas basées justement sur l’accumulation patrimoniale, mais sur la capacité à générer de la décision et à constituer des réseaux. »263

« […] l’association expérimente des nouvelles modalités du rapport salarial. »

« Il y a, dans le monde associatif, une demande d’implication adressée aux salariés par la mise en concurrence des salariés et des bénévoles. Les savoir-être sont convoqués de la part du modèle de fonctionnement associatif, et on anticipe ce qui se développe dans le monde productif aujourd’hui, sur les compétences et l’implication. On expérimente d’autre part aussi les emplois atypiques […] »264

Et l’auteur fait remarquer que « les salariés et les bénévoles […] font souvent les mêmes tâches dans des conditions différentes. »265

Le propos appelle, en fin de conférence, le commentaire suivant de l’un des auditeurs, J.-F. Chaleaux, membre des Francas, sur les dites « dérives associatives » :

« Dans son intervention, Alain Marchand a parlé de “dérive associative” sur l’objet utilitaire, la

spécialisation. Je pense que l’on est au cœur du débat sur l’éducation populaire car il y a aussi la dérive de tous les grands mouvements d’éducation populaire : la recherche de nouveaux créneaux ou “marchés”, la concurrence effrénée entre les grandes fédérations d’éducation populaire, l’influence renforcée des techniciens et notamment des permanents qui ont de plus en plus d’influence, le management de type “classique” – par exemple, on a vu les deux syndicats employeurs décider de réduire les charges salariales et donc de réduire les salaires en francs constants –, la faiblesse militante des mouvements d’éducation populaire, l’indépendance aliénée puisque les mouvements d’éducation populaire sont plus ou moins obligés de rentrer dans les dispositifs gouvernementaux. »266

Pour ces auteurs comme de nombreux autres, la cause semble entendue. Elle apparaît comme partagée y compris par les acteurs concernés au sein des fédérations d’éducation populaire. Il y aurait « dérive entrepreneuriale ». Reste à savoir de quoi il s’agit, le terme étant générique et désignant, semble-t-il, à la fois des pratiques marchandes, des méthodes gestionnaires et des dispositifs relevant du management au sens habituel du terme, c’est-à-dire tout simplement de l’encadrement de personnes au travail. Par ailleurs, le mot « dérive » sous-entend une position

263 À ce sujet, cf. l’annexe (de la 2ème étape) « “À buts non lucratifs” ne veut pas dire sans actifs ». 264 Cf. l’annexe « L’animation, cheval de Troie du capitalisme ? ».

265 Alain Marchand, 2000, pp. 3, 3, 4, 4 et 4.

266 Jean-François Chaleaux in Alain Marchand, 2000, pp. 6-7, italiques de l’original. Cette remarquable intervention

pourrait presque constituer un résumé d’ensemble de la démonstration des 2ème et 3ème étapes de ma thèse. Et l’on verra dans les pages finales de la présente 1ère étape que, et le constat est peut-être amer, ce sont bien les Francas du moins en Pays de la Loire qui sont les plus avancés, ou s’avancent le plus, dans les transformations que dénonce ou redoute Jean-François Chaleaux.

normative de dénonciation d’une évolution considérée comme regrettable. Enfin, la responsabilité en est manifestement attribuée aux fédérations d’éducation populaire elles-mêmes, qui semblent porter l’entière responsabilité de ces évolutions, sans égard pour les conditions qui leur sont faites par l’État ou les collectivités territoriales, ni prise en compte d’une volonté, qu’on ne peut guère leur reprocher selon moi, de vouloir survivre pour continuer à mener les missions sociales qu’elles se sont historiquement données.

Ces différentes contributions, écrites et orales, datent de vingt ou trente ans. On entend de nos jours exactement les mêmes interrogations et dénonciations, formulées quasiment dans les mêmes termes en direction des mêmes cibles. Elles ont conservé toute leur actualité.

1.3.2.3 - Des brouillages entre public et privé

Les travaux de M. Hély sur « Les métamorphoses du monde associatif »267 prennent volontiers eux aussi la tournure d’une dénonciation – sans aménité – des supposées dérives du monde associatif. Selon lui, les associations ne seraient que des relais de la fonction publique :

« […] la redéfinition du périmètre des services publics sous l’effet des politiques de “nouvelle gestion publique” (au sens de new public management) […] a […] conduit à ce que les travailleurs associatifs accomplissent des fonctions “publiques” sans pour autant appartenir à “la” fonction publique. »

« […] les “travailleurs associatifs” […] incarnent, par leurs propriétés mêmes, ce à quoi pourrait vraisemblablement ressembler la fonction publique dans les années à venir. »268

La formulation est spectaculaire et la thèse forte. Elle constitue l’une des clés de l’ouvrage. Elle est à mon avis insuffisamment démontrée, s’agissant en réalité d’une prédiction (« vraisemblablement ») et d’un point de vue volontiers rhétorique, comme on le voit dans la suite de l’argumentation :

« Contrairement aux illusions véhiculées par les thuriféraires d’une économie solidaire transcendant les logiques marchande et non marchande, il convient en effet de rappeler que l’importance prise par le monde associatif résulte avant tout d’une politique de brouillage des frontières entre privé et public et d’une déstabilisation profonde des relations salariales. »

« […] c’est l’ensemble des frontières historiquement instituées, entre le marchand et non-marchand mais aussi entre le bénévolat et le travail salarié, qui sont mises à l’épreuve. »269

267 Titre son l’ouvrage, Matthieu Hély, 2009. 268 Matthieu Hély, 2009, pp. 3 et 3.

Il est assez étonnant de voir affirmer de tels points de vue comme des phénomènes actuels. L’existence d’une activité marchande du monde associatif n’est certes pas une nouveauté, même si l’on peut penser que la place et la « pression » du marché sont allées croissant au fil du temps. Pour