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La situation des créanciers lors de la période d’observation issue de la procédure de redressement judiciaire

Conclusion titre

Paragraphe 2- l’évolution du domaine de traitement des entreprises en difficulté

A- Le redressement judiciaire : une procédure sans grandes modifications

1- La situation des créanciers lors de la période d’observation issue de la procédure de redressement judiciaire

246. Le jugement d’ouverture de redressement judiciaire où le tribunal fixe la date de

cessation des paiements328, condition d’ouverture de la procédure, donne lieu à une période d’observation qui ne peut excéder un délai maximum de 18 mois, au cours duquel la santé de l’entreprise est diagnostiquée, cela produit forcément des effets à l’égard des créanciers. Toujours dans le but de favoriser la poursuite de l’activité économique de l’entreprise, comme en matière de sauvegarde, la loi interdit au débiteur de payer les créances antérieures au jugement d’ouverture, elle suspend également les poursuites à son encontre (a). Par ailleurs, un changement s’est opéré sous l’empire de la nouvelle législation relatif aux effets de la non-déclaration de la créance (b).

a- Interdiction du paiement des créances antérieures et suspension des poursuites

247. À l’instar de la période d’observation dans le cadre de la sauvegarde, et eu égard au

caractère collectif de la procédure de redressement judiciaire, la loi interdit à l’entreprise de payer toutes les créances nées antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde, et ce quel que soit le privilège dont la créance est assortie, ou l’origine de celle-ci, seul importe la date du fait générateur de la créance, et non pas sa date d’exigibilité. En outre, cette interdiction vise les créances nées postérieurement au jugement d’ouverture qui ne sont pas réellement utiles à la poursuite de l’activité.

327

-article 331-1 du code de commerce

328

-A défaut de détermination de cette date, l’article L631-8 prévoit que la cessation des paiements est réputée être intervenue à la date du jugement d’ouverture de la procédure, elle peut être toutefois reportée une ou plusieurs fois, sans qu’elle soit antérieure de plus de dix-huit mois à la date du jugement d’ouverture de la procédure, hors en cas de fraude.

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En revanche, toutes les exceptions applicables en matière de sauvegarde s’appliquent dans cette phase de procédure, notamment les paiements des créances antérieures autorisés par le juge commissaire, notamment pour retirer un gage ou une chose légitimement retenue, ou pour obtenir le retour des biens transférés à titre de garantie dans un patrimoine fiduciaire, également pour lever l’option d’achat d’un contrat de crédit-bail, du moment que ces paiements peuvent justifier la poursuite de l’activité.

248. Quant aux poursuites individuelles, elles sont frappées d’interdiction pour toute

action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance est antérieure au jugement d’ouverture, ou pour les créances postérieures non éligibles au traitement préférentiel visant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d’une somme d'argent. Le débiteur sera ainsi protégé de toute procédure d'exécution de la part de ses créanciers, tant sur les meubles que sur les immeubles, ainsi que de toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture de la procédure de redressement.

Cependant, contrairement à la sauvegarde, les personnes physiques, coobligés ou ayant consentis une sureté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie ne bénéficient pas de l’arrêt du cours des intérêts lors de cette phase de la procédure. Le législateur a voulu, à travers cette restriction à l’égard de ces personnes, privilégier la procédure de sauvegarde et améliorer son attractivité.

249. Par voie de conséquence, le débiteur se trouve aussi bien en sauvegarde qu’en

redressement protégé à la fois contre les poursuites individuelles de ses créanciers, ainsi que les mesures exécutoires engagées à son encontre.

Il convient de souligner que le législateur a procédé très récemment à la mise en place d’une disposition329 issue de la loi n°2012-346 du 12 mars, qui permet au président du tribunal d’ordonner toute mesure conservatoire utile à l’égard des biens du dirigeant de droit ou de fait, à l’encontre duquel une action en responsabilité a été introduite, fondée sur une faute ayant conduit à la cessation des paiements du débiteur, soit par l’administrateur soit par le mandataire judiciaire.

b- Les nouveaux effets de la non-déclaration de la créance

250. Bien que la déclaration des créances suscite des débats relativement à sa

qualification juridique330 : elle est en effet regardée tantôt comme une demande en

329-article L631-13 du code de commerce

330

-P-M LE CORRE, « Déclaration, vérification, admission des créances et procédure civile », LPA,. 28 novembre 2008, n°239., p. 79 et s.

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justice331, tantôt comme un acte conservatoire332. Cet acte juridique constitue une manifestation par laquelle le créancier peut faire valoir son droit dans le cadre de la procédure collective.

A ce propos, sont tenus de déclarer leur créance tous les créanciers antérieurs au jugement d’ouverture et postérieurs à celui-ci non éligibles de traitement préférentiel, dans les deux mois à compter de la publication du jugement333.

Dans ce même délai, sont également tenus de déclarer leurs créances, les créanciers titulaires d’une sureté publiées ou liés au débiteur par un contrat publié après avoir été avertis personnellement par le mandataire judiciaire. Ce délai commence à courir à compter de la notification de l’avertissement. L’ensemble de ces déclarations doit porter sur le montant de la créance due au jour du jugement d’ouverture avec indication des sommes à échoir ainsi que la date de leur échéance, sans négliger de préciser la nature du privilège ou de la sureté assortie à la créance.

251. Néanmoins, la problématique se pose lors de la non-déclaration de la créance dans les

délais, en l’absence d’une action en relevé de forclusion, même si le créancier a obtenu un titre exécutoire préalablement au jugement d’ouverture. En effet, le régime de la législation précédente s’est montré sévère à l’égard de ces créances non déclarées, car elles étaient frappées d’extinction du moment qu’elles n’étaient pas déclarées dans les délais, et qu’aucune action en relevé de forclusion n’était engagée dans le délai légal, cette extinction avait un effet définitif et irrévocable.334. Il s’agit d’une disposition qui violait à l’évidence l’article 5 du règlement CE du 29 mai 2000335, selon lequel les droits réels d’un individu ne peuvent aucunement être affectés par l’ouverture d’une procédure d’insolvabilité.

C’est sous l’empire de la loi de sauvegarde des entreprises que le principe d’extinction a été supprimé. La loi atténue par ailleurs cette sanction à l’encontre de ces créances, en soulignant que les créanciers n’ayant pas déclaré leur créance, et n’ayant pas procédé à une action en relevé de forclusion, ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes336,

331

-Cass. Com., 14 décembre 1993, n°93-10.696, Bull. 1993, IV, n°471, p.343, Y. CHARTIER, « La validité de la déclaration de créance par le directeur général d’une société anonyme ou son délégataire », Rev. Sociétés,avril 1994, p.100.

332

-Cass. Civ. 3èmech, 29 janvier 2003, n°00-21.945, Bull. 2003, III, n°21, p.21.

333

-ce délai est prorogé de deux mois pour les créanciers ne demeurant pas sur le territoire Français.

334-Cass. Com, 21 juin 2005, n° 04-13.892, bulletin 2005, IV, n°132,. p.141 ; A. MARTIN-SERF, « Déclaration et vérification des créances. Forclusion et relevé de forclusion : conditions et conséquences », RTD. Com.,mars 2006, p.201.

335

-règlement n°1346/2000 du conseil, 29 mai 2000.

336

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par voie de conséquence, ces créances sont inopposables à la procédure, et le créancier ne peut en aucun cas prétendre à des répartitions. Cette inopposabilité implique en outre l’exclusion de la compensation pour des dettes connexes337.

En l’espèce, le créancier peut reprendre son droit de poursuite individuelle après clôture du plan de redressement, sans aucune réserve quant à la prescription qui peut frapper sa créance, du fait que seules les créances déclarées bénéficient d’un effet interruptif de la prescription lié à cette déclaration, car rien n’empêche le créancier de se prévaloir des dispositions de l’article L 622-26 du Code de commerce qui prévoit, dans le cadre de la procédure de sauvegarde, une inopposabilité de la créance non déclarée dont les effets sont prolongés après complète exécution du plan de sauvegarde. Cet article étant applicable en matière de redressement judiciaire au regard de l’article L631-14. La doctrine conforte également cette position338.

Le créancier peut reprendre également ses poursuites individuelles si le plan de redressement n’est pas correctement exécuté par le débiteur, le tribunal prononce dès lors la résolution, Si cette résolution intervient alors que le débiteur n’est pas en état de cessation des paiements, le créancier va pouvoir reprendre ses poursuites individuelles. Si une procédure collective est de nouveau ouverte pour une nouvelle cessation des paiements, le créancier pourra valablement déclarer sa créance lors de cette deuxième procédure.

La loi précise au demeurant, que les créanciers peuvent se prévaloir de ce qui ne leur est pas imputable, et qui résulte d’une omission volontaire du débiteur lors de l’établissement de la liste de créances pour relever la forclusion en cas de non déclaration de leur créance339.

252. En ce qui concerne le garant, l’inopposabilité de la créance non déclarée affecte la

caution, dans la mesure où la sanction relative à l’exclusion du créancier des répartitions et dividendes ne constitue pas une exception inhérente à la dette, susceptible d’être opposée par la caution, afin de se soustraire à son engagement340, en revanche, cette sanction ne porte pas atteinte à son droit de subrogation341.

En l’occurrence, cette disposition vient pour secourir le créancier qui voyait sa créance éteinte du fait qu’elle n’est pas déclarée dans le passif du débiteur et de ne pas engager

337

-Cass. Com., 3 mai 2011, n°10-16.758., bulletin 2011, n° VI, n°66 ; A. MARTIN-SERF, « Déclaration et vérification des créances. La compensation suppose une déclaration », RTD. Com.,novembre 2011, p.635

338

- P-M LE CORRE,. Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz Action. 2010-2011. p.1671

339- article L622-26 du code de commerce

340

-Cass. Com., 12 juillet 2011, n°09-71.113, Bull. 2011, IV, n°118 ; P. CROCQ, « droit des sûretés », R., avril 2011-avril 2012, p.1573.

341

- B. BRIGNON, « Sort des créances non déclarées et cautionnement solidaire », Rev. Proc. Coll., septembre- octobre 2011, éd.5, p.18 et s.

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dans les délais une action en relevé de forclusion. Il s’agit d’une disposition protectrice qui vient renforcer le droit du créancier et mettre fin à cette mesure si controversée.

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