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La dépréciation du titre exécutoire

Paragraphe 3 : le handicap de certains actes et mesures juridiques du recouvrement forcé

B- La dépréciation du titre exécutoire

132. Aujourd’hui, l’importance en pratique du titre exécutoire pour le traitement de

l’inexécution contractuelle, notamment en matière d’impayé, peut sembler perdre de son efficacité. Le conflit d’intérêts qui subsiste en la matière laisse perplexe à la fois le législateur et la justice pour pouvoir en définir la ligne de conduite. Il apparait très délicat de privilégier

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les huissiers de justice au Maroc sont au nombre de 1379 en exercice, leur recrutement se fait par un concours national, V., J. MDIDECH, « Huissiers de justice, ces «indésirables» qui rapportent gros à l’Etat », 7 octobre 2011.

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- Rapport sur l’observation des Normes et codes. « Insolvabilité et droits des créanciers », rapport établi par la banque mondiale à partir des informations fournies par les autorités Marocaines. Septembre 2006. p.4.

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un intérêt sur un autre. L’intérêt général doit-il s’imposer devant l’intérêt économique ou celui du créancier ? Quid de l’intérêt social et de l’exigence de la justice sociale ?

En effet, le titre exécutoire est un moyen de sanctionner le débiteur pour son inexécution contractuelle, et permet au créancier d’obtenir l’utilité économique de sa créance, avec à l’évidence l’intervention de l’Etat qui prête main-forte à la réalisation des droits que le titre constate au moyen de la contrainte, qui s’incarne dans des procédures de saisies190.

133. Le législateur, en quête du maintien d’un équilibre stable et durable entre les intérêts

opposés du créancier et du débiteur. Le titre exécutoire est l’approche sanctionnatrice de l’inexécution contractuelle et du contentieux de l’impayé en l’occurrence, et cette approche ne donne pas toujours l’assurance que le créancier sera déintéressé., Et comme son efficience et son effectivité peuvent souvent être remise en cause en fonction d’un concours de circonstances et de facteurs évoqués ci-dessus, cela laisse à penser que le titre exécutoire perd progressivement de sa valeur aux yeux du créancier notamment quand l’intérêt de ce dernier cède devant l’intérêt général, ou l’excessive protection du débiteur . A cet égard, la durée et la lenteur des procédures de recouvrement, la congestion des tribunaux, la méfiance des justiciables à l’égard de la justice étatique, reflètent bel et bien l’ampleur des difficultés du recouvrement forcé que connait la justice au Maroc. Cela se greffe sur les différentes mesures mises en place par le législateur ayant pour objet de sursoir à l’exécution afin de protéger le débiteur, étant considéré que sa situation est toujours prise en considération par le législateur, ce qui fait que le débiteur peut rendre inopérant un titre exécutoire lorsqu’il bénéficie d’un délai de grâce ; de même lorsqu‘il bénéficie d’une procédure collective qui peut rendre inefficace le titre exécutoire. De même encore, les insaisissabilités pourront faire obstacle à l’exécution forcée. En bref l’urgence qui pèse sur le créancier pour obtenir gain de cause devant la justice étatique peut se heurter à un ensemble de causes à la fois intrinsèques et extrinsèques qui peuvent aller à l’encontre de ses intentions, ce qui pourrait expliquer très vraisemblablement l’affaiblissement du titre exécutoire, et, ipso facto, sa dépréciation.

134. Force est de souligner que tous ces éléments et ces difficultés du recouvrement forcé

n’ont pas freiné la hausse des actions en justice liées à l’impayé, bien au contraire, et le créancier s’efforce toujours par tous moyens et expédients de recouvrer sa créance. Désespérément son recours à la justice constitue une petite espérance dissimulée derrière une profonde lassitude.

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- S. MELLOULI, Voies d’exécution (procédures juridiques de recouvrement de créances), Contribution à littérature d’entreprise (CLE), 1991.

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Cependant, on peut acquiescer au fait que les réformes mises en place par le législateur français ont soutenu l’approche d’une revalorisation du titre exécutoire, ainsi que les moyens nécessaires pour la mise en œuvre des mesures exécutoires191.

Paragraphe 4 : La mise à l’écart controversée du recouvrement en présence d’une procédure collective

135. La législation relative au traitement des entreprises en difficulté est loin d’avoir

comme priorité la protection des créanciers, mais plutôt la préservation de l’entreprise et de l’emploi qui se sont révélées comme étant les préoccupations majeures du législateur et de la réforme mise en place192. En effet, plus de quinze années d’application de la fameuse loi ont permis de déceler les lacunes y afférentes et de mettre en évidence le bilan de cette expérience pour pouvoir en tirer des conclusions.

En dépit de l’augmentation constante relative au nombre des affaires faisant l’objet du traitement des entreprises en difficultés193, la formation et le manque de repères des magistrats spécialisés en la matière continue à poser problème. Les auxiliaires de justice et les mandataires qui s’investissent dans la procédure194en souffrent alors que la loi ne requiert parfois aucune exigence de qualification professionnelle ou de formation particulière. C’est le cas notamment des syndics, qui disposent d’un pouvoir important de contrôle, au détriment des créanciers qui sont représentés par des contrôleurs désignés par le juge-commissaire. N’ayant pas d’accès direct à l’information, et ne participant pas à l’élaboration du plan de continuation ou encore de cession, les créanciers ont un rôle subsidiaire dans la gestion et le contrôle de la procédure collective.

Par ailleurs, il convient de mettre la lumière sur l’ensemble de déficiences relatives à la protection du créancier au niveau de la mise en œuvre de la procédure, à savoir son ouverture(1), et son exécution (2), sans pour autant aborder exhaustivement les effets de la procédure.

191

- M.FOULON,« Le juge d’exécution », in L’entreprise Face à l’impayé, éd, Montchrestien. 1994, p. 111.

192- K.LYAZIDI« Evaluation globale de l’apport du nouveau code de commerce en matière de procédures collectives », in le nouveau code de commerce : journée d’étude organisée par le CMEJ, pub. Economiste et FBP, juillet 1996, p.49 et s.

193

-les affaires enregistrées en 1998 et 2002 à Casablanca s’élèvent à 39 et 492 affaires respectivement, tandis que les affaires jugées sur les mêmes dates s’élèvent à 29 et 503 affaires,. Rapport sur l’observation des Normes et codes. « Insolvabilité et droits des créanciers », rapport établi par la banque mondiale à partir des informations fournies par les autorités Marocaines. Septembre 2006, p.6.

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- Rapport sur l’observation des Normes et codes. « Insolvabilité et droits des créanciers », rapport établi par la banque mondiale à partir des informations fournies par les autorités Marocaines. Septembre 2006, p. 5.

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