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La concomitance entre la hausse des procédures collectives et la baisse du contentieux de l’impayé devant les juridictions commerciales

Conclusion titre

Paragraphe 1- La corrélation entre la hausse des procédures collectives et la baisse du contentieux de l’impayé devant les juridictions civiles

A- La concomitance entre la hausse des procédures collectives et la baisse du contentieux de l’impayé devant les juridictions commerciales

265. Pour pouvoir expliquer la concomitance de ces deux phénomènes, on mettra l’accent

sur les chiffres respectifs de la hausse des procédures collectives (1), et la baisse du contentieux liée à l’impayé uniquement devant les juridictions commerciales (2).

1- La hausse des procédures collectives

266. Nous n’explorerons ici que les procédures dont les effets peuvent produire un impact

sur les créanciers, à savoir les procédures de sauvegarde (a), et les procédures de redressement et liquidation judiciaires.

a- Les procédures de sauvegarde

267. il convient de rappeler que cette procédure est entrée en vigueur le 1er janvier 2006, on a pu constater que celle-ci pouvait avoir des effets aussi importants que le redressement judiciaire dans l’ancien régime telles que l’interdiction faite au débiteur du paiement de créances antérieures ou l’interruption et l’interdiction des poursuites individuelles visant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d’une somme d'argent.

Toutefois, à la différence du régime antérieur, le législateur s’est efforcé de privilégier cette procédure en la rendant plus souple et attractive. Désormais, sans être en cessation des paiements, le débiteur peut avoir recours à la procédure de sauvegarde, en justifiant des

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difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter, qu’elles soient financières, ou d’autre nature. Il s’agit donc d’une procédure qui peut procurer des avantages certains aux débiteurs et pouvant constituer une réelle échappatoire à ceux qui rencontrent des difficultés insurmontables.

268. Par ailleurs, la récence de la procédure de sauvegarde nous conduit à n’analyser les

procédures de sauvegarde que depuis 2006, date de son entrée en vigueur. En effet, en 2006, les tribunaux de grande instance, compétents pour ouvrir une procédure de sauvegarde au profit des professionnels libéraux, ainsi que les tribunaux de commerce, ont enregistré seulement 516 demandes d’ouverture d’une procédure de sauvegarde ! Ce nombre dérisoire s’explique indubitablement par la méconnaissance des débiteurs d’une procédure nouvellement créée. Cette année, ces juridictions ont rendu 350 jugements d’ouverture de procédure de sauvegarde356, en revanche, ces tribunaux n’ont prononcé que 10 plans de sauvegarde au cours de cette première année d’application de cette nouvelle loi. L’année suivante, le nombre de demandes d’ouverture de cette procédure a maigrement augmenté s’élevant à 593 demandes d’ouverture, dont 390 ont fait l’objet d’un jugement ouvrant la procédure de sauvegarde, et finalement 154 plans de sauvegarde ont été prononcés en 2007357.

En 2008, les demandes d’ouverture de procédures de sauvegarde ont continué à augmenter légèrement relativement aux années précédentes, pour atteindre 890 demandes d’ouverture, dont 644 ont été retenues.

Ce n’est qu’en 2009, l’année d’entrée en vigueur de l’ordonnance de 2008358 que le nombre de demandes d’ouverture de procédures de sauvegarde a augmenté remarquablement, il a quasiment doublé comparativement à 2008, atteignant 1787 demandes, dont 1281 ont fait l’objet d’un jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde, et 227 plans de sauvegarde ont finalement été prononcés. Toutefois, un nombre assez important de procédures de sauvegarde, après leur ouverture, ont été converties en liquidation judiciaire359

269. Subséquemment, cela peut corroborer la thèse selon laquelle l’évolution législative a

concouru à la hausse des procédures collectives, et notamment en matière de sauvegarde, si l’on tient compte de l’assouplissement des conditions d’ouverture de la procédure de

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-Annuaire statistique de la statistique. Edition 2008. P 91.

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- Annuaire statistique de la statistique. Edition 2009-2010. P 91

358-l’ordonnance de 2008 est entrée en vigueur le 15 février 2009.

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-251 Liquidations judiciaires ont été prononcées après conversion d'une ouverture de sauvegarde. Annuaire statistique de la statistique, éd. 2009-2010. p. 91.

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sauvegarde à travers l’ordonnance de 2008 qui a rendu les conditions du bénéfice de celle-ci encore plus flexibles en faveur des personnes éligibles.

L’année 2010 a été marquée par une légère baisse des demandes d’ouverture de procédure de sauvegarde : les tribunaux ont enregistré 1567 demandes, avec un total de 1156 ouvertures de procédures de sauvegarde. Cependant, cette année a connu le plus grand nombre de plans de sauvegarde prononcé, qui s’est élevé à 541 plans de sauvegarde, de même pour les conversions d’une ouverture de sauvegarde en liquidation judiciaire qui ont atteint 380 conversions durant 2010.

b- Les procédures de redressement et liquidation judiciaires

270. Ces procédures n’ont pas été épargnées par la dite hausse, en effet, les demandes

d’ouverture d’une procédure collective sont passées de 58 449 en 2002, à 72 471 en 2009, y compris celles de sauvegarde, soit une hausse atteignant presque 25% de demandes supplémentaires, ces demandes ont connu une légère baisse en 2010, pour atteindre 69 302 demandes .

Quant aux décisions relatives à l’ouverture d'une procédure collective, elles étaient 59 421en 2002 pour s’élever à 70 257 décisions relatives à l’ouverture d’une procédure collective en 2009, et 67 541 en 2010, des chiffres qui comprennent les décisions relatives aux ouvertures des procédures de sauvegarde.

Relativement aux ouvertures d’une procédure de redressement, les juridictions compétentes ont prononcé quelques 13 969 ouvertures de procédure de redressement en 2000360, ce chiffre a considérablement augmenté pour atteindre 17 969 décisions ouvrant procédure de redressement en 2009, puis il a connu une baisse en 2010, s’infléchissant à 16 730 décisions relatives à l’ouverture d’une procédure de redressement, soit une hausse qui dépasse 28% en dix ans tout de même.

Quant aux plans de redressement prononcés, ceux-ci n’ont pas connu de hausse, bien au contraire, les plans de redressement prononcés ont baissé au cours de la dernière décennie. En effet, les tribunaux ont prononcé 4 945 en 2000361, et seulement 2 874 en 2009, puis 4 037 en 2010. Cette baisse peut s’expliquer par la primauté des procédures de sauvegarde après l’entrée en vigueur de la loi de sauvegarde, et l’intérêt qu’a porté le législateur Français aux procédures de sauvegarde. Cela peut être conforté par la baisse des demandes d’ouverture des procédures de redressement judiciaire, qui sont passées de 51 616 en 2002, à 30 071 demandes d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire en 2010, cette baisse a été constatée après 2005, l’année de l’entrée en vigueur de la loi de sauvegarde.

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- Annuaire statistique de la statistique. Edition 2006. p. 91.

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271. A propos des procédures de liquidation judiciaire, celles-ci ont été caractérisées par la

plus grande hausse que les procédures collectives ont connue durant cette dernière décennie. De prime abord, les demandes relatives à l’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire ont connu une hausse spectaculaire. En 2002, les juridictions compétentes ont enregistré 2630 demandes d’ouverture de procédure de liquidation judiciaire, contre 5470 en 2005. Cependant, l’entrée en vigueur de la loi de sauvegarde n’a pas été sans conséquences sur les demandes d’ouverture des procédures de liquidation judiciaire, étant donné que le nombre de celles-ci a quasiment quadruplé entre 2005 et 2006, année de l’entrée en vigueur de la loi de sauvegarde, atteignant quelques 20 897 demandes d’ouverture de liquidation judiciaire, puis elles ont connu une hausse constante, pour parvenir à 38 919 demandes en 2009362.

272. Corollairement, la hausse des procédures collectives est imputable en grande partie à

la réforme substantielle qu’a connue le droit des entreprises en difficultés en 2005, une évolution législative qui a inéluctablement concouru à la hausse des procédures collectives, et particulièrement à celle des demandes d’ouverture et procédure de liquidation.

Pareillement, le nombre de liquidations judiciaires prononcé a été caractérisé par cette tendance haussière. En fait, les liquidations prononcées comprennent des liquidations judiciaires immédiates, des liquidations judiciaires après période d’observation, des liquidations après conversion d'une ouverture de redressement, et des liquidations après conversion d'une ouverture de sauvegarde, postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi de sauvegarde. Celles-ci sont passées de 38 196 liquidations prononcées en 2000, à 51 098 en 2009, puis à 49 981 en 2010. Cette augmentation remarquable du nombre de liquidations prononcées s’explique vraisemblablement par l’évolution législative en la matière. On peut constater d’ailleurs que plus de 70% des décisions relatives aux procédures collectives sont des liquidations judiciaires. Une proportion entre le nombre des décisions relatives aux procédures collectives, et le nombre de liquidations judiciaires prononcé qui s’est élevé à son tour après l’entrée en vigueur de la loi de sauvegarde, pour atteindre plus de 74% de liquidations prononcées sur l’ensemble des décisions relatives aux procédures collectives. Il appert, que le nombre de procédures collectives en France a connu ses plus grandes hausses depuis la promulgation de la première loi de faillite. Certes le contexte a changé, avec les mutations économiques et sociales qui se sont opérées au fil du temps, toutefois, cette hausse ne peut pas s’expliquer uniquement par l’évolution législative, la crise économique mondiale est un facteur d’explication supplémentaire.

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2- La baisse du contentieux lié à l’impayé devant les juridictions commerciales 273. Le contentieux de l’impayé commercial sujet de rapprochement avec les procédures

collectives, résulte de toutes les affaires contractuelles présentant un caractère financier, dont le débiteur est une entreprise. Quant à la compétence territoriale, elle relève du tribunal de commerce territorialement compétent, celui du lieu où demeure le débiteur ou le siège social de l’entreprise débitrice. Ces procédures sont répertoriées dans les annuaires statistiques de la justice, dans la partie relative aux contentieux de l’impayé. Ces affaires sont classées en fonction de la juridiction ayant réglé l’affaire relative aux contentieux de l’impayé.

Inversement au nombre des procédures collectives qui s’est vu augmenter cette dernière décennie, le nombre des affaires liées à l’impayé et réglées par les tribunaux de commerce a baissé significativement durant ces dix dernières années.

274. En effet, les tribunaux de commerce ont réglé en France quelques 108765 affaires

relatives à l’impayé en 2000, dont 84 685 au fond et 24 080 en référé363, ces affaires relèvent majoritairement des contrats de vente et des prestations de service. Les années suivantes étaient caractérisées par une tendance flottante entre de très légères hausses et de très légères baisses, jusqu’à 2006, année marquée par une baisse considérable des affaires liées à l’impayé traitées par les juridictions commerciales364. Il convient de rappeler que c’est cette même année qu’une véritable explosion en matière de demandes d’ouverture d’une liquidation judiciaire a eu lieu, après l’entrée en vigueur de la loi de sauvegarde.

Cette baisse a continué les années suivantes de manière importante et régulière, l’année 2007, les tribunaux commerciaux ont traité 85 613 affaires relatives à l’impayé, contre seulement 83 321 affaires en 2008 et 82 157 en 2010365. Par voie de conséquence, la baisse des affaires relatives à l’impayé traitées par les tribunaux a dépassé 32% entre 2000, et 2010, une baisse assez conséquente qui ne peut pas être le seul résultat d’une circonstance hasardeuse, ou de circonstances d’ordre accidentel.

Cependant, on peut remarquer que le nombre des procédures diligentées en référés a augmenté comparativement à l’année 2000, ainsi, en 2010, le nombre des procédures en référés représentait plus de 27% de l’ensemble des affaires liées à l’impayé traitées par les tribunaux de commerce, contre un peu plus de 20% en 2000. Cette voie a été privilégiée par les justiciables qui souhaitent contraindre leur débiteur à s’acquitter le plus rapidement possible de leur dette.

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- Annuaire statistique de la statistique. Edition 2006. p.97.

364-les affaires liées à l’impayé traitées par les tribunaux commerciaux ont baissé à 94 553 affaires en 2006, après qu’elles étaient à 103 642 affaires traitées en 2005. Annuaire statistique de la statistique. Edition 2009-2010. p.95.

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275. La baisse des affaires relevant du contentieux de l’impayé traitées par les tribunaux

commerciaux, ne pouvait aucunement résulter d’un dysfonctionnement de l’institution judiciaire lié à une lenteur par exemple, ou à un quelconque élément entravant le bon fonctionnement de l’appareil judiciaire. Bien au contraire, la baisse a été régulière et ne peut pas s’expliquer ainsi, d’autant plus que le temps judiciaire est plus rapide dans les tribunaux de commerce, et il ne cesse de s’écourter…

Cette baisse remarquable, est le résultat d’une éventuelle dérivation de ce type de contentieux vers un autre type de contentieux, pouvant être traité différemment devant le même tribunal.

B- Le basculement du contentieux de l’impayé devant les tribunaux

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