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Les lois pour la lutte contre les retards de paiement

Section I : La déjudiciarisation de pondération du traitement de l’impayé

Paragraphe 1 : La déjudiciarisation à caractère légal du traitement de l’impayé

A- Les lois pour la lutte contre les retards de paiement

307. Conscient des difficultés provoquées par les retards de paiement dans les processus

économiques, particulièrement chez les PME, considérées en France comme étant la force motrice du pays, le législateur Français n’a pas omis cette question cruciale

En effet les PME semblent les plus lésées par la longueur des délais de paiement, devenue inacceptable. Si le rapport de 2010 de l’Observatoire des délais de paiement dévoile que ceux des clients se sont établis à 49 jours de chiffre d’affaires, la moyenne de règlement en

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- bilan de la médiation pour l’exercice 2010, téléchargeable sur le site de la banque de

France :http://www.banque-france.fr/fileadmin/user_upload/banque_de_france/publications/BILAN-DE-LA-MEDIATION-BANCAIRE-2010.pdf, p.42

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France reste à elle seule de 66 jours382, un chiffre encore élevé comparativement à ses homologues Européens383, cette pratique reste une cause directe de défaillance des entreprises avec 21%384, par le biais des crédits interentreprises qui ont atteint les niveaux les plus hauts avec 501 milliards d’euros385.

308. Par ailleurs, et sans se pencher sur les véritables causes des retards de paiement en

matière commerciale, qui peuvent résulter de l’insolvabilité ponctuelle du débiteur386, de l’attente du règlement de ses propres débiteurs, du maniement ou de l’injection de fonds pour des fins financières et personnelles s’il s’agit de sommes conséquentes, ou parfois d’un débiteur qui se trouve solvable mais qui s’abstient de régler ses dettes dans les délais qui lui sont impartis…En l’espèce, c’est une pratique très répandue qui est devenue coutumière dans le milieu commercial, imposant de lourds préjudices à des créanciers qui se retrouvent face à des incidents de paiement, des impayés, voire une défaillance, au point que les délais de paiements excessifs et retards de paiements constituent l’une des principales causes génératrices de l’impayé387.

Sur ce problème, et pour y faire face, le législateur Français s’est investi sous l’influence du droit communautaire traitant de la réglementation des délais de paiement interentreprises, et ce à travers une panoplie de lois dont la plus importante et qui a eu un réel impact sur les délais de paiement était la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie(1) de 2008, ainsi que la directive 2011/7/UE relative à la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales(2). C’est la disposition la plus récente qui puise sa source directement dans le droit Européen, et qui refond la directive 2000/35/CE du 29 février 2000.

D’emblée, on peut réaliser que ces dispositifs législatifs n’ont pas servi uniquement à raccourcir les délais de paiement ou à contribuer à baisser le contentieux de l’impayé, il s’agit de dispositifs, à notre sens, qui ont aidé à déjudiciariser le contentieux de l’impayé, étant donné que le caractère dissuasif de ces mesures contraint le débiteur à s’acquitter auprès de son créancier par crainte d’encourir des pénalités de retard.

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-C. VAUTRIN ET J.GAUBERT. rapport sur la mise en application de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, 11 avril 2011 « Délais de paiement », R.L.C., 2009 29, (Base de données : LAMY); l’assemblée nationale :www.assemblee-nationale.fr/13/rap-info/ i3322.asp.

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-ibid., la moyenne de règlement en Grande Bretagne est de 52 jours, Allemagne 47 jours, la Norvège 26 jours, tandis que la moyenne européenne est de 57 jours.

384

- C. VILMART, « La réduction des délais de paiement par la LME : mythe ou réalité», R.L.C.,(Base de données : LAMY).

385

-rapport de l’observatoire des délais de paiement, exercice 2011, p.7.

386

- J-L. VALLENS, L’insolvabilité des entreprises en droit comparé, éd. Lextenso, 2011.

387

-Rapport sur la proposition de directive du parlement européen et du conseil concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, A7-0136/2010.

181 1- La loi de modernisation de l’économie

309. On se rend compte de la volonté du législateur Français d’encourager une culture

prompte du paiement à travers cette loi, et à combattre en quelque sorte les retards de paiement en tant que facteur générateur d'impayé.

C’est en vertu de l’article 441-6 du code de commerce que les conditions de paiement entre les parties ne peuvent plus dépasser 45 jours à compter de la fin du mois ou 60 jours à compter de la date d’émission de la facture388, les parties peuvent toutefois décider conjointement de réduire le délai maximum de paiement fixé par cette disposition. Il ajoute en outre que le taux d’intérêt des pénalités est exigible de plein droit sans qu’un rappel soit nécessaire en cas de retard, ce taux ne peut pas être inférieur à trois fois le taux d’intérêt légal, ce taux est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majorée de 10 points de pourcentage389, de surcroit, le législateur rajoute que le non-respect de ces délais de paiement est sanctionné par une amende de 15.000 euros, qualifiée d’excessive390.

Sans nul doute, aucune technique ne pourra éradiquer l’aléa du retard de paiement ou du recouvrement, cependant, le législateur s'est montré audacieux, rendant les conséquences du retard de paiement dans certains cas insupportables. Ces mesures semblent suffisamment dissuasives pour que les débiteurs s’obligent à régler sans dépasser les délais légalement fixés. En revanche le créancier agissant en connaissance de cause, peut se servir de ce procédé pour exercer la pression sur son débiteur en situation de retard de paiement, sans pour autant recourir à la voie de justice.

310. Ceci peut être l’une des raisons principales de la baisse du contentieux de l’impayé

devant les tribunaux en France. Dans un contexte marqué par une crise économique aigue, les entreprises Françaises ont pu néanmoins se conformer aux nouvelles exigences de la loi LME en termes des délais de paiement, eu égard aux différents avantages pouvant découler de délais de paiement plus favorables aux PME, notamment l’allègement des contraintes en matière de liquidité, conduisant en corollaire à une baisse de créances et de dettes de 10% à 12% sur un ensemble de 160.000 entreprises391.

388-un délai maximum supérieur à celui fixé par cette disposition pourra être accordé à certains secteurs d’activités, ces délais dérogatoires ont été accordé à 34 activités ayant donné lieu à des décrets d’homologation, ces accords dérogatoires devaient prendre fin au plus tard le 1 er janvier 2012.

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-le taux d’intérêt légal de la banque centrale est d’ores et déjà établi à 1,00%, (3 mars 2012).

390- Cass. Com, 2 novembre 2011, n°10-14.677, Bull. 2011, IV, n°178 ; B. BOULOC, « la nature des pénalités de retard », RTD. Com., mai 2012, p.182.

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-VAUTRIN ET GAUBERT, rapport sur rapport sur la mise en application de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 demodernisation de l’économie. :www.assemblee-nationale.fr/13/rap-info/ i3322.asp.p .24.

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Il ressort de ces restrictions législatives, le développement incontrôlé de certaines pratiques émanant tant de fournisseurs que de distributeurs propres à contourner ces exigences légales, et traduisant la mauvaise foi de ceux-ci. Mais le législateur a atteint apparemment le résultat recherché, à savoir, réduire les délais de paiement tout en veillant à baisser le contentieux de l’impayé.

Il convient de souligner que le législateur européen, encore soucieux de la question du retard des paiements, est intervenu une fois de plus au moyen de la directive du 16 février 2011 par laquelle il a procédé à refondre la directive du 29 juin 2000 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales.

2- La directive Européenne relative à la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales.

311. A dessein d’améliorer la compétitivité économique et anticiper les ralentissements

économiques provoqués par les risques liés au retard de paiement, tout en respectant le principe de la liberté contractuelle, le législateur européen a mis en place la directive du 16 février 2011 pour la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales. Car, il s’est avéré que la directive de 2000 transposée dans la législation des Etats membres, portant sur le même objet ne répondait guère aux attentes et aspirations du législateur Européen. Cependant, celui-ci a souhaité durcir encore les délais légaux pour le règlement des factures et a institué à ce titre un nouveau régime indemnitaire au profit des créanciers victimes de retard de paiement dans toutes les opérations à caractère commercial y compris celles entre une entreprise et les pouvoirs publics.

En effet, ladite directive, entrée en vigueur le 15 mars 2011, est applicable tant sur les entreprises privées que publiques, ou entre une entreprise privée et les pouvoirs publics, à l’exclusion des consommateurs ou des transactions commerciales effectuées avec un consommateur qui ne rentre pas dans le champ d’application de la directive.

A ce propos, le principal ajout de la directive étant d’exiger des intérêts de retard à tout débiteur qui manque de payer dans un délai de 30 jours civils à compter de la date de réception de la marchandise ou une prestation de service fournie, sauf si les parties prévoient une clause contractuelle contraire, qui ne peut absolument dépasser 60 jours, le cas échéant, l’entreprise en fait réclamation pour le paiement d’intérêt de retard qui s’élève à un montant forfaitaire minimum de 40 euros, et elle peut demander en outre l’indemnisation de tous les frais de recouvrement tels que les dépenses engagées pour faire appel à un avocat ou à une société de recouvrement de créances392, ce qui apparait

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-l’article 6 de la directive dispose : « outre les intérêts de retard, le créancier est en droit d'obtenir du débiteur une indemnisation forfaitaire minimum de 40,00 €, exigible de plein droit sans rappel, pour tous les autres frais de recouvrement venant en sus de ce minimum, le créancier doit avoir droit à une indemnisation raisonnable pouvant comprendre notamment les dépenses engagées pour faire appel à un avocat ou à une société de recouvrement de créances.

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antinomique avec l’article 32 de la Loi n° 91-650 du 29 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d’exécution, abrogé depuis très peu de temps par l’article 4 l’Ordonnance n°2011-1895 du 19 décembre 2011, et également antinomique avec la jurisprudence Française393.

Toutefois, la directive prévoit que toute clause contractuelle ou pratique qui fait abstraction du versement d’intérêts pour le retard de paiement est réputée comme étant manifestement abusive, pareillement aux clauses qui ne tiennent pas compte de l’indemnisation pour les frais de recouvrement.

Par ailleurs, la directive doit être transposée en France avant le 16 mars 2013 et doit en outre encourager les parties intéressées à établir des codes de conduite non contraignants qui visent à améliorer la mise en œuvre de la directive394.

312. Dans l’optique de la déjudiciarisation du contentieux de l’impayé, on peut admettre

que cette mesure prise par le législateur européen aura vraisemblablement un impact favorable sur le raccourcissement des délais de paiement, et par voie de conséquence sur la diminution du contentieux de l’impayé, moyennant l’institution de mesures plus dissuasives à l’encontre des débiteurs retardataires dans leurs paiements en matière commerciale. car cela constitue un joug pesant sur le débiteur, qui sera dans l’obligation de s’acquitter avant que son créancier ait recours à la voie judiciaire, ce postulat auquel on adhère a été appuyé de façon plausible par l’initiative récente du législateur Français qui a pris corps par l’abrogation de la disposition mettant à la charge du créancier les frais de recouvrement entretenus sans titre exécutoire.

A présent, et compte tenu de l’importance des retards de paiement, et de leurs répercussions sur le contentieux de l’impayé, le législateur Marocain est tenu d’y remédier, et les acteurs concernés gagneront à s’inspirer des législation européennes et françaises les plus récentes.

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