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Une économie fondée sur les crédits 67 caractérisée par un octroi excessif

Paragraphe 1 : Les risques du crédit

A- Une économie fondée sur les crédits 67 caractérisée par un octroi excessif

52. On ne conçoit pas de nos jours une activité économique ou un ménage sans crédit. On

assiste dernièrement au Maroc à une explosion du crédit qui a généré vraisemblablement des endettements colossaux, voire des surendettements, avec 55 établissements de crédit en 2010, dont 19 banques et 36 sociétés de financement, celles-ci exploitant sauvagement68 le marché de crédit au Maroc, sans pour autant se soucier des moindres normes déontologiques courantes en la matière.

En fait, si les professionnels (1), qui, par manque de fonds propres, se voient contraints généralement de demander un crédit pour faire face à un démarrage jugé ardu, les particuliers (2), quant à eux, sont confrontés à une conjoncture économique inflationniste à la fois préoccupante et croissante69, et sont tentés par des campagnes publicitaires envahissantes à vocation événementielle (fêtes religieuses à l’occasion desquelles le besoin s’accroit, rentrées scolaires, vacances…). Ils y cèdent et contractent des crédits qui pèsent lourdement sur leur solvabilité et qui constituent sans doute la cause principale de l’impayé.

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-chiffres annoncés par le ministère des finances, disponible sur

http://www.finances.gov.ma/portal/page?_pageid=53,17813776&_dad=portal&_schema=PORTAL

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-étude réalisée sur la base des rapports annuels de Bank almaghrib, le taux de contentieux= créances en souffrances / total des crédits accordés, V., A. ALHAMMA, « La gestion du risque crédit par la méthode du scoring : cas de la Banque populaire de Rabat-Kenitra », EMAREM, septembre2009-aout 2010, n°2 et 3, p294.

67- Rapport sur l’observation des Normes et codes. « Insolvabilité et droits des créanciers », rapport établi par la banque mondiale à partir des informations fournies par les autorités Marocaines, Septembre 2006. p.2.

68-. A. CHAKIB, Essai sur le droit du crédit, imprimerie al joussour, 2009, p.68.

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-le taux de l’inflation globale a atteint 3,5% fin 2008, 1,8% fin 2010, et 1,8% en septembre 2011, données extraites des rapports de Bank almaghrib sur la politique monétaire du pays.

35 1- Crédits octroyés aux entreprises

53. Les entreprises Marocaines n’ont pas été épargnées par cette hausse remarquable

qu’a connue le crédit au Maroc.

En effet, dans un contexte de concurrence acharnée, et afin d’encourager la création des petites et moyennes entreprises, qui constituent un élément incontournable du tissu économique de notre pays, un changement devait s’opérer quant à l’amélioration du financement de celles-ci.

54. Conscient des obstacles qui entravent la création de ces institutions, dus

essentiellement à une pénurie de fonds propres, le législateur a introduit une panoplie de dispositions légales visant à faciliter l’insertion de ces institutions au profit d’une sphère économique sereine : ainsi, parmi d’autres, la loi relative au micro-crédit70 par laquelle il a essayé de créer un environnement favorable au développement du micro-crédit en vue de répondre aux attentes des PME.

Toutefois, cet ensemble de dispositifs juridiques a amené les entreprises à s’endetter massivement et à voir leur capacité de remboursement se restreindre, face à un endettement qui se transforme en un surendettement qui pèse inéluctablement sur la santé financière de l’entreprise.

Certes, cette politique consistant à favoriser les crédits71 pour la création d’entreprises ou pour des entreprises nouvellement créées, au détriment de l’autofinancement, n’est pas passé sans incidence ; un constat alarmiste établi par le ministère des finances et de la privatisation72 en donne la preuve, le rapport annonçant à ce propos une hausse spectaculaire de ce type de crédit entre 1996 et 2002 suivie d’une décélération résultant de l’augmentation des créances en souffrances73 entre les dates susmentionnées, passant de

70

-il s’agit de la loi 18-97 du 1er avril 1999, et le définit comme étant : «Tout crédit dont l’objet est de permettre à des personnes économiquement faibles de créer ou de développer leur propre activité de production ou de services en vue d’assurer leur insertion économique ».

71

- A.LAABOUDI« La banque et la politique du crédit », Maroc conjoncture, média production,1988-1989, p.52 et s.

72- H.LOUALI, « Evaluation du financement de la PME au Maroc », Ministère des finances et de la privatisation, direction de la politique économique général, Aout 2003

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-les créances en souffrances ont été définies par l’article 4 de la circulaire de Bank almaghrib n° 19/G/2002 du 23/12/2002 comme : « Sont considérées comme créances en souffrance, les créances qui présentent un risque de non recouvrement total ou partiel, eu égard à la détérioration de la capacité de remboursement immédiate et/ou future de la contrepartie. Les créances en souffrance sont, compte tenu de leur degré de risque de perte, réparties en trois catégories :

- les créances pré-douteuses, - les créances douteuses - et les créances compromises.

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11,5% à 17,8%, et du retard important enregistré par nos tribunaux au niveau de règlement de contentieux. Ce rapport précise que 35% des dossiers bancaires sont au contentieux avec un volume de dette de 300 millions de Dirhams.

55. Force est de constater que cette politique a provoqué maints incidents de paiement qui

sont enregistrés au niveau des entreprises, conduisant ces sociétés à l’insolvabilité, et a contribué conséquemment à accroitre davantage l’impayé.

Dans l’état actuel des choses, les pouvoirs publics doivent revoir cette politique qui favorise l’endettement au mépris de la constitution de fonds propres, et mettre en place une alternative qui pourra répondre à toutes les attentes.

2- Crédits octroyés aux particuliers

56. Le Maroc apparait endoctriné par une culture de consommation propre aux grands

pays, cause génératrice, parmi d’autres, d’un éclatement du crédit à la consommation qui a provoqué un surendettement considérable des ménages.

Sans nul doute, les crédits aux ménages ont atteint de nouveaux records. En effet, si en France, 49,5% des ménages détenaient un crédit en 2010,74 et si on ignore au Maroc le nombre de ménages qui ont un crédit à charge, cependant, les chiffres des crédits peuvent en témoigner : en hausse de 10% sur l’année 2009, en 2010 ce type de crédit représentait 28,1% de l’ensemble des encours distribués, arrivant au seuil de 173 Milliards de Dirhams, 58% de ces encours étant destinés à des personnes dont le revenu est inférieur à 4.000 dirhams, L’encours moyen est de 27.700 Dirhams par dossier75, les crédits étant affectés principalement à l’habitat et à la consommation, particulièrement destinés à l’acquisition de véhicules et, précise le rapport, à des prêts personnels, . Ce sont des chiffres inquiétants en comparaison avec la moyenne des salaires et SMIC76 au Maroc.

Par ailleurs, les sociétés de crédit ont vu leurs créances en souffrance augmenter notablement en 2010, représentant 14% de l’encours brut des crédits, contre 5,5% seulement des créances en souffrance pour l’ensemble des encours ; corollairement les risques des crédits ménages sont plus importants, et requièrent davantage de surveillance, ainsi que plus de rigueur et de sélectivité lors de l’octroi de crédit afin de se prémunir contre les dangers que cela représente, tant pour la stabilité financière de l’économie, que pour la

74-selon l’observatoire des crédits aux ménages

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-rapport annuel de Bank almaghrib sur le contrôle, l’activité et les résultats des établissement de crédit,2010, p.30, 89 et s., V., http://www.bkam.ma/.

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-le Smic vient de passer de 10,64 à 11,70 DH le 1er juillet 2011,atteignant 2 230,80 DH par mois, décret n° 2.11.247 du 1er juillet 2011 paru au B.O., n° 5959, 11 juillet 2011.

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solvabilité des ménages, qui se trouve en état de déséquilibre, eu égard à la conjoncture économique instable .

A ce propos, et par crainte que la situation ne dégénère, et afin de stopper et contrôler cette frénésie, la banque centrale a mis en place en 2010 des mesures préventives dont la plus importante consistait à demander aux établissements de crédit de durcir les conditions d’octroi de crédit et de mettre notamment ce risque en constante surveillance.

57. Il ressort de ces chiffres que les banques Marocaines se montrent légères voire laxistes,

quant à l’octroi de crédit ; désormais le crédit est devenu une affaire de quelques heures, entre la demande de crédit et la réponse de l’agence, mais un grave problème de non remboursement peut en découler. Or un crédit contracté outre les capacités de remboursement du bénéficiaire entraine quasi-automatiquement un impayé, et le dossier peut aussitôt être conduit au service contentieux de la banque, qui privilégie généralement la voie judiciaire.

En l’espèce, les banques Marocaines sont appelées aujourd’hui plus que jamais à instruire minutieusement les dossiers de crédit et à respecter les règles légales ou d’usage en vigueur en la matière, et notamment celles relatives au niveau d’endettement de l’individu, qui, en théorie, ne doit pas être supérieur à 33% de ses revenus. Or cette règle ne semble pas faire l’unanimité, et les établissements de crédit se montrent flexibles vis-à-vis à celle-ci77.

58. Somme toute, les banques doivent pour leur ensemble s’efforcer d’adopter de

nouvelles méthodes d’instruction des dossiers de crédit, afin de standardiser la procédure d’octroi et de délaisser les outils classiques utilisés par notre système bancaire pour se couvrir contre les risques de ce type de crédit qui les rend plus délicat à évaluer78. Il s’agit, d’évaluer véritablement la capacité de remboursement des demandeurs de crédit, et de former un rempart, une protection contre eux-mêmes, au lieu de les surendetter, tout en ayant la conviction que leur responsabilité ne sera aucunement remise en cause à cet effet. Et à ce titre, il convient de rappeler comment les banques Française ont pu contribuer à la baisse du contentieux de l’impayé. Pour ce faire, elles ont mis en place de nouvelles conditions pour l’octroi de crédit, donc une meilleure sélection des bénéficiaires de crédit, et elles ont cherché également à systématiser les garanties du crédit79.

77-il faut rappeler qu’en France que cette règle de 33% est imposée par la banque de France, et la responsabilité de l’établissement de crédit peut être engagée en cas de viol, la jurisprudence apparait draconienne à l’encontre des banques sur ce point, l’établissement encoure en outre des sanctions disciplinaires.

78

- A. ALHAMMA, « La gestion du risque crédit par la méthode du scoring : cas de la Banque populaire de Rabat-Kenitra », EMAREM, septembre2009-aout 2010, n°2 et 3, p.305.

79

- P.ANCEL (sous la direction de), « L’évolution du contentieux de l’impayé : éviction ou déplacement du rôle du juge ? », CERCRID, juin 2009, (Université Jean Monnet SAINT-ETIENNE, p.39

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