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Paragraphe 2 : La propension de l’individu au contentieux et les lacunes législatives

B- Les lacunes législatives

76. Si des législations d’ordre social ont été destinées à des situations bien spécifiques en

faveur des débiteurs, mais qui ont toutefois contribué de près ou de loin à la hausse de l’impayé, d’autres dispositifs, jugés substantiels, ont été , entrepris par le législateur français qui n’ont pas encore été pris en considération par le législateur Marocain, qui pourtant s’inspire largement de son homologue Français.

En effet un décret d’application qui n’est pas encore approuvé par le secrétariat général du gouvernement111 relatif à la loi de protection du consommateur(1) a été élaboré, alors, qu’à notre connaissance, la première loi en France de protection du consommateur date de 1978112. Cela explique un décalage important en la matière d’autant que le législateur Marocain est resté également muet pendant longtemps, quant à la mise en place d’une loi pour la lutte contre les retards de paiement(2), dont l’adoption en France a généré des résultats considérables en matière d’impayé.

un collège électoral dont les membres sont eux-mêmes désignés par une commission dans laquelle siège le caïd ou le khalifa d’arrondissement, et leurs attributions judiciaires se limitent aux affaires mineures en matière civile et pénale.

110-infra 307 et s.

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-sa mission principale est celle d’assurer le parcours de tout projet de texte en vérifiant sa constitutionnalité et sa compatibilité avec les textes législatifs et réglementaires en vigueur.

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-dite loi « scrivner », entrée en vigueur le 10 janvier 1978 elle a été par la suite complétée par loi Scrivener 2 du 13 juillet 1979.

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1- Une loi de protection de consommateur bloquée

77. On ne peut que déplorer l’absence dans la législation Marocaine d’une loi

opérationnelle qui protège le consommateur. Outre la sécurité et la protection qu’elle pourra apporter à l’égard des particuliers, cette loi n° 31-08entrée en vigueur le 7 avril 2011, n’a pas encore fait l’objet d’un décret d’application.

En effet une première mesure phare prévue par la dite loi et qui concerne cette étude est celle relative à l’offre préalable du crédit, qui doit être écrite pour que l’emprunteur puisse apprécier la nature et la portée de son engagement financier. Des mentions obligatoires doivent y figurer, l’offre préalable doit être jointe au sens de l’article 80 de ladite loi à un formulaire détachable par lequel l’emprunteur pourra dans un délai de 7 jours à compter de l’acceptation de son offre se rétracter et revenir sur son engagement. Il s’agit là de dispositions dont on ne peut que féliciter le législateur.

78. En revanche, le législateur Marocain s’est passé d’une disposition très importante

relative au devoir du banquier d’information et de mise en garde en matière de crédit. Le nouveau code de la consommation ne prévoit pas un tel devoir. Le banquier, excepté ses nouvelles obligations susmentionnées, n’est pas obligé de mettre en garde son client lors de la demande d’un crédit, et celui-ci demeure le seul responsable de son préjudice ; la responsabilité du banquier ne peut aucunement être engagée sur ce fondement, à moins que ce devoir n’ait fait l’objet d’une reconnaissance jurisprudentielle ou législative, ou qu’on le fasse relever clairement de la déontologie et l’éthique de la profession du banquier113. De cette manière, le banquier sera plus prudent lors de l’instruction des dossiers de crédit, pour l’octroi d’un crédit responsable, qui, en l’absence d’une telle mesure préventive, peut à plus forte raison accroitre l’impayé, sans qu’il ait pour autant la moindre responsabilité du professionnel. Ce vide juridique en la matière pourrait être une cause réelle de la hausse de l’impayé au Maroc, et une modification ou un amendement à la loi de protection du consommateur à la lumière du droit français serait fortement saluée, afin de pallier cette problématique.

En effet, le législateur français avait compris, après la reconnaissance jurisprudentielle de ce devoir du banquier, qu’une disposition frappant le banquier en ce sens devait voir le jour. En l’espèce la loi n°2010-737 du premier juillet 2010 a consacré des dispositions en vertu desquelles elle oblige le banquier à fournir des explications à l’emprunteur et à évaluer scrupuleusement sa solvabilité114. De la sorte, la responsabilité du banquier peut être mise

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-supra 64

114-ainsi l’article 311-8 prévoit que : « Le prêteur ou l'intermédiaire de crédit fournit à l'emprunteur les explications lui permettant de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière, notamment à partir des informations contenues dans la fiche mentionnée à l'article L. 311-6. Il attire l'attention de l'emprunteur sur les caractéristiques essentielles du ou des crédits proposés et sur les conséquences que ces crédits peuvent avoir sur sa situation financière, y compris en cas de défaut de

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en cause en application de ces articles chaque fois qu’ est constaté le manquement du professionnel à ce devoir. Toutefois la nouveauté de cette mesure ne nous permet pas de nous prononcer sur son impact sur le contentieux de l’impayé en France; néanmoins, elle reste suffisamment protectrice que l’on puisse supputer qu’elle c contribuera en France à la baisse du contentieux de l’impayé.

2- L’absence prolongée d’une loi pour la lutte contre les retards de paiement 79. Pour beaucoup de spécialistes, le retard de paiement constitue un grand danger à

l’égard de tous les acteurs économiques, et est considéré comme la première cause de défaillance de l’entreprise115, car un client qui passe par une quelconque difficulté et sursoit à régler son fournisseur dans n’importe quel cadre contractuel, professionnel ou non, peut mettre en danger la santé financière de l’entreprise avec qui il a eu à faire.

En effet, c’est un fléau qu’on ne peut pas passer sous silence, d’autant plus que les individus en ont fait une habitude, de sorte que les retards de paiement font désormais partie de l’économie Marocaine, et font souffrir les PME qui se retrouvent souvent face à un dilemme éternel et insoluble, l’abstention de donner des facilités à leurs clients afin de soit disant les fidéliser, ou se retrouver face à un retard de paiement qui demeure préjudiciable, avec un chiffre d’affaires révélant des montants non encore perçus , donc une créance en souffrance, qui peut à n’importe quel moment se transformer à une créance non recouvrée116. Ce sont d’ailleurs ces retards qui incitent et obligent parfois de nombreuses entreprises à demander un crédit ou une facilité de caisse.

Il convient de rappeler que le Maroc occupe un rang très préoccupant en la matière, avec une moyenne de règlement de 4 à 6 mois en 2006117, ce qui constitue un frein majeur pour les entrepreneurs et pour le développement économique, d’autant plus qu’aucune disposition ne régissait ce fléau avant 2011, excepté un mince texte qui y fait allusion118,

paiement. Ces informations sont données, le cas échéant, sur la base des préférences exprimées par l'emprunteur.

115

- M. KADIRI, « Les retards de paiement : danger ! Le client première cause de défaillance », l’économiste, édition 1610, 26 septembre 2003.

116-T. GINGEMBRE ET A.L. STERIN, Agir face aux impayés : comment les éviter ? Savoir se faire payer, éd.5, Paris Delmas, 2003, p.12.

117-ambassade de France au Maroc-Missions économique de Rabat. «Moyens de paiement et Recouvrement de créances au Maroc ». 06 janvier 2006, p.1.

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-il s’agit de la loi 6-99 relative à la liberté des prix et de la concurrence. Le premier alinéa de l’article 54 de la loi stipule :« est interdit à tout producteur, importateur, grossiste ou prestataire de services de pratiquer, à l’égard d’un partenaire économique ou d’obtenir de lui des prix, des délais de paiement, des conditions de vente ou des modalités de vente ou d’achat discriminatoires et non justifiés par des contreparties réelles en créant de ce fait, pour ce partenaire, un désavantage ou un avantage dans la concurrence ».

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également un projet de loi119 qui a récemment vu le jours120, qui porte sur les délais de paiement et qui a complété la loi n°15-95 portant code de commerce, une disposition quasi-semblable à celle de la loi Française, stipulant que le délai de paiement d’une créance ne doit pas dépasser 60 jours, ou 90 jours maximum si les parties se mettent d’accord, et ce, à partir de la réception de la marchandise ou de la réalisation de la prestation de service, sous peine d’ amende.

80. Toutefois, il nous est difficile de mesurer exactement l’ampleur de cette

problématique, ses réelles causes pouvant résulter de différentes origines, parmi lesquelles la référence socio-culturelle occupe une place prépondérante, car, de nos jours beaucoup de débiteurs sont solvables mais s’abstiennent de payer à l’échéance, et le vide juridique contribue aussi à cette obstination du débiteur.

A ce sujet, le législateur Marocain a finalement mis en place une mesure de nature à lutter contre les retards de paiement et contraindre le débiteur à payer dans les temps, en fixant à cet effet un délai maximal qu’il ne faut absolument pas dépasser sous peine d’une astreinte. Et ce à l’instar de son homologue Français, qui a introduit une panoplie de loi frappant dans ce sens, la dernière était loin° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, de même une autre directive européenne doit être transposée en France avant le 16 mars 2013.

81. Cependant, l’absence prolongée d’une telle disposition, constitue une lacune législative

susceptible d’accroitre l’impayé et son con contentieux, et d’apparaitre parmi les causes importante de l’expansion du phénomène.

Par ailleurs, et sous l’empire du législateur Européen, désirant d’harmoniser les délais de paiement en Europe, le législateur Français a voulu encourager une culture prompte de paiement tout en adoptant des mesures extrêmement dissuasives à l’égard des débiteurs retardataires121.

Sur ce problème, qui constitue l’une des principales causes de l’impayé au Maroc, et l’étincelle de son accroissement, le législateur doit s’efforcer non pas seulement d’éradiquer ces entraves, mais de mettre des moyens en place pour appliquer cette mesure comme elle se doit, dans le but de désamorcer ce problème en dissuadant les débiteurs sujet de retard.

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-projet de loi n°32-10.

120

-Il est publié au Bulletin Officiel n° 5984 (6/10/2011)

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