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Réglementation et développement des sociétés de recouvrement

Section I : La déjudiciarisation de pondération du traitement de l’impayé

Paragraphe 2 : La déjudiciarisation par l’intervention des acteurs du recouvrement

A- Les sociétés de recouvrement

1- Réglementation et développement des sociétés de recouvrement

317. Le décret du 18 décembre 1996 a mis en place des dispositions relatives aux

conditions d’exercice de l’activité par des sociétés spécialisées, ainsi que leur mise en œuvre(b). Cette réglementation qui a servi au développement structuré mais explosif des agents spécialisés en recouvrement(a).

a- Réglementation

318. Il était regrettable de constater que le décret, entré en vigueur le premier juin 1997

ne prévoie aucune disposition relative à la nécessité de posséder une qualification scientifique ou professionnelle pour tout aspirant à l’exercice de cette activité403. Hormis quelques conditions de fond que l’intéressé doit remplir, aucune autre exigence de cette nature ne lui est imposée par le texte.

En effet les sociétés de recouvrement en France exercent cette activité habituellement sous forme d’une société à responsabilité limitée, par voie de conséquence, elles disposent d’un statut de commerçant404, impliquant à ce titre leur immatriculation au registre de commerce.

L’entreprise doit en outre, comme le dispose l’article 2 alinéa 1 du décret, souscrire un contrat d’assurance de type responsabilité civile professionnelle qui couvre uniquement les erreurs professionnelles à caractère pécuniaire et résultant de l’exercice de leur activité, étant donné que cette assurance sert à protéger le créancier contre une éventuelle erreur professionnelle telle que l’insolvabilité de la société405, ou le non reversement de la créance dans le délai légal406. La société doit ouvrir un compte à cet effet, destiné exclusivement à la

403

-A.LE BAYON, « Recouvrement amiable de créances pour le compte d’autrui »,JCl. Procédure civile, fasc.2500, janvier 1998, p.19.

404

-CA Toulouse, 6 février 1989, JurisData n° 1989-047228.

405 -F.GUECHOUN, « Recouvrement des créances pour le compte d’autrui par des agents spécialisés », E.J.D répertoire PC, Tome 5, mars 2011, p.4, l’auteur s’oppose à cette disposition, une situation contrastante de voir ces sociétés dispensées de souscrire une assurance couvrant aussi bien de la responsabilité délictuelle que contractuelle, et ce à l’exemple des avocats et des huissiers de justice.

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-les fonds collectés doivent être reversés au créancier dans un délai d’un mois à partir de leur réception des débiteurs, sauf stipulation contraire qui peut prévoir des délais plus courts ou plus longs.

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réception des fonds collectés auprès de débiteurs pour le compte des créanciers dans le cadre de la mission pour laquelle elle a été mandatée, le but de cette disposition étant de préserver une sphère de transparence financière afin de se prémunir contre les risques de toutes opérations frauduleuses, ou encore d’une procédure de saisie ordonnée à l’encontre de la société détentrice des fonds. Il faut souligner en revanche que la violation des deux conditions précitées est sanctionnée pénalement par la loi407.

Outre ces critères légaux, l’entreprise doit adresser une demande écrite au ministère public près du tribunal de grande instance auprès duquel elle a son siège social, et ce préalablement au commencement de son activité. Cependant, cet acte n’est qu’une démarche déclarative qui n’est soumise à aucune obligation de réponse par le procureur, en effet ce dernier est toutefois appelé à vérifier à tout moment la conformité de l’entreprise aux obligations prévues et aux exigences du deuxième article susmentionné408.

319. Quant à la qualification juridique de l’acte qui unit le créancier et l’agent de

recouvrement, le législateur a dissipé les confusions affectant l’époque antérieure à la réglementation. En l’occurrence, le professionnel agit par le biais d’un mandat qui lui est accordé par le créancier. La solennité du contrat traduit l’intention du législateur de protéger davantage le créancier, en d’autres termes, le contrat n’est valable entre les parties qu’à l’établissement d’un écrit. Par ailleurs, en vertu du troisième article du décret, la loi interdit à l’agent de recouvrement d’agir au nom et pour le compte du créancier sans avoir établi à l’avance une convention écrite.

De surcroit, la convention doit contenir des mentions obligatoires409. Cependant, le défaut de ces mentions n’engendre aucun effet tant à l’égard de la société qu’à l’égard du créancier, étant donné que le législateur n’a consacré aucun texte à la pénalisation de l’oubli de l’écrit, ni fait allusion à l’omission d’une mention obligatoire devant figurer sur le mandat. Position approuvée par un arrêt assez récent de la cour d’appel d’Aix-en-Provence410, dans lequel la cour n’a pas déchu la société de recouvrement de sa rémunération à laquelle le créancier s’oppose en invoquant le défaut d’un mandat spécial. A

407-article 7 alinéa 2 du décret : « Sera punie de la peine d'amende prévue pour les contraventions de la 5e classe toute personne qui, exerçant l'activité visée à l'article 1er : Ne s'est pas conformée aux obligations prévues à l'article 2.

408

-en pratique ce pouvoir de contrôle ne s’opère que sur dénonciation des créanciers, et également des débiteurs qui déclarent au parquet avoir été objet d’un abus subi de l’entreprise en question, voir en ce sens la réponse de la garde des sceaux, question n°33585, JOAN 3mars 2009.

409

-1° Le fondement et le montant des sommes dues, avec l'indication distincte des différents éléments de la ou des créances à recouvrer sur le débiteur ;

2° Les conditions et les modalités de la garantie donnée au créancier contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile encourue en raison de l'activité de recouvrement des créances ;

3° Les conditions de détermination de la rémunération à la charge du créancier ; 4° Les conditions de reversement des fonds encaissés pour le compte du créancier.

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ce titre, la cour a considéré que l’article 7411 du décret pouvait être appliqué a pari en l’absence d’un formalisme unissant la société et le créancier, mais ne pourra aucunement déchoir l’agent de recouvrement de ses honoraires.

320. Relativement à la mise en œuvre de cette activité, le législateur s’est montré quelque

peu laconique au regard des dispositions qui y sont consacrées. En effet, le législateur n’a consacré qu’un texte destiné à la mise en œuvre de l’activité de l’agent de recouvrement, imposant à ce dernier de respecter un certain formalisme. Pour ce faire, celui-ci est soumis au respect de mentions obligatoires dans le cadre des lettres adressées au débiteur à cet effet412.

En dépit des lacunes soulevées en matière de mise en œuvre du décret, ce texte a apporté le strict minimum de protection vis-à-vis du débiteur et a stoppé néanmoins les pratiques des sociétés de recouvrement qualifiées d’arbitraires par quelques auteurs413 . En ce sens, on ne peut que prendre parti pour cette apodicticité relevée par les auteurs414, et dire que le législateur a omis de réglementer une partie importante du décret, générant de sérieuses critiques autour des professionnels de recouvrement. Ces obstacles n’ont pourtant pas ralenti peu ou prou le développement des sociétés de recouvrement.

Il convient de souligner que le législateur Français a inséré la partie relative aux personnes chargées du recouvrement amiable des créances dans le nouveau code de procédures civiles d’exécution (l’ordonnance n° 2011-1895 du 19 décembre 2011 relative à la partie législative du code des procédures civiles d'exécution, de l’article R124-1 à R-124-7) créé par le décret

411-l’article 7 dispose : « Sera punie de la peine d'amende prévue pour les contraventions de la 5e classe toute personne qui, exerçant l'activité visée à l'article 1er :

1° Ne s'est pas conformée aux obligations prévues à l'article 2 ;

2° Aura omis l'une des mentions prévues à l'article 4 dans la lettre adressée au débiteur.

En cas de récidive, la peine d'amende prévue pour la récidive des contraventions de la 5e classe est applicable.

412

- La personne chargée du recouvrement amiable adresse au débiteur une lettre qui contient les mentions suivantes :

1° Les nom ou dénomination sociale de la personne chargée du recouvrement amiable, son adresse ou son siège social, l'indication qu'elle exerce une activité de recouvrement amiable ;

2° Les nom ou dénomination sociale du créancier, son adresse ou son siège social ;

3° Le fondement et le montant de la somme due en principal, intérêts et autres accessoires, en distinguant les différents éléments de la dette, et à l'exclusion des frais qui restent à la charge du créancier en application du troisième alinéa de l'article 32 de la loi du 9 juillet 1991 susvisée ;

4° L'indication d'avoir à payer la somme due et les modalités de paiement de la dette ;

5° La reproduction des troisième et quatrième alinéas de l'article 32 de la loi du 9 juillet 1991 précitée. Les références et date d'envoi de la lettre visée à l'alinéa précédent devront être rappelées à l'occasion de toute autre démarche auprès du débiteur en vue du recouvrement amiable.

413

-Ph.GERBAY, les moyens de pressions privés et l’exécution des contrats, thèse Dijon, 1976, p.584 et s.

414- A.CROSIO, Recouvrement de créances, éd.3, Dalloz, Paris, 1997, p.163 ; J-R. Debret , « L’ANCR et la déontologie », juin 2005, disponible sur : http://www.finyear.com/L-ANCR-et-la-deontologie_a106.html.

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n° 2012-783 du 30 mai 2012 relatif à la partie réglementaire du code des procédures civiles d'exécution

b- Développement

321. L’ANCR415 a réalisé antérieurement à la réglementation que le développement des sociétés de recouvrement passait par la mise en place d’un ensemble de règles d’éthiques416 venant cadrer une activité jusqu’alors embryonnaire, donnant une certaine conformité et crédibilité à ces sociétés de recouvrement. Une action corporative engagée essentiellement dans le but de promouvoir l’activité, d’accorder une protection efficace tant au créancier qu’au débiteur contre les abus des sociétés qui y ont adhéré, mais qui doivent en revanche respecter le cadre établi à cet effet.

Le recouvrement de créances par des sociétés spécialisées constitue en France un marché explosif. Une explosion qui peut être imputée à l’éclatement du contentieux de l’impayé à partir des années 1980417. Un nombre important de ces sociétés sont représentées par des organisations professionnelles418, les adhérents de la FIGEC représentent à elles seules 70% à 80% du marché du recouvrement en France qui compte un volume d’affaires de 240 millions d’euros419 .

322. En effet, en étendant les prestations proposées à d’autres champs qui s’en

rapprochent les plus importantes étant en l’occurrence la gestion du poste client, le conseil420et les renseignements commerciaux421 étant donné que les résultats escomptés

415

- Association nationale de cabinet de recouvrement (L’ANCR) est la première association qui représente les sociétés de recouvrement, créée en 1980, convertie en 1992 en syndicat, elle est la fondatrice avec ses homologues Européens de la Fédération Européenne des associations nationales de recouvrement de créances.

416

-le code déontologique est disponible sur : www.ancr.fr

417

- P.ANCEL (sous la direction de), « L’évolution du contentieux de l’impayé : éviction ou déplacement du rôle du juge ? », CERCRID, juin 2009, (Université Jean Monnet SAINT-ETIENNE), p.5 et s.

418

-plusieurs organisations professionnelles ont été créées au cours de ces dernières décennies, elles regroupent les sociétés de recouvrement présentes sur le marché, on trouve parmi d’autres : la fédération nationale de l’information d’entreprise et de la gestion des créances, (FIGFC), elle rassemble des sociétés de grande taille, l’association Concilium.

419-P.ANCEL (sous la direction de), « L’évolution du contentieux de l’impayé : éviction ou déplacement du rôle du juge ? », CERCRID, juin 2009, (Université Jean Monnet SAINT-ETIENNE).

420-on se retrouve face à une situation controversée, en effet la garde des sceaux dans une question écrite a répondu par la négative au sujet du pouvoir des agents de recouvrement à offrir des conseils à des clients en raison de leur non-conformité avec l’article 54,al 1 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, question n° 21119 ,JOAN 15 septembre 2003 ; à l’opposé la CA de Nancy a toléré sur ce point en donnant droit à celui-ci à donner des consultations qui relèvent de son

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par ces entreprises en termes de rentabilité sont remarquables. Elles ont pu gagner du terrain de manière conséquente, et conquérir davantage de clients formant une clientèle assez diversifiée, faite de créanciers de différents types, qui peuvent être catégorisés selon la taille de l’entreprise. A titre d’exemple, les compagnies d’assurance, les banques et les grandes sociétés recourent à des agents de renommée, tandis que les petites et moyennes entreprises font appel à des agents de recouvrement moins réputés422. Ce recours excessif des acteurs économiques à ces sociétés peut s’expliquer corollairement par l’effet de la concurrence qui a amené ces agents à réduire leurs rémunérations et honoraires.

On ne peut qu’être frappé par les efforts déployés par les organisations professionnelles qui ont contribué à l’expansion de cette activité en veillant à la conduite des agents qui y sont adhérents, leurs imposant parfois, selon les circonstances, des sanctions plus rudes que celles prévues par le décret, tout en privilégiant et en donnant constamment une impulsion au recouvrement amiable.

2- La prédominance du recouvrement amiable et son impact sur le

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