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La nouvelle procédure de sauvegarde

Conclusion titre

B- La nouvelle procédure de sauvegarde

236. La procédure de sauvegarde constitue la principale nouveauté de la réforme du 26

juillet 2005, une véritable procédure collective avec une finalité préventive, dès lors que celle-ci se dissocie de la procédure de redressement judiciaire par la cessation des paiements.

En effet, la loi de 2005 a exigé comme critère pour l’ouverture de cette procédure, des difficultés de nature à conduire le débiteur à la cessation des paiements, une condition indispensable qui confère au débiteur seul la possibilité de se placer sous la protection de l’institution judiciaire, dans le but de ne pas compromettre davantage la situation de l’entreprise, et lui permettre de poursuivre son activité économique, sans que le recours à la procédure soit pour autant un moyen d’exiger des négociations aux créanciers.

Pourtant, le critère économique d’ouverture de la procédure de sauvegarde restait flou314, ce qui a conduit le législateur à revoir ce critère d’ouverture en vue de l’ assouplir et de la rendre plus attractive. En fait, l’ordonnance du 18 décembre 2008 prévoit que le débiteur, sans être en cessation des paiements, doit justifier de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter315. Les difficultés en question, et qui peuvent fonder l’ouverture de la procédure de sauvegarde, peuvent être de nature économique, juridique, sociale, financière, ou de toute autre nature, du moment que le débiteur est dans l’impossibilité de les surmonter.

314- P-M LE CORRE, Droit et pratique des procédures collectives, éd.5, Dalloz Action. 2010-2011. p.340

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-l’article L620-1 du code de commerce prévoit ; « Il est institué une procédure de sauvegarde ouverte sur demande d'un débiteur mentionné à l'article L. 620-2 qui, sans être en cessation des paiements, justifie de difficultés qu'il n'est pas en mesure de surmonter. Cette procédure est destinée à faciliter la réorganisation de l'entreprise afin de permettre la poursuite de l'activité économique, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif ».

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Par ailleurs, les conditions d’ouverture doivent être appréciées au jour où il a été procédé à l’ouverture de la procédure de sauvegarde316.

237. Quant au domaine d’application de la procédure de sauvegarde, la loi a étendu le

champ d’application de celle-ci aux professionnels libéraux et indépendants, qui s’ajoutent, aux personnes exerçant une activité commerciale ou artisanale, aux agriculteurs, et aux personnes morales de droit privé317.

En effet, à la demande du débiteur, qui remplit les conditions mentionnées ci-dessus, le tribunal prononce le jugement d’ouverture, et le juge désigne les organes de la procédure. Le jugement implique l’ouverture d’une période d’observation durant laquelle l’administration de l’entreprise est assurée par son dirigeant assisté de l’administrateur judiciaire. Le pouvoir de gestion demeure entre les mains du dirigeant, mais la finalité est celle d’établir un inventaire du patrimoine du débiteur, un diagnostic économique et social de l’entreprise, cette période engendre des effets à l’égard des créanciers, les principaux d’entre eux qui se rapportent à notre recherche se produisent lors de la période d’observation.

En effet, le jugement d’ouverture entraine plusieurs effets à l’égard des créanciers dans la perspective de favoriser la poursuite de l’activité économique, ces effets sont toutefois avantageux pour le débiteur. En l’occurrence, la loi interdit de plein droit à l’entreprise de payer ses créances antérieures au jugement d’ouverture (1), elle interdit également aux créanciers d’engager des poursuites individuelles (2).

1- L’interdiction au débiteur du paiement de créances antérieures

238. En cas de non conversion de la procédure en redressement judiciaire, la période

d’observation peut durer jusqu’à 12 mois à partir du jugement d’ouverture, et peut également être prorogée exceptionnellement à la demande du ministère public au regard de l’article L621-3. A cet égard, le créancier peut montrer l’ouverture de la période d’observation, et peut céder facilement aux pressions exercées par son débiteur qui lui avance son recours aux procédures collectives pour lui imposer de nouvelles échéances de paiement, puisque le créancier peut ne pas être sûr de son paiement compte tenu de son rang, ou ignore encore quand ce paiement interviendra dans une procédure qui peut s’avérer longue et parfois épuisante.

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-Cass. Com., 26 juin 2007, n°06-17.821, Bull. 2007, IV, n°176 ; A. LIENHARD, « premières décisions de la cour de cassation sur la procédure de sauvegarde », D., juillet 2007, p. 1864 ; M-L. BELAVAL, I. ORSINI ET R.

SALOMON, « Chronique de jurisprudence de la cour de cassation chambre commerciale », D., novembre2007, p.2764.

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En effet, le jugement d’ouverture emporte de plein droit interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture318. Il s’agit d’une disposition qui soutient le caractère collectif de cette procédure, et par laquelle le législateur a souhaité assurer le principe d’égalité entre les créanciers. Peu importe le privilège de la créance, qu’elle soit chirographaire, privilégiée, assortie ou non d’une sureté, elles subissent le même sort. Même l’origine de la créance n’entre pas en ligne de compte, qu’elle soit d’ordre contractuel, délictuel, légal ou judiciaire, échue ou à échoir. Le critère de l'interdiction repose uniquement sur la date de naissance de la créance, car, toutes les créances nées antérieurement au jugement d’ouverture sont frappées par cette interdiction. Seule la date du fait générateur doit être prise en compte, et non pas celle d’exigibilité de la créance, Une créance née avant le jugement d’ouverture, mais exigible après l'ouverture de la procédure est visée par cette interdiction.

Cependant, l’acte ou le paiement qui viole les dispositions de l’article précèdent peut être annulé à la demande de tout intéressé, ou du ministère public, dans un délai de 3 ans à compter de la conclusion de l’acte ou du paiement de la créance, quant aux actes soumis à publicité, le délai commence à courir à partir de la date de publicité.

Il convient de préciser que l’article précise que le créancier titulaire d’un gage sans dépossession prévu par l’article 2286 du code civil, ne peut opposer son droit de rétention pendant la période d’observation, à moins que le bien objet de gage soit compris dans une cession d’activité.

239. Par ailleurs, le législateur s’est montré encore plus rude lorsqu’il a prévu une

interdiction de payer des créances nées postérieurement au jugement d’ouverture qui ne sont pas réellement utiles à la continuation de l’activité, on parle alors des créances postérieures au jugement d’ouverture non éligibles au traitement préférentiel.

Toutefois, pour que la créance subisse un traitement préférentiel, celle-ci doit être née pour les besoins du déroulement de la procédure et de la poursuite de l’activité. Dès lors, elle doit être payée à l’échéance et par privilège319.

Il faut préciser que le principe d’interdiction de payer des créances antérieures connait des exceptions au regard des dispositions issues de la loi de sauvegarde, lorsque le juge-commissaire permet au débiteur de payer des créances antérieures au jugement d’ouverture pour retirer un gage ou une chose légitimement retenue, ou pour obtenir le retour des biens transférés à titre de garantie dans un patrimoine fiduciaire320, dès lors que

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-l’article L622-7 prévoit : « Le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture…. ».

319

-article L622-17 du code de commerce.

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ce retrait ou retour est justifié par la poursuite de l’activité. De même pour lever l’option d’achat d’un contrat de crédit-bail, lorsque cette levée justifie la poursuite de l’activité, et à condition que le paiement ne soit pas supérieur à la valeur vénale du bien objet du contrat.

2- L’arrêt des poursuites individuelles

240. Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de

tous les créanciers dont la créance est antérieure au jugement d’ouverture, ou les créances postérieures non éligibles au traitement préférentiel, visant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d’une somme d'argent.

En outre, ce jugement arrête ou interdit toute procédure d'exécution de la part de ces créanciers, tant sur les meubles que sur les immeubles, ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture.

En l’espèce, le débiteur sera protégé de toutes poursuites individuelles engagées par ses créanciers antérieurs de même que ceux qui ne seront pas éligibles à un traitement préférentiel ayant pour objet de payer une somme d’argent, ou encore d’une mesure exécutoire prise à son encontre. Il faut déduire par ailleurs que cette mesure est de plein droit, si même les difficultés ayant amené le débiteur à solliciter l’ouverture d’une procédure de sauvegarde ne sont pas de nature économique ou financière. Ipso facto, le jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde est toujours préjudiciable au créancier.

De surcroit, les créanciers se trouvent privés du cours des intérêts légaux et conventionnels, également pour tous les intérêts de retard et majorations, à moins qu'il ne s'agisse des intérêts résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d'un paiement différé d'un an ou plus.

Relativement à la caution et au garant, le jugement d’ouverture suspend jusqu’au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation contre les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie321.

241. Il résulte donc de cette analyse, que le jugement d’ouverture demeure bénéfique au

débiteur, du moment qu’il arrive à prouver des difficultés, abstraction faite de la nature de celles-ci, seul importe leur caractère insurmontable pour le débiteur, ce qui remet en doute à demeure l’appréciation du juge. Le débiteur peut donc bénéficier d’une protection judiciaire et évincer des mesures exécutoires prises à son encontre ou encore un contentieux de l’impayé pur et simple. Le législateur a assoupli les conditions du bénéfice d’une procédure de sauvegarde, mettant en place des mesures restrictives à l’égard du

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créancier qui s’appliquent de plein droit après le jugement d’ouverture, sans que ces mesures soient liées au caractère économique ou financier des difficultés, mais il a mis en perspective l’éventualité des difficultés pouvant conduire le débiteur à une cessation des paiements, afin d’assurer le pragmatisme requis322.

Subséquemment, cela peut constituer un moyen de pression important dont dispose le débiteur à l’encontre de ses créanciers, et un avantage certain qui joue en sa faveur, suffisamment pour ne plus être dissuadé par une action en paiement de son créancier ou une mesure exécutoire. De surcroit, la situation des créanciers et du banquier après le jugement d’ouverture n’est pas elle non plus des plus confortables323 : par crainte que leurs créances ne soient pas éligibles de traitement préférentiel, ils hésitent avant même de penser à aider l’entreprise en question à surmonter ses difficultés.

Dans le même ordre d’idée, il est opportun de souligner que les annuaires statistiques de la justice reflètent la forte hausse des demandes d’ouverture d’une procédure de sauvegarde324, une hausse qui ne s’explique pas uniquement par l’attractivité et la simplicité de la procédure, certes le législateur en a assoupli les conditions de bénéfice entre la loi 2005 et l’ordonnance de 2008, ce qui a sans doute encouragé davantage le débiteur à y recourir pour mettre fin aux difficultés insurmontables qu’il rencontre, et obtenir éventuellement des remises et des délais de paiement, mais il semblerait également que cette sauvegarde représente pour le débiteur une belle occasion de renégocier avec ses créanciers, une fois en position de force, et, le cas échéant, se procurer des avantages qui en résultent, évitant ainsi la pression judiciaire de ses créanciers.

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