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L ‘absence d’un cadre réglementé des sociétés de recouvrement

Paragraphe 1 : Les écueils de La déréglementation du recouvrement amiable

A- L ‘absence d’un cadre réglementé des sociétés de recouvrement

86. A notre connaissance, il n’existe aucun projet de loi ou texte de loi qui envisage de

combler cette lacune juridique, pour que les sociétés de recouvrement amiable au Maroc jouissent d’un régime spécifique. Ce défaut de réglementation n’a pas entrainé seulement des retombées négatives sur le recouvrement amiable ou les sociétés qui exercent cette activité(1), mais ce facteur a privé ces entreprises de se soumettre à des règles de conduite déontologique ad hoc.

1- Les retombées de la dérèglementation des sociétés de recouvrement

87. S’intéresser aux législations relatives aux sociétés de recouvrement amiable nous incite

à mettre la lumière sur le droit tunisien, qui, à travers la loi n°98-4 du 2 février 1998 relative aux sociétés de recouvrement de créances, a souhaité consolider les outils et les moyens mis à la disposition des entreprises exposées au problème de non-remboursement de crédit et de créances non recouvrées, et mettre parallèlement en place un cadre légal à ces sociétés, en fixant les conditions de constitution et de fonctionnement de celles-ci, donnant également une définition de la créance à recouvrer, l’objet de leur activité, et régissant leurs rapports avec leurs clients et également avec les débiteurs., Cette loi rajoute en outre les techniques contractuelles dont dispose le créancier pour pouvoir confier sa créance à une société de recouvrement de créances : il s’agit du mandat, et du contrat de cession de créance, mesure incitative en l’occurrence pour que ces sociétés se portent acquéreurs de créances, quoique, en pratique, elles n’acceptent pas d’acquérir n’importe quelle créance122. Par ailleurs, on peut affirmer que cette loi tunisienne a répondu clairement aux questions des professionnels du recouvrement, en créant une sphère appropriée à l’exercice de cette

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-S.KOLSI, « Les contrats passés par les sociétés de recouvrement de créances avec leurs clients », in Mélanges en l'honneur de Habib Ayadi, éd. Centre de publication universitaire, Tunis, 2000.p.573.

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activité, tandis que le législateur français à travers le décret n°96-1112 portant réglementation de l’activité des personnes procédant au recouvrement amiable des créances pour le compte d’autrui n’a répondu que laconiquement aux problématiques y afférentes.

88. De son côté, le législateur marocain est resté muet quant à cette question, en dépit de

l’importance de cette activité et de l’intérêt qu’elle présente vis-à-vis de la baisse de l’impayé. Il s’agit toujours de l’objectif de diminuer les actions de l’impayé devant les juridictions civiles et commerciales, sans porter préjudice aux sociétés de recouvrement qui ne cessent de proliférer123. Il faut souligner que mis à part quelque cabinets comptés du bout des doigts124 qui sont parvenus à se structurer et à travailler d’une manière transparente, la plupart de ces structures exercent anarchiquement cette activité et freinent sans nul doute son développement.

En effet, malgré le climat de méfiance qui règne vis-à-vis de la justice étatique, ces sociétés de recouvrement de créances n’ont pas pu garantir aux créanciers désirant recouvrer leurs créances la sécurité requise. La plupart ne souscrit aucune assurance de responsabilité civile professionnelle ou une autre police de nature à permettre au créancier d’être indemnisé en cas de survenance d’une quelconque erreur susceptible de faire engager la responsabilité civile, voire pénale du professionnel. Le cas échéant le défaut de réglementation oblige le créancier à faire appel au droit commun, ce qui constitue un désavantage, car les fonds recouvrés restent hypothéqués, et n’importe quelle procédure de saisie ordonnée à l’encontre de la société ou toute opération frauduleuse de celle-ci peut mettre en danger les fonds collectés qui appartiennent naturellement au créancier, sachant que beaucoup de ces sociétés affirment avoir été mandatées pour recouvrer des montants assez importants125. En outre, il faut souligner qu’aucune autorité de contrôle n’est exercée sur ces sociétés, et toute personne qui aspire à exercer cette activité, peut procéder à la constitution d’une société à responsabilité limitée126, et mettre dans l’objet de la société, le recouvrement des créances, alors aucune compétence juridique ou autre qualification scientifique n’est exigée. Cette mesure protectrice de l’activité concernée ne se trouve pas non plus dans la législation française. Par conséquent la porte demeure grande ouverte à l’affluence, ce qui met en péril la notoriété des autres sociétés sur le marché et le développent du

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- Les cabinets de recouvrement au Maroc se comptent par une centaine installés sur l’ensemble du territoire, la ville de Casablanca compte 59 cabinets de recouvrement, tandis que la région Tanger-Tétouan compte 12, informations soulevées de l’annuaire des professionnels au Maroc, voir http://www.telecontact.ma/ .option de recherche : recouvrements commerciaux et autres.

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-on trouve à titre d’exemple Reco Act ou encore Fin-flouss-Com.

125-annexe 4.

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-c’est la forme juridique la répandu de ces structures, il y’en a des cabinets qui ont opté pour la forme d’une société anonyme.

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recouvrement amiable au Maroc eu égard à l’image de non professionnalisme véhiculée par un grand nombre de ces sociétés.

De plus, un nombre important de ces structures utilisent des procédés dans leurs démarches publicitaires destinés à introduire le recouvrement forcé dans leurs attributions, induisant beaucoup de créanciers en erreur sur leur champ d’intervention, et dissuadant les débiteurs dans leurs attributions et prérogatives et missions. Sur ce problème, beaucoup d’entreprises de recouvrement ont répondu à travers les questionnaires qui leur ont été envoyés dans le cadre de cette recherche127, qu’ils recourent, en cas de non-paiement payer des créanciers, à la formulation des injonctions de payer auprès des tribunaux compétents. , Ceci n’est pas contraire au code de procédure civile au Maroc128, qui détermine, au sens de l’article 156 et 157 le tribunal compétent, les mentions qui doivent impérativement figurer sur la requête et les conditions de recevabilité de celle-ci, ne faisant point référence à la qualité de la personne qui formule la requête en injonction de payer, qu’il s’agisse du créancier lui-même ou de n’importe quel professionnel qui peut être mandaté à cet effet, sachant que les sociétés structurées disposent des conventions avec des avocats qui leurs permettent de recourir aux services de ces avocats chaque fois que la situation l’impose.

Cependant, dans le cadre des mêmes questionnaires, des sociétés de recouvrement déclarent qu’elles peuvent aller jusqu’à la représentation de leurs clients devant les juridictions civiles et commerciales, ce qui n’est pas conforme aux dispositions du code de procédure civile, qui, selon son article 33 dispose que le conjoint, un parent ou allié en ligne directe ou en ligne collatérale jusqu'au troisième degré inclusivement, sont les seuls ne jouissant pas, par profession, du droit de représentation en justice qui peuvent être mandatés par le demandeur à cet effet, à condition qu’ils puissent justifier de leur mandat par acte authentique ou sous-seing privé. Force est de constater que la représentation par les sociétés de recouvrement de leurs clients est illégale car elles ne jouissent pas, par profession, du droit de représentation devant les juridictions étatiques, à moins qu’elles ne remplissent la condition de lien familial prévue par l’article précité, sans quoi, cette représentation constitue une immixtion arbitraire dans la mission des avocats et de tout professionnel qui jouit par profession du droit de représentation en justice.

89. Il convient de souligner que l’absence d’un texte mettant en place les conditions

d’exercice et de mise en œuvre de cette activité conditionne ces sociétés à faire appel aux dispositions du droit commun. A ce titre, elles agissent dans le cadre des missions confiées par les créanciers par un mandat général en vertu de l’article 893 du dahir des obligations et contrats129. Quant à la mise en œuvre de leurs missions, la plupart affirment qu’elles

127-annexe 4.

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- Dahir portant loi n° 1-74-447 approuvant le texte du Code de procédure civile (B.O. 30 septembre 1974).

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-l’article 893 stipule : « Le mandat général est celui qui donne au mandataire le pouvoir de gérer tous les intérêts du mandant sans limiter ses pouvoirs, ou qui confère des pouvoirs généraux sans limitation dans une affaire déterminée.

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disposent de divers moyens de recouvrer une créance, s’attaquant d’emblée à l’envoi de lettres de relance destinées aux débiteurs employées selon les cas qui se présentent ou selon la chronologie de leur intervention.

En outre, ces sociétés détiennent également des bases de données qui leur permettent d’avoir des informations sur le débiteur et sa solvabilité, pour s’assurer si un débiteur a fait l’objet d’un fichage auparavant. Mais ces informations ne sont que des données recueillies et centralisées par la société pendant ses années d’exercice, et, par conséquent, il ne couvre qu’un nombre limité de débiteurs ou un rayon géographique circonscrit. Le cas échéant, elles font appel au service central des incidents de paiement(SCIP)130, ce qui reste seulement un moyen de savoir si l’intéressé a été fiché à la suite d’un incident relatif au chèque et non par rapport à un incident d’une autre nature.

90. Somme toute, on peut affirmer que l’intervention du législateur est primordiale en la

matière, car cela aidera ce secteur d’activité de manière certaine à évoluer et à contribuer vraisemblablement à la baisse du contentieux de l’impayé devant les juridictions étatiques. En effet la réglementation sera un facteur utile pour arrêter l’accroissement sans contrôle de ces entreprises, et aidera au regroupement de ces sociétés sous l’égide des organisations professionnelles qui veilleront à l’élaboration de codes d’éthiques et de déontologie131 qui serviront éventuellement à changer l’attitude du débiteur qui saura à qui il aura à affaire lors d’une quelconque négociation avec les sociétés de recouvrement.

2- Absence d’un code déontologique

91. Si le recouvrement amiable est perçu au Maroc comme un moyen dilatoire qui profite

aux débiteurs et à leurs intérêts132, on ne peut pas supposer que le recouvrement amiable progressera sans l’évolution des sociétés spécialisées et la revalorisation de leurs démarches entreprises lors d’un recouvrement. Cela, à défaut de réglementation, passe par la mise en place d’un code de conduite de ces entités qui jusqu’à présent ne se dotent d’aucune norme ou règlementation de cette nature.

Il donne le pouvoir de faire tout ce qui est dans l'intérêt du mandant, selon la nature de l'affaire et l'usage du commerce, et notamment de recouvrer ce qui est dû au mandant, de payer ses dettes, de faire tous actes conservatoires, d'intenter des actions possessoires, d'assigner ses débiteurs en justice, et même de contracter des obligations dans la mesure qui est nécessaire pour l'accomplissement des affaires dont le mandataire est chargé.

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- ce service est géré par la banque centrale Marocaine (Bank almaghrib). 131

- P. DIENER et M-L. MARTIN, Droit des affaires, éthique et déontologie, colloque organisé à Pointe-à-Pitre, L’HERMES, 1994.

132

-A. ABDELFETTAH ET A. DRIOUACHE, Recouvrement des créances bancaires, édition Top Management, 2000, p.8.

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Contrairement aux sociétés de recouvrement française, qui ont procédé, antérieurement à la mise en place du décret qui réglemente l’activité, à l’élaboration, sous l’égide d’organisations professionnelles, des règles de conduite propres à l’activité, qui ont permis d’assurer le minimum de normes déontologiques à l’égard des parties, et de veiller à garantir une protection efficace pour celles-ci. Cette action a été initiée par l’association nationale de cabinet de recouvrement(L’ANCR), qui a été la première à mettre en place une charte déontologique dont les lignes directrices reposaient sur des garanties que les adhérents doivent assurer aussi bien à l’égard de leur clients(les créanciers) qu’à l’égard des débiteurs, venant postérieurement la fédération nationale de l’information d’entreprise et de la gestion de créances(FIGEC) pour appuyer cet effort de moralisation, en instaurant un ensemble de code de conduite applicable à ses adhérents133.En revanche les sociétés de recouvrement au Maroc ne se sont pas investies dans cette cause en s’oubliant de l’importance de la déontologie et de l’éthique dans n’importe quelle activité.

En effet, à l’initiative de trois cabinets de recouvrement de créances qu’une première association d’entreprises de recouvrement a vu le jour, à dessein de regrouper ces professionnels, leur donner un cadre structuré et déontologique, veiller également à la promotion de cette activité en sensibilisant les chefs d’entreprises de l’intérêt de recourir au service de ces professionnels pour recouvrer une créance, que l’association Marocaine professionnelle des Etablissements de Recouvrement(AMPER), cependant celle-ci s’est épuisée vainement, déclare l’un des principaux acteurs de recouvrement de créances au Maroc134.

Toutefois, on a pu trouver quelques cabinets de recouvrement qui procèdent eux même à se fixer des règles déontologiques de conduite, à l’égard des créanciers et à l’égard des débiteurs, mais ça reste lacunaire et insuffisant compte tenu de l’absence d’une organisation professionnelle qui exerce un contrôle auprès de ces entités pour se rassurer de l’authenticité et du respect de ces engagements auto-exigés, à l’exemple des organisations professionnelles Françaises qui veillent sur la bonne conduite déontologique de leurs sociétés adhérentes, en leur imposant des sanctions draconiennes lors de tout manquement qui constitue une violation au code de conduite de celles-ci.

92. A ce propos, et compte tenu de la hausse de l’impayé que connait le Maroc135, les sociétés de recouvrement sont appelées à se regrouper sous l’égide d’une organisation

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-ces règles garantissent essentiellement : La transparence des transactions, la protection des intérêts des bénéficiaires, le respect des débiteurs, des relations contractuelles et des obligations légales et réglementaires, le professionnalisme des acteurs, la crédibilité de la profession et la représentativité de la profession.

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-M. Jamal Krim lors d’un entretien téléphonique tenu le 12/04/2012, considéré comme le doyen des sociétés de recouvrement au Maroc et le fondateur de l’un des premiers cabinets de recouvrement au Maroc, et président de l’AMPER. V., C.HENNEBICQUE, « chasseurs de dettes », VH magazine, décembre 2008, p. 47 et 48 ; N.FATHI, « Sociétés de recouvrement : Vive la crise ! », Journal Maghress,28 février2009.

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professionnelle capable de mettre des règles déontologiques de vigueur envers tout manquement de ces structures, en vue de donner une crédibilité à cette activité, et promouvoir le recouvrement amiable pour inciter les entreprises à y recourir et obtenir leur confiance par le biais de ces sociétés, dans le but de développer ce procédé qui s’est avéré efficace dans l’approche de diminution des affaires qui relèvent de l’impayé devant les juridictions civiles et commerciales.

Subséquemment, une telle organisation professionnelle appellera le législateur à intervenir pour réglementer ce secteur d’activité, et mettre en exergue tous les efforts éventuellement déployés dans ce sens.

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