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Le “situated emotional problem solving”

II.4 UNE APPROCHE ALTERNATIVE: L’ÉTUDE DU COPING EN TANT QUE RÉSOLUTION DE PROBLÈMES

II.4.3 LA RÉSOLUTION DE PROBLÈMES COMPLEXES ET LES “MICROMONDES”

II.4.3.3 Le “situated emotional problem solving”

C’est dans cette perspective que deux auteurs ont développé une approche écologique qu’ils ont appelée “situated emotional problem solving” (Kaiser & Wehrle, 1996), et que nous proposons de traduire par “résolution émotionnelle de problèmes en situation”.

Cette approche consiste à développer, sur la base des théories psychologiques actuelles, des scénarii qui se déroulent dans le cadre d’un micromonde (Kaiser & Wehrle, 1996). Chaque scénario correspond à un jeu expérimental spécifique, à l’occasion duquel il est possible d’étudier les comportements des individus en les reliant aux situations au cours desquelles ils ont été produits.

L’originalité de cette approche réside dans le fait d’utiliser des jeux d’ordinateur interactifs de type micromonde pour créer des situations capables d’induire des réactions émotionnelles, et pour étudier simultanément, et d’un point de vue dynamique, les processus émotionnels, cognitifs et

comportementaux impliqués dans la gestion de ces épisodes (Kaiser & Wehrle, 1996; Kaiser, Wehrle, & Edwards, 1994 ).

Pour permettre une telle approche, ces auteurs ont développé un outil appelé le GAME ou “Geneva Appraisal Manipulation Environment”, qui permet de créer une variété de jeux d’ordinateur expérimentaux dont le scénario peut être déterminé en fonction de l’objet de la recherche (Kaiser &

Wehrle, 1996).

A l’instar des micromondes décrits plus haut, les jeux expérimentaux conçus au moyen de cet outil sont complexes, dynamiques et opaques. Ils permettent un enregistrement automatique des conduites du sujet et de ses réponses à des questionnaires informatisés, ainsi que des caractéristiques objectives des situations rencontrées (Kaiser & Wehrle, 1996).

Dans ce contexte, les sujets sont amenés à produire des comportements stratégiques sous pression du temps (Kaiser & Wehrle, 1996), et de ce fait, les simulations développées au moyen du GAME peuvent être considérées comme stressantes de manière inhérente, au même titre que celles qui ont été décrites par Brehmer et Doerner (Brehmer & Doerner, 1993).

Les quelques études menées par le biais de la présente méthode ont montré que les jeux créés avec le GAME sont capables de provoquer différentes sortes d’émotions relativement intenses (Kaiser et al., 1994), et des différences inter-individuelles importantes ont été observées en termes de stratégies de jeu (Kaiser & Wehrle, 1996).

Ce dernier résultat fait penser que le GAME pourrait aussi être employé pour étudier la façon dont les individus gèrent les situations rencontrées dans ce type d’environnement, ces dernières étant capables d’induire des réactions émotionnelles importantes.

II.4.3.4 Conclusions

La méthodologie décrite ici, et qui consiste à employer des micromondes pour la recherche en psychologie, permet d’étudier dans le cadre de situations complexes et réalistes, une variété de réponses motivationnelles, émotionnelles, comportementales et physiologiques restées inaccessibles jusqu’à maintenant (Omodei & Wearing, 1995). Cette méthodologie, située à mi-chemin entre le laboratoire et le terrain, paraît être un moyen intermédiaire valable qui gagne à être exploré.

Outre les avantages liés à l’utilisation des micromondes dans la recherche en psychologie (Brehmer

& Doerner, 1993; Funke, 1988, 1992), plusieurs auteurs ont décrit les avantages liés à l’emploi de jeux d’ordinateur dans la recherche en psychologie (Donchin, 1995; Kaiser & Wehrle, 1994 ; Kaiser, Wehrle, & Schmidt, 1998 ), tandis que d’autres ont noté l’utilité des ordinateurs ou des jeux

A notre connaissance, les micromondes n’ont pas encore été employés dans la recherche sur le coping, y compris par les chercheurs qui ont comparé ce processus à la résolution de problèmes.

Cette méthodologie nous paraît cependant adéquate pour étudier certains aspects observables du processus de coping, c’est ce que nous avons tenté de faire dans le cadre de ce travail.

III. Objectif

Comme nous l’avons vu plus haut, alors que certains auteurs soulignent la nécessité d’étudier la façon dont les adolescents gèrent les situations stressantes qu’ils rencontrent (Compas et al., 2001), d’autres font part de leur mécontentement quant au retard des recherches dans le domaine du coping en général, retard qui serait dû en grande partie à des problèmes méthodologiques (De Ridder, 1997; Scherer, 1990 ).

Dans la plupart des méthodes employées traditionnellement, tant chez l’adulte qu’auprès des adolescents, le rapport verbal reste un intermédiaire quasi exclusif entre la réalité du coping et le chercheur. Or, nous sommes précisément intéressés à savoir ce que les adolescents font au moment même où ils sont dans une situation stressante, sans passer par cet intermédiaire. Et si cet accès indirect est le seul moyen, à notre connaissance, d’appréhender les efforts que les individus font à un niveau cognitif, il n’en va pas de même pour la partie visible des processus de coping.

La méthodologie des micromondes semble résoudre une partie des problèmes rencontrés dans la recherche actuelle sur le coping, et pourrait être un bon complément aux méthodes traditionnelles basées sur le rapport verbal. Plus particulièrement, l’approche du “situated emotional problem solving” nous paraît appropriée pour étudier les aspects comportementaux du coping, tel que ce processus peut se manifester dans un environnement complexe. Nous avons donc voulu explorer cette méthodologie nouvelle pour étudier le coping des adolescents.

III.1 DÉFINITION

Plus précisément, nous avons eu pour objectif d’analyser, in situ, les comportements de coping des adolescents, dans différents types de situations stressantes, simulées dans le contexte d’un jeu d’ordinateur interactif créé au moyen du GAME (Wehrle, 1996).

Le jeu d’ordinateur interactif que nous avons choisi d’employer n’existait pas encore au moment où nous avons décidé d’entreprendre cette recherche. Il a été créé spécialement au moyen du GAME (Wehrle, 1996), et son développement constitue une partie intégrante de notre objectif.

Nous avons donc mis au point un jeu d’ordinateur expérimental pour étudier la façon dont les adolescents gèrent les situations qu’ils rencontrent dans ce contexte, de même que des procédures informatisées permettant l’analyse de ces données expérimentales.

Par “in situ” nous entendons que les comportements réalisés par les adolescents pour gérer les situations rencontrées doivent être observés d’abord, puis mesurés et analysés, en rapport avec leur contexte, c’est à dire en fonction des propriétés de l’environnement spécifiques au moment où ils ont été produits, et sans a priori. Nous avons donc voulu explorer les conduites telles qu’elles se manifestent dans leurs conditions propres, et sans que leur mesure soit biaisée ou limitée par des catégories préétablies, sur des bases théoriques par exemple.

Les comportements de coping se réfèrent à tout ce que la personne met en œuvre intentionnellement dans ce contexte, et qui peut être enregistré ou mesuré, sans que le recours à un rapport verbal y soit la voie d’accès exclusive. Cette définition repose sur la conception transactionnelle du coping qui veut que seules les réponses qui impliquent un effort conscient soient considérées comme du coping (Lazarus & Folkman, 1984).

Les différents types de situations stressantes font référence aux trois sortes de situations stressantes décrites dans le modèle transactionnel du stress et du coping (Lazarus & Folkman, 1984), ainsi qu’à la notion de contrôlabilité. Lorsqu’une situation est évaluée comme excédant les ressources de l’individu, c’est à dire comme stressante, elle peut prendre trois formes différentes : il peut s’agir d’une perte ou d’un échec, d’une menace, ou d’un défi (Lazarus & Folkman, 1984). Nous avons eu pour but de faire varier les conditions expérimentales afin que les adolescents aient à gérer, dans le contexte de ce jeu d’ordinateur, des situations qui sont prototypiques de chacune de ces trois sortes de stress.

Aussi, la contrôlabilité faisant partie des caractéristiques objectives de chaque situation stressante (Perrez & Reicherts, 1992), nous avons voulu manipuler cette dimension afin que les adolescents soient confrontés à la fois à des situations relativement contrôlables, et à la fois à des situations où pas grand chose ne peut être fait, sachant que les comportements de coping peuvent être très différents dans l’une ou l’autre de ces situations.

III.2 IMPLICATIONS

Défini ainsi, notre objectif a plusieurs implications. D’abord, il comprend déjà l’emploi d’une méthode spécifique, puisque dès le départ notre but a été d’explorer les possibilités d’une méthodologie nouvelle.

Si nous avons choisi d’utiliser le GAME pour développer un jeu d’ordinateur expérimental, c’est principalement en raison de l’approche écologique associée à cet outil. En plus du fait qu’elle permet de replacer les comportements dans le contexte où ils ont été produits, cette approche rend possible une exploration des comportements in situ, sans catégorisation ni sélection préalable. Cette

particularité répond à notre objectif, à savoir observer les comportements et laisser parler la réalité des faits, le plus objectivement possible, sans dépendre exclusivement du rapport verbal des individus, et en adoptant une approche inductive.

Le choix de cette méthode a eu pour effet que l’objet de notre observation se situe à cheval entre deux domaines théoriques et de recherche, à savoir le coping et la résolution de problèmes. Si nous avons repris une méthode développée dans le domaine de la résolution de problèmes complexes, notre conception du coping se base essentiellement sur le modèle transactionnel du stress et du coping, et sur les données actuelles de la recherche dans ce domaine.

L’emploi de cette méthode pour étudier le coping auprès d’une population d’adolescents constitue une nouveauté, ce qui a entraîné pour nous la nécessité de créer notre outil de recherche, ainsi que la façon d’analyser les données qui en sont issues. Pour cette raison, l’ensemble de notre travail est de nature exploratoire, et ce statut a été déterminant à différentes étapes de notre démarche. Aussi, pour commencer, nous n’avons pas émis des hypothèses de recherche, mais avons plutôt formulé des questions auxquelles nous avons tenté de répondre.

Ensuite, la construction de notre outil de recherche ainsi que des moyens pour en analyser les données, a été largement guidée par les questions qui nous intéressaient. De même ces questions n’ont pu être opérationnalisées qu’au fur et à mesure de l’élaboration du jeu expérimental et des procédures destinées à en analyser les données.

Ces questions sembleraient bien trop abstraites si nous les exposions en détail avant que le lecteur n’ait pris connaissance de certains points liés à la méthode employée. Ceci étant, nous nous permettons de ne donner à ce stade qu’un très bref aperçu des questions qui ont été traitées dans ce travail. Ce n’est que par la suite, après un descriptif détaillé de la méthode, et avant de les traiter, que nous présenterons une à une la façon dont ces questions ont été opérationnalisées.

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