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SEPTIÈME QUESTION : COPING ET ÉVALUATION COGNITIVE Si l’on se réfère au modèle de Lazarus (Lazarus & Folkman, 1984), et comme exposé dans la partie

“SCORE DE CONFRONTATION”

V.8 SEPTIÈME QUESTION : COPING ET ÉVALUATION COGNITIVE Si l’on se réfère au modèle de Lazarus (Lazarus & Folkman, 1984), et comme exposé dans la partie

théorique de ce travail, les processus d’évaluation cognitive (appraisal) et de coping sont en constante interaction dès lors qu’une situation est évaluée par l’individu comme stressante. Ainsi, la façon dont la situation est évaluée a un effet déterminant sur les émotions ressenties (Scherer, 1984) et sur les efforts qui vont être déployés pour y faire face, tandis que ces derniers et leurs résultats sont constamment réévalués, et déterminent ainsi la suite des événements (Lazarus & Folkman, 1984).

Dans le cadre du jeu expérimental, nous avons tenu à vérifier si des liens peuvent être établis entre l’évaluation cognitive des situations et le coping des adolescents. Dans ce but quelques variables ont été sélectionnées sur la base de la littérature pour leur lien reconnu avec le coping, et ont été intégrées aux questionnaires automatiques apparaissant après chaque situation du jeu et à la fin de celui-ci.

Etant donné qu’au moment de formuler ces questions, nous ne savions pas quels seraient les résultats des premières questions de recherche, aucune hypothèse spécifique concernant ces liens n’a pu être formulée au préalable, et cette septième question consiste à se demander s’il y a un lien entre ces différents aspects de l’évaluation cognitive et les conduites observées dans ce contexte.

V.8.1 MESURES

Pour l’étude de cette question, le score moyen d’adaptation, de même que les scores obtenus sur les trois types de coping retenus, et le score de confrontation, ont été employés (variables nos. 552, 554, 555, 596 et 867). Ils ont été mis en relation avec les scores de stress perçu, d’attribution causale lors de situations négatives, de contrôlabilité et de confiance en soi, de volonté de compétition, et de satisfaction, autrement dit avec les variables nos. 59, 58, 82, 83, 79, 85, 84, 76, 77, 78 et 81.

V.8.2 MÉTHODE D’ANALYSE

Comme pour la question précédente, la relation entre des paires de variables quantitatives a été mesurée au moyen d’une analyse de corrélation, tandis que pour évaluer le lien entre une variable qualitative et une variable quantitative, c’est une analyse de variance (ANOVA) qui a été réalisée.

V.8.3 RÉSULTATS ET DISCUSSION

Comme on peut le voir dans la table no. 25, très peu de liens ont été trouvés entre l’évaluation cognitive et le coping, mais les quelques relations significatives qui ont tout de même pu être mises en évidence font sens.

Table no. 13 : Corrélations entre types de coping, score d’adaptation et évaluation cognitive

r =

Coping de base

Coping stratégique

Coping de protection

Score de confrontation

Score d’adaptation Stress engendré par le

jeu expérimental -.061 .090 -.184 .061 .182

Stress dû à l’expérience

en laboratoire -.195 .078 -.067 .050 -.017

Attribution externe /

situations négatives .011 .040 -.206 .251 .018

Attribution interne /

situations négatives -.062 -.178 -.201 .037 -.334*

Contrôlabilité générale .298 t .224 .136 .045 -.116

Confiance en soi .120 .311* -.050 .123 .172

Volonté de compétition .139 .095 -.032 .163 -.002

Satisfaction générale .018 .374* -.264 t .352* .199

Notes : t = tendanciel ; * = p ≤ .05 ; ** = p ≤ .01 ; *** = p ≤ .001. Fond Gris = significatif à p ≤ .05.

Relevons tout d’abord que tant les trois types de coping, que la capacité d’adaptation aux situations rencontrées, ou le score de confrontation, n’entretiennent aucun lien significatif avec le stress perçu, avec l’attribution externe, et avec la volonté de compétition.

Ces résultats indiquent que les personnes qui ont été plus stressées dans ces situations n’ont pas eu une manière différente d’agir que celles qui étaient moins stressées, alors qu’on aurait pu s’attendre à des différences qualitatives du type de celles que Doerner a trouvées (Doerner & Pfeifer, 1993).

En effet, lorsqu’il a comparé les conduites de deux groupes de joueurs dans le contexte d’un jeu d’ordinateur de type micromonde, les joueurs du premier groupe n’étant pas “sous stress”, et ceux du deuxième groupe étant placés dans une condition stressante (bruits discontinus à durée et intensité variable), cet auteur a trouvé des différences importantes à différents niveaux (Doerner &

réactions “sur dosées”, par une moindre variété des conduites, et par une tendance à ré-agir aux problèmes qui surviennent, au lieu de tenter de les prévenir (Doerner & Pfeifer, 1993).

Ces sujets ne commettent pas plus d’erreurs que les autres, et s’ils effectuent nettement plus de conduites, celles-ci ont souvent peu d’utilité tout en étant coûteuses pour le joueur (Doerner &

Pfeifer, 1993). Selon cet auteur, tout se passe comme si les sujets en condition de stress adoptaient un mode de fonctionnement qui consiste à traiter les problèmes de façon découpée, un aspect après l’autre, ce fonctionnement ayant pour avantage de favoriser la reconnaissance des caractéristiques précises des situations, et d’éviter de se perdre dans des détails (Doerner & Pfeifer, 1993).

Au vu de ces résultats, si l’on considère le fonctionnement “découpé” qui consiste à régler les problèmes rencontrés au fur et à mesure qu’ils surviennent, sans chercher à les prévenir, alors le stress perçu dans notre jeu expérimental aurait pu entretenir un lien négatif avec le coping stratégique et avec le coping de protection, et positif avec le coping de base, les comportements de ce dernier type étant justement de type ré-actif plutôt que préventif, et souvent inadaptés aux circonstances. Aussi, si les sujets stressés ont tendance à réaliser des comportements peu adaptés (Doerner & Pfeifer, 1993), on aurait pu s’attendre à une corrélation négative entre capacité d’adaptation et stress perçu.

Le fait que nos résultats ne ressemblent en rien à ceux de Doerner, et que dans notre expérience le stress n’entretienne pas de relation avec le coping pourrait s’expliquer de deux manières.

Premièrement, dans l’expérience de Doerner, ce sont des différences entre deux groupes qui sont observées, le premier n’ayant “pas de stress” et le deuxième étant placé dans des conditions de stress. Ainsi ce n’est pas la sensibilité des personnes au stress qui est mesurée, mais bien l’effet d’une condition expérimentale sur le comportement des individus, indépendamment du vécu subjectif, et sans graduation possible.

Deuxièmement, notre jeu expérimental a pour but principal de mesurer la gestion du stress, il a donc été conçu de manière à ce que tous les sujets y soient confrontés, et disposent de moyens pour y faire face, tandis que dans l’étude de Doerner, le stress est négatif, extérieur à la tâche que le sujet doit compléter, et le but n’est pas d’y faire face mais de parvenir à fonctionner malgré les perturbations engendrées par celui-ci, les sujets n’ayant aucun moyen de le réduire ou de le gérer à proprement parler. Ainsi, les quatre variables retenues pour représenter le coping dans notre expérience font référence à des stratégies de gestion du stress et non pas au fonctionnement du sujet malgré la constance de celui-ci.

L’absence de lien entre volonté de compétition et coping indique que la motivation des sujets, ou l’importance que ceux-ci ont accordé à l’idée de figurer parmi les dix meilleurs joueurs, n’a pas eu

de lien avec la façon dont ils ont géré les situations rencontrées. On aurait pu peut être s’attendre à ce que les personnes plus motivées se donnent plus de peine, et fassent plus d’efforts en tous genres, que celles qui étaient moins motivées. Cependant, ces résultats sont peu surprenants puisque le jeu expérimental a été conçu de manière à ce que, indépendamment de leur motivation à gagner des points, les individus soient pris dans des situations de stress où ils n’ont pas d’autre choix que de se donner de la peine, et faire de leur mieux pour observer la consigne qui leur est donnée.

Les résultats relatifs à l’attribution causale dans ce jeu peuvent sembler à priori surprenants. En effet, dans la littérature en psychologie, l’attribution causale interne est généralement considérée comme une ressource positive pour le coping (Holahan et al., 1996; Lazarus & Folkman, 1984), et le bien être (Taylor & Brown, 1988). Selon ce dernier auteur, l’illusion de maîtrise et la perception d’un contrôle exagéré feraient partie du fonctionnement normal de l’individu, et auraient pour fonction de maintenir une image de soi positive ; cet “optimisme irréaliste” favoriserait entre autres la capacité de s’engager dans un travail productif, et serait particulièrement utile lorsqu’une personne est menacée (Taylor & Brown, 1988), comme c’est le cas dans une situation de stress.

Dans cette même optique, l’attribution causale externe est quant à elle considérée comme nuisible car elle entraînerait un sentiment d’impuissance face aux situations rencontrées, et découragerait de ce fait le recours à des efforts de coping centrés sur le problème (Lazarus & Folkman, 1984).

Dans la présente expérience cependant, où les scores d’attribution causale se réfèrent uniquement à des situations négatives, il semblerait que cela soit le contraire : les personnes qui s’attribuent moins à elles-mêmes ce qui leur arrive de négatif, ont plus confiance en leurs capacités de gérer les situations rencontrées (r = -.521, p ≤ .01), et produiraient des comportements plus adaptés aux circonstances. Malgré l’absence de lien entre attribution causale externe et coping, ces résultats relatifs à l’attribution interne vont dans le même sens que les résultats de plusieurs auteurs qui se sont intéressés spécifiquement à des situations négatives.

Ainsi Perrez et collègues ont montré que le fait d’attribuer un événement négatif à des causes externes, avait un effet positif sur les émotions ressenties à très court terme (Perrez, Wilhelm, Schoebi, & Horner, 2001). Snyder a montré, quant à lui, que l’attribution d’un échec à des facteurs externes, et non pas à la performance propre, avait un effet positif sur l’estime de soi, l’attribution d’une situation négative (perte d’emploi) à des causes internes prédisant une faible estime de soi et de la dépression (Snyder & Higgins, 1988). De ces différents résultats nous retiendrons donc que l’attribution à des causes internes n’a pas seulement des effets positifs, puisque dans des situations stressantes négatives, elle pourrait même s’avérer nuisible.

Dans le contexte de notre jeu expérimental, et comme spécifié dans la partie méthode, la notion de contrôlabilité fait référence aux propriétés générales des situations qui ont été manipulées, comme par exemple le nombre d’ennemis présents, la vitesse de jeu, etc. tandis que le potentiel actuel de coping du sujet se réfère à l’état de l’agent à un moment précis, dépendant notamment des outils dont il dispose, des agents en réserve qui lui restent, etc. (Kaiser & Wehrle, 1996).

Au vu de cela, et comme déjà mentionné plus haut, les items portant sur la contrôlabilité générale des situations, et sur la confiance que les individus ont en leurs propres capacités de gérer les situations rencontrées, ont été volontairement formulés d’une manière très différente l’un de l’autre, et il semblerait que ces deux variables n’entretiennent pas les mêmes liens avec le coping.

La première de ces questions porte essentiellement sur combien la personne pense que, indépendamment de ses capacités propres à ce moment précis, quelqu’un en général peut faire quelque chose dans pareille situation. La deuxième question, quant à elle, concerne l’impression que le sujet a, d’avoir les capacités nécessaires pour en ce moment même, gérer correctement la situation, indépendamment de combien celle-ci est réellement difficile.

Comme le montre la table ci-dessus, la contrôlabilité générale tend à être liée au coping de base seulement, tandis que la confiance en soi est liée significativement au coping stratégique. Si l’on considère ces deux résultats, en partant du principe que l’évaluation cognitive est un corrélat du coping, alors il semble que le fait de penser de manière générale que quelque chose peut être fait dans une situation donnée, soit lié au nombre d’efforts élémentaires fournis, mais ces efforts ne sont pas ciblés, et si l’on se rappelle l’absence de lien entre coping de base et capacité d’adaptation, ces efforts sont rarement efficaces.

En revanche, les personnes qui ont confiance en leurs propres capacités de faire face s’attaquent plus directement au problèmes rencontrés, et ce type de coping s’est montré nettement plus efficace.

On peut donc dire pour résumer ces interprétations, que le fait de percevoir des situations comme contrôlables augmente le nombre d’efforts fournis, et fait que les personnes ont tendance à être moins passives de manière générale. Mais ces efforts ne sont pas forcément utiles ni suffisants, de ce fait il est nécessaire d’avoir aussi confiance en ses propres capacités de coping, puisque les personnes qui se sentent capables d’affronter les situations tentent réellement plus d’agir directement sur les conditions qui sont à l’origine du stress, ces stratégies s’étant avérées plus efficaces.

Enfin, la satisfaction que les sujets retirent de la façon dont ils ont géré les situations rencontrées est liée significativement au coping stratégique et au score de confrontation, et tendanciellement, mais négativement, au coping de protection. Ces résultats laissent penser que le fait d’agir sur les

conditions qui sont à l’origine du stress, procure un sentiment de satisfaction, tandis que le fait de se protéger momentanément sans chercher à modifier durablement les paramètres qui mettent en danger l’agent, laisse une impression négative aux individus, puisque ceux-ci n’ont pas le sentiment d’avoir bien géré les situations.

Pour conclure, on peut dire que parmi les variables liées à l’évaluation cognitive qui ont été mesurées, l’attribution causale interne, la confiance en soi, la satisfaction, et la contrôlabilité générale sont les seules qui entretiennent des liens tendanciels ou significatifs avec le coping, liens qui restent relativement faibles même s’ils font sens.

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