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Coping adapté vs. inadapté

II.1.3 ETAT ACTUEL

II.1.3.3 Coping adapté vs. inadapté

La question d’efficacité ou d’adaptabilité est présente implicitement dans presque toutes les descriptions du coping (Matthews et al., In press). En principe, pour dire d’un coping qu’il est adapté, il faudrait pouvoir prendre en compte son contexte et se baser sur un certain nombre de critères (Matthews et al., In press). Mais aucun de ces critères n’est universel (Zeidner & Saklofske, 1996), et le choix de ceux qui sont à prendre en compte n’est pas trivial puisque les conclusions sur l’efficacité du coping en dépendent (Matthews et al., In press, p. 17).

Pour juger de l’efficacité du coping en référence à une situation particulière, les critères les plus courants sont (Matthews et al., In press, pp. 17-19 ; Zeidner & Saklofske, 1996, p. 508) :

• la résolution du conflit ou de la situation stressante (autant que possible)

• une réduction des réactions physiologiques et biochimiques (respiration, rythme cardiaque, etc.)

• une réduction de la détresse psychologique, et le maintien de l’anxiété dans des limites supportables

• un fonctionnement social normatif, c’est-à-dire que les comportements qui ont été mis en œuvre ne sont pas déviants par rapport à ce qui est socialement acceptable

• une reprise des activités routinières qui avaient lieu avant l’événement stressant

• le bien-être de l’individu qui est directement confronté à la situation, et des différentes personnes concernées par celle-ci

• le maintien d’une estime de soi positive

• l’efficacité perçue: l’individu doit au moins avoir l’impression que sa façon de faire face lui a été utile.

Ces différents critères ne sont pas toujours pertinents: lors d’une maladie grave par exemple, la situation ne peut pas être vraiment résolue au sens où l’élément qui est à l’origine du stress ne peut pas être supprimé ou amoindri. De même, la reprise des activités qui précédaient l’événement ne

sont un critère pertinent que si la routine qui précédait ne posait pas de problèmes en soi, et n’était pas précisément à l’origine du stresseur, etc.

Le choix des critères à considérer doit rester souple, et prendre en compte des particularités de la situation, mais pas seulement: la bonne résolution d’une situation stressante empiète parfois sur la gestion d’une autre situation stressante (Zeidner & Saklofske, 1996).

Perrez et Reicherts (Perrez & Reicherts, 1992, p. 161 et suivantes) ont proposé une façon d’évaluer le degré d’adéquation du coping dans une situation donnée, qui tient compte à la fois des propriétés objectives de la situation, de l’évaluation subjective qu’en fait le sujet, et de ses buts dans la présente situation (Perrez & Reicherts, 1992). Cette évaluation est basée sur trois critères, appelés ici des “règles de comportement” (“behavior rules”) (Perrez & Reicherts, 1992, pp. 163-164):

1) Le dit comportement doit faire partie de ceux qui sont recommandés dans la situation en question parce qu’ils se sont avérés efficaces dans de telles conditions internes et externes

2) les coûts et les effets négatifs doivent être compensés de manière acceptable par les bénéfices

3) les moyens mis en œuvre doivent être éthiquement acceptables.

Une méthode d’auto-observation a aussi été développée par ces mêmes auteurs (Perrez, Horner, &

Morval, 1998; Reicherts, 1999 ), dans le but de pouvoir évaluer le degré de conformité à ces règles dites aussi “cognitivo-comportementales”. Plus précisément, des recherches ont été menées dans lesquelles les sujets, au moyen d’un ordinateur de poche, décrivent certaines propriétés des événements stressants auxquels ils sont confrontés13, et rapportent les stratégies qu’ils mettent en œuvre pour y faire face, de même que leur vécu émotionnel (Perrez et al., 1998; Reicherts, 1999 ).

Sur la base de ces données, les auteurs peuvent déterminer dans quelle mesure les stratégies de coping mises en place sont conformes aux trois règles sus-mentionnées (Perrez et al., 1998), ce qui semble constituer une percée importante dans la recherche sur le stress et le coping.

Cependant, cette méthode n’étant pas encore très répandue, il est rare d’avoir accès à des informations aussi précises sur le déroulement des situations stressantes qui font le quotidien des individus. Aussi, même pour les rares cas où l’on disposerait de toutes ces informations, il semble

13 Notons qu’en répondant aux questions de l’ordinateur, les sujets décrivent l’évaluation cognitive qu’ils font des

que les effets ou résultats du coping donnent plutôt lieu à un pattern de coûts et de bénéfices de type qualitatif, qui serait très difficile à quantifier (Matthews et al., In press).

Actuellement, bien que beaucoup d’auteurs reconnaissent que la notion d’efficacité est propre à une situation spécifique et relative à un ensemble de critères choisis (Matthews et al., In press), l’évaluation du coping est le plus souvent basée sur un nombre très restreint de ces critères.

Une des méthodes les plus courantes pour évaluer le coping consiste à rechercher des liens entre d’une part, l’utilisation de stratégies relatives aux principales dimensions de coping, et d’autre part, un certain nombre de variables qui sont soit des indices de symptomatologie psychique, comme la dépression ou l’anxiété, soit qui sont liées à la personnalité ou au fonctionnement psychique, et qui ont déjà été mises en relation avec la psychopathologie.

Les situations de stress rencontrées par les individus étant par définition très variées, il faut relever qu’à la base, un comportement adapté nécessite un vaste répertoire de stratégies et de ressources, mais aussi la capacité d’en faire un usage flexible, combiné et créatif (Holahan et al., 1996;

Matthews et al., In press ).

Notons que certaines stratégies de coping sont de nature inadaptée quelle que soit la situation dans laquelle elles sont mises en œuvre, parce qu’elles ne contribuent qu’à empirer la situation pour l’individu, même si parfois elles procurent un soulagement de courte durée (Matthews et al., In press). Parmi ces stratégies figurent l’abus de substances comme l’alcool ou la drogue (Zeidner &

Saklofske, 1996), ainsi que les comportements qui impliquent une prise de risques importante comme la conduite à haute vitesse (Matthews et al., In press).

Le coping centré sur le problème, orienté vers la tâche ou de contrôle primaire, est considéré comme adapté par l’ensemble des chercheurs, surtout dans des situations où quelque chose peut être fait par la personne pour gérer la menace ou modifier les conditions qui sont à l’origine du stress (Zeidner & Saklofske, 1996). Les personnes qui essaient de gérer le problème tendent à mieux s’adapter aux stresseurs rencontrés, et à présenter moins de symptômes psychologiques que ceux qui se focalisent sur les émotions ressenties (Holahan et al., 1996).

Certains auteurs ont considéré que le coping orienté vers l’émotion, centré sur la personne, ou encore de contrôle secondaire est mal adapté, alors que d’autres auteurs sont arrivés à une conclusion inverse (Matthews et al., In press), et le moment où les effets sont évalués explique peut-être cette divergence: il semblerait en effet qu’à court terme, le fait de maintenir la détresse émotionnelle dans des limites gérables reflète un coping efficace (Matthews et al., In press). Par contre, lorsque les effets sur le long terme sont pris en compte, il apparaît parfois qu’il eût été

préférable de pouvoir exprimer au départ ses émotions sans trop de retenue (Matthews et al., In press).

Par ailleurs, les personnes qui présentent plus de symptômes dépressifs et celles qui souffrent d’anxiété disent utiliser plus de coping orienté vers l’émotion que de coping orienté vers la tâche (Endler & Parker, 1990). Aussi, il semblerait que les réponses de coping lors d’une situation de stress extrême puissent prédire la survenue d’un syndrome de stress post-traumatique (PTSD)14 (Zeidner & Saklofske, 1996): chez des anciens combattants souffrant de ce syndrome, la sévérité des symptômes est liée positivement avec l’emploi de stratégies centrées sur l’émotion, et négativement avec l’emploi de stratégies centrées sur le problème (Zeidner & Saklofske, 1996).

Pour des auteurs comme Stanton ou Semmer cependant (Semmer, 2003; Stanton, Danoff Burg, Cameron, & Ellis, 1994), il convient d’examiner de plus près la façon dont le coping centré sur l’émotion est mesuré, avant de le considérer comme dysfonctionnel. Stanton a montré, en effet, que la plupart des échelles censées mesurer le coping centré sur l’émotion, sont constituées d’items dont le contenu est très proche de certains symptômes de psychopathologie (Stanton et al., 1994). Ainsi, au lieu de mesurer des stratégies mises en place volontairement pour gérer une situation de stress, ou le vécu émotionnel y relatif, ces items mesurent plutôt le degré auquel la personne est affectée par la situation, autrement dit le stress perçu et l’incapacité de l’individu à réguler ses émotions, ou à fonctionner en dépit de celles-ci (Semmer, 2003). Au vu de cela, il n’est donc pas étonnant que le coping centré sur l’émotion, tel qu’il est mesuré par de tels items, ait été associé à des problèmes de santé physique et mentale (Semmer, 2003; Stanton et al., 1994).

Stanton (Stanton et al., 1994) a montré par contre que, lorsque cette forme de coping est mesurée par des items qui font strictement référence à des stratégies “d’approche centrées sur l’émotion”

(“emotional approach coping”), incluant notamment des efforts pour identifier, comprendre et exprimer le vécu émotionnel, elle peut s’avérer tout à fait adaptée. Entre autres, ces stratégies d’approche centrées sur l’émotion peuvent dans certains cas être nécessaires, dans un premier temps, afin de permettre à l’individu de retrouver sa capacité de réflexion, et de recourir dans un deuxième temps, à des stratégies centrées sur le problème (Semmer, 2003). Les études menées avec la méthode d’auto observation de Reicherts semblent aller dans ce sens (Reicherts, 1999), indiquant la nécessité de pouvoir aussi mesurer le coping et ses effets à différents moments d’une situation stressante (Semmer, 2003).

14 Le syndrome de stress post-traumatique, en anglais le “post-traumatic stress disorder”, est un trouble psychique qui résulte d’une situation de stress extrême lorsque celle-ci est vécue par l’individu comme un traumatisme, et qui est

Les différents éléments apportés ici montrent que, lorsqu’il est mesuré convenablement, le coping centré sur l’émotion peut s’avérer adapté, ce qui ne veut pas dire pour autant que ce type d’efforts se suffit à lui-même, ou remplace des efforts de coping centrés sur le problème.

Le coping d’évitement quant à lui, ne semble pas avoir le même résultat, selon que l’on considère le court ou le long terme. A court terme, il apparaît que l’évitement permet de maintenir un équilibre émotionnel (Matthews et al., In press), de réduire le stress ou l’anxiété (Parker & Endler, 1992), et d’échapper à une pression constante (Zeidner & Saklofske, 1996). Les stratégies cognitives d’évitement semblent particulièrement efficaces pour supporter la douleur, le bruit ainsi que des traitements médicaux pénibles (Matthews et al., In press). A long terme cependant, les différentes stratégies regroupées sous le terme d’évitement semblent porter préjudice au bien-être des individus (Matthews et al., In press).

En résumé, il semblerait, d’un point de vue très général, que les stratégies de coping centrées sur l’émotion et d’évitement sont adaptées et efficaces surtout à court terme, mais que dans des situations où l’individu a la possibilité d’agir pour modifier les conditions qui sont à l’origine du stress, ces formes de coping ne doivent pas dépasser une certaine importance, et encore moins remplacer le recours à des stratégies orientées vers la tâche. Dans de telles situations, les efforts orientés vers la personne ou d’évitement doivent donc nécessairement être complétés par des stratégies centrées sur le problème qui s’avèrent plus efficaces à long terme (Matthews et al., In press).

Après cette description un peu abstraite de ce qui est adapté, voici quelques hypothèses avancées pour tenter d’expliquer ce qui se passe dans certains cas où le stress n’est pas géré de manière adéquate.

Etant donné la variété des processus impliqués plus ou moins directement dans le coping, les raisons d’un coping inadapté sont multiples, et très variables d’un individu à l’autre (Matthews et al., In press). Cet auteur en donne quelques exemples (Matthews et al., In press, pp. 28-29):

• il peut s’agir d’une évaluation incorrecte de la situation à un niveau peu conscient

• l’évaluation consciente peut être erronée en raison d’une surcharge d’information

• un manque de connaissance des normes sociales en vigueur peut entraîner un comportement inapproprié

• une stratégie de coping adéquate peut être choisie mais l’individu n’a pas les capacités nécessaires pour la mener à bien

• choix d’une stratégie de coping adéquate, que la personne est capable de réaliser en principe, mais qui échoue pour d’autres raisons.

Comme le montrent ces exemples, l’origine d’un coping dysfonctionnel est à rechercher à différents niveaux et relativement à toutes les variables qui, d’une manière ou d’une autre, influencent ce mécanisme.

A ce stade, les différentes stratégies et dimensions de coping ont été décrites sans qu’il ne soit fait référence aux personnes qui en font usage. Des liens ont cependant été mis en évidence entre ces mêmes dimensions et certaines caractéristiques de la personnalité ou du fonctionnement psychique.

Nous avons tenté d’en décrire brièvement quelques-uns.

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