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IMPORTANCE DES STRESSEURS À L’ADOLESCENCE

II.2 ADOLESCENCE, STRESS ET COPING

II.2.1 IMPORTANCE DES STRESSEURS À L’ADOLESCENCE

L’étude du stress à l’adolescence est à la fois intéressante et importante, notamment parce que la nature des événements de vie, ainsi que leur lien avec la santé, semblent différents de chez les adultes (Compas, 1987).

Selon Compas (Compas, 1987), les chercheurs, qui, comme Danish ou Hultsch et Plemons16, se sont intéressés aux événements de vie à l’adolescence dans la perspective du “Life Span”, ont considéré ceux-ci comme des états de déséquilibre qui précèdent et rendent possible le développement. Un certain nombre d’événements de vie sociaux et biologiques sont propres à cette période, comme par exemple la croissance physique, les changements endocriniens, l’évolution des rôles sociaux et familiaux etc., et auraient entre autres pour particularité, bien plus que les événements vécus par les adultes, d’être fortement liés à l’âge (Compas, 1987).

16 Cités par Compas (Compas, 1987).

Faisant partie du développement normatif, ces événements peuvent être anticipés, et ne deviendraient problématiques que s’ils ne se produisent pas au moment où ils sont attendus (Compas, 1987). Ainsi par exemple, des événements qui ont lieu très précocement peuvent altérer plus ou moins directement le cours du développement subséquent (Compas, 1987).

Un certain nombre de tâches développementales, qui doivent être remplies par l’adolescent en l’espace de cinq à dix ans, ont aussi été associées à cette période (Seiffge-Krenke & Shulman, 1990). Parmi celles-ci se trouvent le désengagement par rapport à la famille et un investissement dans des relations extra-familiales, la restructuration de l’identité, la construction de relations hétérosexuelles, et le choix d’un métier (Seiffge-Krenke & Shulman, 1990).

Outre ces éléments normatifs auxquels les adolescents doivent faire face, et qui sont propres à l’adolescence, les adolescents rencontrent aussi des événements majeurs qui ne sont pas normatifs.

Ainsi l’association entre le coping et l’ajustement psychologique a été étudiée relativement à un grand nombre de stresseurs comme la maladie de l’adolescent ou d’un des parents, la douleur, le conflit parental ou familial, des difficultés économiques de la famille, le divorce parental, les problèmes relatifs au groupe de pairs, l’adoption, le stress académique, les abus sexuels, les désastres naturels, la guerre, etc. (Compas et al., 2001).

Des corrélations positives ont souvent été trouvées entre des événements négatifs et le niveau de dysfonctionnement psychique, physique, et social des adolescents sur le court et le long terme, notamment avec des problèmes de santé, la dépression, l’anxiété, des comportements délinquants, des tentatives de suicide, de l’absentéisme scolaire et des baisses de performance académique (Boekaerts, 1996; Compas, 1987 ).

Mais si les événements de vie négatifs semblent liés à l’ajustement des adolescents, la nature de ce lien semble encore peu claire, et certaines études prospectives ont montré que chez les adolescents, ces liens iraient plutôt de la symptomatologie aux événements de vie subséquents, c’est-à-dire que les symptômes seraient des prédicteurs d’événements de vie négatifs, et non le contraire (Compas, 1987).

Aussi, les tracas quotidiens semblent plus souvent évalués de manière négative par les adolescents que les événements de vie majeurs, et certains stresseurs chroniques, dont des tracas quotidiens et des conditions psychosociales de l’environnement, seraient plus encore que chez les adultes, des prédicteurs importants de symptomatologie (Compas, 1987). Ces différents résultats pourraient être résumés ainsi: des stresseurs chroniques prédisent la symptomatologie qui, elle, à son tour, prédit la survenue d’événements de vie négatifs.

Une autre hypothèse a été proposée par les chercheurs du “life span” mentionnés ci-dessus, selon laquelle lorsque des événements de vie sont vécus à un moment différent de celui où ils sont attendus, ils seraient à l’origine de tracas quotidiens qui eux causeraient de nombreux dysfonctionnements, faisant des tracas quotidiens des médiateurs de la relation entre les événements de vie et la symptomatologie (Compas, 1987).

De nombreuses données ont par ailleurs montré que les stratégies développées par les adolescents pour gérer les tracas quotidiens qu’ils rencontrent sont hautement prédictives de leur réponse de coping face à des événements de vie qui surviennent par la suite (Boekaerts, 1996). Ainsi la façon de gérer des tracas quotidiens serait tout aussi importante que la façon de gérer des événements de vie majeurs.

Enfin, si des liens ont été trouvés entre les différents types de stresseurs rencontrés à l’adolescence et certaines formes de dysfonctionnement, on sait également que grâce à l’interaction de plusieurs facteurs médiateurs, ces stresseurs peuvent donner lieu à une croissance positive (Compas, 1987).

Parmi ces facteurs médiateurs on trouve notamment la signification que prend l’événement pour l’individu (autrement dit son évaluation), ses ressources pour gérer l’événement ainsi que les efforts qui sont faits dans ce but (Compas, 1987). Il paraît donc important d’étudier le coping des adolescents, et ceci d’autant plus que l’adolescence est considérée comme une période critique pour la mise en place de programmes de prévention visant à améliorer les capacités de coping et ainsi à réduire les effets négatifs que certains événements pourraient avoir (Compas, 1987).

II.2.2 GÉNÉRALITÉS & PARTICULARITÉS DU COPING DES ADOLESCENTS

Le coping des adolescents a été appréhendé principalement au moyen de quatre méthodes, à savoir des questionnaires, des entretiens semi-structurés, des observations de comportements, et plus rarement, des rapports de personnes proches (Compas et al., 2001). Certains de ces outils portent sur un stresseur spécifique, tandis que d’autres mesurent un style de coping général (Compas et al., 2001). Si de manière générale les différentes approches employées par les chercheurs semblent similaires à celles qui sont utilisées pour l’étude du coping auprès d’adultes, les stresseurs ou les domaines de préoccupations relativement auxquels le coping est étudié ne sont probablement pas les mêmes, et les stratégies, ainsi que les dimensions de coping employées, semblent un peu différentes aussi.

Seiffge-Krenke (Seiffge-Krenke, 1995, p. 103) a regroupé les tracas quotidiens les plus fréquemment cités par les adolescents en sept domaines de préoccupations majeurs, à savoir le soi

ou le “self” (problèmes personnels), les relations intimes, les pairs, l’école, les parents, l’avenir, et enfin les loisirs.

Cet auteur a également mis en évidence vingt stratégies de coping fréquemment employées pour faire face à des situations de stress relevant de ces sept domaines ; elles sont citées ici dans l’ordre décroissant de leur utilisation, c’est-à-dire que les premières citées sont les plus souvent employées (Seiffge-Krenke, 1995, p. 110): Résoudre le problème avec l’aide d’amis, discuter du problème avec les parents ou d’autres adultes, penser au problème et essayer d’y trouver des solutions, essayer de parler du problème avec la personne directement concernée, parler tout de suite du problème dès qu’il apparaît et ne pas trop s’en faire, demander de l’aide et du réconfort aux personnes qui se trouvent dans une situation similaire, se dire qu’il y aura toujours des problèmes, faire des compromis, laisser sortir l’agressivité (mettre de la musique forte, conduire un moto, danser follement, sport, etc.), chercher de l’information dans des magasines ou des livres, accepter ses propres limites, s’attendre au pire, se comporter comme si de rien n’était, ne penser au problème que quand il apparaît, demander de l’aide à des professionnels, ne pas s’inquiéter parce que d’habitude tout finit par rentrer dans l’ordre, essayer de ne pas penser au problème, laisser sortir sa colère ou son désespoir en criant, pleurant, claquant des portes, etc., se retirer parce qu’on ne peut rien changer, et enfin essayer d’oublier le problème avec de l’alcool ou de la drogue.

Trois facteurs ou styles de coping ont été mis en évidence sur la base de ces stratégies, à savoir les copings actif, interne et de retrait (Seiffge-Krenke, 1995 ; Seiffge-Krenke & Shulman, 1990). Le coping actif consiste à mobiliser des ressources sociales pour résoudre le problème, le coping interne se réfère à l’évaluation du problème et à la recherche de solutions, le retrait reflète quant à lui une approche fataliste du problème et une incapacité momentanée de le résoudre (Seiffge-Krenke, 1995, p. 106). Il semblerait que cette structure factorielle soit comparable au concepts d’approche vs. évitement (Seiffge-Krenke & Shulman, 1990), ainsi qu’à ceux de coping centré sur le problème vs. centré sur l’émotion (Seiffge-Krenke, 1994). Plus précisément, les modes de coping actif et interne correspondraient selon cet auteur au coping centré sur le problème et à l’approche, tandis que le retrait serait équivalent à l’évitement et au coping centré sur l’émotion (Seiffge-Krenke, 1994; Seiffge-Krenke & Shulman, 1990 ).

La structure proposée par Frydenberg (Frydenberg, 1991, p. 7) pour résumer les stratégies les plus fréquemment employées par les adolescents paraît très semblable à celle de Seiffge-Krenke, et comporte aussi trois facteurs, comprenant respectivement des tentatives personnelles de résolution du problème, des stratégies basées largement sur le recours à autrui, à la fois pour gérer le problème et pour recevoir un soutien plutôt émotionnel, et enfin des stratégies caractérisées par le sentiment de ne pas “coper” (Frydenberg, 1991).

Seiffge-Krenke a par ailleurs montré que si les stratégies de coping utilisées pour faire face à un domaine de préoccupation sont relativement stables, les adolescents emploient différentes sortes de stratégies pour différents domaines de préoccupations (Boekaerts, 1996; Seiffge-Krenke, 1995).

Connor-Smith et collègues ont quant à eux distingué entre des stratégies de coping volontaires et des réponses involontaires (Connor-Smith, Compas, Wadsworth, Thomsen, & Saltzman, 2000).

Parmi les premières ils distinguent aussi trois facteurs: le coping d’engagement et de contrôle primaire, qui comprend la résolution de problèmes, l’expression et la régulation émotionnelle, le coping d’engagement et de contrôle secondaire, qui inclut la restructuration cognitive, la pensée positive, l’acceptation et la distraction, et enfin le coping de désengagement, qui englobe des stratégies comme le “wishful thinking”, l’évitement et le déni (Connor-Smith et al., 2000).

La complexité de ces trois modèles viendrait confirmer le fait que la distinction entre le coping centré sur le problème et le coping centré sur l’émotion, bien qu’elle soit très fréquemment utilisée, n’est pas adéquate pour rendre compte du coping des adolescents (Compas et al., 2001 ; Connor-Smith et al., 2000).

Si l’on considère les deux premières classifications décrites ici, il semblerait que la distinction entre les stratégies qui consistent à rechercher du support social et celles qui sont basées sur des efforts individuels soit très importante chez les adolescents, plus peut-être que celle qui distingue la gestion du problème de celle des émotions y relatives. Ainsi, les stratégies de coping observées chez les adolescents se distingueraient davantage par le type des moyens mis en œuvre (sociaux ou individuels) que par la fonction qu’elles remplissent (problème ou émotion).

En outre, la troisième dimension présente dans ces trois classifications, et qui est caractérisée par du retrait, semble différente de l’évitement observé chez les adultes (Parker & Endler, 1992), qui fait plus référence à de la distraction, ou à de la diversion sociale, et qui semble moins lié à la notion d’isolement, de retrait, voire de renoncement.

De ces différents modèles nous retiendrons que le coping des adolescents, tout comme celui des adultes, est multidimensionnel, mais que malgré quelques ressemblances d’ordre général, sa structure et son contenu ne sont pas tout à fait les mêmes. Aussi, il semblerait que d’une part, l’usage des différentes dimensions de coping, et d’autre part, sa structure, varient avec l’âge et le genre au sein même de la population adolescente.

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