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3. Promotion des femmes au sein du secteur du numérique : engagement,

3.1 Discours ambivalent des nouvelles écoles du numérique : l’exemple de

3.1.1 Simplon.co

Créé en 2013 par Andrei Vladescu, Erwan Kezzar et et Frédéric Bardeau, Simplon.co se présentait à ses débuts comme une « fabrique de codeurs entrepreneurs » et aujourd’hui comme des « fabriques labellisées Grande École du Numérique » qui proposent des formations numériques et inclusives. Considérée comme une ESS (Entreprise Sociale et Solidaire), Simplon se distingue des autres écoles du numérique en incarnant une mission sociale spécifique : former aux métiers du numérique, notamment au développement web, des personnes défavorisées qui sont sous-représentées dans le secteur du numérique (des personnes sans diplômes, au chômage, souffrant d’un handicap, des jeunes défavorisés ou encore récemment des femmes). A l’aide de l’analyse sémiotique de la page d’accueil de Simplon.co, nous montrerons comment, à première vue, les femmes ne semblent pas être une des cibles principales de cette école, un constat que nous relativiserons dans un second temps à l’aide d’un entretien qualitatif avec Claudine, ex-cheffe de projet du programme « Hackeuse » proposé par Simplon.co.

Les nouvelles écoles du numérique : un statut en définition

Afin de rendre l’analyse sémiotique de cette page internet plus lisible, nous avons découpé cette page d’accueil en huit grands axes. Par exemple, en annexe 26, le premier axe est la porte d’entrée pour les personnes intéressées par les formations qui vise aussi à élargir le réseau : « Deviens développeur.se web chez Simplon.co ».

Annexe 26 : Capture d’écran de la page d’accueil du site de Simplon.co (version intégrale disponible en annexe 26)

Nous pouvons noter l’utilisation de l’écriture inclusive dès le premier texte en ne disant pas seulement « développeur », sinon « développeur.se ». A première vue, il existe un flou sémantique qui entoure la présentation de Simplon.co sur son site internet et qui illustre un premier fait : le statut de ces nouvelles écoles du numérique serait en constante redéfinition, voire légitimation. En effet, la baseline proposée sur ce site ne nous renseigne pas sur le statut de Simplon. S’agit-il d’une entreprise ? D’une startup ? Pourquoi la mention ESS (Entreprise Sociale et Solidaire) n’est-elle pas mise en avant ? En effet, Simplon.co met majoritairement en avant des informations sur sa mission sociale : des « formations numériques et inclusives ». La présentation de Simplon apparait seulement au 3ème axe : « Simplon.co c’est un réseau de

fabriques solidaires et inclusives qui propose des formations gratuites aux métiers du numérique. » La légitimité de ce réseau est ainsi mise en avant avec un reportage réalisé par

Public Sénat, ce qui lui confère une certaine légitimité du fait d’être présenté par une chaîne publique d'information parlementaire et politique. Simplon s’incarne en particulier ici à travers le portrait centré sur les visages d’une femme souriante et d’un homme.

Une relation forte avec les entreprises : la mise en avant de la puissance d’un réseau d’élèves, futurs professionnels « employables »

A travers ce site, Simplon.co s’adresse à trois cibles présentées dès le deuxième axe à travers trois encarts : ceux qui veulent candidater aux formations (« Je veux candidater aux formations »), ceux qui veulent devenir partenaire (« Je veux devenir partenaire de Simplon ») ou ceux qui veulent rejoindre l’équipe (« Je veux rejoindre l’équipe »). Après avoir présenté ce

qu’était Simplon, le 4ème axe est réservé au réseau. Nous assistons alors à une mise en visibilité de la puissance du réseau via la représentation graphique de la carte de France et un langage de proximité « Simplon près de chez vous ».

La puissance du réseau fait notamment écho aux grands projets portés par Simplon qui sont présentés dans le 5ème axe: le premier Simplon Corp (qui accompagne les entreprises dans leur

transformation digitale, notamment à travers la reconversion de leurs employés), Simplon Prod (un atelier solidaire de fabrication digitale qui travaille avec des parties prenantes multiples (grands comptes, associations etc.) sur de l’innovation sociale) et DigitESS (un programme soutenu par AG2R qui accompagne les acteurs de l’ESS dans leurs projets de transformation digitale sur les territoires). Ainsi, il est intéressant de noter que les trois grands projets qui sont mis en avant s’adressent donc principalement à des entreprises.

Aussi, le 6ème axe est consacré non plus à des projets en cours sinon à des actualités (« Nos actualités »). On peut y trouver une mise en avant d’une initiative pour promouvoir les femmes, #100CodingGIRL : « Recrutez et formez avez nous 100 nouvelles développeuses pour booster

votre entreprise ». Il est intéressant de constater que cette initiative qui vise à promouvoir les

femmes développeuses ne s’adresse non pas à elles, sinon aux entreprises. Cette initiative est incarnée par l’image d’une femme qui porte un casque audio, qui semble « concentrée » et qui ne dégage pas d’émotions particulières. Elle est entourée par des couleurs sombres contrairement à la première image de femme qui incarnait Simplon en souriant avec des couleurs vives (3ème axe). En outre, le 7ème axe représente les chiffres clés sur le nombre de

« fabriques » dans le monde, de simplonien.ne.s dans le monde et les « sorties positives » qui connotent la qualité et la puissance du réseau ce qui pourrait être des éléments forts mis en avant pour promouvoir la solidité du réseau Simplon.co auprès des entreprises. Enfin, ce réseau est caractérisé par une forte volonté de créer un sentiment d’appartenance et de reconnaissance à travers le nom « Simploniennes etc. » qui peut favoriser la distinction avec les autres écoles du numérique ou encore, reconfigurent la notion « d’élèves ». Enfin, le 8ème axe « Nos

partenaires » est de nouveau un levier de légitimation qui s’illustre à travers un nuage de logos de grandes marques qui mettent en avant les partenariats de Simplon.co avec les entreprises.

Une promotion de formations accessibles à tous, et toutes ?

L’imaginaire de la page d’accueil du site de Simplon.co serait lié, comme nous l’avions vu par exemple dans le cas de Talents du numérique, à un imaginaire d’accessibilité aux métiers du numérique pour tous et toutes. En effet, il est intéressant de nous pencher sur l’image/vidéo

d’accueil du premier axe sur laquelle l’ensemble du texte est statique mais pas les noms des métiers qui se modifient sans qu’il n’y ait d’actions à faire de la part du visiteur de la page internet. Il est ainsi possible de devenir « Datartisant », « Hackeuse ! » ou encore « référent.e digital », ce qui évoque un univers des possibles avec les formations de Simplon qui ne sont pas cloisonnées à un métier du numérique en particulier. Simplon propose alors un imaginaire de l’accessibilité au secteur du numérique et incarne ainsi une porte d’entrée à la formation aux métiers du numérique en général. Cet imaginaire de l’accessibilité s’étend au travers de sa page d’accueil où tout est possible dans le numérique (des métiers divers), où l’on veut (représentation géographique de la puissance du réseau), de la manière que l’on souhaite (faire des formations, devenir formateur, ouvrir sa fabrique). Cet imaginaire reflète ainsi le contrat de lecture de Simplon et sa promesse : des « formations sociales et inclusives ». Néanmoins nous pouvons interroger la manière dont Simplon.co souhaite particulièrement ou non, promouvoir les femmes au sein de ses formations au numérique.

A première vue, Simplon met en avant les femmes dans le numérique dès le premier axe de sa page d’accueil à travers l’écriture inclusive (« Deviens développeur.se web chez Simplon.co »). Néanmoins, mise à part cette écriture inclusive et la présentation des programmes axés vers les femmes, nous pourrions supposer que Simplon ne met pas directement en avant ses actions pour promouvoir les femmes. En effet, il n’y a pas d’onglet spécifique ou visible à première vue pour promouvoir les femmes dans le numérique et il faut atteindre le sixième axe de la page d’accueil pour voir une première initiative, #100CodingGIRL qui ne s’adresse non pas aux développeuses, mais aux entreprises : « #100CodingGIRLS : envoyez un signal fort en faveur de la parité dans le numérique. Recrutez et formez avec nous 100 nouvelles développeuses pour booster votre entreprise. » peut-on lire en titre de présentation de cette initiative. Il faut se rendre dans le sous-onglet « Nos programmes » de l’onglet « A propos », pour retrouver les initiatives que Simplon met en place pour promouvoir les femmes dans le numérique. Il est donc possible de s’interroger sur une tension qu’il y aurait entre la mission sociale de Simplon, qui est des proposer des « formations sociales et inclusives » et sa communication sur la promotion des femmes dans le numérique à travers la cible des entreprises.

Pour conclure, il s’agit d’un site qui n’est pas saturé de signes sémiotiques et qui paraît assez sobre en termes de couleurs (comparé au site de l’association Elles Bougent par exemple). Les textes sont représentés dans des encarts très carrés et organisés tel un rubik’s cube statique, qui connotent un certain cartésianisme et l’univers du code. Ce site semble moins innovant que celui de Talents du numérique par exemple, dans le sens où il va répondre à une mission sociale

et des enjeux différents : inciter des hommes et femmes issus de milieux défavorisés ou « exclus socialement » à se réinsérer socialement à travers leurs formations au numérique. Pour ce faire, Simplon.co utilise le levier de son site internet pour mettre en avant dans un premier temps, le sentiment d’appartenance à un solide réseau (ton et relation de proximité et de symétrie avec l’utilisateur, nom d’appartenance « Simplonien.nes. ») et dans un second temps promouvoir et faire évoluer son réseau solide de professionnels en s’adressant aux entreprises (puissance du réseau en chiffres et représentation géographique de l’étendue de celui-ci).

Nous pouvons ainsi noter deux tensions principales qui émanent sur ce site : la première concerne les cibles de Simplon, dont la cible principale serait les personnes qui veulent se former (informations sur les formations, « Je veux candidater aux formations », carte du réseau de Simplon…). La cible secondaire serait les entreprises (légitimation via logos des partenaires et la presse, mise en avant des programmes avec eux, des chiffres etc.). Enfin, la seconde tension liée à ce site est la définition du statut de cette « nouvelle école du numérique ». En effet, on ne retrouve ou ne comprend pas forcément directement le statut de Simplon qui se présente comme un « réseau de fabriques solidaires et inclusives ». S’agit-il d’une entreprise, startup, association ou autre ? Nous pouvons supposer que le fait de se présenter à travers la notion de réseau dénote cette seconde tension sur la relation que Simplon entretient avec sa mission sociale et ses cibles, à savoir les personnes à former et les entreprises à convaincre. En outre nous approfondirons la notion d’engagement de Simplon.co à travers un entretien qualitatif dans un dernier temps.

Quid des autres nouvelles écoles de formations au numérique ? Véhiculent-elles également cette tension en termes de définition de statuts et de légitimité par rapport aux écoles traditionnelles d’ingénieurs par exemple ? En outre, dans quelle mesure la promotion des femmes au sein de leurs formations pourrait-être un levier de visibilité (voire une « image de marque ») ou un « réel engagement » ? Afin d’étudier cette double tension, nous allons nous intéresser au site internet de la Wild Code School.